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Chapitre 14 – Hématurie

Auteurs : Laurent Nison, Pierre Colin
Relecture : Morgan Rouprêt

Plan

  1. Pour comprendre
  2. Enquête étiologique
  3. Étiologies
  4. Arbre décisionnel

Objectifs pédagogiques

  • Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.

Résumé

A. Définitions

Présence de sang dans les urines émises lors d’une miction. L’hématurie macroscopique : est visible à l’œil nu. L’hématurie microscopique est définie par ? 5–10 hématies/mm3à toujours confirmer par un ECBU.

Il existe de fausses hématuries (diagnostics différentiels) :

  • hémorragie de voisinage : urétrorragie, menstruations, métrorragie ;
  • coloration médicamenteuse : rifampicine, métronidazole, vit B12, salazopyrine ;
  • coloration alimentaire : betteraves, mûres ;
  • pigments sanguins ou biliaires : myoglobinurie, hémoglobinurie, bilirubinurie.

B. Évaluation clinique

Les antécédents généraux sont à évoquer : diabète, drépanocytose, tuberculose.

Les traitements en cours doivent être relevés : anticoagulants, AINS…

La chronologie de l’hématurie a une valeur localisatrice :

  • initiale : origine urethro-prostatique ;
  • terminale : atteinte vésicale ;
  • totale : atteinte urologique ou néphrologique possible.

Orientation urologique :

  • facteurs de risque de carcinome urothélial : tabac, exposition professionnelle ;
  • antécédent de colique néphrétique, traumatisme, voyage récent ;
  • présence de caillots ;
  • symptomatologie : douleur lombaire, syndrome irritatif ou obstructif ;
  • anomalie aux touchers pelviens.

Orientation néphrologique :

  • homme jeune, infection ORL récente ;
  • HTA, œdèmes des membres inférieurs, protéinurie à la BU ;
  • absence de caillots ou de symptomatologie urologique.

Il faut rechercher des signes de gravité :

  • évaluation hémodynamique : anémie, choc hypovolémique ;
  • rétention aiguë d’urine sur caillotage : sondage vésical ± irrigations ;
  • décaillotage, contre-indication absolue au cysto-cathéter ;
  • hypertension maligne en cas de néphropathie.

C. Examens complémentaires

  • Orientation urologique :
    • ECBU ;
    • créatininémie, NF, bilan d’hémostase ± pré-transfusionnel ;
    • échographie vésico-rénale, uroscanner ;
    • cystoscopie et cytologie urinaire. Indispensables si facteurs de risque de carcinome urothélial.
  • Orientation néphrologique :
    • ECBU, protéinurie ;
    • créatininémie, NF, bilan d’hémostase ;
    • échographie vésico-rénale ;
    • ponction biopsie rénale.
  • Hématurie isolée : bilan « urologique » de première intention avant d’envisager une étiologie néphrologique.

D. Étiologies

Un traitement anticoagulant peut favoriser une hématurie mais n’est jamais à considérer comme responsable de première intention. Il ne doit pas dispenser d’un bilan étiologique.

  • Urologiques :
    • carcinome urothélial +++ : vessie, voie excrétrice supérieure (étiologie à éliminer devant toute hématurie macroscopique ou microscopique isolée) ;
    • cancer du rein +++ ;
    • infections urinaires ++ et parasitoses (communes et plus rarement tuberculose, bilharziose) ;
    • lithiase urinaire ++ ;
    • affections prostatiques (cancer, hypertrophie bénigne) ;
    • traumatisme urologique (rein, vessie).
  • Néphrologiques :
    • glomérulopathies : syndrome néphritique aigu post-streptococcique, maladie de Berger, syndrome d’Alport ;
    • interstitielle : néphropathie immuno-allergique ;
    • polykystose rénale ;
    • vasculaire : nécrose papillaire, thrombose de l’artère ou de la veine rénale.
  • Hématurie d’effort : diagnostic d’élimination.

I – Pour comprendre

A – Définitions

L’hématurie est la présence, en quantité anormale, d’hématies émises dans les urines (? 10/mm3 ou 10 000/mL), lors d’une miction.

On en distingue 2 types (tableau 14.1) (fig. 14.1 et fig. 14.2). :

Tableau 14.1. Différences entre hématurie microscopique et macroscopique.
Hématurie macroscopique Hématurie microscopique
Définition
Coloration rosée, rouge ou brunâtre visible à l’œil nu (fig. 14.1)
(pour info, à partir de ? 500 hématies/mm3)
Invisible à l’œil nu (fig. 14.2)
? 10 hématies/mm3
Circonstances de découverte
Motif fréquent de consultation :

  • aux urgences, au décours d’un épisode (cf. Prise en charge immédiate)
  • à distance d’un épisode aigu unique ou répété

Symptôme non spécifique, associé à de nombreuses pathologies urologiques (néoplasiques, infectieuses, lithiasiques) ou néphrologiques

Positivité à la bandelette urinaire :

  • réalisée de façon systématique (dépistage en médecine du travail) ou
  • orientée lors d’un bilan de :
    • diabète
    • hypertension artérielle
    • insuffisance rénale
    • œdème des membres inférieurs
    • pathologies auto-immunes

Sur examen cytologique quantitatif des urines (ECBU)

Valeur sémiologique
Identique : atteinte du parenchyme rénal ou de la voie excrétrice urinaire (cavités pyélocalicielles, uretères, vessie, urètre)
Fig. 14.1. Hématurie macroscopique.
Fig. 14.2. Hématurie microscopique, BU positive.

B – Physiopathologie

Les hématuries micro- et macroscopiques peuvent intervenir dans deux cadres nosologiques :

  • soit il s’agit d’un cadre urologique. La présence des hématies dans les urines est liée à une lésion du parenchyme ou de l’arbre urinaire. Celle-ci conduit à l’effraction (micro- ou macroscopique) de vaisseaux sanguins, dont le contenu va se retrouver en contact avec la lumière de la voie excrétrice urinaire ;
  • soit il s’agit d’un cadre néphrologique. L’hématurie est liée au passage des hématies à travers une membrane basale glomérulaire altérée. Cette physiopathologie explique l’absence de caillots lors d’une hématurie macroscopique d’origine néphrologique, en raison de l’action fibrinolytique de l’urokinase tubulaire ; la présence de cylindres hématiques ou d’hématies déformées sur l’analyse du culot urinaire ; l’association fréquente à une protéinurie (? 0,3 g/24 h), voire à un syndrome néphrotique ou néphritique.

C – Diagnostics positifs et différentiels de l’hématurie

La bandelette urinaire détecte la présence de sang dans les urines (? 5 hématies/mm3) grâce aux propriétés peroxydasiques de l’hémoglobine. La sensibilité de cet examen est de 90 %, mais il existe des faux-positifs : myoglobinurie, hémoglobinurie.

Avant réalisation d’un bilan étiologique, la présence de fausses hématuries est à éliminer par un examen direct du sédiment urinaire lors d’un ECBU. Le compte d’Addis-Hamburger ou « hématie-leucocytes/minutes » (seuil pathologique > 10 000/min) n’est plus réalisé en routine.

Diagnostics différentiels de l’hématurie

  • Hémorragie de voisinage
    • Urétrorragie (persistance d’un saignement en dehors des mictions).
    • Génitale (menstruations, métrorragies), hémospermie.
  • Coloration d’origine alimentaire
    • Betteraves, mûres, myrtilles, rhubarbe, choux rouge, colorant alimentaire : rhodamine B.
  • Coloration liée à une prise médicamenteuse
    • Antibiotiques : rifampicine, érythromycine, métronidazole.
    • Anti-inflammatoires : acide aminosalicylique, salazopyrine, ibuprofène.
    • Vitamines : B12.
    • Laxatifs contenant de la pénolphtaléine.
    • Contact avec antiseptique : povidone-iodine, eau de Javel.
  • Origine métabolique
    • Hémoglobinurie par hémolyse.
    • Myoglobinurie par rhabdomyolyse.
    • Urobilinurie, porphyrie.
    • Intoxication : plomb, mercure.

À retenir

Le diagnostic d’hématurie doit toujours être confirmé par un examen cytologique urinaire quantitatif. Il n’existe pas de corrélation entre le type d’hématurie et la gravité de la maladie causale. La démarche diagnostique est identique pour une hématurie macro- et/ou microscopique persistante.

II – Enquête étiologique

A – Examen clinique

L’examen clinique initial permet d’orienter, dans la majorité des cas, le bilan vers une étiologie urologique ou néphrologique, et conditionne le choix d’examens complémentaires adaptés.

1 – Interrogatoire

Le mode de vie est à explorer à l’anamnèse, et notamment : l’origine ethnique, la notion de voyage en zone d’endémie pour certaines expositions environnementales ou infectieuses (bilharziose, tuberculose). Il faut recherche des facteurs de risque de carcinomes urothéliaux comme une exposition professionnelle à des carcinogènes (amines aromatiques, goudron, colorants) ou un tabagisme actif ou sevré.

Au niveau des antécédents familiaux, on recherchera des pathologies urologiques telles que la polykystose hépatorénale ou des cancers (rénaux, prostatiques ou urothéliaux). Sur le plan néphrologique, il faut rechercher une insuffisance rénale ou une surdité héréditaire (syndrome d’Alport).

Au niveau des antécédents personnels, un terrain à risque particulier est à éliminer (diabète, drépanocytose, troubles de la coagulation [épistaxis, hémorragie digestive, hématomes souscutanés], infections urinaires, lithiases urinaires/coliques néphrétiques, tumeurs urologiques et éventuellement une infection ORL récente [glomérulonéphrites post-streptococciques]).

Il faut s’enquérir des traitements que prend le patient et notamment : des anticoagulants ou des antiagrégants plaquettaires, des AINS (responsables de néphropathie).

Il faut rechercher des facteurs de risque de carcinome urothélial comme le cyclophosphamide, ou une irradiation pelvienne.

Les circonstances de découverte peuvent aussi aider à établir le diagnostic. Il existe parfois un contexte évocateur évident comme un traumatisme, une chirurgie urologique ou une manœuvre endo-urologique récente (sondage, cystoscopie). Il faut faire préciser au patient s’il s’agit d’un premier épisode ou d’une récidive, la date de survenue, la durée d’évolution, et le caractère cyclique ou non du saignement (endométriose).

Caractéristiques de l’hématurie (si macroscopique)

  • Présence de caillots : oriente vers une étiologie urologique. Les hématuries glomérulaires (néphrologiques) bénéficient de l’action fibrinolytique de l’urokinase tubulaire.
  • Chronologie de l’hématurie sur le temps mictionnel (épreuve des 3 verres) (fig. 14.3) :
    • initiale (survenant au début de la miction) : suggère une localisation urétro-prostatique ;
    • terminale (en fin de miction) : signe une localisation vésicale ;
    • totale (sur toute la durée de la miction) : peut être d’origine rénale, cependant en cas d’hématurie abondante, elle n’a pas de valeur localisatrice.

L’examen général recherche l’existence d’une fièvre, d’une perte de poids, d’une asthénie (insuffisance rénale, cancer), ou de douleurs osseuses.

Fig. 14.3. Épreuve des 3 verres.

L’existence de signes fonctionnels urologiques peut avoir valeur d’orientation. En effet, une pollakiurie et une dysurie évoqueront une étiologie du bas appareil. Des douleurs lombaires chroniques ou des coliques néphrétiques feront évoquer plutôt un caillotage de la voie excrétrice ou une pathologie lithiasique. Une hyperthermie, des brûlures mictionnelles feront penser à un processus infectieux. Enfin, il existe des symptômes évocateurs de néphropathie comme la prise de poids, la présence d’oedèmes, et l’existence de signes indirects d’HTA (céphalées, acouphènes…).

2 – Examen physique

Il recherche des signes de gravité avec évaluation du retentissement hémodynamique en prenant le pouls et la tension artérielle :

  • hypovolémie en cas d’hématurie macroscopique massive : tachycardie, hypotension artérielle, marbrures ;
  • hypertension maligne en cas de néphropathie glomérulaire sévère.

La palpation hypogastrique est indispensable à la recherche d’un globe vésical (rétention aiguë sur caillotage).

Il faut être vigilant vis-à-vis des signes d’anémie (en cas d’hématurie chronique) : pâleur cutanéo-muqueuse.

Conduite à tenir symptomatique

En cas d’hématurie macroscopique importante avec caillotage et/ou rétention aiguë d’urine, mise en place :

  • d’une sonde vésicale double courant avec mesures d’asepsie, en système clos. Réalisation d’un ECBU lors de la pose ;
  • d’irrigations/lavages en continu associés à des décaillotages à la seringue si nécessaire (fig. 14.4). Surveillance des volumes d’« entrées/sorties ».

Contre-indication au cathéter sus-pubien. Toute hématurie pouvant révéler un cancer urothélial, la pose d’un cathéter pourrait aggraver le stade d’une éventuelle lésion en réalisant une dissémination le long de son trajet.

Fig. 14.4. Sonde double courant pour irrigation vésicale.

Il faut rechercher un contact lombaire à la palpation évoquant une tumeur ou une polykystose.

La percussion des fosses lombaires peut mettre en évidence une douleur de colique néphrétique (par lithiase ou caillotage de la voie excrétrice).

La recherche d’une varicocèle (signe de compression de la veine spermatique gauche ou de la veine cave) est parfois évocatrice d’une tumeur rénale gauche.

Les touchers pelviens sont requis à la recherche d’une hypertrophie ou d’un cancer prostatique, ou d’une masse pelvienne. L’inspection et la palpation des membres inférieurs doivent rechercher des œdèmes.

B – Examens complémentaires

Ils sont de 4 ordres : biologique, morphologique, endoscopique et anatomopathologique. La pertinence de leur choix sera définie par l’orientation établie à l’issue de la phase clinique.

1 – Biologiques

À visée diagnostique :

a – ECBU

L’analyse bactériologique permet d’éliminer une infection urinaire.

En cas de contexte évocateur, une recherche spécifique d’infection bilharzienne ou tuberculeuse doit être mentionnée. Ces infections peu courantes ne sont pas recherchées en routine.

L’analyse cytologique confirme le diagnostic d’hématurie en cas de doute et précise la morphologie érythrocytaire ou la présence de cylindres hématiques orientant vers une origine néphrologique.

b – La protéinurie des 24 heures

La protéinurie des 24 heures est possiblement liée à la présence de sang jusqu’à 1 g/24 h. Elle sera idéalement dosée en dehors d’un épisode hématurique. Son taux est spécifique d’une atteinte glomérulaire au-delà de 2 g/24 h.

c – Pour apprécier le retentissement de l’hématurie

Faire une numération-formule sanguine et un bilan d’hémostase (TP/TCA) permet d’évaluer l’importance du saignement (déglobulisation massive) en phase aiguë, de connaître le retentissement en cas de chronicité (anémie inflammatoire, syndrome paranéoplasique avec anémie ou polyglobulie). Ce dosage permet de détecter des facteurs favorisant le saignement, d’autant plus qu’il y a une notion de traitement anticoagulant ou de prise d’antiagrégant plaquettaire.

L’évaluation de la fonction rénale par l’urée plasmatique, la créatininémie et le calcul de la clairance par la formule de Cockcroft ou MDRD est utile. Il peut en effet exister une insuffisance rénale sur une cause néphrologique ou une cause urologique obstructive (tumeur, lithiase ou caillotage des voies excrétrices urinaires supérieures ou rétention aiguë d’urine sur caillotage urétro-vésical).

2 – Morphologiques

L’échographie vésico-rénale permet de rechercher des lithiases, des tumeurs du parenchyme rénal, des cavités pyélocalicielles ou vésicales ou encore des kystes rénaux. Elle peut également mettre en évidence des signes indirects (urétéro-hydronéphrose, caillotage…). Une étude des vaisseaux rénaux au Doppler peut révéler une thrombose veineuse.

L’échographie est de par son innocuité et son accessibilité un examen de 1re intention. Cependant, sa sensibilité est limitée pour les lésions de petites tailles, et sa négativité ne dispense pas d’une imagerie plus sensible.

L’uroscanner est un scanner abdomino-pelvien sans puis avec injection de produit de contraste iodé, couplé à une acquisition au temps excréteur ou tardif avec reconstruction. Sa sensibilité pour la détection des tumeurs et calculs de petite taille est supérieure à celle de l’échographie. L’acquisition en phase artérielle peut également renseigner sur une anomalie des vaisseaux rénaux (notamment en cas de traumatisme) ou la présence d’une fistule aorto-urétérale. L’étude morphologique de l’urètre peut être réalisée en fin d’acquisition par l’association de clichés radiologiques per-mictionnels.

L’uroscanner est l’examen de référence pour l’étude du parenchyme rénal et des voies excrétrices urinaires supérieures. Il tend à remplacer l’urographie intraveineuse (UIV). En cas de contre-indication, il sera remplacé par une uro-IRM.

L’abdomen sans préparation est facile d’accès, il est souvent réalisé (couplé à l’échographie) pour la recherche d’une image lithiasique lors d’une colique néphrétique. Sa sensibilité est cependant inférieure au scanner, ce qui n’en fait plus un examen de première intention lors d’un bilan d’hématurie.

L’artériographie ne sera réalisée qu’en cas de forte suspicion d’atteinte vasculaire, notamment lors d’un traumatisme rénal. Elle aura alors essentiellement pour but d’objectiver un saignement actif afin de l’assécher par une embolisation.

3 – Endoscopiques

L’urétrocystoscopie est réalisée en consultation après vérification de la stérilité des urines ou l’absence de nitrites à la BU, et instillation d’un gel anesthésique local intra-urétral. Cet examen est effectué le plus souvent avec un cystoscope rigide chez la femme ou souple chez l’homme. Il permet la détection de lésions tumorales en relief mais également planes, moins facilement visualisées en imagerie. L’étude de la filière urétrale est indispensable en cas d’hématurie initiale. Enfin, l’inspection des méats peut également mettre en évidence un éjaculat d’urines sanglantes urétérales, en faveur d’une cause urologique si unilatéral ou néphrologique en cas de bilatéralité.

La cystoscopie est un examen important du bilan d’hématurie. Elle devient indispensable chez le patient de plus de 50 ans et/ou présentant des facteurs de risque de tumeurs urothéliales (tabac, exposition professionnelle…).

L’urétéroscopie est réalisée sous anesthésie au bloc opératoire et permet l’exploration du haut appareil urinaire. Cet examen n’est réalisé que sur orientation spécifique des examens précédents (suspicion de tumeur urétérale) et peut s’associer à la réalisation d’une cytologie ou de biopsies. L’urétéroscopie est également indiquée chez le patient présentant des facteurs de risque de tumeur urothéliale et un bilan morphologique et cystoscopique négatif.

4 – Anatomopathologiques

La cytologie urinaire est réalisée idéalement sur les urines du matin, ou lors d’un examen endoscopique. La cytologie urinaire a une sensibilité élevée pour la détection des cellules tumorales de haut grade (avec une sensibilité de plus de 90 % dans la détection du CIS vésical), mais présente une faible sensibilité pour les tumeurs de bas grade.

Une cytologie urinaire négative ne dispense pas d’un bilan endoscopique.

La ponction-biopsie rénale a sa place dans le bilan d’une hématurie microscopique associée à une protéinurie glomérulaire et/ou une hypertension artérielle. Elle permet d’obtenir la confirmation diagnostique et la caractérisation histologique de la néphropathie. Dans un contexte d’hématurie macroscopique, elle est le plus souvent réalisée à la recherche d’une maladie de Berger, après avoir éliminé les causes urologiques. Elle sera guidée par l’échographie après vérification du bilan d’hémostase et anesthésie locale.

III – Étiologies

L’hématurie micro- ou macroscopique est un symptôme fréquent qui nécessite toujours une enquête étiologique. La démarche diagnostique doit rechercher en 1re intention les causes les plus fréquentes ou présentant un caractère de gravité :

  • tumeurs urothéliales +++ (vessie, voie excrétrice supérieure), rénales ;
  • infections urinaires ++, lithiases ;
  • néphropathies.

Lors d’une hématurie macroscopique isolée, le bilan doit éliminer une origine urologique avant de s’orienter vers une cause néphrologique.

Un traitement anticoagulant peut favoriser une hématurie mais n’est jamais à considérer comme responsable de 1re intention. Il ne doit pas dispenser d’un bilan onco-urologique exhaustif.

A – Urologiques

1 – Tumeurs urothéliales

Cfchapitre 19 (Item 311 – Tumeurs vésicales).

  • 12 000 nouveaux cas par an en France.
  • Facteurs de risques fréquemment associés : âge ? 50 ans, sexe masculin, tabac, exposition professionnelle (amines aromatiques…).
  • Peuvent concerner la vessie ou les voies excrétrices urinaires supérieures.
  • Bilan : cystoscopie et uroscanner ± cytologies.

2 – Tumeurs rénales

Cfchapitre 17 (Item 308 – Tumeurs du rein).

  • Près de 12 000 nouveaux cas de cancer par an en France.
  • Peuvent être révélées par une hématurie microscopique ou macroscopique totale.
  • De nature bénigne (angiomyolipome) ou maligne (adénocarcinome le plus souvent).
  • Souvent asymptomatiques ou associées à une douleur lombaire chronique.
  • Objectivées sur une échographie ou un scanner abdomino-pelvien injecté.

3 – Infections urinaires

Cfchapitre 11 (Item 157 – Infections urinaires de l’enfant et de l’adulte).

  • Cause la plus fréquente, sera accompagnée d’un tableau clinique évocateur (brûlures mictionnelles, pollakiurie, douleurs lombaires…).
  • Diagnostic confirmé par la réalisation d’un ECBU, ou d’une bandelette urinaire.
  • Atteinte possible de tout l’arbre urinaire : cystite +++ (hématurie macroscopique), pyélonéphrite (hématurie le plus souvent microscopique), prostatite.
  • Germes habituels (Escherichia coli, entérobactéries…)
  • ou germes en rapport avec un contexte épidémiologique :
    • tuberculose urinaire : immunodépression, localisation pulmonaire, leucocyturie aseptique, calcifications des parois vésicales ou urétérales (aspect de vessie porcelaine) ;
    • bilharziose : zone d’endémie (Afrique du Nord, péninsule arabique). Associée à une hyperéosinophilie. Diagnostic réalisé sur un examen direct des urines à la recherche d’un œuf, 3 jours de suite (sensibilité faible), ou au mieux lors d’un prélèvement de muqueuse vésicale (et rectale) par voie endoscopique.

4 – Lithiases urinaires

Cfchapitre 15 (Item 262 – Lithiase urinaire).

  • Concernent 5 à 15 % de la population.
  • Peut être pauci-symptomatique ou révélée par un épisode de colique néphrétique.
  • Intérêt du scanner abdomino-pelvien (ou du couple ASP + échographie) lors d’un épisode douloureux ou de l’uroscanner en dehors d’une phase aiguë.

5 – Traumatisme

Cf. Items 329 et 330

  • Contexte évident.
  • Les organes touchés peuvent être une fracture du parenchyme rénal, une atteinte du pédicule vasculaire ou encore une plaie vésicale.
  • La stabilité hémodynamique orientera le choix de l’examen : uroscanner ± artériographie en cas d’atteinte du pédicule, échographie si patient instable.

6 – Prostatique

Cfchapitre 10 (Item 123 – Hypertrophie bénigne de la prostate) et chapitre 16 (Item 307 – Tumeurs de la prostate).

  • Hématurie macroscopique initiale.
  • Signe rarement révélateur de cancer de prostate, elle est plus souvent associé à une prostatite ou une hypertrophie, et reste un diagnostic d’élimination.

7 – Iatrogène

  • Secondaire à un sondage, la pose d’un cathéter sus-pubien ou une résection endoscopique (« chute d’escarres »).
  • Post-lithotritie extracorporelle ou biopsie rénale.

B – Néphrologiques

1 – Néphropathies glomérulaires

a – Glomérulonéphrite

Elle se présente sous forme de syndromes néphrotiques ou néphritiques associant une protéinurie glomérulaire, des œdèmes et une hématurie.

L’ECBU met en évidence des hématies déformées et des cylindres hématiques.

Le diagnostic se fait sur la biopsie rénale.

Aiguë post-infectieuse
  • Secondaire à une infection ORL (le plus souvent) à streptocoque.
  • Le tableau clinique révélateur est bruyant, sous la forme d’un syndrome néphritique.
  • Elle est fréquemment associée à une baisse de la fraction C3 du complément.
  • Le diagnostic passe par la recherche en urgence d’Ac anti-membrane basale glomérulaire (MBG) et anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), et la biopsie rénale.
Rapidement progressive (GNrp)
  • Marquée par une dégradation de la fonction rénale en quelques semaines.
  • Associée à une maladie systémique associant une hémoptysie à l’hématurie, le syndrome pneumo-rénal :
    • maladie de Wegener : vascularite à ANCA ;
    • syndrome pneumo-rénal de Goodpasture : présence d’anticorps anti-membrane basale glomérulaire.
Chronique
  • Glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’IgA (maladie de Berger) : cause la plus fréquente des hématuries macroscopiques glomérulaires récidivantes, préférentiellement chez les hommes jeunes. La biopsie confirme le diagnostic en mettant en évidence la présence de dépôts mésangiaux granuleux d’IgA et une prolifération endocapillaire.
  • Glomérulonéphrite membrano-proliférative.
  • Glomérulonéphrite extra-capillaire.
b – Syndrome d’Alport
  • Pathologie héréditaire de transmission variable (liée à l’X, autosomique dominante ou récessive). Un contexte familial sera évocateur.
  • Il associe hématurie macroscopique récidivante, surdité bilatérale et atteinte ophtalmologique (cataracte, atteinte maculaire).

2 – Néphropathie interstitielle aiguë médicamenteuse

  • Son mécanisme est immuno-allergique.
  • Elle peut être associée à d’autres signes allergiques (rash cutané, cytolyse hépatique…).
  • Lors d’une prise médicamenteuse : sulfamides, pénicillines…

3 – Néphropathies vasculaires

a – Nécrose papillaire
  • Souvent associée à un diabète, une drépantcytose ou une prise d’AINS.
  • Elle se présente comme une colique néphrétique (par migration des fragments papillaires dans l’uretère), possiblement associée à une hyperthermie et/ou insuffisance rénale transitoire.
  • L’imagerie injectée (uroscanner ou UIV) ne met pas en évidence de lithiase mais une amputation calicielle.
b – Infarctus rénal
  • Notion de terrain à risque : post-traumatique, drépanocytose, maladie à potentiel thromboembolique (ACFA).
  • Se manifeste par une hématurie associée à un tableau de douleur lombaire brutale difficilement calmée par les antalgiques.
  • Le diagnostic est réalisé par un scanner abdomino-pelvien injecté, une angio-IRM ou une échographie-Doppler.
  • La prise en charge doit se faire en urgence (dans les 6 heures) par reperméabilisation de l’artère rénale par voie radio-interventionnelle (stent) ou chirurgicale (thrombectomie) sous peine d’ischémie définitive.

4 – Polykystose rénale autosomique dominante (PKRD)

  • Développement de kystes rénaux (± hépatiques) dont la rupture des vaisseaux de la paroi peut se faire au niveau de la voie excrétrice, expliquant l’hématurie.
  • Évolution vers l’insuffisance rénale.
  • Diagnostic fait en échographie.

C – Autres étiologies

Les hématuries d’effort surviennent après une activité physique prolongée. Le plus souvent microscopiques (80 % des cas). Le mécanisme de ces hématuries est mixte associant des microtraumatismes rénaux ou vésicaux (en rapport avec l’exercice) et une perméabilité glomérulaire accrue pendant l’effort. Elles nécessitent une réévaluation après quelques jours de repos. La persistance d’une hématurie micro- ou macroscopique à distance de l’effort nécessite un bilan endoscopique et par imagerie afin de ne pas méconnaître une cause organique.

IV – Arbre décisionnel

Il n’y a pas de consensus concernant la surveillance lorsqu’aucune étiologie n’a été retrouvée au terme d’un bilan exhaustif (10 % des cas). Elle est à adapter en fonction des facteurs de risque de développer une tumeur urothéliale (examen clinique et cytologie annuelle). Un nouveau bilan est nécessaire en cas de modification de la symptomatologie (fig. 14.5).

Fig. 14.5. Arbre décisionnel.

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