Chapitre 08 – Troubles de la miction de l’adulte et du sujet âgé
Auteurs : Marie-Aimée Perrouin-Verbe, Véronique Phé |
Relecture : Morgan Rouprêt |
Plan |
Objectif pédagogique
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Résumé
Miction normale :
- miction volontaire, facile, indolore, complète, qui dure? <?1 minute ;
- fréquence : pas la nuit (délai entre les mictions < 2 h) ;
- Qmax >? 25 mL/s ;
- la miction normale résulte d’un équilibre entre les forces d’expulsion et de retenue.
Troubles de la miction :
- Il existe deux types de troubles :
- troubles de la phase de remplissage (= phase de retenue) : incontinence (cf. chapitre 7), pollakiurie et urgenturie ;
- troubles de la phase mictionnelle (= phase d’évacuation) : dysurie, rétention vésicale aiguë ou chronique.
Dysurie :
- interrogatoire :
- retard au démarrage, faiblesse du jet, poussée abdominale, augmentation du temps de miction avec parfois miction en deux temps, sensation de vidange incomplète, gouttes retardataires,
- recherche de signes fonctionnels urinaires associés : brûlures mictionnelles et ± hématurie si prostatite,
- retentissement sur la qualité de vie ? +++,
- score de symptômes : score IPSS +++ (International Prostatique Symptoms Score) ;
- examen clinique : toucher rectal (hypertrophie bénigne de prostate ? prostatite ?) ;
- examens complémentaires (tableau 8.2) ;
- évolution :
- rétention aiguë d’urine : urgence urologique,
- rétention vésicale chronique,
- reflux vésico-urétéral,
- infections urinaires à répétition (prostatite, orchi-épididymite, prostatite),
- insuffisance rénale chronique.
- étiologies (tableau 8.3).
Pollakiurie/urgenturie :
- interrogatoire
- pollakiurie :
- augmentation de la fréquence des mictions sans augmentation de la diurèse des 24 h (différent de la polyurie/polydipsie qui est l’augmentation de la diurèse des 24 h >? 2,5 L/24 h),
- délai entre les mictions < 2 h (mictions fréquentes mais de petits volumes),
- pollakiurie nocturne : > 1 réveil la nuit ;
- urgenturie (impériosités) :
- envies pressantes d’uriner, non inhibées, avec parfois fuites,
- rechercher des éléments en faveur d’autres causes d’irritation vésicale +++
- tumeur : tabac +++, profession (exposition à des amines aromatiques),
- calculs,
- cystites (infectieuses, chimiques, radiques, interstitielles) ;
- faire préciser l’importance des symptômes et le retentissement psychosocial ;
- rechercher les signes fonctionnels urinaires associés (brûlures et urgenturies en faveur d’un syndrome d’hyperactivité vésicale/dysurie en faveur d’un syndrome d’obstruction sous-vésicale) ;
- importance du calendrier mictionnel pour différencier de la polyurie ++.
- pollakiurie :
- examen clinique :
- toucher rectal ++ ;
- recherche de globe vésical.
- examens complémentaires (tableau 8.4) ;
- étiologies (tableau 8.5).
Syndrome d’obstruction sous-vésicale : dysurie? +? rétention vésicale ± pollakiurie (étiologies : cf. celles de la dysurie).
Syndrome d’hyperactivité vésicale (syndrome irritatif ou d’irritation vésicale) : pollakiuries +? urgenturies ± brûlures mictionnelles (étiologies : cf
Examen | Objectif/Résultats |
---|---|
Débitmétrie et mesure échographique du résidu post-mictionnel +++ | Recherche de débit diminué : débit max ? 15 mL/s en faveur de syndrome obstructif |
Échographie vésico-rénale | Recherche de dilatation pyélocalicielle, dysmorphie vésicale, volume prostatique, résidu vésical chronique |
BU ± ECBU | Recherche d’infection urinaire (prostatite ? ) |
Ionogramme sanguin, urémie, créatininémie | Recherche d’insuffisance rénale chronique en cas de rétention vésicale chronique |
Fibroscopie urétro-vésicale | Recherche de prostate volumineuse et obstructive, sténose de l’urètre, tumeur de la vessie ou lithiase |
UCRM (= urétrocystographie rétrograde et mictionnelle) | Vessie de lutte |
Bilan urodynamique (BUD) | Recherche d’hypertonie sphinctérienne Recherche d’acontractilité vésicale |
Obstruction sous-vésicale |
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Vessie neurogène |
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Causes fonctionnelles |
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Spécifiques à la femme |
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Médicamenteuses |
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Objectiver la pollakiurue/urgenturie | Calendrier mictionnel en faisant préciser les événements tels que urgenturies et fuites |
Rechercher sa cause | ECBU ++ (prostatite ? ), échographie vésico-rénale et prostatique (taille prostate, tumeur ou calcul vésical, caillot +++)/fibroscopie urétro-vésicale : recherche d’anomalie de l’urètre (sténose, corps étranger) et de la vessie (calcul, tumeur, corps étranger, vessie de lutte) |
UCRM | Recherche de résidu post-mictionnel, anomalie morphologique de l’urètre, maladie ou sclérose du col, vessie de lutte en « arbre de noël » en faveur d’un obstacle sous-vésical |
BUD | Recherche d’hyperactivité détrusorienne (contractions vésicales non inhibées) |
Vésicales |
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Sous-vésicales |
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Extravésicales |
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I – Pour comprendre
La miction a pour but de vider la vessie. Les anomalies de la miction peuvent résulter de troubles du remplissage vésical ou de troubles de la vidange vésicale. Les anomalies de la miction sont à l’origine de symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) perçus différemment d’un individu à l’autre. Une pathologie de la miction est définie par l’association de symptômes, de signes cliniques et d’observations urodynamiques.
II – Définition
Le but de la miction est la vidange complète de la vessie.
La miction normale est complète, volontaire et indolore, exclusivement diurne, dure moins d’une minute, permet l’élimination d’environ 350 mL d’urine, est espacée de 34 heures de la miction précédente.
La miction normale nécessite la coordination parfaite entre la contraction du détrusor et le relâchement des sphincters (lisse et strié), nécessite la perméabilité des voies urinaires sous-jacentes (prostate, urètre, méat).
La terminologie de l’ICS (International Continence Society) sert de référence pour la définition des troubles de la miction.
On distingue :
- les troubles de la phase de remplissage (= phase de retenue) :
- incontinence urinaire (cf. chapitre 7 [Incontinence urinaire de l’adulte et du sujet âgé]),
- pollakiurie :
- diurne : augmentation de la fréquence des mictions pendant la journée pathologique (nombre de miction physiologique = 6 à 8/j) (délai entre les mictions < 2 h) (mictions fréquentes mais de petits volumes),
- nocturne : augmentation de la fréquence des mictions nocturnes (> 1/nuit),
- nycturie : besoin d’uriner qui réveille le patient pendant la nuit,
- urgenturie : désir soudain impérieux et irrépressible d’uriner,
- syndrome clinique d’hyperactivité vésicale = pollakiurie + urgenturie ± brûlures mictionnelles,
- énurésie : miction involontaire,
- énurésie nocturne : miction involontaire pendant le sommeil,
- incontinence urinaire : fuite involontaire d’urine,
- incontinence urinaire à l’effort : fuite involontaire d’urine lors d’un effort physique, de toux, d’éternuements,
- incontinence urinaire par urgenturie : fuite involontaire d’urine accompagnée ou précédée par une urgenturie,
- incontinence urinaire mixte : fuite involontaire d’urine associée à une urgenturie avec des fuites involontaires lors d’exercices physiques,
- incontinence permanente : fuite d’urine permanente,
- sensibilité vésicale normale : besoin d’uriner progressivement croissant jusqu’à l’obtention d’un besoin pressant,
- sensibilité vésicale augmentée : besoin d’uriner très précoce et persistant,
- sensibilité vésicale réduite : sensation de remplissage vésical mais pas de besoin d’uriner,
- sensibilité vésicale absente : aucune sensation de remplissage ni de besoin ;
- les troubles de la phase mictionnelle (= phase d’évacuation) :
- faiblesse du jet : diminution de la force du jet,
- jet en arrosoir : jet dispersé,
- jet haché : miction interrompue,
- jet hésitant : retard à l’initiation de la miction,
- miction par poussée : jet urinaire obtenu par poussée abdominale,
- gouttes terminales : achèvement progressif et lent de la miction par un goutte-à-goutte,
- brûlures mictionnelles : douleurs à types de brûlures ressenties lors de la miction ;
- les symptômes de la phase postmictionnelles correspondent à une sensation de vidange vésicale incomplète, c’est-à-dire une impression que la vessie n’est pas vide après la miction.
Les gouttes retardataires sont une perte involontaire d’urine survenant immédiatement après la miction.
III – Physiologie
Le centre parasympathique de la moelle sacrée permet la contraction détrusorienne.
Le centre sympathique dorso-lombaire permet via les récepteurs ? présents sur la vessie une relaxation des fibres musculaires lisses de la vessie. Il permet via les récepteurs ? une contraction du col vésical et du sphincter lisse.
Le système somatique permet de contrôler le sphincter strié.
Au cours de la miction normale, la contraction détrusorienne est médiée par l’activation du centre parasympathique de la moelle sacrée (via l’acétylcholine) et le centre sympathique est inhibé permettant une relaxation du col vésical et du sphincter lisse afin de diminuer les résistances urétrales (fig. 8.1).
IV – Interrogatoire
Les antécédents doivent être précisés :
- antécédents urologiques (pathologie prostatique, hématurie, sondage, tumeur, calculs, radio- ou chimiothérapie ) ;
- antécédents chirurgicaux, chirurgicaux urologiques (résection transurétrale de prostate, prostatectomie ), gynécologiques (ménopause, prolapsus) ;
- antécédents carcinologiques (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, curiethérapie) ;
- pathologies infectieuses (cystites infectieuses ou à BK urinaire, bilharziose, parasitoses ) ;
- pathologie neurologique, diabète ;
- exposition à des facteurs de risque de tumeur vésicale : TABAC, exposition professionnelle (amines aromatiques).
La date d’apparition des troubles doit être mentionnée.
Certains médicaments favorisent :
- la miction : parasympathicomimétiques, sympatholytiques ;
- la continence : sympathicomimétiques (vasoconstricteurs nasaux), parasympathicolytiques (atropine, tricycliques, antispasmodiques et neuroleptiques), diurétiques, benzodiazépines.
Les signes fonctionnels urinaires traduisent :
- des troubles de la phase de remplissage :
- urgenturie (au maximum fuites par urgenturie),
- pollakiurie,
- syndrome d’hyperactivité vésicale au maximum (= urgenturie + pollakiurie + brûlures mictionnelles),
- douleur au remplissage vésical (= ténesmes vésicaux),
- incontinence urinaire ;
- des troubles de la phase de mictionnelle :
- dysurie,
- rétention vésicale aiguë ou chronique ;
- une hématurie.
Il est possible d’utiliser des questionnaires de symptômes validés en français (questionnaire USPUSP®).
Il faut veiller à évaluer le retentissement psychosocial à l’aide de questionnaires de qualité de vie validés en français.
V – Examen clinique
L’examen clinique sera centré sur l’appareil urinaire avec notamment la recherche d’un globe vésical, la réalisation des touchers pelviens (TR et toucher vaginal chez la femme), un examen neurologique y compris périnéal (tonicité sphinctérienne et réflexes périnéaux, sensibilité périnéale), un examen des organes génitaux externes et des orifices herniaires (surtout si dysurie car poussées abdominales). Il faut effectuer une bandelette urinaire.
VI – Examens complémentaires
A – Calendrier mictionnel
Il a pour objectif de recueillir sur plusieurs jours consécutifs les horaires et les volumes des mictions ainsi que la présence d’événements comme des fuites, urgenturies
Il permet de distinguer pollakiurie et polyurie.
Il permet de diagnostiquer une inversion du rythme nycthéméral avec diurèse prédominante la nuit (personnes âgées, patients neurologiques) (cf. annexe 7.1).
Devant toute pollakiurie, il est impératif de réaliser un calendrier mictionnel. En effet, le calendrier mictionnel permet de différencier la pollakiurie nocturne (augmentation de la fréquence des mictions la nuit) d’une polyurie nocturne (augmentation de la diurèse nocturne par inversion du rythme nycthéméral).
B – Débitmétrie
La débitmétrie permet d’obtenir la courbe de débit mictionnel.
Le débit résulte de l’équilibre entre la contraction détrusorienne et les résistances urétrales.
Un Qmax normal est supérieur à 2025 mL/s pour un volume de miction au moins équivalent à 150 mL.
L’aspect de la courbe normale est en forme de cloche (fig. 8.2). Il est important de mesurer au décours d’une débitmétrie le résidu post-mictionnel.
Boujnah Stéphane. Comment interpréter un bilan urodynamique. Réalités en Gynécologie-Obstétrique 2010 ; 142. |
C – Échographie vésicale post-mictionnelle
Elle est associée dans tous les cas à la débitmétrie, ce qui permet d’évaluer le volume d’urine résiduel après la miction.
D – Fibroscopie urétrovésicale
En cas de dysurie, la fibroscopie permet d’objectiver un obstacle sous-vésical (hypertrophie bénigne de prostate, sténose de l’urètre) et elle permet d’apprécier son retentissement (vessie de lutte).
En cas de pollakiurie/urgenturie, la fibroscopie permet d’objectiver l’étiologie de l’irritation vésicale (tumeur, lithiase ou cystite infectieuse, chimique, radique, interstitielle). Elle permet également de rechercher un obstacle sous-vésical associé à l’origine des symptômes.
E – Bilan urodynamique
Outre la débitmétrie, le bilan urodynamique comprend :
- une cystomanométrie (fig. 8.3) qui mesure les variations de pressions vésicales au cours du remplissage et permet de renseigner sur la capacité vésicale fonctionnelle, la compliance vésicale (faculté à se remplir sans augmenter ses pressions), la sensibilité vésicale (les besoins : B1 = premier besoin, B2 = besoin pressant, B3 = besoin urgent) et enfin la contractilité vésicale en recherchant des contractions anarchiques non inhibées dans le cadre d’une hyperactivité détrusorienne ;
- une profilométrie urétrale (fig. 8.4) qui permet de mesurer les pressions en chaque point de l’urètre, la longueur fonctionnelle de l’urètre et d’apprécier la stabilité urétrale ;
- une électromyographie qui n’est pas systématique mais qui permet d’étudier l’activité du sphincter strié urétral et la synergie vésico-sphinctérienne couplée à la cystomanométrie.
EMG : électromyogramme. D’après : Buzelin JM. Urodynamique. Bas appareil urinaire. Paris : Masson ; 1984. |
Hermieu JF. Recommandations pour la pratique de l’examen urodynamique dans l’exploration d’une incontinence urinaire féminine non neurologique. Prog Urol 2007 ; 17(6 Suppl. 2) : 12641284. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. |
VII – Bilan étiologique des troubles de la miction
Cf. tableau 8.1 et fig. 8.5, 8.6 et fig. 8.7
Risques évolutifs de la dysurie
- Rétention aiguë d’urine.
- Insuffisance rénale.
- Rétention chronique.
- Mictions par regorgement.
- Infections urinaires récidivantes.
- Calculs vésicaux.
Troubles mictionnels | Dysurie | Pollakiurie/urgenturie |
---|---|---|
Clinique | Interrogatoire
N.B : se méfier d’un tableau de globe chronique avec miction par regorgement et fuites.
Examen physique
|
Interrogatoire
Importance du calendrier mictionnel pour différencier de la polyurie ++ Faire préciser l’importance des symptômes et le retentissement psychosocial Examen physique
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Paraclinique |
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Étiologies
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1. Obstruction sous-vésicale :
2. Vessie neurogène :
3. Causes fonctionnelles :
4. Causes médicamenteuses :
|
1. Vésicales :
2. Sous-vésicales :
3. Neurologiques :
4. Autres :
|
Boujnah Stéphane. Comment interpréter un bilan urodynamique. Réalités en Gynécologie-Obstétrique 2010 ; 142. |
VIII – Principes thérapeutiques
Le traitement est étiologique.
Pour en savoir plus
- Bilan initial, suivi et traitement des troubles mictionnels en rapport avec hyperplasie bénigne de prostate : recommandation du CTMH de l’AFU.
Descazeaud A, Robert G, Delongchamps NB, Cornu JN, Saussine C, Haillot O, et al.
Prog Urol 2012 ; 22(16) : 977988. - Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire : adaptation française de la terminologie de l’International Continence Society.
Prog Urol 2004 ; 14(6) : 110311.
Annexe : Score IPSS (International Prostate Score Symptom)
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- Chapitre 06 – Andropause
- Chapitre 07 – Incontinence urinaire de l’adulte et du sujet âgé