CHAPITRE 20 Item 347 – Rétention aiguë d’urine
I. Pour comprendre
II. Diagnostic
III. Prise en charge
IV. Étiologies
Situations de départ
Douleur abdominale
Diminution de la diurèse
Anomalie de la miction
Rétention aiguë d’urine
Hématurie
Explication préopératoire et recueil de consentement d’un geste invasif diagnostique ou thérapeutique
Évaluation et prise en charge de la douleur aiguë
Prévention des infections liées aux soins
Hiérarchisation des connaissances
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Rubrique |
Intitulé |
Descriptif |
Définition |
Connaître la définition de la rétention aiguë d’urine |
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Physiopathologie |
Connaître la physiopathologie de la rétention aiguë d’urine |
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Étiologie |
Connaître les principales causes de rétention aiguë d’urine |
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Diagnostic positif |
Connaître les éléments cliniques de la rétention aiguë d’urine |
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Diagnostic positif |
Connaître les présentations cliniques atypiques de rétention aiguë d’urine |
Patient âgé, diabétique, blessé médullaire, sédaté |
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Diagnostic positif |
Connaître les signes cliniques distinguant la rétention aiguë d’urine de l’anurie |
Connaître les éléments cliniques permettant d’identifier le diagnostic différentiel de la rétention aiguë d’urine |
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Examens complémentaires |
Connaître le bilan initial d’une rétention d’urine |
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Examens complémentaires |
Connaître les indications et les examens biologiques de première intention |
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Identifier une urgence |
Connaître les éléments de gravité en cas de rétention aiguë d’urine |
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Prise en charge |
Connaître les indications respectives du sondage vésical et du cathétérisme sus-pubien |
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Prise en charge |
Connaître la prise en charge en urgence de la rétention aiguë d’urine |
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Vignette clinique
Un patient de 65 ans consulte aux urgences pour une douleur abdominale et une impossibilité d’uriner malgré une envie importante depuis 4 heures. Il a comme antécédents une hypertrophie bénigne de la prostate et une arythmie cardiaque par fibrillation atriale. Ses traitements à domicile sont un alpha-bloquant, un bêtabloquant et un anticoagulant oral direct.
À l’interrogatoire, le patient vous décrit une majoration de la dysurie et de la pollakiurie depuis une semaine sans fièvre ni hématurie. Mais surtout la survenue brutale d’une envie irrépressible et douloureuse d’uriner sans y parvenir.
À son arrivée aux urgences, ses constantes sont : tension artérielle à 150/90 mmHg, fréquence cardiaque à 120 battements par minute (tachycardie), température à 37,1 °C.
L’examen clinique révèle une voussure hypogastrique et une matité sus-pubienne (globe vésical). Le toucher rectal retrouve une prostate volumineuse, souple et non douloureuse, sans fécalome associé.
Vous faites le diagnostic d’une rétention aiguë d’urine sur hypertrophie bénigne de la prostate. Avant tout examen complémentaire, vous réalisez un drainage urinaire par une sonde vésicale simple courant Charrière 18 en urgence. La pose d’un cathéter sus-pubien est contre-indiquée chez ce patient du fait de la prise d’anticoagulant. Le sondage permet de drainer 650 ml d’urines claires et de soulager instantanément la douleur. Il ne survient ni syndrome de levée d’obstacle, ni hématurie a vacuo à la suite du drainage. Suite au sondage, vous prescrivez un dosage de la créatininémie, un ionogramme sanguin et un ECBU. Les examens sont normaux. Devant le diagnostic de rétention aiguë d’urine non compliquée, vous décidez de laisser rentrer le patient à domicile le jour même (prise en charge ambulatoire).
Vous prescrivez au patient une échographie rénale vésicale prostatique (bilan étiologique de 1re intention) et des soins de sonde vésicale. Une consultation avec un urologue sera prévue pour une tentative d’ablation de sonde vésicale et pour traiter l’hypertrophie bénigne de la prostate.
I. Pour comprendre
A. Définitions
La rétention aiguë d’urine est l’impossibilité totale et brutale d’uriner malgré la réplétion vésicale.
Elle s’accompagne d’une envie pressante et douloureuse d’uriner.
Elle traduit le plus souvent la présence d’un obstacle sous-vésical empêchant l’évacuation des urines. Le diagnostic est généralement facile sur la constatation clinique du globe vésical.
Un globe vésical se définit comme une masse sus-pubienne, douloureuse, à convexité supérieure et mate à la percussion. Le globe vésical correspond à une vessie douloureuse et tendue.
B. Prise en charge en urgence
Le drainage vésical s’impose en urgence, soit par sondage vésical soit par cathétérisme sus-pubien. Aucun examen complémentaire n’est requis en urgence avant le drainage : la douleur impose un drainage rapide.
C. Physiopathologie
La rétention aiguë d’urine est une pathologie essentiellement masculine en dehors du contexte de vessie neurologique.
Une miction normale nécessite :
- un réservoir (la vessie), capable de se remplir facilement (compliance) et de se contracter efficacement (le muscle vésical s’appelle le détrusor) ;
- une filière urétrale (col vésical, prostate, sphincter strié, urètre) permettant à la fois la continence (entre les mictions) et le libre passage des urines (durant la miction) ;
- un système nerveux qui contrôle à la fois les phases de remplissage de la vessie et les phases per- et post-mictionnelles, en permettant notamment que la vessie se contracte après que le sphincter urinaire se soit parfaitement relâché (synergie vésicosphinctérienne).
La rétention aiguë d’urine peut donc résulter :
- d’un obstacle sous-vésical (le plus souvent) ;
- d’une altération de la commande neurologique ;
- d’un défaut de contraction vésicale (plus rarement).
II. Diagnostic
A. Interrogatoire
L’interrogatoire doit permettre de préciser : les circonstances d’apparition, les signes associés (fièvre, hématurie), les signes fonctionnels urinaires préexistants, la douleur du patient (localisation et intensité), les épisodes antérieurs de rétention aiguë d’urine, les antécédents urologiques, les autres antécédents (neurologiques notamment) et les traitements en cours.
1. Circonstances d’apparition et signes associés à rechercher lors de l’interrogatoire
- Circonstances d’apparition (spontanée ou favorisée par des circonstances extérieures comme une anesthésie générale ou locorégionale).
- Dysurie, signes fonctionnels urinaires, brûlures mictionnelles.
- Hyperthermie, frissons.
- Hématurie macroscopique.
2. Antécédents urologiques à rechercher
- Épisodes antérieurs de rétention aiguë d’urine.
- Hypertrophie bénigne de la prostate (HBP).
- Cancer de la prostate.
- Sténose urétrale (traumatisme urétral, urétrite, notion de sondages traumatiques).
- Intervention urologique endoscopique (résection endo-urétrale de la prostate, résection endo-urétrale de la vessie, incision endoscopique du col de la vessie).
- Prostatite, infection urinaire basse.
- Cancer de la vessie.
3. Antécédents neurologiques à rechercher
- Lésion médullaire, syndrome de la queue-de-cheval.
- Sclérose en plaques.
- Spina bifida.
- Syndrome parkinsonien.
- Neuropathie périphérique (diabétique, éthylique, autres).
- Lésion cérébrale (accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien, tumeur cérébrale).
4. Traitements en cours
- Médicaments pouvant induire une rétention aiguë d’urine (cf. infra).
- Médicaments pouvant gêner le traitement de la rétention aiguë d’urine :
– antiagrégants plaquettaires ;
– anticoagulants (antivitamine K, héparine, anticoagulants oraux directs).
B. Examen physique
1. Tableau typique
- Présentation : patient algique, anxieux, agité, avec une envie permanente et douloureuse d’uriner sans y parvenir.
- Palpation abdominale, on retrouve :
– un globe vésical avec une masse sus-pubienne douloureuse (dans la plupart des cas), la palpation de la vessie augmente la douleur et l’envie d’uriner ;
– une voussure à convexité supérieure ;
– une matité à la percussion sus-pubienne.
- Touchers pelviens (chez l’homme : réaliser un toucher rectal ; chez la femme : réaliser un toucher vaginal et un toucher rectal) :
– chez l’homme : le toucher rectal permet de rechercher une hypertrophie bénigne de la prostate et d’évaluer le volume de la prostate (typiquement une prostate augmentée de volume, ferme, indolore, avec disparition du sillon médian). Il permet aussi de rechercher des signes de prostatite aiguë (prostate douloureuse) et de rechercher un cancer de la prostate (nodule dur et indolore ou prostate pierreuse voire un blindage pelvien) ;
– chez la femme : le toucher vaginal permet de rechercher une tumeur gynécologique, un prolapsus génital et d’estimer la trophicité des tissus vaginaux ;
– chez la femme comme chez l’homme : le toucher rectal permet de rechercher un fécalome (cause isolée possible de rétention par distension de l’ampoule rectale) et de rechercher une pathologie associée de l’ampoule rectale (hémorroïdes, tumeur du rectum, etc.).
- Examen des organes génitaux externes :
– rechercher un phimosis serré chez l’homme ;
– rechercher une sténose du méat urétral (homme et femme) ;
– une orchiépididymite peut parfois être associée à une prostatite aiguë.
2. Cas particuliers
Parfois, la symptomatologie peut être plus fruste rendant le diagnostic plus difficile chez les patients suivants :
- les personnes âgées : confusion, désorientation temporospatiale, agitation, anxiété, dyspnée. Il faut systématiquement rechercher un fécalome lors du toucher rectal ;
- les patients diabétiques : hypoesthésie vésicale avec rétention indolore ;
- les patients blessés médullaires (atteinte complète au-dessus de T6) : l’hyperréflexie autonome peut être le seul symptôme de rétention aiguë d’urine ;
- les patients sédatés (anesthésie générale, rachianesthésie) : la rétention aiguë d’urine peut être indolore.
3. Diagnostique différentiel : l’anurie
Elle correspond à une absence de sécrétion d’urine par les reins. La vessie est alors vide. Cliniquement, il n’y a pas de globe vésical, pas d’envie d’uriner, pas de douleur pelvienne associée. Une insuffisance rénale aiguë lui est associée.
C. Examens complémentaires
Deux temps sont à distinguer : le bilan en urgence et le bilan étiologique. Le bilan étiologique a lieu à distance de l’épisode aigu.
1. Aux urgences
Avant drainage
- Aucun examen complémentaire n’est requis en urgence avant le drainage : la douleur impose un drainage rapide.
- En cas d’indication de drainage par cathéter sus-pubien, il faut discuter :
– un bilan d’hémostase (en cas de suspicion de troubles de l’hémostase ou en cas de prise de traitement anticoagulant) ;
– une échographie vésicale. Indispensable en cas de doute clinique sur le diagnostic de rétention aiguë d’urine (méfiance chez les patients obèses, chez les personnes âgées confuses et dans un contexte de pathologie neurologique).
Après drainage
- Examen cytobactériologique des urines (ECBU) systématique.
- Créatinémie, ionogramme sanguin.
- Échographie du haut appareil en cas de fièvre ou d’insuffisance rénale aiguë, afin de rechercher une dilatation urétéropyélocalicielle ou des signes de pyélonéphrite. Si l’on retrouve une dilatation des cavités pyélocalicielles au moment de la rétention aiguë d’urine, il faudra s’assurer de la disparition de cette dilatation sur une échographie ultérieure. La persistance de la dilatation signe le caractère chronique de la rétention et doit inciter à une prudence particulière sur le risque de syndrome de levée d’obstacle (cf. infra).
- Jamais de dosage de PSA (prostate-specific antigen) dans ce contexte (fausse élévation).
2. Bilan étiologique
Le bilan étiologique ne doit être réalisé que secondairement. La priorité est la dérivation des urines en urgence.
- Échographie vésicoprostatique par voie sus-pubienne qui permet :
– la recherche d’un résidu post-mictionnel (si aucune sonde urinaire n’est en place) ;
– l’évaluation du retentissement vésical : présence de diverticules vésicaux, d’un épaississement pariétal, de lithiase vésicale ;
– la recherche de tumeurs vésicales en cas d’hématurie (mais cela ne dispense pas de la réalisation d’une fibroscopie urétrovésicale en cas d’hématurie) ;
– la recherche un lobe médian prostatique et d’une protrusion prostatique intravésicale ;
– l’évaluation du volume prostatique (possibilité d’effectuer une échographie endorectale pour une évaluation plus précise).
- Débitmétrie : à distance de l’épisode de rétention et en l’absence de sonde vésicale.
- Urétrocystoscopie (fibroscopie urétrovésicale) :
– bilan obligatoire en cas d’hématurie macroscopique associée ;
– indispensable aussi en cas de difficultés de sondage : recherche d’une sténose urétrale.
- Plus rarement :
– urétrocystographie rétrograde et mictionnelle : bilan de sténose urétrale ou de traumatisme urétral ;
– bilan urodynamique : en cas de pathologie neurologique sous-jacente.
III. Prise en charge
C’est une urgence thérapeutique (fig. 20.1 et 20.2). Un drainage vésical doit être réalisé en urgence. Le drainage vésical permet la disparition du globe vésical et de la douleur.
La prise en charge est réalisée en ambulatoire en cas d’absence d’élément de gravité (hématurie, fièvre, syndrome de levée d’obstacle, insuffisance rénale). Dans le cas contraire une hospitalisation est nécessaire.
Le drainage des urines peut se faire :
- par les voies naturelles : sonde vésicale;
- par voie percutanée : cathéter sus-pubien.
Fig. 20.1. Algorithme de prise en charge d’une rétention aiguë d’urine.
Quelle que soit la modalité de drainage, il faut systématiquement :
- relever le volume contenu dans la vessie au moment de la rétention (meilleur pronostic si inférieur à 600 ml) ;
- surveiller la diurèse horaire à la recherche d’un syndrome de levée d’obstacle ;
- prévenir l’hématurie a vacuo.
Fig. 20.2. Sonde urinaire double courant (A), sonde urinaire simple courant (B), cathéter sus-pubien (C).
A. Sondage urinaire à demeure (sondage vésical)
Le sondage vésical est le mode drainage le plus fréquemment utilisé. C’est une méthode simple. Il existe néanmoins un risque de lésion urétrale lors de sa pose pouvant évoluer secondairement vers une sténose urétrale.
1. Modalités de mise en place d’une sonde urinaire
- Sonder dans des strictes conditions d’asepsie et de stérilité.
- Utiliser du gel lubrifiant en seringue.
- Maintenir un système clos : interdiction de déconnecter la sonde vésicale du système de drainage.
- Utiliser des sondes à double courant si une irrigation est nécessaire (en cas d’hématurie macroscopique).
- Instaurer un drainage vésical déclive en permanence pour éviter toute stase urinaire.
- Prélever de manière rigoureusement aseptique les urines pour un examen cytobactériologique.
- Éviter les sondes de petit calibre en première intention, (utiliser une sonde Charrière 18-20 chez les hommes susceptibles d’avoir une HBP et une sonde Charrière 14-16 chez les femmes).
- Utiliser de l’eau pour préparation injectable pour gonfler le ballonnet de la sonde urinaire. Ne pas utiliser de sérum physiologique pour gonfler le ballonnet : le chlorure de sodium peut cristalliser et empêcher le dégonflage du ballonnet par la suite ; ballon gonflé à 8-10 ml habituellement.
- Toujours recalotter le malade en fin de geste (risque de paraphimosis).
2. Contre-indications du sondage vésical
- B Sténose urétrale.
- Traumatisme de l’urètre, notamment en cas de polytraumatisme (fracture du bassin associée à une urétrorragie).
- Prostatite aiguë (contre-indication relative, possibilité de sondage si le patient est apyrétique et après mise en route d’une antibiothérapie).
- Présence d’un sphincter urinaire artificiel (contre-indication relative) : sondage vésical uniquement en cas de contre-indication absolue au cathéter sus-pubien. Nécessité de désactivation préalable du sphincter et de mettre une sonde de petit calibre (Charrière 14) avec un risque majoré d’érosion de la manchette urétrale du sphincter.
B. Cathétérisme sus-pubien
Le cathéter sus-pubien constitue une excellente méthode de drainage des urines, dont les avantages sont les suivants :
- pas de risque de fausse route urétrale ;
- épreuve de clampage possible pour juger de la reprise mictionnelle ;
- moins de complications locales au long cours ;
- bon système de drainage à moyen terme.
1. Modalités de mise en place d’un cathéter sus-pubien
- Indication en cas d’échec ou de contre-indication au sondage vésical.
- Toujours s’assurer de l’existence d’un globe vésical avant de mettre en place un cathéter sus-pubien. En l’absence de globe, il y a un risque élevé de perforation d’une anse intestinale.
- C’est un acte médical.
- Informer le patient, lui expliquer le principe du soin et son utilité, le rassurer.
- Strictes conditions d’asepsie et de stérilité.
- Repérage du point de ponction qui est situé à l’intersection de deux lignes : la ligne médiane de l’abdomen et la ligne horizontale située à deux travers de doigts au-dessus de la symphyse pubienne.
- Sous anesthésie locale (lidocaïne 1 %).
- Incision cutanée.
- Introduction du trocart dans le globe vésical.
- Mise en place du cathéter sus-pubien dans la vessie par la lumière du trocart.
- Ablation du trocart et fixation du cathéter à la peau.
2. Contre-indications du cathéter sus-pubien
- Absence de globe vésical (contre-indication absolue).
- Pontage vasculaire extra-anatomique en région sus-pubienne (fémoro-fémoral croisé) (contre-indication absolue).
- Antécédents de cancer de la vessie (risque d’essaimage du cancer dans la paroi) (contre-indication absolue).
- Hématurie macroscopique (risque de cancer de vessie méconnu et risque d’obstruction du cathéter par des caillots).
- Troubles de l’hémostase, patients sous anticoagulant.
- Cicatrices de laparotomie (contre-indication relative, il faut s’assurer avec une échographie qu’il n’y ait pas d’anse digestive intercalée entre la vessie et la paroi).
C. Épreuve d’ablation de sonde
Quelques jours après l’épisode de rétention, sera organisée une épreuve d’ablation de sonde vésicale (ou de clampage de cathéter), sous réserve que la cause ait été diagnostiquée et traitée. Pour majorer les chances de reprise des mictions chez l’homme, un traitement α-bloquant sera mis en place et ce d’autant plus qu’une hypertrophie prostatique est impliquée dans le mécanisme de la rétention. Lors de cette épreuve d’ablation de sonde, une mesure du résidu post-mictionnel sera réalisée et un avis spécialisé sera habituellement demandé.
D. Éléments de gravité – Formes compliquées
En cas de rétention aiguë d’urine associée à un élément de gravité, la prise en charge du patient nécessite une hospitalisation.
Les éléments de gravité en cas de rétention aiguë d’urine sont les suivants.
1. Fièvre
Une prostatite sera recherchée (BU/ECBU). Une hospitalisation et une antibiothérapie probabiliste puis adaptée sont nécessaires.
2. Insuffisance rénale aiguë
La rétention aiguë d’urine peut avoir un retentissement sur le haut appareil urinaire par l’augmentation de la pression intravésicale et du reflux des urines vers celui-ci. On peut observer alors une dilatation bilatérale des voies excrétrices supérieures à l’imagerie et une augmentation de la créatininémie.
L’insuffisance rénale régresse rapidement après drainage vésical. La dilatation des cavités pyélocalicielles peut persister pendant quelques semaines.
3. Hématurie
En cas d’hématurie préexistante ou associée à une rétention aiguë d’urine, un sondage vésical et des lavages par une sonde double courant seront réalisés.
4. Syndrome de levée d’obstacle
Le syndrome de levée d’obstacle (SLO) peut survenir après dérivation des urines. Il est favorisé par une insuffisance rénale aiguë obstructive due à la rétention aiguë d’urine. Du fait de l’augmentation de pression dans les cavités rénales, les reins vont surcompenser afin de maintenir une diurèse. Après dérivation des urines, cette surcompensation va persister quelque temps induisant une polyurie avec risque de déshydratation. La diurèse doit donc être surveillée toutes les heures après dérivation des urines. La polyurie peut parfois être majeure avec un volume supérieur à un litre par heure ; la déshydratation consécutive peut engager le pronostic vital du patient. Une réhydratation parentérale en adaptant les entrées aux sorties doit être mise en place en cas de polyurie liée à un SLO.
5. Hématurie a vacuo
En cas de vidange vésicale trop rapide, il peut survenir une hématurie macroscopique, appelée hématurie a vacuo. Cette hématurie est favorisée en cas de troubles de l’hémostase ou de traitements anticoagulants. Il est conseillé de réaliser une vidange vésicale progressive.
6. Vessie claquée
La distension détrusorienne peut aboutir à un claquage musculaire du détrusor : la vessie perd alors ses capacités contractiles. C’est la raison pour laquelle il peut être nécessaire d’attendre quelques jours à quelques semaines avant de tenter d’enlever une sonde à demeure.
Les altérations de la paroi vésicale peuvent aboutir au développement de diverticules vésicaux. Ces altérations peuvent favoriser des récidives de rétention aiguë d’urine ou le développement de rétention chronique d’urine.
IV. Étiologies
Les rétentions aiguës d’urine peuvent avoir des causes :
- mécaniques : liées à une obstruction prostatique chez l’homme (hypertrophie bénigne de la prostate, prostatite aiguë, cancer de la prostate), une sténose urétrale, un traumatisme de l’urètre, une hématurie macroscopique caillottante, un calcul de vessie, un prolapsus génital (chez la femme) ;
- fonctionnelles : réflexes par pathologie anorectale (fécalome, hémorroïdes), causes neurologiques centrales, causes neurologiques périphériques, cystite aiguë (chez la femme) ;
- iatrogènes et médicamenteuses.
A. Hypertrophie bénigne de la prostate
L’incidence annuelle de la rétention aiguë d’urine dans les populations de patients présentant une HBP symptomatique a été évaluée entre 0,4 et 6 %.
L’âge et la sévérité des symptômes apparaissent comme des facteurs augmentant le risque de rétention aiguë d’urine.
L’ablation de la sonde peut être tentée après 48 heures de traitement par α-bloquant (si le patient n’était pas déjà traité). En l’absence de facteur de risque lors de l’épisode de rétention, le risque de récidive se situe aux alentours de 50 %.
Une intervention chirurgicale sera discutée d’emblée en cas d’HBP compliquée ou sévère ou en cas d’échec de désondage.
B. Prostatite aiguë
La prostatite aiguë est une infection urinaire parenchymateuse de la prostate. Elle peut être favorisée par l’HBP chez l’homme de plus de 50 ans ou par une infection sexuellement transmissible (IST) chez l’homme jeune. Dans tous les cas, il faut dériver les urines, préférentiellement par un cathéter sus-pubien et instaurer une antibiothérapie adaptée à l’ECBU pendant 14 jours.
L’utilisation d’un α-bloquant peut être proposée pour permettre la résolution de l’épisode de rétention. Le traitement par α25-bloquant peut être prolongé dans le cadre de la prise en charge d’une HBP.
C. Cancer de la prostate
Le cancer de la prostate ne provoque une rétention aiguë d’urine qu’en cas de stade localement avancé (stade T3 ou T4). Le toucher rectal révèle alors une prostate « pierreuse » et une infiltration locale voire un envahissement pelvien.
D. Causes neurologiques
1. Centrales
- Sclérose en plaques.
- Compression/lésion médullaire.
- Lésions congénitales de la moelle (ex. : spina bifida).
- Syndrome parkinsonien.
- Lésion cérébrale (accident vasculaire cérébral, trauma crânien, tumeur cérébrale).
2. Périphériques
- Neuropathie périphérique (diabétique, alcoolique, autres).
- Chirurgies lourdes d’exentération pelvienne (tumeur de lésions étendues du rectum, de l’utérus, chirurgie d’endométriose pelvienne profonde).
- Syndrome de la queue-de-cheval.
E. Causes médicamenteuses
1. Anticholinergiques
De nombreuses spécialités pharmaceutiques ont des effets anticholinergiques directs ou secondaires :
- collyre mydriatique : atropine, cyclopentolate, tropicamide, etc. ;
- anticholinergiques utilisés en urologie pour traiter l’instabilité vésicale : oxybutynine, toltérodine, trospium ;
- neuroleptiques, en particulier les phénothiazines : halopéridol, zuclopenthixol, chlorpromazine, etc. ;
- antidépresseurs tricycliques imipraminiques (première génération) ;
- certains antiparkinsoniens : bipéridène, trihexyphénidyle, tropatépine ;
- antalgiques d’usage courant : néfopam ;
- bronchodilatateurs bêtamimétiques à action secondaire anticholinergique ou associés à un anticholinergique ;
- antihistaminiques utilisés comme antitussifs, comme sédatifs (hydroxyzine), comme antiallergiques ou encore dans la prévention du mal des transports.
Ces produits exposent à un risque élevé de rétention surtout si on les prescrit chez un patient ayant déjà une rétention chronique avec un résidu post-mictionnel supérieur à 100 ml.
2. Morphiniques
- Au cours des rachianesthésies et des anesthésies péridurales (le plus souvent).
- Forte dose par voie orale, sous-cutanée ou intraveineuse (analgésie, ou toxicomanie).
3. Autres traitements (moins fréquents)
- Les sympathomimétiques : phénylpropanolamine, pseudoéphédrine, phényléphrine, éphédrine (vasoconstricteurs nasaux).
- Les β-2-mimétiques : salbutamol, terbutaline.
- Les inhibiteurs calciques.
F. Sténose de l’urètre
- L’étiologie des sténoses de l’urètre peut être :
– post-traumatique ;
– iatrogène (compliquant un sondage urétral traumatique ou une chirurgie endoscopique urologique) ;
– post-infectieuse (urétrite sur IST).
- La dérivation des urines doit se faire par cathéter sus-pubien. Le sondage urétral risque d’aggraver les lésions.
- Le bilan lésionnel devra comporter une urétrocystographie rétrograde et mictionnelle (UCRM) permettant de déterminer la localisation et la longueur de la sténose.
G. Traumatisme de l’urètre
Le contexte est souvent celui d’un polytraumatisme avec lésion du bassin associée à une urétrorragie. Il est contre-indiqué de tenter un sondage urétral. Un cathéter sus-pubien devra être mis en place d’emblée. La prise en charge du traumatisme de l’urètre est souvent différée. Une UCRM sera réalisée au préalable.
H. Caillotage vésical
- Nécessite la pose d’une sonde vésicale double courant de gros calibre (22 ou 24 Ch) pour réaliser un lavage vésical continu jusqu’à éclaircissement des urines.
- Un décaillotage peut être nécessaire, soit au lit du malade, soit au bloc opératoire par voie endoscopique en cas de caillotage majeur.
- Un bilan étiologique d’hématurie macroscopique devra être effectué à l’arrêt du saignement.
I. Autres causes de rétention aiguë d’urine
- Prolapsus génital chez la femme : réduire le prolapsus.
- Fécalome : à évacuer.
- Phimosis serré : en cas d’impossibilité de mettre une sonde vésicale, il faut recourir à un cathéter sus-pubien et réaliser une posthectomie (circoncision) dans un second temps.
Pour en savoir plus
Descazeaud A, Robert G, Delongchamps NB, et al. Comité des troubles mictionnels de l’homme de l’association française d’urologie. Bilan initial, suivi et traitement des troubles mictionnels en rapport avec hyperplasie bénigne de prostate : recommandations du CTMH de l’AFU. Prog Urol 2012 ; 22 : 977-88.
www.urofrance.org/base-bibliographique/bilan-initial-suivi-et-traitement-des-troubles-mictionnels-enrapport-avec
Gratzke C, Bachmann A, Descazeaud A, et al. EAU Guidelines on the assessment of non-neurogenic male lower urinary tract symptoms including benign prostatic obstruction. Eur Urol 2015 ; 67 : 1099-1109.
https://uroweb.org/wp-content/uploads/EAU-Guidelines-Management-of-non-neurogenic-male-LUTS-2016-1.pdf
Résumé
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Définition de la rétention aiguë d’urine : impossibilité totale et brutale d’uriner malgré la réplétion vésicale. S’accompagne d’une envie pressante et douloureuse d’uriner |
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Physiopathologie de la rétention aiguë d’urine Peut donc résulter : – d’un obstacle sous-vésical (le plus souvent) – d’une altération de la commande neurologique – d’un défaut de contraction vésicale (plus rarement) |
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Principales causes de rétention aiguë d’urine : hypertrophie bénigne de la prostate, prostatite aiguë, cancer de la prostate, vessie neurologique, iatrogénie médicamenteuse, sténose de l’urètre, caillotage vésical sur hématurie macroscopique, prolapsus génital chez la femme, fécalome, phimosis serré |
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Éléments cliniques de la rétention aiguë d’urine : douleur abdominale sus-pubienne intense, envie pressante et douloureuse d’uriner, globe vésical (masse sus-pubienne douloureuse, à convexité supérieure, mate à la percussion) |
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Présentations cliniques atypiques de rétention aiguë d’urine : – personnes âgées : confusion, désorientation temporospatiale, agitation, anxiété, dyspnée ; systématiquement rechercher un fécalome – patients diabétiques : hypoesthésie vésicale avec rétention indolore – patients blessés médullaires : rétention urinaire indolore avec hyperréflexie autonome – patients sous anesthésie : rétention urinaire indolore |
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Signes cliniques distinguant la rétention aiguë d’urine de l’anurie : – absence de sécrétion d’urine par les reins – vessie vide. Pas de globe vésical, pas d’envie d’uriner, pas de douleur pelvienne associée – insuffisance rénale aiguë associée |
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Bilan initial d’une rétention d’urine : – aucun examen complémentaire en urgence avant le drainage – échographie abdominale ou « BladderScan® » en cas de doute diagnostique |
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Indications et examens biologiques de première intention : – ECBU après drainage, créatinémie, ionogramme sanguin – jamais de dosage de PSA en urgence |
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Indications et les examens d’imagerie de première intention : – échographie abdominale ou « BladderScan® » en cas de doute diagnostique – échographie du haut appareil à la recherche d’une dilatation urétéropyélocalicielle et également des signes de pyélonéphrite |
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Éléments de gravité en cas de rétention aiguë d’urine : – fièvre – insuffisance rénale aiguë – hématurie – syndrome de levée d’obstacle – hématurie a vacuo – vessie claquée et rétention chronique d’urine |
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Indications respectives du sondage vésical et du cathétérisme sus-pubien : – indication d’un sondage urétral si cathéter sus-pubien contre-indiqué : en cas d’absence de globe, d’anticoagulation efficace, de cancer de vessie, de pontage croisé – indication d’un cathéter sus-pubien si sondage urétral contre-indiqué : en cas de traumatisme de l’urètre, de sténose de l’urètre, de prostatite aiguë ou de sphincter artificiel urinaire |
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Prise en charge en urgence de la rétention aiguë d’urine : – urgence thérapeutique – elle se traite par la vidange vésicale : – par les voies naturelles : sonde vésicale – par voie percutanée : cathéter sus-pubien Systématiquement : – relever le volume contenu dans la vessie au moment de la rétention – surveiller la diurèse horaire – prévenir le syndrome de levée d’obstacle et l’hématurie a vacuo |
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ECBU : examen cytobactériologique des urines ; PSA : prostate-specific antigen. |
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- CHAPITRE 21 Item 348 – Insuffisance rénale aiguë – Anurie
- Item 38 – Stérilité du couple : conduite de la première consultation
- CHAPITRE 3 Items 40, 41 – Algies pelviennes chez la femme : le syndrome de la douleur vésicale
- CHAPITRE 4 Item 44 – Tuméfaction pelvienne chez la femme
- CHAPITRE 5 Item 50 – Pathologie génitoscrotale chez le garçon et chez l’homme
- CHAPITRE 6 Item 58 – Sexualité normale et ses troubles
- CHAPITRE 7 Item 124 – Andropause (syndrome de déficit en testostérone lié à l’âge)
- CHAPITRE 8 Item 125 – Troubles de la miction et incontinence urinaire de l’adulte et du sujet âgé