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CHAPITRE 11 Item 161 – Infections urinaires de l’adulte et de l’enfant

I. Définitions

II. Étiologies

III. Diagnostic d’une infection urinaire

IV. Stratégie thérapeutique

V. Cystite bactérienne aiguë

VI. Pyélonéphrite aiguë

VII. Infections urinaires masculines

VIII. Infections urinaires chez le sujet âgé

Situations de départ

Anomalie de la miction

Hyperthermie, fièvre

Découverte d’une anomalie au toucher rectal

Brûlure mictionnelle

Rétention aiguë d’urine

Douleur testiculaire

Écoulement urétral

Hématurie

Analyse de bandelette urinaire

Bactérie multirésistante à l’antibiogramme

Analyse d’un examen cytobactériologique des urines

Élévation de la protéine C-réactive (CRP)

Rédaction de la demande d’un examen d’imagerie

Demande d’un examen d’imagerie

Demande d’explication d’un patient sur le déroulement, les risques et les bénéfices attendus d’un examen d’imagerie

Prescrire un anti-infectieux

Dépistage et conseils devant une infection sexuellement transmissible

Prévention des infections liées aux soins

Hiérarchisation des connaissances

Rang

Rubrique

Intitulé

Définition

Connaître la définition des différents types d’infections des voies urinaires simples ou à risque de complication et leur fréquence respective

Étiologies

Connaître les principaux agents pathogènes à l’origine des infections urinaires et les principaux mécanismes de résistance aux antibiotiques

Examens complémentaires

Connaître les indications des examens complémentaires de première intention en fonction du type d’infection urinaire

Examens complémentaires

Connaître les indications des examens complémentaires de deuxième intention en fonction du type d’infection urinaire

Examens complémentaires

Connaître les principes de réalisation de la BU et son interprétation

Examens complémentaires

Connaître les principes de réalisation et l’interprétation de l’ECBU

Définition

Connaître la définition d’une colonisation urinaire

Diagnostic positif

Connaître les critères diagnostiques des cystites aiguës (simples, à risque de complication)

Diagnostic positif

Connaître les critères diagnostiques des pyélonéphrites aiguës (cliniques, biologiques, radiologiques) avec ou sans signe de gravité (algorithme)

Prise en charge

Connaître le traitement des cystites aiguës simples dont suivi et prévention des récidives

Prise en charge

Connaître les modalités du traitement des pyélonéphrites aiguës simples

Prise en charge

Connaître le principe de la prise en charge des pyélonéphrites aiguës compliquées

Diagnostic positif

Connaître les critères diagnostiques des infections urinaires masculines (clinique, biologiques, radiologique)

Prise en charge

Connaître les modalités du traitement des infections urinaires masculines et connaître les modalités de leur prévention

Prise en charge

Connaître les modalités du traitement des infections urinaires au cours de la grossesse et son suivi*

Prise en charge

Connaître les spécificités de l’infection urinaire de la personne âgée

Diagnostic positif

Savoir évoquer une infection urinaire de l’enfant : enquête clinique*

Examens complémentaires

Connaître les modalités de prescription du ou des examens complémentaires chez l’enfant*

Prise en charge

Connaître les modalités de prise en charge thérapeutique d’une infection urinaire de l’enfant*

Examens complémentaires

Connaître les examens complémentaires à réaliser dans les infections urinaires récidivantes

Prise en charge

Connaître les principes du traitement des cystites récidivantes (curatif médical, préventif)

Épidémiologie

Infections urinaires de l’enfant : épidémiologie*

Vignette clinique

Un homme de 52 ans vous consulte en urgence pour fièvre, asthénie, courbatures et pollakiurie. Il redoute une infection urinaire car il a déjà eu un épisode similaire il y a 2 ans.

Il a comme antécédents : une arthroplastie du genou (il est très sportif). Il ne prend aucun médicament.

Un ECBU est réalisé en urgence montrant 82 000 leucocytes/ml, quelques bactéries à l’examen direct.

Il a une fièvre à 38,5 °C, une palpation abdominale indolore, pas de globe palpable.

Le patient suggère de doser un PSA car lors du dernier épisode ce dernier était très élevé. Vous lui expliquez que cela ne présente aucun intérêt. Vous portez le diagnostic de prostatite aiguë. Vous administrez un traitement probabiliste par ciprofloxacine 500 mg matin et soir pendant 14 jours.

Vous laissez le patient regagner son domicile. Vous lui conseillez de reconsulter en cas d’aggravation des symptômes ou s’il ressent une difficulté à vider sa vessie.

L’ECBU et l’antibiogramme identifient 3 jours plus tard une infection à E. coli multisensible. Vous ne modifiez pas l’antibiothérapie.

Il sera revu par un urologue 2 mois plus tard. Il va alors très bien. Le toucher rectal palpe une prostate de taille normale. La débitmètrie n’identifie pas de dysurie. Il n’a aucun résidu post-mictionnel. L’urologue explique au patient qu’aucun facteur de risque urologique d’infection urinaire n’a été identifié. Il lui donne des conseils de bonne hydratation pour limiter le risque de récidive.

Préambule : cette mise à jour de l’item 161 « bouscule » certains concepts encore bien ancrés dans de précédentes versions de cet ouvrage ou dans certaines pratiques cliniques. Elle est le fruit des nombreuses évolutions scientifiques dans ce domaine depuis les dernières recommandations de 2014 (mise à jour en 2018). Par ailleurs, des recommandations spécifiques sur les infections urinaires masculines vont être élaborées en 2024 et nous vous invitons à très rapidement considérer la partie dédiée à ce thème comme obsolète.


I. Définitions

 

Dans le cadre de cet item, la cystite (CB), qui est une infection urinaire (IU) basse, désigne une infection affectant le réservoir et la muqueuse vésicale d’origine bactérienne ou mycosique, caractérisée par l’absence de fièvre.

La pyélonéphrite, quant à elle, représente une infection urinaire haute touchant le bassinet et le parenchyme rénal, également d’origine bactérienne ou mycosique. Les infections urinaires simples concernent des patientes n’ayant pas d’anomalie anatomique ou fonctionnelle de l’appareil urinaire, sans pathologie générale sous-jacente ; le diabète étant un facteur de risque mais non considéré comme un facteur de risque de complication. L’infection urinaire masculine regroupe à la fois la prostatite aiguë mais également la cystite (symptômes du bas appareil urinaire faisant évoquer une infection mais sans fièvre).

Les infections graves incluent les cas avec sepsis, choc septique, ou nécessitant un drainage des voies urinaires (qu’il y ait ou non des critères de gravité objectifs). Enfin, les cystites récidivantes sont définies par au moins quatre épisodes de cystite par an.

 

On distingue :

  • les infections urinaires simples, survenant chez des patients sans facteur de risque de complication ;
  • les infections urinaires à risque de complication présentant au moins un des facteurs de risque suivants :

–     anomalies organiques ou fonctionnelles de l’arbre urinaire, quelles qu’elles soient (résidu vésical, reflux, lithiase, tumeur, acte récent, etc.),

–     sexe masculin, du fait de la fréquence des anomalies anatomiques ou fonctionnelles sous-jacentes,

–     grossesse,

–     sujet âgé : patient de plus de 75 ans ou de plus de 65 ans avec ≥ 3 critères de fragilité (critères de Fried : perte de poids involontaire au cours de la dernière année, vitesse de marche lente, faible endurance, faiblesse/fatigue, activité physique réduite),

–     immunodépression grave,

–     insuffisance rénale chronique sévère (clairance < 30 ml/min).

Important : le diabète, même insulinorequérant, n’est plus considéré comme un facteur de risque de complication ;

  • les infections urinaires graves sont les pyélonéphrites aiguës (PNA) et les infections urinaires masculines associées à :

–     un sepsis avec qSOFA ≥ 2,

–     un choc septique,

–     une indication de drainage chirurgical ou interventionnel (risque d’aggravation du sepsis en péri-opératoire).

II. Étiologies

 

Pour comprendre

L’arbre urinaire a longtemps été considéré comme stérile. Depuis 2013, des nouvelles techniques de séquençage génétique ont permis de mettre en évidence un microbiote urinaire. L’arbre urinaire, ou au moins la vessie, est donc naturellement colonisé par des espèces bactériennes non cultivables en milieu usuel (gélose chromogène).

Les infections urinaires communautaires sont principalement des infections par voie ascendante. Plus rarement, les pyélonéphrites peuvent être d’origine hématogène, dans le cadre d’une bactériémie (notamment à staphylocoque ou à Candida).

Elles peuvent également être d’origine vénérienne dans le cadre des infections sexuellement transmissibles chez l’homme ou iatrogène après biopsies de la prostate.

Quel que soit l’organe atteint ou la gravité de l’infection, il est important de retenir que les IU ne sont qu’une conséquence d’un dysfonctionnement anatomique ou fonctionnel de l’arbre urinaire. Dès lors, il ne faut pas considérer comme étant « normal » de faire une IU et cela doit toujours amener à se poser la question d’un bilan étiologique minimal sous peine de voir immanquablement récidiver les infections. Les conséquences peuvent être des hospitalisations itératives avec un risque vital ou organique (insuffisance rénale secondaire à des PNA répétées) mais également en termes de qualité de vie.

Escherichia coli est la bactérie la plus fréquemment isolée dans les infections urinaires communautaires, représentant environ 70 à 90 % des cas identifiés. Staphylococcus saprophyticus est aussi couramment rencontré, en particulier chez les jeunes femmes durant la période estivale ; cette bactérie à coloration de Gram positive est notable pour son absence de nitrate réductase, ce qui explique pourquoi les nitrites peuvent ne pas apparaître lors des tests de bandelette urinaire alors même qu’il existe une authentique CB. Les facteurs de risque pour la colonisation/infection par des bactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) ou pour les résistances aux fluoroquinolones comprennent :

  • antécédent d’infection ou de colonisation à entérobactérie productrice d’une BLSE (EBLSE) dans les 6 mois précédents ;
  • antibiothérapie par l’une de ces molécules dans les 6 mois précédents : amoxicilline-acide clavulanique, C2G, C3G, fluoroquinolones ;
  • voyage en zone d’endémie d’EBLSE ;
  • hospitalisation de moins de 3 mois ;
  • vie en institution de long séjour.

Les principaux mécanismes de résistance rencontrés chez les entérobactéries sont résumés dans les tableaux 11.1 et 11.2.

  • Le tableau 11.1 résume les mécanismes de résistance chromosomique, c’est-à-dire systématiquement présents à l’état sauvage :

–     le groupe 2 sécrète naturellement une pénicillinase de bas niveau ;

–     le groupe 3 sécrète naturellement une céphalosporinase.

  • Le tableau 11.2 résume les mécanismes de résistance acquis soit par hyperexpression de leur enzyme chromosomique soit par acquisition d’une enzyme plasmidique.

 

Tableau 11.1. Mécanismes de résistance chromosomique des trois principaux groupes d’entérobactéries.

Antibiotiques

Groupe d’entérobactéries

1

(E. coli, P. mirabilis)

2

(Klebsiella…)

3

(Enterobacter, Morganella…)

Aminopénicilline (amoxicilline)

S

R

R

Aminopénicilline + inhibiteur β-lactamase

S

S

R

Carboxypénicilline (ticarcilline)

S

R

S

Uréidopénicilline (pipéracilline)

S

R

S

C1G (céfalotine)

S

S

R

C2G (céfoxitine)

S

S

S

C3G (ceftriaxone)

S

S

S

 

Tableau 11.2. Principaux mécanismes de résistances rencontrés chez les entérobactéries.

Antibiotiques

Mécanismes de résistances

Pénicillinase de bas niveau

Pénicillinase de haut niveau

Céphalosporinase hyperproduite

BLSE

Aminopénicilline (amoxicilline)

R

R

R

R

Aminopénicilline + inhibiteur β-lactamase

S

R

R

R

Carboxypénicilline (ticarcilline)

R

R

R

R

Uréidopénicilline (pipéracilline)

R

R

R

R

C1G (céfalotine)

S

R

R

R

C2G (céfoxitine)

S

S

R

S

C3G (ceftriaxone)

S

S

R

R

 

Il est important de connaître ces différentes notions afin de bien appréhender les difficultés de traitement propres à chaque espèce bactérienne. Ces problématiques d’antibiorésistance sont désormais très suivies par les instances gouvernementales et a fortiori en France. En effet, l’antibiorésistance est responsable de plusieurs millions de morts par an dans le monde et est la conséquence directe, entre autres nombreux phénomènes, de la consommation antibiotique. À l’heure actuelle, en France, le taux d’EBLSE est stable et correspond à 6 à 9 % des cas d’IU. La résistance aux fluoroquinolones est encore plus préoccupante avec des taux de résistance atteignant parfois 40 % dans certaines populations.

III. Diagnostic d’une infection urinaire

 

Le diagnostic d’une infection urinaire est avant tout clinique. Ce n’est pas toujours un diagnostic simple et notamment concernant le diagnostic de CB trop souvent porté à tort notamment dans le cadre des CB récidivantes (CBR). Souvenez-vous également que 10 à 15 % de l’ensemble des IU présentent un ECBU dit « stérile » alors même que la clinique est évocatrice.

 

A. Diagnostic clinique et topographique

Avant d’aborder chaque pathologie en détail, il est important de bien rappeler que la sémantique doit être rigoureuse et adaptée afin de ne pas porter un diagnostic erroné, notamment dans le cadre de la CB. Le terme « signe fonctionnel urinaire » doit absolument être banni et l’usage du terme « trouble/symptôme du bas appareil urinaire » (SBAU) doit être préféré. Les SBAU sont ensuite séparés en trois phases : phase mictionnelle, post-mictionnelle ou de remplissage.

De même, le terme « brûlure urinaire » doit disparaître et être remplacé par le terme « brûlure urétrale permictionnelle » bien plus adapté pour définir le symptôme présent lors d’une CB.

 

B. Diagnostic bactériologique

1.Bandelette urinaire (BU)

La valeur statistique de la BU a été largement dévoyée tant son utilisation est simple. Néanmoins, elle présente de trop nombreuses failles pour être utilisée comme un outil indispensable à toute prise en charge d’infection urinaire. Elle a par ailleurs la même valeur diagnostique quel que soit le sexe. Voici comment en comprendre son utilisation dans le cadre des infections urinaires :

  • excellente valeur prédictive positive (VPP) mais mauvaise valeur prédictive négative (VPN) en cas de SBAU faisant évoquer une infection (en d’autres termes, elle ne fait que confirmer une impression clinique déjà forte) ;
  • excellente VPN mais mauvaise VPP en l’absence de SBAU (là encore, elle ne fait donc que confirmer ce que l’on sait déjà) ;
  • la présence de nitrites nécessite :

–     une bactérie présente dans les urines porteuses d’une nitrate réductase permettant la réduction de nitrates en nitrites,

–     la présence de nitrates dépendants des apports alimentaires,

–     de vérifier les autres facteurs confondants : consommation de vitamine C, pH urinaire, densité urinaire, exposition de la bandelette à l’air… ;

  • la présence de matériel endo-urinaire (sonde double J, sonde vésicale, etc.) est systématiquement responsable d’une leucocyturie empêchant l’interprétation de la BU expliquant qu’elle ne soit plus recommandée dans cette indication d’IU associées aux soins.

L’ensemble de ces écueils doit absolument être pris en compte. Le message simple à retenir est que la clinique prime toujours sur les examens complémentaires. Une BU négative en cas de clinique typique d’infection urinaire ne doit pas faire écarter le diagnostic. A contrario, une bandelette positive en l’absence de tout symptôme d’IU ne doit pas conduire à rechercher une colonisation urinaire par la prescription d’un ECBU et encore moins à la mise en place d’un traitement antibiotique.

2. Examen cytobactériologique des urines (ECBU)

L’ECBU doit être réalisé dans des conditions parfaites de recueil (toilette antiseptique) et l’analyse au laboratoire doit être idéalement immédiate (sinon conservation possible 12 heures à 4 °C). L’ECBU comprend un examen direct, une mise en culture et un antibiogramme le cas échéant.

La signification des seuils de leucocyturie est évaluée en dehors des conditions susceptibles de fausser les résultats, telles que des interventions récentes sur les voies urinaires, la présence de dispositifs endo-urinaires ou de corps étrangers. Un seuil de leucocyturie ≥ 104/ml est considéré comme significatif. Chez l’homme, un seuil de bactériurie significative (tableau 11.3) est de 103 UFC/ml, tandis que chez la femme, il est généralement de 104 UFC/ml, sauf pour E. coli et S. saprophyticus où le seuil est de 103 UFC/ml. La clinique prévaut sur ces seuils, et une IU ne doit pas être exclue face à une clinique évidente, même en cas de leucocyturie négative, notamment chez les patients immunodéprimés. Une bactériurie avec leucocyturie sans symptômes suggère une colonisation plutôt qu’une infection à traiter. L’ECBU, bien qu’utile, n’est pas infaillible, avec 10 à 15 % de résultats faussement négatifs dus à divers facteurs, y compris une antibiothérapie préalable ou un prélèvement inapproprié.

 

Tableau 11.3.  A Seuil de significativité en fonction du type de bactérie.

Espèces bactériennes

Seuil de significativité

Sexe

E. coli, S. saprophyticus

103 UFC/ml

Homme ou femme

Entérobactéries autres qu’E. coli, entérocoque, Corynebacterium urealyticum, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus

103 UFC/ml

Homme

 

104 UFC/ml

Femme

UFC : unité formant colonie.

 

En cas de leucocyturie sans germe, il faut évoquer :

  • une infection urinaire décapitée par une antibiothérapie préalable ;
  • une urétrite ;
  • une vaginite ;
  • un syndrome de la vessie douloureuse (cystite interstitielle) ;
  • une tuberculose urogénitale ;
  • une période périmenstruelle (hématurie associée) ;
  • un corps étranger dans l’appareil urinaire (calcul, endoprothèse, etc.).

IV. Stratégie thérapeutique

 

Elle est conditionnée par l’histoire naturelle et les risques évolutifs de chaque situation. Le choix de l’antibiothérapie repose sur l’efficacité, la tolérance, mais aussi sur le risque écologique individuel et collectif. Ce risque de résistance varie d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre : il est donc indispensable de connaître l’épidémiologie de la résistance de la zone dans laquelle nous exerçons.

La colonisation bactérienne (bactériurie asymptomatique) correspond à la présence d’un micro-organisme dans les urines sans manifestation clinique associée. Il n’y a pas de seuil de bactériurie, sauf chez la femme enceinte où un seuil de bactériurie à 105 UFC/ml est classiquement retenu. La leucocyturie n’intervient pas dans la définition. Les deux seules situations consensuelles pour le dépistage et le traitement des colonisations urinaires sont :

  • avant une intervention avec effraction de la muqueuse urinaire ;
  • pendant la grossesse à partir du 4emois.

Important : un patient porteur d’une sonde urinaire ou de matériel endo-urinaire ne doit jamais avoir d’ECBU systématique en dehors de situations particulières (apparition de troubles urinaires, apparition d’une grosse bourse inflammatoire, fièvre inexpliquée, syndrome confusionnel, etc.).

V. Cystite bactérienne aiguë

 

A. Cystite bactérienne aiguë simple

Il s’agit d’une maladie fréquente avec un inconfort variable. Il faut s’assurer cliniquement de l’absence de facteurs de risque de complication ou de pyélonéphrite aiguë paucisymptomatique (fébricule, lombalgie sourde). Un ECBU n’est pas nécessaire, la BU est le seul examen paraclinique suggéré, orientant le diagnostic mais non indispensable. Aucune imagerie n’est requise. L’évolution spontanément favorable est la norme après simple cure de diurèse (87 % de guérison à 10 jours). Attention, l’évolution naturelle de la CB n’est pas la PNA mais bien la guérison. L’évolution de la CB en PNA ne correspond qu’à 0,15 à 2,6 % des cas dans la littérature et l’absence d’antibiothérapie ne semble pas augmenter ce risque.

Le diagnostic sera porté devant la présence de SBAU de la phase de remplissage notamment. L’apparition relativement aiguë des symptômes est également un élément fondamental. Attention donc dès lors que la symptomatologie évolue depuis plusieurs semaines, elle n’est quasiment jamais d’origine infectieuse. Les brûlures urétrales permictionnelles ne sont pas pathognomoniques mais exceptionnellement absentes en cas de CB car présentes dans 96 % des cas. Le diagnostic sera porté lorsque ce symptôme est associé de manière hétérogène aux symptômes suivants : pollakiurie (78 %), urgenturies (63 %), nycturie (57 %), douleurs sus-pubiennes notamment en fin de miction avec ténesmes vésicaux (47 %), pyurie (28 %) et hématurie (16 %).

L’antibiothérapie de première intention et de choix sera : l’association fosfomycine-trométamol (Monuril®) en dose unique, qui présente les avantages d’une observance idéale (traitement monodose), d’une résistance très rare (98 % de sensibilité d’E. coli) et qui est peu pourvoyeur d’antibiorésistance.

 L’antibiothérapie de deuxième intention sera le pivmecillinam (Selexid® 200 mg × 3/j) pendant 5 jours.

Le traitement de troisième intention, en dernier recours, sera : nitrofurantoïne 5 jours (Furadantine® 100 mg × 3/j) (toxicité hépatique et pulmonaire rare mais grave, à éviter donc sur le long cours).

 Il est recommandé de ne pas prévoir de consultation, de BU ou d’ECBU de contrôle. L’ECBU ne sera fait qu’en cas d’évolution défavorable (persistance des signes cliniques après 3 jours) ou de récidive précoce dans les 2 semaines.

Attention, les fluoroquinolones ne doivent jamais être utilisées dans cette indication.

 

B. Cystite aiguë à risque de complication

Il s’agit des cystites aiguës avec présence d’au moins un facteur de risque de complication. Un ECBU doit être systématiquement réalisé.

Le principe fondamental est de différer chaque fois que possible l’antibiothérapie pour prescrire un traitement d’emblée adapté à l’antibiogramme et avec la pression de sélection la plus faible possible. Sinon, l’antibiothérapie sera probabiliste avec, en première intention, la nitrofurantoïne. Une adaptation à l’antibiogramme est systématique. La durée totale du traitement est de 7 jours, sauf pour les fluoroquinolones où il est de 5 jours.

Il est recommandé de ne pas prévoir de consultation, de BU ou d’ECBU de contrôle mais des conseils peuvent être donnés à la patiente quant à l’évolution naturelle de cette infection et au moyen d’éviter des récidives.

 

C. Cystite bactérienne aiguë récidivante

Les cystites bactériennes récidivantes (CBR) sont considérées ainsi dès lors qu’il existe au moins quatre épisodes pendant une période de 12 mois.

1. Facteur de risque

Les facteurs de risque identifiés dans la littérature sont : fréquence des rapports, 1re cystite avant 15 ans, nouveau partenaire, défaut d’hydratation et spermicide. D’autres sont moins clairement démontrés mais semblent assez logiques comme les troubles acquis de la miction (hyposensibilité vésicale = sensation de besoin d’uriner non ou peu perçu ; ou défaut de relaxation du sphincter strié urétral ou des muscles du plancher pelvien). Enfin, certaines attitudes souvent évoquées aux patientes n’ont jamais démontré un quelconque intérêt dans la littérature notamment : port de sous-vêtements en coton, s’essuyer d’avant en arrière, etc.

2. Diagnostic

Dans tous les cas, il faut retenir, dès lors que ce diagnostic rare est porté, qu’il existe, plus que jamais, une anomalie anatomique ou fonctionnelle (dans la majorité des cas) de l’arbre urinaire qui doit absolument être recherchée.

Il est crucial de porter avec prudence le diagnostic de CBR chez les femmes présentant des SBAU de la phase de remplissage associés à une bactériurie. La bactérie est le coupable idéal mais ne doit pas toujours être incriminée. Il est important de distinguer dans la prise en charge les jeunes femmes débutant leur vie sexuelle, des femmes ménopausées puisque les mécanismes et problématiques sous-jacents sont parfois très différents. L’ECBU est peu utile ici sauf en cas de négativité répétée où il permet de manière certaine d’écarter la cause infectieuse.

Le triptyque : débitmétrie, résidu post-mictionnel et catalogue mictionnel sont les seuls examens paracliniques de première intention à réaliser.

Le catalogue mictionnel, outil indispensable dans la prise en charge étiologique des IU, permet de dépister des troubles acquis de la miction et de proposer une reprogrammation mictionnelle dans le cadre d’un défaut de diurèse ou d’une hyposensibilité vésicale. Il permet par ailleurs d’écarter les diagnostics différentiels fréquents comme l’hyperactivité vésicale idiopathique. Une attention particulière est nécessaire pour les patientes post-ménopausées, fumeuses, présentant des SBAU et parfois une hématurie, devant amener à rechercher une tumeur de la vessie.

Aucun examen paraclinique du haut appareil (TDM ou échographie) n’est nécessaire ici. La cystoscopie dans certains cas peut se discuter mais n’est pas recommandée.

3. Prise en charge

La prise en charge par antibiotiques au long cours doit rester exceptionnelle et n’est nécessaire que pour des cas bien particuliers. La mise en place d’un tel traitement doit inciter à demander l’avis d’un spécialiste.

Le traitement est largement orienté par l’interrogatoire qui permet bien souvent d’identifier des facteurs de risque spécifiques à chaque patiente.

Les mesures hygiénodiététiques classiquement recommandées doivent être proposées de manière judicieuse et sont orientées par le catalogue mictionnel. En effet, il faut à tout prix éviter de proposer des mesures parfois contre-productives comme l’augmentation de l’hydratation orale qui peut devenir délétère dans le cadre d’une hyposensibilité vésicale notamment.

Les traitements non antibiotiques qui ont fait la preuve de leur efficacité sont :

  • la canneberge (cranberry), mais avec un faible niveau de preuve. Seules les supplémentations orales avec un dosage minimum de 36 mg/j de proanthocyanidine de type A semblent efficaces (pas d’intérêt du jus de cranberry ou des dérivés) ;
  • la prophylaxie immunoactive = vaccin (non disponible en France) qui a fait la preuve de son efficacité dans des études de haut niveau de preuve.

En cas d’échec de ces mesures et de plus d’un épisode par mois, l’antibioprophylaxie au long cours peut être proposée selon les modalités suivantes :

  • réévaluation semestrielle du bien-fondé d’une telle attitude ;
  • triméthoprime en continu ;
  • ou fosfomycine-trométamol, un sachet par semaine ;
  • ou prise uniquement en période péricoïtale lorsque les rapports sexuels sont le facteur déclenchant (sans dépasser les doses usuelles = pas de prise à chaque rapport si activité sexuelle importante).

Quoi qu’il en soit, la prescription d’une antibioprophylaxie ne doit pas être considérée comme étant la norme, mais bien au contraire.

VI. Pyélonéphrite aiguë (voir tableau 11.4)

 

Il s’agit d’une infection potentiellement grave, de bon pronostic si le traitement est bien conduit, mais avec un risque de suppuration locale (abcès rénal, phlegmon périnéphrétique, pyonéphrose) ou de généralisation de l’infection (sepsis grave). Le bilan clinique doit rechercher un facteur de risque de complication, une complication avérée ou un sepsis. L’homme immunocompétent n’est que rarement concerné par la pyélonéphrite aiguë non obstructive sauf dans le cadre du reflux vésico-urétéro-rénal. L’ECBU est systématique. Les autres examens complémentaires et l’antibiothérapie sont à adapter selon la forme clinique.

 

A. Pyélonéphrite aiguë simple

La PNA est de survenue rapidement progressive avec apparition dans les 24 à 48 heures d’une douleur en fosse lombaire d’intensité croissante devenant importante, sans irradiation, peu calmée par les antalgiques usuels type paracétamol, sans position aggravante ou antalgique. Elle est systématiquement accompagnée de signes généraux plus ou moins marqués (fièvre, asthénie, tachycardie) et fréquemment de signes digestifs liés à un iléus réflexe : nausées et vomissements notamment. À cette douleur peuvent s’associer des SBAU de la phase de remplissage mais cela n’est pas la norme (les souches E. coli responsables des CB diffèrent de celles responsables des PNA).

1. ECBU

Le diagnostic doit être confirmé par un ECBU avec antibiogramme :

  • leucocyturie > 104/ml ;
  • avec bactériurie > 103UFC/ml pour E. coli et > 104 UFC/ml pour les autres entérobactéries.

2. Hémocultures

Il n’est pas nécessaire de réaliser des hémocultures pour une PNA simple dont la présentation est typique, mais seulement en cas de doute diagnostique.

3. Examens biologiques

Il est recommandé de ne pas demander systématiquement d’autres examens biologiques (NFS, CRP, créatinine) dans le bilan initial.

4. Imagerie

Une échographie rénale précoce est indiquée dans les 24 heures en cas de PNA hyperalgique. Dans les autres situations, l’échographie n’est pas recommandée systématiquement lors d’un premier épisode de PNA simple sans signe de gravité avec évolution favorable. En cas d’évolution défavorable à 72 heures d’antibiothérapie, il est recommandé d’effectuer un uroscanner. Néanmoins, la morbidité potentielle d’un obstacle entraînant le plus souvent une dilatation des cavités pyélocalicielles, implique qu’un examen d’imagerie soit réalisé le plus rapidement possible au moindre doute clinique d’obstruction.

5. Traitement

Le traitement antibiotique de première intention repose sur les fluoroquinolones pour une durée de 7 jours (sauf dans le cas d’une prise d’antibiotiques de cette classe dans les 6 mois). En cas de PNA simple traitée en milieu hospitalier, un traitement par C3G IV doit être préféré et sera adapté secondairement à l’ECBU.

Les indications d’hospitalisation sont :

  • PNA hyperalgique ;
  • doute diagnostique ;
  • vomissements rendant impossible un traitement par voie orale ;
  • conditions socioéconomiques défavorables ;
  • doutes concernant l’observance du traitement ;
  • traitement par antibiotiques à prescription hospitalière (rares situations de polyallergie).

Un traitement antibiotique probabiliste doit être débuté immédiatement après la réalisation de l’ECBU.

Il doit être adapté à 48 heures en fonction des données de l’antibiogramme, en choisissant un antibiotique du spectre le plus étroit possible, à bonne diffusion rénale.

La durée du traitement est de 7 jours en cas de traitement par fluoroquinolone ou β-lactamine parentérale, 10 jours dans les autres cas.

6. Suivi

En cas d’évolution clinique favorable, il est recommandé de ne pas effectuer d’ECBU de contrôle.

Une évolution défavorable sous traitement (fièvre après 72 heures) fait poser l’indication :

  • d’un ECBU de contrôle avec antibiogramme ;
  • d’une exploration radiologique par uroscanner (sauf contre-indication).

Ce qui est nouveau :

  • l’absence d’échographie systématique dans la PNA simple non hyperalgique ;
  • l’antibiothérapie de 7 jours en cas de traitement complet par β-lactamine parentérale ;
  • l’absence d’ECBU de contrôle systématique.

 

B. Pyélonéphrite aiguë à risque de complication

1. Biologie

Outre l’ECBU avec antibiogramme, un bilan biologique sanguin est recommandé : CRP, urée, créatinine.

2. Imagerie

Un uroscanner est indiqué, le plus souvent en urgence, et au plus tard dans les 24 heures. En cas de contre-indication, ou si la suspicion de complication est faible, l’alternative est une échographie rénale.

3. Traitement

Les critères d’hospitalisation ainsi que le traitement probabiliste sont les mêmes que dans la PNA simple, sans signe de gravité.

La durée de traitement d’une PNA à risque de complication, sans signe de gravité, est de 10 jours.

4. Suivi

Le suivi est essentiellement clinique : une réévaluation à 72 heures est indispensable.

En cas d’évolution favorable, il est recommandé de ne pas prévoir d’ECBU de contrôle sous et après traitement.

 En cas d’évolution défavorable sous traitement (fièvre après 72 heures) :

  • ECBU avec antibiogramme ;
  • uroscanner (sauf contre-indication).

 

C. Pyélonéphrite aiguë grave

Dans le cadre des formes graves, la pyélonéphrite aiguë obstructive ou colique néphrétique fébrile est de loin la forme la plus fréquente et la plus mortelle. Elle se présente comme une douleur brutale, horaire, en coup de poignard et d’emblée maximale :

  • localisée en fosse lombaire avec irradiation dans le flanc, en hémi-ceinture jusqu’aux organes génitaux ;
  • sans position antalgique avec un patient « frénétique » ;
  • non calmée par les antalgiques usuels type paracétamol ;
  • les signes généraux sont en général marqués avec un retentissement systémique fréquent : fièvre (voire dans les formes graves une hypothermie), asthénie, hypotension artérielle, tachycardie, troubles respiratoires ;
  • signes digestifs par iléus réflexe : nausées, vomissements.

Néanmoins, la présentation clinique est souvent atypique notamment chez les patients âgés ou la symptomatologie confusionnelle ou digestive est souvent au premier plan.

1. Biologie

Outre l’ECBU avec antibiogramme, un bilan biologique sanguin est recommandé : NFS, CRP, urée, créatinine. Les hémocultures sont systématiques et positives dans seulement 25 % des cas.

2. Imagerie

Un uroscanner est indiqué en urgence. L’alternative est une échographie rénale.

L’exploration du parenchyme rénal est indispensable à la recherche :

  • d’un obstacle avec dilatation des cavités pyélocalicielles ;
  • d’un foyer de néphrite : hypodensité triangulaire à base externe au temps sécrétoire, pathognomonique de la PNA ;
  • d’un abcès rénal : collection infectieuse intraparenchymateuse ;
  • d’un phlegmon périnéphrétique : infection contenue dans le fascia périrénal.

3. Traitement

L’hospitalisation est systématique. Le traitement comporte une antibiothérapie, initialement probabiliste et un drainage chirurgical des urines en urgence en cas d’obstacle.

 Les C3G restent indiquées en traitement probabiliste, excepté lorsqu’une infection à BLSE est suspectée (colonisation urinaire ou infection à EBLSE < 6 mois, antibiothérapie par pénicilline + inhibiteur de bêtalactamase, C2G, C3G ou fluoroquinolones < 6 mois, voyage récent en zone d’endémie de BLSE, hospitalisation < 3 mois, vie en long séjour).

L’antibiothérapie probabiliste des PNA graves repose donc sur l’association C3G parentérale (céfotaxime ou ceftriaxone) + amikacine (aminoside recommandé dans les IU car moins de résistance sur les BGN que la gentamicine) à forte dose, sauf dans les cas suivants :

  • en cas d’allergie : aztréonam + amikacine ;
  • suspicion d’infection à EBLSE : carbapénème (imipénème ou méropénème) + amikacine.

La PNA obstructive est une véritable urgence médicochirurgicale. Il existe une indication formelle à un drainage chirurgical des voies urinaires du haut appareil en urgence, soit par cathétérisme urétéral rétrograde (sonde urétérale ou sonde JJ), soit par néphrostomie percutanée échoguidée, en fonction des conditions anatomiques. Ce drainage chirurgical sera associé à une biantibiothérapie d’emblée qui ne doit pas être retardée et doit être mise en place dès le diagnostic posé. La cause de l’obstruction (lithiase, compression extrinsèque, tumeur de l’uretère, etc.) sera toujours traitée secondairement.

Le traitement de relais après résultat de l’antibiogramme fait appel aux mêmes molécules que pour les PNA sans signe de gravité.

La durée du traitement d’une PNA grave est de 10 jours.

4. Suivi

Le suivi est essentiellement clinique. Il est recommandé de ne pas prévoir d’ECBU de contrôle sous et après traitement.

En cas d’évolution défavorable sous traitement (fièvre après 72 heures) :

  • ECBU avec antibiogramme ;
  • uroscanner (sauf contre-indication).

N.B. : pour les PNA : les données de la littérature orientent vers un traitement systématique de 7 jours de toutes les formes de PNA, quelle que soit leur gravité initiale. Les recommandations françaises ne sont pas à jour sur ce sujet et le traitement actuellement recommandé reste de 10 jours (sauf pour les formes simples traitées par fluoroquinolones ou C3G IV dont la durée peut être abaissée à 7 jours). Il est néanmoins à noter que les durées de traitement de 14 jours et de 21 jours sont désormais à proscrire sauf très rares cas (abcès, pyonéphrose, etc.).

VII. Infections urinaires masculines (voir tableau 11.4)

 

A. Diagnostic

 Les infections urinaires masculines sont très hétérogènes, des formes peu symptomatiques sans fièvre jusqu’au choc septique. Cette diversité justifie de moduler la prise en charge initiale en fonction des signes cliniques. Cependant, aucun test diagnostique non invasif ne permet d’écarter une infection prostatique, qui doit donc être prise en compte dans la prise en charge ultérieure (choix des antibiotiques, durée du traitement, bilan urologique).

Les principales complications des infections urinaires masculines sont :

  • la rétention d’urine (parfois révélatrice) ;
  • l’épididymite aiguë associée, par infection ascendante par voie déférentielle, voire l’abcès scrotal ;
  • l’abcès prostatique à suspecter devant des signes infectieux persistant malgré 48 heures d’antibiothérapie efficace et l’existence au toucher rectal d’une zone fluctuante très douloureuse ;
  • le sepsis, voire le choc septique, mettant en jeu le pronostic vital.

 

B. Biologie

L’ECBU, prélevé avant toute antibiothérapie, doit systématiquement être réalisé. Le seuil de bactériurie dans les infections urinaires masculines est fixé à 103 UFC/ml.

La réalisation d’hémocultures, prélevées avant toute antibiothérapie, n’est recommandée qu’en cas de fièvre. Mais compte tenu de la possibilité d’ECBU stérile, l’hémoculture peut parfois permettre de connaître le micro-organisme en cause et ses résistances. Il ne faut pas doser l’antigène spécifique de prostate (PSA) qui sera systématiquement anormalement élevé dans cette situation sans qu’aucune valeur diagnostique ou pronostic ne puisse lui être donnée.

 

C. Imagerie initiale

Une échographie des voies urinaires par voie sus-pubienne est recommandée en urgence (< 24 h) à la recherche d’un résidu post-mictionnel. Il est encore plus nécessaire de faire une échographie de l’appareil urinaire en cas de douleur lombaire, lorsqu’une rétention d’urine est suspectée ou dans des contextes particuliers (antécédent de calcul urinaire, sepsis). L’échographie par voie endorectale est contre-indiquée à la phase aiguë en raison de son caractère très douloureux.

 

D. Traitement

Hospitalisation ou traitement ambulatoire ?

Une prise en charge hospitalière est recommandée en cas :

  • de signe de gravité (sepsis avec qSOFA ≥ 2 ou choc septique) ;
  • de rétention aiguë d’urine ;
  • d’immunodépression grave.

Elle peut parfois être indiquée au cas par cas s’il existe des facteurs de risque de complication surajoutés :

  • âge avancé ;
  • uropathie sous-jacente ;
  • déficit immunitaire non grave ;
  • insuffisance rénale avec clairance < 30 ml/min.

Comme pour les PNA, certaines situations requièrent également une hospitalisation :

  • forme hyperalgique ;
  • doute diagnostique ;
  • vomissements rendant impossible un traitement par voie orale ;
  • conditions socioéconomiques défavorables ;
  • doutes concernant l’observance du traitement ;
  • traitement par antibiotiques à prescription hospitalière (rares situations de polyallergie).

Dans les autres situations, une prise en charge ambulatoire est possible.

1. Traitement antibiotique

S’agissant d’une infection urinaire à risque de complication avec des taux de résistance accrus, il est proposé dans les formes paucisymptomatiques d’attendre le résultat de l’ECBU pour débuter l’antibiothérapie, afin de traiter une infection documentée d’emblée.

Dans les autres situations, une antibiothérapie probabiliste doit être réalisée dès les prélèvements bactériologiques réalisés.

L’antibiothérapie probabiliste recommandée est similaire à celle des PNA à risque de complication dans la majorité des cas, ou identique aux PNA graves en cas de signe de gravité.

Le traitement des infections urinaires masculines documentées privilégie les fluoroquinolones en cas de bactérie sensible, même lorsque d’autres antibiotiques à spectre plus étroit sont disponibles, en raison de l’importance de la diffusion prostatique.

B Le TMP-SMX est une alternative aux fluoroquinolones car sa diffusion prostatique est très bonne, mais il n’est pas indiqué en traitement probabiliste compte tenu des résistances atteintes en France actuellement.

Le céfixime, l’amoxicilline-acide clavulanique et la nitrofurantoïne n’ont pas de place dans le traitement des infections urinaires masculines en relais ou en traitement probabiliste, en raison d’une diffusion prostatique insuffisante.

 

Tableau 11.4.  Pyélonéphrite aiguë ou infection urinaire masculine communautaires : antibiothérapie probabiliste.

Infection sans signe de gravité

Infection avec signes de gravitéa ou geste de drainage de l’appareil urinaire (hors sondage vésical simple)

Infection simple

Infection à risque de complicationb

Pas de choc septique

Choc septique

Ciprofloxacine ou lévofloxacinec (sauf si FQ < 6 mois)

ou céfotaxime (de préférence) ou ceftriaxone

Céfotaxime (de préférence) ou ceftriaxone

ou ciprofloxacine ou lévofloxacine (sauf si FQ < 6 mois)

Céfotaxime (de préférence) ou ceftriaxone + amikacine

Si allergie : aztréonam + amikacine

Sauf si ATCD d’IU/colonisation urinaire à EBLSE < 3 mois :

– choix selon la documentation microbiologique antérieure : pipéracilline-tazobactam + amkacine si souche sensible

– à défaut carbapénème (imipénème ou méropénème)

Céfotaxime (de préférence) ou ceftriaxone + amikacine

Si allergie : aztréonam + amikacine

Sauf si ATCD d’IU/colonisation urinaire à EBLSE < 3 mois, ou amoxi-clav/C2G-C3G/FQ < 3 mois, ou voyage en zone d’endémie < 3 mois : carbapénème (imipénème ou méropénème) + amikacine

Si contre-indication : aminoside (amikacine, gentamicine ou tobramycine) ou aztréonam

amoxi-clav : amoxicilline-acide clavulanique ; C2G : céphalosporine de 2e génération ; C3G : céphalosporine de 3e génération ; FQ : fluoroquinolone.

a Choc septique ou infection avec dysfonction d’organe menaçant le pronostic vital.

b Toute anomalie de l’arbre urinaire (résidu vésical, reflux, lithiase, tumeur, acte urologique récent, etc.), grossesse, sujet âgé fragile, clairance créatinine < 30 ml/min, immunodépression grave. L’attention est attirée sur les conditions d’utilisation des antibiotiques prévues par l’AMM notamment chez la femme enceinte et le patient présentant une insuffisance rénale.

c Une actualisation du profil de risque et du cadre d’utilisation de ces antibiotiques a été effectuée selon des travaux menés en 2018 au niveau de l’Agence européenne du médicament (voir le site de l’ANSM : www.ansm.sante.fr).

Source : HAS. Recommandation de bonne pratique. Antibiothérapie des infections à entérobactéries et à Pseudomonas aeruginosa chez l’adulte : place des carbapénèmes et de leurs alternatives. Mai 2019. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-06/recommandations_infections_enterobacteries.pdf.

 

2. Durée du traitement

 Une durée de traitement minimale de 14 jours est recommandée pour les infections traitées par fluoroquinolones ou TMP-SMX, même chez les patients paucisymptomatiques. La durée de traitement de 21 jours tend à disparaître mais il est encore écrit dans les recommandations qu’elle doit être discutée :

  • en cas de trouble urinaire sous-jacent préexistant ou ne régressant pas sous traitement antibiotique ;
  • lorsque d’autres facteurs de risque de complication sont associés (lithiase urinaire, immunosuppression, etc.) ;
  • lorsque le traitement fait appel à d’autres molécules que les fluoroquinolones ou le TMP-SMX.

Une récente étude a permis de démontrer la non-infériorité d’un traitement de 7 jours versus 14 jours dans le cadre de la cystite de l’homme. Cette attitude, non encore recommandée, sera très probablement mise à jour dans les futures recommandations.

3. Traitement urologique

En présence d’une rétention aiguë d’urine, le drainage des urines en urgence est impératif. Soit par cathétérisme sus-pubien, soit par sondage urétrovésical qui n’est plus contre-indiqué dans cette indication.

Certaines mesures associées sont recommandées, comme le traitement symptomatique (antalgiques, antipyrétiques, et les α-bloquants en cas de dysurie).

En présence d’un abcès prostatique, le traitement antibiotique est à lui seul souvent efficace : il ne faut donc pas rechercher systématiquement à la phase initiale l’existence d’un abcès. Le drainage chirurgical est à discuter en cas d’évolution défavorable malgré une antibiothérapie adaptée d’abcès de gros volume (>3 cm).

4. Cas particulier

Il faut savoir prendre en charge le cas particulier de la prostatite aiguë iatrogène après biopsies de prostate. Il s’agit d’une urgence médicale qui peut mettre en jeu le pronostic vital. Une hospitalisation initiale est recommandée avec la réalisation d’un ECBU et d’hémocultures. Le type d’antibiothérapie sera discuté selon la voie d’abord utilisée (voie transrectale ou voie transpérinéale) et le type d’antibioprophylaxie utilisée (fosfomycine-trométamol pour la voie transrectale ; pas d’antibioprophylaxie pour la voie transpérinéale).

5. Bilan ultérieur

En cas d’évolution favorable, il est recommandé de ne pas prévoir d’ECBU de contrôle systématique, ni sous traitement, ni à distance de la fin du traitement.

En cas d’évolution défavorable (persistance de la fièvre au-delà de 72 heures malgré une antibiothérapie adaptée), il est recommandé de faire :

  • une imagerie pour rechercher une complication (notamment un abcès prostatique ou une extension périprostatique), soit par IRM de la prostate soit par échographie par voie endorectale si elle est possible ;
  • un ECBU sous traitement antibiotique et des hémocultures.

Lors d’un premier épisode d’infection urinaire masculine aiguë, l’interrogatoire et l’examen clinique doivent être détaillés pour rechercher une anomalie anatomique ou fonctionnelle des voies urinaires qui devront impérativement conduire à une consultation avec un urologue.

VIII. Infections urinaires chez le sujet âgé

 

A. Colonisation urinaire (bactériurie asymptomatique)

Elle est fréquente, favorisée par :

  • le diabète ;
  • l’alitement ;
  • l’incontinence ;
  • le sondage à demeure ;
  • la carence hormonale chez la femme ;
  • l’HBP chez l’homme.

Il est bien établi qu’il n’existe pas de bénéfice au traitement. L’efficacité du traitement est seulement transitoire sur la bactériurie et n’a pas d’efficacité sur la morbi-mortalité. Le traitement risque de sélectionner des bactéries multirésistantes dans le réservoir digestif.

 

B. Infections urinaires

Le tableau clinique est souvent atténué chez le sujet âgé : syndrome de glissement, fièvre nue, incontinence récente. Il n’y a pas d’indication à une antibiothérapie courte. La posologie doit être adaptée à la clairance de la créatinine (MDRD ou formule de Cockcroft-Gault).

 

Pour en savoir plus


Prise en charge des infections urinaires de l’enfant. Recommandations du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) de la Société française de pédiatrie et de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), 2014.

www.infectiologie.com/UserFiles/File/medias/Recos/2014-infections-urinaires-pediatrie.pdf



Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bactériennes communautaires de l’adulte. SPILF, 2015.

www.infectiologie.com/UserFiles/File/spilf/recos/infections-urinaires-spilf.pdf



 

Cystite aiguë simple, à risque de complication ou récidivante, de la femme. Recommandation de bonne pratique. HAS, 2016.

www.has-sante.fr/jcms/c_2722827/fr/cystite-aigue-simple-a-risque-de-complication-ou-­recidivante-de-la-femme

 

 

Résumé

Rang

Descriptif

Distinguer cystite, pyélonéphrite, infections urinaires simples (femme jeune sans facteur de risque), graves et infections urinaires à risque de complication, infections urinaires masculines, cystites récidivantes et recherche de facteurs de risque de complication

Connaître les résistances aux antibiotiques d’E. coli communautaire ; connaître les facteurs de risque de résistances aux fluoroquinolones et aux β-lactamines

Bandelette urinaire (BU), examen cytobactériologique des urines (ECBU), échographie

Scanner, IRM, cystographie, cystoscopie, scintigraphie

L’interprétation des résultats, dont les seuils significatifs des bactériuries, les indications et quand ne pas faire d’ECBU systématique ; connaître les causes de leucocyturie aseptique

Connaître les mécanismes des colonisations urinaires, dont la colonisation de sonde urinaire

Connaître le potentiel évolutif des cystites aiguës simples ; savoir éliminer les diagnostics différentiels

Connaître la différence entre une pyélonéphrite simple et à risque de complication ; savoir reconnaître les risques de complication d’une pyélonéphrite ; connaître les examens complémentaires à réaliser au cours d’une pyélonéphrite, en urgence, en différé ; savoir poser l’indication d’un recours ; savoir éliminer les diagnostics différentiels

Savoir poser les indications des examens complémentaires des infections urinaires masculines ; connaître les complications des infections urinaires masculines ; savoir éliminer les diagnostics différentiels

Connaître les conditions de prise en charge urologique des infections urinaires masculines

Indications ECBU, observance

Connaître les étiologies, les facteurs favorisants et les examens complémentaires (cystographie, cystoscopie, scanner) à réaliser

Dont cystites postcoïtales, mesures hygiénodiététiques, indication et surveillance des traitements prolongés

 

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