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Chapitre 09 – Trouble de l’érection

Auteurs : Louise Alechinsky, Stéphane Droupy
Relecture : Morgan Rouprêt

Plan

  1. Pour comprendre
  2. Critères diagnostiques d’une dysfonction érectile (DE)
  3. Prise en charge initiale de la dysfonction érectile
  4. Maladie de lapeyronie
  5. Priapisme

Objectifs pédagogiques

  • Argumenter les principales hypothèses diagnostiques, justifier les examens complémentaires pertinents.
  • Citer les moyens thérapeutiques

Résumé

Définition :

  • incapacité d’obtenir et/ou de maintenir une érection suffisante pour permettre une activité sexuelle satisfaisante ;
  • pendant au moins 3 mois.

Épidémiologie :

  • un homme sur trois après 40 ans ;
  • symptôme sentinelle des maladies cardiovasculaires (coronaropathie+++).

Interrogatoire :

  • question simple « avez-vous un problème d’érection pendant les rapports ? » ;
  • différencier une DE d’origine organique d’une DE d’origine psychogène ;
  • évaluation de la sévérité par auto-questionnaire IIEF, délai apparition des troubles et capacité érectile résiduelle ;
  • évaluation de l’impact sur la qualité de vie ;
  • rechercher les pathologies influençant ou aggravant le DE :
    • pathologies athéromateuses et facteurs de risque cardio-vasculaires,
    • antécédents abdomino-pelviens (chirurgie, irradiation, traumatisme),
    • pathologies neurologiques, endocriniennes, hématologiques,
    • pathologies psychiatriques, addiction,
    • iatrogénèse médicamenteuse.

Examen physique :

  • urogénital avec toucher rectal ;
  • cardio-vasculaire ;
  • neurologique.

Examen de première intention :

  • glycémie à jeun ;
  • bilan lipidique ;
  • testostéronémie totale et biodisponible (homme ?>? 50 ans).

Principes thérapeutiques :

  • règles hygiéno-diététiques avec régime alimentaire et sevrage tabagique ;
  • lutte contre la iatrogénèse ;
  • inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (IPDE5) en première intention ;
  • injections intracaverneuses de prostaglandine en deuxième intention ;
  • traitements chirurgicaux (implants péniens) en troisième intention.

I – Pour comprendre

A – Anatomie (fig. 9.1)

1 – Corps érectiles

Les corps caverneux sont au nombre de deux, séparés par un septum perméable.

Fig. 9.1 Anatomie du pénis.

Les corps caverneux sont une éponge vasculaire active constituée de cellules musculaires lisses entourées d’un tissu de soutien conjonctif et élastique. Ce tissu est disposé en travées qui circonscrivent des alvéoles tapissées par des cellules endothéliales : ce sont les espaces sinusoïdes.

Autour des corps caverneux, l’albuginée est une membrane peu extensible et résistante, qui joue un rôle essentiel dans les mécanismes veino-occlusifs qui permettent la rigidité du pénis.

Le corps spongieux est unique et il entoure l’urètre. Sa partie initiale se nomme le bulbe, il est entouré du muscle bulbo-spongieux dont les contractions rythmiques permettent l’expulsion du sperme lors de l’éjaculation.

Le gland est la partie terminale du corps spongieux qui coiffe l’extrémité distale des corps caverneux.

2 – Vascularisation

Les artères caverneuses sont des branches des artères pudendales internes provenant de l’artère iliaque interne. La vascularisation du pénis est largement anastomosée entre le réseau des artères spongieuses et des artères dorsales de la verge.

Le drainage veineux est assuré par un réseau profond qui draine les espaces sinusoïdes via les veines sous-albuginéales, le corps spongieux via les veines circonflexes et le gland via les veines émissaires. Ces veines confluent vers la veine dorsale profonde puis vers le plexus veineux de Santorini et les veines pudendales qui se terminent dans les veines iliaques internes.

3 – Innervation

L’innervation pro-érectile est issue du système parasympathique et NANC (non adrénergique et non cholinergique : essentiellement nitrergique [NO]). elle est d’origine sacrée S2-24.

L’innervation sympathique est issue des centres thoraco-lombaires (T11 à L2) et des ganglions sympathiques sacrés (S3 et S4).

Les nerfs caverneux sont les rameaux terminaux du plexus hypogastrique inférieur et cheminent sur les faces latérales du rectum et de la prostate pour passer sous la symphyse pubienne autour de l’urètre.

À l’état flaccide, l’innervation sympathique adrénergique maintient le muscle lisse contracté limitant l’ouverture des espaces sinusoïdes. Lors de l’érection, les terminaisons parasympathiques libèrent l’acétylcholine qui inhibe la libération de noradrénaline et les terminaisons NANC libèrent le monoxyde d’azote (NO) qui permet la relaxation musculaire lisse et l’ouverture des espaces sinusoïdes.

L’innervation somatique pudendale est sensitive et transmet les informations issues du gland par le nerf dorsal du pénis et des téguments permettant le déclenchement d’érections dites « réflexes ». Elle est également motrice, innervant les muscles périnéaux et notamment les muscles ischio-caverneux entourant la racine des corps caverneux et le muscle bulbo-spongieux.

4 – Neuromédiateurs

La relaxation des fibres musculaires lisses des corps caverneux par diminution de la concentration de Ca2+ intracellulaire est un mécanisme essentiel de l’érection.

Le flux de calcium intracellulaire joue un rôle dans les cycles de l’AMP (AMPc) et du GMP (GMPc), du monoxyde d’azote (NO) (médiateur essentiel non cholinergique susceptible d’augmenter la concentration de GMPc intracellulaire et générer ainsi l’apparition d’une érection). La phosphodiestérase de type 5 (PDE5) est capable d’annihiler l’activité de la GMPc. Les inhibiteurs de PDE5 favorisent ainsi le maintien et la qualité de l’érection (fig. 9.2).

Fig. 9.2. Mécanismes cellulaires et neuromédiateurs impliqués dans la relaxation musculaire lisse lors de l’érection.
Source : Droupy S. Épidémiologie et physiopathologie de la dysfonction érectile. EMC – Urologie 2005 : 1–10 [Article 18-720-A-10]. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

5 – Muscles du périnée

Ils sont composés par le muscle bulbo-spongieux, impliqué dans l’expulsion du sperme et par les muscles ischio-caverneux, dont la contraction permet d’accroître la pression dans les corps caverneux.

B – Mécanismes de l’érection

La relaxation musculaire lisse permet l’ouverture des espaces sinusoïdes (fig. 9.3).

Fig. 9.3. Relaxation musculaire lisse permettant l’ouverture des espaces sinusoïdes et la vasodilatation artérielle.
Le mécanisme veinocclusif est représenté par la compression des veines sous-albuginéales.

La vasodilatation est liée à l’augmentation du débit artériel.

Le blocage du retour veineux est un mécanisme sous-albuginéal.

Le NO neuronal déclenche la relaxation de la cellule musculaire lisse et permet l’ouverture des espaces sinusoïdes qui se remplissent de sang artériel. Lorsque les espaces sont remplis, la compression des veines sous-albuginéales va s’opposer à la sortie du sang et permettre d’obtenir la rigidité du pénis (mécanisme veino-occlusif). Les cellules endothéliales qui tapissent la surface des espaces sinusoïdes sont étirées par ce remplissage et secrètent du NO qui participe au maintien de l’érection. En cas de dysfonction endothéliale (diabète, HTA, dyslipidémie, tabac), c’est le NO endothélial qui fait défaut et altère la qualité de l’érection.

II – Critères diagnostiques d’une dysfonction érectile (DE)

A – Définition-épidémiologie

1 – Définition

Elle est définie par l’incapacité d’obtenir et/ou de maintenir une érection suffisante pour permettre une activité sexuelle satisfaisante pendant au moins 3 mois.

2 – Épidémiologie

Un homme sur trois a des troubles de l’érection après 40 ans. L’âge est un facteur de risque indépendant de DE. On estime que 70 % des couples ont une sexualité active à 70 ans. La DE est un symptôme sentinelle des maladies cardiovasculaires et notamment de coronaropathie. La prévalence de la DE augmente en cas de comorbidités comme l’HTA, le diabète, la dyslipidémie et l’obésité.

B – Interrogatoire

1 – Diagnostic positif

Le diagnostic se pose à l’interrogatoire. Il faut poser des questions simples comme : « Avez-vous un problème d’érection (ou manque de rigidité) pendant les rapports ? ».

Les patients abordent rarement le sujet spontanément mais sont prêts à répondre aux questions du médecin.

La question doit être posée par le médecin car il s’agit d’un facteur de gravité chez les patients ayant des comorbidités. Le risque de mourir d’un événement cardiovasculaire est deux fois supérieur chez un diabétique ou un hypertendu souffrant de DE par exemple.

2 – Diagnostics différentiels des autres troubles sexuels

Il faut évoquer les diagnostics différentiels systématiquement à l’interrogatoire avec des questions simples portant sur :

  • des troubles du désirlibido ;
  • des troubles de l’éjaculation ;
  • des troubles de l’orgasme ;
  • des douleurs lors des rapports.

Des anomalies morphologiques, telles qu’une courbure de la verge gênant la pénétration (maladie de Lapeyronie) doivent être recherchées. Parfois, le patient peut avoir l’impression que la taille de sa verge est insuffisante.

Il existe une association fréquente entre la DE et d’autres troubles sexuels. La complexité de la prise en charge peut nécessiter un avis spécialisé.

3 – Caractérisation de la DE

Il faut faire préciser au patient :

  • le caractère primaire (c’est-à-dire depuis le début de la vie sexuelle) ou secondaire (c’est-à-dire après une période d’érections normales) ;
  • le caractère inaugural ou réactionnel à un trouble sexuel ;
  • le caractère brutal (facteur déclenchant ?) ou progressif de la DE ;
  • le caractère permanent ou situationnel (en fonction partenaire ?).

Il faut demander au patient s’il persiste des érections nocturnes et/ou matinales spontanées

4 – Sévérité de la DE

Le délai entre l’apparition des troubles et la consultation doit être précisé. Plus la durée est longue, plus la prise en charge sera difficile.

La capacité érectile résiduelle qui correspond à une tumescence sans rigidité suffisante pour une pénétration doit être mentionnée. La capacité érectile résiduelle est un facteur de bon pronostic.

Une évaluation par l’auto-questionnaire IIEF (International Index of Erectile Function), version courte, qui permet de classer la DE en fonction du score obtenu est recommandée. Elle permet de faire une évaluation simplifiée en grades de sévérité.

  • DE sévère : score de 5 à 10.
  • DE modérée : score de 11 à 15.
  • DE modérée à légère : 16 à 21.
  • DE légère : score de 22 à 25.
  • DE normale : score de 26 à 30.

Il faut aussi évoquer la possibilité d’érections provoquées (masturbation) et s’enquérir de la persistance des érections nocturneset/ou matinales spontanées.

5 – Histoire sexuelle

Elle doit préciser l’existence de difficultés sexuelles lors des premières expériences et la notion d’abus sexuels, notamment dans l’enfance.

6 – Évaluation du retentissement de la DE

L’impact sur la qualité de vie n’est pas obligatoirement proportionnel à la sévérité de la DE.

Il faut comprendre les raisons qui ont poussé le patient à consulter : une rencontre récente ? une demande de la partenaire ?

Il faut évaluer le contexte actuel affectif du patient et du couple.

Il faut se faire une idée du retentissement sur vie familiale ou professionnelle.

7 – État du couple

Il faut apprécier les difficultés de couple ou l’éventuelle absence de partenaire, voire l’existence de relations extraconjugales.

Il faut obtenir des renseignements sur la/le partenaire : son âge, sa motivation sexuelle, l’existence de troubles de la sexualité, le statut hormonal (ménopause), les antécédents gynécologiques, les antécédents chirurgicaux abdomino-pelviens ou sénologiques, et le mode de contraception utilisé.

8 – Recherche de pathologies ou facteurs influençant ou aggravant la DE

Parmi les causes les plus fréquentes on trouve le diabète et l’athérosclérose.

En cas de diabète, il faut vérifier l’équilibre glycémique du patient et rechercher des complications macro- et/ou micro-angiopathiques et neuropathiques associées.

Il faut explorer les autres facteurs de risque cardiovasculaire : un âge supérieur à 50 ans, un tabagisme, une HTA, une dyslipidémie, des antécédents familiaux, une obésité androïde et une éventuelle sédentarité (fig. 9.4).

Fig. 9.4. Étiologies de la dysfonction érectile : représentation synthétique.
D’après : Droupy S. [Epidemiology and physiopathology of erectile dysfunction]. Ann Urol 2005 ; 39(2) : 71–84. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Il faut détecter des signes cliniques en faveur d’une pathologie athéromateuse comme une artériopathie oblitérante des membres inférieurs, une cardiopathie ischémique, un anévrisme de l’aorte abdominale ou un antécédent d’accident vasculaire cérébral.

On recherche des antécédents abdomino-pelviens comme une chirurgie, une irradiation ou un traumatisme.

Il faut rechercher une affection neurologique : maladie de Parkinson, sclérose en plaques, épilepsiedémence ou séquelles de traumatisme médullaire.

Une endocrinopathie peut parfois être mise en cause comme un déficit en testostérone lié à l’âge, une dysthyroïdie ou une maladie d’Addison.

Une affection hématologique peut entraîner la DE comme la drépanocytose, la thalassémie et l’hémochromatose.

Des troubles du sommeil peuvent contribuer à la DE comme le syndrome d’apnée du sommeil et l’insomnie.

Enfin une iatrogénie médicamenteuse est souvent à l’origine de la DE : antidépresseurs, neuroleptiques, bêtabloquants non sélectifs, antihypertenseurs (antialdostérone et diurétiques thiazidiques), inhibiteurs de la 5-? réductase et antiandrogènes.

Des antécédents d’addiction à l’alcool ou à la drogue peuvent occasionner une DE.

Il faut également penser aux antécédents de troubles psychiatriques et à un syndrome dépressif.

Il faut être capable d’identifier une anxiété de performance sexuelle et tracer des événements de vie négatifs (chômage, décès, infertilité, divorce) ou positifs (naissance, promotion, nouvelle rencontre) dans les 6 mois avant l’apparition des troubles.

C – Examen clinique

1 – Examen urogénital

L’examen des organes génitaux externes est un préalable indispensable en appréciant la taille et la consistance des testiculeset en examinant le pénis (maladie de Lapeyronie, courbure congénitale, épispadias, hypospadias, fibrose corps caverneux [séquelle de priapisme], pénis enfoui).

Le toucher rectal à la recherche d’une hypertrophie prostatique ou d’un cancer de la prostate est effectué après 50 ans, ou à partir de 45 ans en cas d’antécédents familiaux.

D’un point de vue général, il faut rechercher une gynécomastie et apprécier la pilosité du patient.

2 – Examen cardio-vasculaire

Il est indispensable avec la prise de la tension artérielle, des pouls périphériques, une auscultation cardiaque à la recherche d’un souffle et la mesure du périmètre abdominal.

3 – Examen neurologique

Il comporte un examen des réflexes ostéo-tendineux et cutanéo-plantaires, une exploration de la sensibilité des membres inférieurs, et la recherche d’une anesthésie en selle.

D – Examens complémentaires

1 – En première intention

Il faut effectuer :

  • une glycémie à jeun et une hémoglobine glyquée en cas de patient diabétique connu ;
  • un bilan lipidique : cholestérol total, HDL, triglycérides ;
  • une testostéronémie totale et biodisponible chez les hommes de plus de 50 ans en cas de symptômes évocateurs de déficit en testostérone ;
  • en l’absence de bilan biologique récent, dans les cinq dernières années, demander : NFS, créatininémie, ionogramme et un bilan hépatique ;
  • le PSA total est dosé en fonction des symptômes et de l’examen prostatique dès lors qu’une androgénothérapie est envisagée (CI en cas de cancer de la prostate).

2 – En deuxième intention

En cas d’hypotestostéronémie, il faut obtenir confirmation par un deuxième dosage espacé de quelques semaines. Il faut doser la LH pour rechercher l’origine centrale ou périphérique et la prolactinémie.

Un test pharmacologique par injection intracaverneuse est utile si les inhibiteurs de PDE5 sont inefficaces ou en cas d’anérection. Il consiste en une injection intracaverneuse directe de PGE1 dans le tissu érectile afin d’évaluer sa qualité et la réponse vasculaire.

C’est un test préthérapeutique réalisé dans le cadre de l’apprentissage d’auto-injections par le patient.

E – Synthèse

Un bilan minimum initial est recommandé avec interrogatoire et examen physique et dosages d’une glycémie à jeun et un bilan lipidique. Rechercher les comorbidités et les facteurs de risque cardiovasculaire.

L’importance de la composante psychologique doit être évaluée (anxiété de performance) (tableau 9.1).

Tableau 20.1 Orientation étiologique vers une cause organique ou psychogène de la DE.
Origine organique prédominante Origine psychogène prédominante
Début progressif Apparition brutale
Disparition des érections nocturnes Conservation des érections nocturnes
Conservation de la libido (sauf si hypogonadisme) Diminution de la libido (secondaire)
Éjaculation verge molle Absence d’éjaculation
Partenaire stable Conflits conjugaux
Absence de facteur déclenchant Facteur déclenchant
Étiologie organique évidente Dépression
Examen clinique anormal Examen clinique normal
Personnalité stable et humeur normale Anxiété, troubles de l’humeur
Examens complémentaires anormaux Examens complémentaires normaux

III – Prise en charge initiale de la dysfonction érectile

La prise en charge de la dysfonction érectile en médecine générale est proposée dans la figure 9.5.

Fig. 9.5. Prise en charge de la DE en médecine générale.
Source : Cour F, Fabbro-Peray P, Cuzin B, Bonierbale M, Bondil P, de Crecy M et al. Recommandations aux médecins généralistes pour la prise en charge de première intention de la dysfonction érectile. Prog Urol 2005 ; 15 : 1011–1020. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

A – Information sexuelle

L’information se doit d’être claire, loyale et appropriée à propos notamment de la physiologie de l’érection, du mécanisme des pannes, du mécanisme de l’anxiété de performance, de la prévalence de la DE. Une évolution de la sexualité avec l’âge est une réalité qu’il faut expliquer au patient, tout en adoptant une attitude de réassurance et de dédramatisation.

B – Conseils d’hygiène de vie

Il faut demander au patient de perdre du poids en cas de surpoids. Il faut l’inciter à faire un sevrage tabagique et à lutter contre les addictions et contre la sédentarité.

C – Lutte contre iatrogénèse

Il faut rechercher une imputabilité extrinsèque en parcourant la notice du médicament, les recommandations de la HAS et en assurant une revue de littérature et d’Internet.

Il faut établir une imputabilité intrinsèque en établissant un rapport chronologique entre la mise en place du traitement et l’installation de la DE.

En cas de traitement antihypertenseur, les deux classes le plus souvent incriminées sont les bêtabloquants et lesdiurétiques. Si le patient est coronarien ou diabétique, il faut toujours demander un avis cardiologique.

Il existe une intrication possible des troubles sexuels induits par le syndrome dépressif lui-même et le traitement antidépresseur. Ne pas hésiter à demander un avis psychiatrique obligatoire avant toute modification de traitement.

D – Traitements pharmacologiques

1 – Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (IPDE5)

Il s’agit du traitement de référence en première intention. Ils facilitent, lors d’une stimulation sexuelle, la myorelaxation intracaverneuse et donc la qualité et la durée du remplissage des corps érectiles à l’origine de l’érection.

Quatre molécules dont une est génériquée sont actuellement disponibles, non remboursées par la Sécurité sociale :

  • le sidanefil (Viagra® et génériques : 25, 50 et 100 mg) à la demande (prendre au moins une demi-heure avant le rapport, efficace 6 à 10 heures) ;
  • le tadafil (Cialis® : 10 et 20 mg) à la demande (prendre au moins une heure avant les rapports, efficace 36 à 48 heures) et quotidien (5 mg/j) ;
  • le vardénafil (Lévitra® : 10 et 20 mg) à la demande (prendre au moins une demi-heure avant le rapport, efficace 6 à 10 heures) ;
  • l’avanafil (Spedra® : 50, 100 et 200 mg) à la demande (prendre au moins 15 minutes avant le rapport, efficace 6 à 10 heures).

Le prix en pharmacie est libre et est en moyenne de 4 à 12 €/comprimé pour les marques, de 1 à 3 €/comprimé pour les génériques de sildenafil.

Le taux d’efficacité est de l’ordre de 65 à 85 %.

La principale contre-indication est la prise de dérivés nitrés et de médicaments donneurs de NO (nicorandil, molsidomine). Il existe dans ce cas un risque majeur d’hypotension pouvant être mortelle chez un patient coronarien.

Avant d’instaurer un traitement d’aide à l’érection, il est recommandé de vérifier l’aptitude physique pour le rapport sexuel (ex. : réalisation facilement de 20 minutes de marche par jour ou de la montée de deux étages). Un avis cardiologique est indispensable en cas d’état cardiovasculaire instable.

2 – Injections intracaverneuses (IIC) de PGE1

La prostaglandine E1 (alprostadil) induit l’érection par l’intermédiaire de récepteurs intracaverneux, dont la stimulation provoque une relaxation du muscle lisse par augmentation de la concentration d’AMPc.

Elles sont indiquées en cas de contre-indication, d’échec ou d’intolérance du traitement oral, ou si le patient souhaite y passer spontanément ou s’il existe un problème financier lié au nonremboursement des IPDE5.

Les effets secondaires rencontrés sont :

  • la douleur essentiellement en début de traitement ;
  • l’hématome au point de ponction, sans gravité ;
  • les érections prolongées, voire un priapisme ;
  • la fibrose localisée des corps caverneux.

Il n’y a pas de contre-indication dans les pathologies cardio-vasculaires, ni en cas de traitement anticoagulant.

Il faut réaliser au moins une injection test et un apprentissage en consultation (éducation thérapeutique).

Les injections intracaverneuses (fig. 9.6) sont remboursées par la sécurité sociale dans certaines indications sur « ordonnance de médicament d’exception ». Ce remboursement concerne notamment :

  • paraplégie et tétraplégie quelle qu’en soit l’origine ;
  • traumatisme du bassin compliqué de troubles urinaires ;
  • séquelles de la chirurgie (anévrisme de l’aorte, prostatectomie radicale, cystectomie totale et exérèse colorectale) ;
  • séquelles de la radiothérapie abdomino-pelvienne ;
  • séquelles de priapisme ;
  • neuropathie diabétique avérée ;
  • sclérose en plaques.
Fig. 9.6. Principes de l’injection intracaverneuse.
Source : Lebret T, Cour F. Impuissance : dysfonction érectile. EMC – Endocrinologie-Nutrition 2004 : 1–10 [Article 10-032-R-10]. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

3- Prostaglandines E1 intra-urétrales : dispositif Muse® et vitaros®

Il s’agit d’un bâtonnet et d’un gel à usage intra-urétral (fig. 9.7).

Fig. 9.7. Prostaglandine intra-urétrale.
  • A. Bâtonnet intra-urétral : insertion intra-urétrale de prostaglandine (Muse®).
    Source : Lebret T, Cour F. Impuissance : dysfonction érectile. EMC – Endocrinologie-Nutrition 2004 : 1–10 [Article 10-032-R-10]. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
  • B. Instillation d’une goutte de crème au niveau du méat urétral (Vitaros®).
    Source : Laboratoire Majorelle©

4 – Vacuum (érecteur à dépression)

Il s’agit d’une pompe manuelle ou électrique (fig. 9.8, pompe manuelle) permettant d’obtenir une rigidité de la verge par dépression de l’air environnant la verge flaccide. L’érection est ensuite prolongée par le placement d’un anneau souple positionné à la racine de la verge (cock ring). Ce dispositif n’est pas remboursé par la Sécurité sociale (250 à 400 €).

Fig. 9.8. Pompe à vide ou vacuum.

5 – Traitements chirurgicaux : implants péniens

Il s’agit de la mise en place chirurgicale de deux implants, un dans chaque corps caverneux entraînant une érection mécanique (fig. 9.9). Certains systèmes sont hydrauliques : les implants sont reliés à une pompe placée dans le scrotum et à un réservoir placé dans l’espace prévésical qui permettent une alternance flaccidité-érection.

Ils se substituent de façon définitive au tissu érectile.

Il s’agit d’un traitement de troisième ligne de la DE.

Les deux types de complications sont l’infection prothétique et les problèmes mécaniques nécessitant une ré-intervention.

Fig. 9.9. Prothèse pénienne.
Source : Audenet F, Rouprêt M. Dysfonction érectile : prise en charge diagnostique et thérapeutique. EMC – Endocrinologie-Nutrition 2012 : 1–11 [Article 10-032-R-10]. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

IV – Maladie de lapeyronie

Il s’agit d’une maladie décrite par Lapeyronie, chirurgien de Louis XV (induratio penis plastica). C’est une affection bénigneobservée chez 3 à 9 % des hommes, d’étiologie inconnue. Elle correspond à une fibrose localisée de l’albuginée formant uneplaque. Elle est à l’origine d’une courbure de la verge en érection (fig. 9.10).

Fig. 9.10. Courbure latérale gauche et dorsale acquise dans le cadre d’une maladie de Lapeyronie.

Lorsque les déviations de la verge sont majeures, elles empêchent l’intromission et/ou sont responsables de dysfonction érectile. Le diagnostic se fait à l’examen clinique par la palpation des plaques et par un examen de la verge ou d’une photo du pénis en érection.

Aucun examen complémentaire n’est requis (IRM et écho-Doppler de la verge seulement dans les cas complexes).

L’évolution naturelle est variable d’un individu à l’autre : stabilisation, aggravation ou régression.

Deux phases vont se succéder au cours de l’histoire naturelle de la maladie : la première inflammatoire (plaque de novo et douleurs) et la seconde cicatricielle (stabilisation).

Aucun traitement médical n’a d’AMM dans la maladie de Lapeyronie. Il est parfois proposé durant la phase inflammatoire pour limiter les douleurs et éventuellement la progression. Il est en général peu satisfaisant et repose sur les AINS, la vitamine E, la pentoxyphyline, et la colchicine.

Certains auteurs ont proposé de réaliser des injections au sein des plaques de fibrose afin de les fragiliser. Le Xiaflex®(collagènase Clostridium hystolyticum) vient d’être autorisé par la FDA.

Le traitement chirurgical (plicatures ou incision-greffe) est envisagé lorsque la déviation ou la dysfonction érectile empêche les rapports sexuels. Une photographie préopératoire est alors indispensable, elle a une valeur médico-légale.

V – Priapisme

A – Définition

Le priapisme correspond à un état d’érection prolongée au-delà de 4 heures qui est parfois douloureux, en dehors de toute stimulation sexuelle.

Le priapisme concerne essentiellement les corps caverneux. Le gland et le corps spongieux sont généralement épargnés. Il s’agit d’une affection rare avec incidence de 1,5 pour 100 000 personnes. Il existe deux sortes de priapisme (à bas débit et à haut débit) présentant deux tableaux complètement distincts.

B – Priapisme à bas débit (ischémique)

Il est la conséquence d’une paralysie du muscle lisse caverneux qui ne peut plus se contracter et laisse stagner du sang hypoxique au sein des espaces sinusoïdes.

C’est le priapisme le plus fréquent. Il s’agit d’une urgence. Au-delà de 6 heures, il existe un risque d’apparition d’une lésion progressive des fibres musculaires lisses du corps caverneux exposant à une dysfonction érectile définitiveL’érection est douloureuse.

Les étiologies à évoquer sont :

  • iatrogénie : injection intracaverneuse +++ ;
  • causes hématologiques :
    • drépanocytose, thalassémie (hémoglobinopathie),
    • trouble de la coagulation,
    • leucémie myéloïde chronique ;
  • envahissement néoplasique avec compression extrinsèque ;
  • traumatismes médullaires par lésion du système sympathique.

On estime que 30 à 50 % des priapismes sont d’étiologie inconnue. La gravité de l’hypoxie et de l’acidose caverneuse peut être évaluée par une gazométrie du sang caverneux.

C – Priapisme à haut débit (artériel)

Il est secondaire à un traumatisme de la verge flaccide souvent au niveau périnéal lors d’un accident (vélo, moto).

Il est non douloureux et souvent partiel car le tissu du corps caverneux n’est pas ischémique.

Il survient souvent comme une conséquence d’une fistule artériocaverneuse.

D – Prise en charge

Elle dépend du type de priapisme. Le délai de consultation est un élément important.

En cas de doute diagnostique, un écho-Doppler permet d’identifier la fistule artériocaverneuse.

1 – Priapisme à haut débit

Il ne correspond pas à proprement parler à une urgence puisqu’il n’y a pas d’hypoxie caverneuse et que la régression spontanée est possible.

L’examen de référence est l’artériographie pelvienne avec embolisation si le diagnostic de fistule artérioveineuse est établi.

L’évolution est en règle générale favorable avec récupération d’une fonction érectile normale.

2 – Priapisme à bas débit

C’est une véritable urgence. Avant la 6e heure, il faut employer des « petits moyens » comme l’effort physique, la réfrigération cutanée pénienne et les alphastimulants par voie orale (Effortil®).

En cas d’inefficacité des méthodes médicales, la ponction évacuatrice intracaverneuse sous bloc anesthésique pénien est indispensable. Elle permet de décomprimer les corps caverneux en retirant le sang de stase, et elle permet d’effectuer une gazométrie. En cas de récidive, il faudra procéder à une injection intracaverneuse d’alphastimulant en l’absence de contre-indications (Effortil®, éphédrine), à répéter si nécessaire.

La chirurgie est envisagée seulement en cas d’échec de toutes les méthodes ci-dessus. Elle consiste en la réalisation d’unshunt caverno-spongieux. Elle permet au sang intracaverneux de se drainer dans le corps spongieux du gland.

Pour en savoir plus

Rapport du Congrès Français d’Urologie 2012. Médecine sexuelle. Prog Urol 2013;23(9):541–837. :

Annexe 1 : Questionnaire IIEF 6

Au cours des six derniers mois :

  • Question 1 : À quelle fréquence avez-vous pu avoir une érection, au cours de vos activités sexuelles ?
    • Presque jamais ou jamais
    • Rarement (beaucoup moins qu’une fois sur deux)
    • Quelquefois (environ une fois sur deux)
    • La plupart du temps (beaucoup plus qu’une fois sur deux)
    • Presque tout le temps ou tout le temps
  • Question 2 : Lorsque vous avez eu des érections à la suite de stimulations sexuelles, à quelle fréquence votre pénis a-t-il été suffisamment rigide (dur) pour permettre la pénétration ?
    • Presque jamais ou jamais
    • Rarement (beaucoup moins qu’une fois sur deux)
    • Quelquefois (environ une fois sur deux)
    • La plupart du temps (beaucoup plus qu’une fois sur deux)
    • Presque tout le temps ou tout le temps
  • Question 3 : Lorsque vous avez essayé d’avoir des rapports sexuels, à quelle fréquence avez-vous pu pénétrer votre partenaire (introduction du pénis dans le vagin) ?
    • Presque jamais ou jamais
    • Rarement (beaucoup moins qu’une fois sur deux)
    • Quelquefois (environ une fois sur deux)
    • La plupart du temps (beaucoup plus qu’une fois sur deux)
    • Presque tout le temps ou tout le temps
  • Question 4 : Pendant vos rapports sexuels, à quelle fréquence avez-vous pu rester en érection après avoir pénétré votre partenaire (introduction du pénis dans le vagin) ?
    • Presque jamais ou jamais
    • Rarement (beaucoup moins qu’une fois sur deux)
    • Quelquefois (environ une fois sur deux)
    • La plupart du temps (beaucoup plus qu’une fois sur deux)
    • Presque tout le temps ou tout le temps
  • Question 5 : Pendant vos rapports sexuels, à quel point vous a-t-il été difficile de rester en érection jusque l’orgasme ?
    • Presque tout le temps ou tout le temps
    • La plupart du temps (beaucoup plus qu’une fois sur deux)
    • Quelquefois (environ une fois sur deux)
    • Rarement (beaucoup moins qu’une fois sur deux)
    • Presque jamais ou jamais
  • Question 6 : À quel point étiez-vous sûr de pouvoir avoir une érection et de la maintenir ?
    • Pas sûr du tout
    • Pas très sûr
    • Moyennement sûr
    • Sûr
    • Très sûr

Résultats : 30-26 : pas de DE ; 25-22 : DE légère ; 21-11 : DE modérée ; 10-6 : DE sévère (Annexe 2).

Original research-outcomes assessment : Validation of the Erection Hardness Score, Mulhall J.-P. et al., Journal of Sexual Medicine 2007 ; 4 : 1626-1634. © John Wiley and Sons.

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