Accueil > L’AFU Académie > Formations du Collège > Référentiel du Collège d’Urologie (5ème édition) > Chapitre 12 – Infections sexuellement transmissibles
Ajouter à ma sélection Désélectionner

Chapitre 12 – Infections sexuellement transmissibles

Auteurs : François Audenet, Franck Bruyère
Relecture : Morgan Rouprêt

Plan

  1. Pour comprendre
  2. Urétrite aiguë
  3. Orchi-épididymite aiguë
  4. Prostatite aiguë

Objectifs pédagogiques

  • Diagnostiquer et traiter une gonococcie, une chlamydiose, une syphilis récente et tardive, une infection génitale à HPV, une trichomonose.
  • Connaître les principes de la prévention et du dépistage des IST, notamment chez les partenaires.
  • Connaître les principes de prévention et dépistage des infections à HPV, frottis et vaccination.

Résumé

  • Les infections génitales chez l’homme sont principalement d’origine sexuelle, dans le cadre d’une infection sexuellement transmise (IST), ou d’origine urinaire (infection par voie rétrograde).
  • Elles peuvent atteindre, de manière isolée ou associée, l’urètre (urétrites), l’épididyme et le testicule (orchi-épididymites) ou la prostate (prostatites).
  • Les germes le plus souvent retrouvés sont :
    • Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae pour les IST ;
    • Escherichia coliStaphylococcus aureus ou entérocoques pour les infections d’origine urinaire.
  • Le diagnostic est clinique et l’interrogatoire permet le plus souvent d’orienter l’étiologie vers une cause sexuelle ou urinaire.
  • Les prélèvements bactériologiques sont indispensables pour confirmer le diagnostic et adapter le traitement :
    • prélèvement de tout écoulement urétral avec un écouvillon ;
    • ECBU sur le 1er et le 2e jet urinaire ;
    • dans tous les cas : examen direct, mise en culture et PCR à la recherche de Chlamydia trachomatis.
  • Le traitement antibiotique est probabiliste secondairement adapté à l’antibiogramme :
    • en cas de suspicion d’IST : ceftriaxone 500 mg 1 injection IV ou IM + azithromycine 1 g PO (1 prise) ;
    • en cas de suspicion d’infection urinaire : fluoroquinolone en 1re intention, 14 jours pour une épididymite simple, 4 à 6 semaines pour une prostatite.
  • Dans tous les cas, ne pas oublier les mesures associées :
    • traitement antalgique ;
    • abstinence sexuelle ou préservatifs jusqu’à la fin du traitement ;
    • dépistage des autres IST et de la partenaire en fonction du contexte ;
    • consultation de suivi pour vérifier la guérison clinique et éventuellement microbiologique.

I – Pour comprendre

Chez l’homme, les infections du tractus urogénital, depuis le testicule jusqu’au méat urétral, peuvent être d’origine urinaire (infections par voie rétrograde), sexuelle dans le cadre d’une infection sexuellement transmise (IST) ou plus rarement hématogène. Ces infections sont regroupées sous le terme d’infections génitales masculines.

On distingue, de manière isolée ou associée, les infections de l’urètre (urétrites), de l’épididyme ou du testicule (orchi-épididymites), de la prostate (prostatites) ou du gland (balanites).

II – Urétrite aiguë

A. Définition

L’urétrite est une inflammation de l’urètre et des glandes péri-urétrales. Elle est le plus souvent d’origine infectieuse et sexuellement transmise. Elle nécessite une information du patient et un traitement rapide en raison de la contagiosité et du risque de complications.

B. Germes pathogènes

Les deux principaux germes sont Chlamydia trachomatis (germe intracellulaire) et Neisseria gonorrhoeae (gonocoque). On retrouve également Mycoplasma genitalium et Trichomonas vaginalis qui donnent des manifestations subaiguës. Ureaplasma urealyticum, dont la pathogénicité est discutée, est une cause plus rare d’urétrite.

C. Épidémiologie

Chlamydia trachomatis est la première cause d’IST bactérienne dans les pays industrialisés. La prévalence du portage asymptomatique a été évaluée à environ 10 % dans certaines populations d’adultes de moins de 25 ans.

Pour Neisseria gonorrhoeae, le nombre de souches isolées en France est en augmentation. L’association de ces deux germes est fréquente (10–50 %). Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae peuvent se compliquer d’une épididymite ou prostatite chez l’homme, d’une endocervicite, endométrite ou salpingite chez la femme.

L’évolution spontanée se fait vers la guérison en quelques semaines pour Neisseria gonorrhoeae ou vers une forme chronique avec poussées intermittentes pour Chlamydia trachomatis. Les complications sont rares mais peuvent conduire à une sténose urétrale.

D. Signes cliniques

L’incubation est de 3 à 10 jours pour Chlamydia trachomatis (CT), et de 2 à 5 jours pour Neisseria gonorrhoeae (NG), mais peut se prolonger jusqu’à 6 semaines. L’interrogatoire recherche des facteurs de risque : rapport non protégé entre 3 jours et 6 semaines avant le début des symptômes, partenaires multiples, antécédents d’IST.

Typiquement, il existe un écoulement urétral, purulent ou séreux, voire hémorragique, spontané en dehors des mictions, plutôt matinal, associé à des brûlures mictionnelles. Cet écoulement est classiquement purulent pour NG et clair pour CT.

En l’absence d’écoulement, les symptômes sont : un prurit canalaire, des brûlures mictionnelles, une dysurie, une pollakiurie. Les signes généraux infectieux sont exceptionnels et doivent faire rechercher une infection parenchymateuse (prostatite, orchi-épididymite) ou une gonococcie généralisée. Il faut systématiquement rechercher une prostatite par le toucher rectal ou une orchiépididymite associée par l’examen testiculaire. Les symptômes sont habituellement plus marqués dans les urétrites gonococciques, mais il peut exister un portage asymptomatique, surtout pour Chlamydia trachomatis. Des localisations rectales ou oropharyngées peuvent être associées et doivent être recherchées (surtout chez le patient homosexuel ou en cas de co-infection VIH).

E. Diagnostic étiologique

Le diagnostic étiologique repose sur les prélèvements pour examen microbiologique. Devant un écoulement urétral, celui-ci doit être prélevé avec un écouvillon, sans désinfection préalable et chez un patient qui n’a pas uriné depuis au moins deux heures. En l’absence d’écoulement, il faut réaliser un examen cytobactériologique des urines (ECBU) sur le 1er jet urinaire.

L’examen microbiologique comprend :

  • un examen direct sur le premier jet urinaire (pour rechercher Neisseria gonorrhoeae et Trichomonas vaginalis) ;
  • une mise en culture (pour rechercher Neisseria gonorrhoeae et les autres bactéries) ;
  • une PCR (surtout pour Chlamydia trachomatis).

F. Prise en charge thérapeutique

Les traitements probabilistes des urétrites non compliquées sont monodoses, permettant d’interrompre rapidement la contagiosité, de favoriser l’observance thérapeutique et de limiter la pression antibiotique, facteur de résistance. L’antibiothérapie probabiliste doit couvrir systématiquement Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae : ceftriaxone 500 mg 1 injection IV ou IM + azithromycine 1 g PO (1 prise) ou doxycycline 200 mg/j pendant 7 jours.

En cas de contre-indication aux ?-lactamines, la ceftriaxone est remplacée par la spectinomycine 2 g 1 injection IM. En cas de refus ou d’impossibilité de traitement parentéral, la ceftriaxone est remplacée par le céfixime 500 mg PO (1 prise).

Dans tous les cas, il faut associer les mesures suivantes :

  • abstinence sexuelle ou préservatifs jusqu’à la guérison ;
  • dépistage et traitement des partenaires ;
  • dépistage systématique des autres IST : VIH, VHB, syphilis.

G. Consultation de suivi

À J3, si les symptômes persistent, le patient doit être informé qu’il doit impérativement revenir en consultation pour adapter le traitement au résultat de l’antibiogramme si nécessaire.

À J7, systématiquement, pour vérifier la guérison clinique, effectuer un contrôle microbiologique de guérison et donner les résultats des sérologies.

III – Orchi-épididymite aiguë

A. Définition

L’orchi-épididymite est une inflammation du testicule et de l’épididyme, le plus souvent d’origine infectieuse. Les orchi-épididymites regroupent les épididymites, les orchites et les vraies orchi-épididymites.

B. Germes pathogènes

Le plus souvent, elle est secondaire à une infection et la voie habituelle de dissémination est rétrograde déférentielle. Chlamydia trachomatis et/ou Neisseria gonorrhoeae, transmis par voie sexuelle, sont retrouvés classiquement chez l’homme jeune, néanmoins de plus en plus de séries décrivent aussi des entérobactéries dans cette population. Les entérobactéries, Staphylococcus aureus ou entérocoque, transmis par voie urinaire rétrograde, sont retrouvés classiquement chez l’homme plus âgé et sont favorisés par l’existence d’un obstacle sous-vésical (sténose urétrale, HBP) ou des manoeuvres endo-urétrales (sondage urétral, urétrocystoscopie). Plus rarement, il peut s’agir d’une localisation par voie hématogène du virus ourlien, de Brucella ou de Mycobacterium tuberculosis (à évoquer en cas de contage ou en cas de BCG thérapie des tumeurs de la vessie).

C. Épidémiologie

L’orchi-épididymite est secondaire à deux causes principales :

  • une IST va progresser depuis l’urètre jusqu’au tractus épididymaire (orchi-épididymite secondaire) ;
  • un reflux d’urines infectées pour cause de mauvaise vidange vers le canal déférent, favorisé par un obstacle sous-vésical ou vésical.

Ainsi, il existe deux groupes à risque :

  • le sujet masculin, actif sexuel et avec plusieurs partenaires ;
  • l’homme plus âgé avec symptômes du bas appareil urinaire.

L’atteinte est bilatérale dans près de 10 % des cas.

D. Signes cliniques

Le diagnostic positif d’orchi-épididymite est clinique :

  • une fièvre progressive ou brusque, d’intensité variable ;
  • des douleurs scrotales intenses irradiant le long du cordon, d’installation rapide mais non brutale ;
  • des signes inflammatoires locaux d’intensité variable, définissant un tableau de « grosse bourse aiguë douloureuse » : peau scrotale oedémateuse, tendue, luisante, chaude ;
  • un épididyme augmenté de volume ;
  • la présence d’un nodule induré et douloureux à la palpation de tout ou partie de l’épididyme (queue > tête).

En cas d’orchi-épididymite, l’épididyme et le testicule sont confondus en une masse volumineuse avec disparition du sillon épididymo-testiculaire (signe de Chevassu). Une hydrocèle réactionnelle peut gêner l’examen clinique. L’infiltration du cordon spermatique ou funiculite est à rechercher également.

Classiquement, le soulèvement du testicule soulage la douleur (signe de Prehn positif) permettant de faire la distinction avec une torsion du cordon spermatique.

Il faut systématiquement rechercher une urétrite ou une prostatite associée au toucher rectal.

Le plus souvent, l’examen clinique permet d’éliminer les principaux diagnostics différentiels devant une « grosse bourse aiguë douloureuse » :

  • torsion du cordon spermatique ;
  • torsion d’annexe testiculaire (hydatide) ;
  • cancer du testicule se présentant sous une forme aiguë ;
  • traumatisme scrotal ;
  • hernie inguinale engouée ou étranglée.

Il existe toutefois quelques formes particulières.

1. Épididymite tuberculeuse

Elle est le plus souvent bipolaire touchant la queue et la tête de l’épididyme qui est décrit en « cimier de casque ». Le tableau est le plus souvent chronique ou subaigu. La prise en charge est celle d’une tuberculose urogénitale. Ce diagnostic doit aussi être évoqué en cas de traitement endovésical par BCG pour des tumeurs urothéliales de la vessie n’infiltrant pas le muscle.

2. Orchite ourlienne

Les oreillons peuvent être à l’origine d’une orchite isolée. La résolution complète de l’épisode est la règle. Cependant, un risque de stérilité existe en cas d’atteinte simultanée des deux testicules.

3. Orchite médicamenteuse

Lorsque le patient prend des doses d’amiodarone supérieures à 200 mg/j, il peut développer une orchite médicamenteuse. Lorsque l’on arrête le médicament, cette orchite disparaît.

E. Signes paracliniques

Aucun examen n’est indispensable car le diagnostic est clinique. Il existe le plus souvent un syndrome inflammatoire biologique. L’échographie-Doppler du testicule peut aider lorsque l’examen clinique est non contributif ou lorsque l’on pense à une complication (abcès). Elle peut révéler :

  • un oedème local et une distension de l’épididyme ;
  • une hydrocèle ;
  • une prolifération vasculaire ;
  • un abcès.

F. Diagnostic étiologique

L’origine urinaire ou sexuellement transmise de l’infection est guidée par l’anamnèse en explorant notamment :

  • l’âge ;
  • la notion de contage ou d’écoulement urétral ;
  • les antécédents urologiques : sténose urétrale, HBP ;
  • les antécédents récents de chirurgie, endoscopie, sondage urétral.

Cependant, le diagnostic de certitude repose sur les examens microbiologiques :

  • l’ECBU du premier et du second jet urinaire (examen direct, mise en culture et PCR) ;
  • les hémocultures sont le plus souvent négatives.

G. Prise en charge thérapeutique

Le traitement antibiotique probabiliste doit être débuté dès les prélèvements bactériologiques effectués et sera secondairement adapté à l’antibiogramme. Le choix de l’antibiothérapie est guidé par le contexte. En cas de suspicion d’IST, plusieurs schémas sont possibles :

  • ceftriaxone 500 mg en 1 injection IM suivie par :
    • soit doxycycline 200 mg/j pendant 10 jours,
    • soit azythromycine 1 g monodose ;
  • ofloxacine 200 mg × 2/j pendant 10 jours.

Une réévaluation est indispensable à 48-72 heures afin de vérifier le résultat des prélèvements bactériologiques, l’observance, l’amélioration des symptômes, de prévoir le relais antibiotique sa durée et les modalités de sa surveillance.

Dans les autres formes, le choix antibiotique rejoint celui des prostatites : on utilisera volontiers des fluoroquinolones en première intention. Le cotrimoxazole est possible en relais en cas de souche sensible, pour une durée suffisamment longue, soit 14 jours pour une épididymite simple ou 4 à 6 semaines s’il existe une prostatite associée ou en cas de forme chronique.

L’hospitalisation doit être envisagée en cas de signes généraux sévères, surtout chez le sujet âgé, avec début de l’antibiothérapie IV.

Certaines mesures associées sont indispensables :

  • suspensoir ou slip serré pour un effet antalgique rapide ;
  • repos au lit les premiers jours ;
  • anti-inflammatoires non stéroïdiens, en l’absence de risque de cellulite ;
  • abstinence sexuelle ou préservatifs jusqu’à la fin du traitement ;
  • dépistage des autres IST et de la partenaire en fonction du contexte.

Le recours à la chirurgie est rare, mais peut se voir en cas de nécessité de drainage d’un abcès, d’exérèse d’une zone de nécrose. Plus rarement, on réalisera une épididymectomie, voire une orchi-épididymectomie en cas de lésions chroniques mal contrôlées par le traitement médical.

L’évolution est le plus souvent favorable avec parfois la persistance d’un petit nodule séquellaire. Toutefois, si le diagnostic est tardif ou en cas de traitement insuffisant, l’évolution peut être compliquée par :

  • un abcès épididymaire ou testiculaire : fièvre élevée, douleur vive, masse fluctuante, risque de fistule à la peau ou dans la cavité vaginale ;
  • une évolution chronique avec symptomatologie persistante ;
  • une ischémie testiculaire pouvant évoluer vers l’infarctus, la nécrose ou l’atrophie testiculaire ;
  • une infertilité séquellaire.

À distance de l’infection, il faut rechercher une cause favorisante, notamment chez le sujet âgé ou en cas de forme récidivante (HBP, sténose urétrale, uropathie malformative).

IV – Prostatite aiguë

Sur ce sujet, cfchapitre 11 (Item 157 – Infections urinaires de l’enfant et de l’adulte).

Pour en savoir plus

Vous pourrez également aimer

Continuer votre lecture

Contenu protégé