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Chapitre 02 – Stérilité du couple : conduite de la première consultation

Item 37 – UE 2 [1]

Auteurs : Éric Huyghe
Relecteur et coordonnateur : Jean-Alexandre Long

Plan

  1. Pour comprendre
  2. Exploration clinique
  3. Spermogramme
  4. Autres tests de l’évaluation de l’homme infertile
  5. Principaux tableaux clinico-biologiques d’infertilité masculine
  6. Principeaux traitements
  7. Pour en savoir plus

Objectif pédagogique

  • Connaître la démarche médicale et les examens complémentaires de première intention nécessaires au diagnostic et à la recherche étiologique d’une infertilité masculine.

Résumé

L’infécondité est définie par l’incapacité pour un couple d’obtenir une grossesse au terme d’un an de rapports sexuels sans moyen contraceptif.

Au cours de la première consultation, l’évaluation de la fertilité masculine nécessite :

  • un interrogatoire avec recherche des facteurs de risque d’infertilité masculine ;
  • un examen physique avec évaluation de l’imprégnation androgénique et examen des organes génitaux externes.

L’examen complémentaire de première intention est le spermogramme :

  • si le premier spermogramme est normal, il n’est pas nécessaire d’en demander un deuxième ;
  • en cas d’anomalie, toujours prescrire un deuxième spermogramme, si possible à 3 mois d’intervalle (durée d’un cycle de spermatogenèse = 74 jours).

Deux autres examens seront prescrits chez la grande majorité des hommes hypofertiles :

  • l’échographie scrotale ;
  • le bilan hormonal comportant au minimum : la FSH et la testostérone.

Deux examens génétiques sont prescrits avant de débuter l’AMP chez les hommes ayant une azoospermie ou une OATS d’origine sécrétoire :

  • le caryotype ;
  • la recherche des microdélétions du chromosome Y.

Les principaux tableaux observés chez les hommes consultant pour une infécondité sont :

  • l’oligo-asthéno-tératospermies (OATS) : correspondant à près de 90 % des cas. Il faut notamment rechercher une varicocèle, des antécédents d’infection, de cryptorchidie, consommation de tabac/cannabis/alcool, exposition à des toxiques mais également une possible cause génétique. Finalement 40 % demeurent idiopathiques ;
  • l’azoospermie excrétoire : d’origine obstructive, les volumes testiculaires et la FSH sont normaux, nécessité d’une échographie scrotale et prostatique : ABCD (mutation ABCC7), infections ;
  • l’azoospermie sécrétoire centrale : FSH effondrée : origine hypothalamo-hypophysaire : syndrome Kallmann-De Morsier, tumeurs hypophysaires ;
  • l’azoospermie sécrétoire périphérique : volumes testiculaires abaissés (parfois normaux) et FSH élevée (parfois normale), origine testiculaire, nécessité d’un caryotype (syndrome de Klinefelter) et d’une recherche des microdélétions du chromosome Y : 15–20 % des azoospermies sécrétoires sont d’origine génétique. :

I – Pour comprendre

L’infertilité est la perte de la capacité de procréer (concept d’aptitude). L’infécondité est définie par l’incapacité d’un couple sexuellement actif sans contraception d’obtenir une grossesse en un an (concept de résultat). L’infécondité peut être primaire (jamais de grossesse préalable) ou secondaire (déjà une ou plusieurs grossesses antérieures à la consultation).

Environ 15 % des couples sont confrontés à une infécondité (soit environ 60 000 nouveaux cas/an), dont 20 % d’origine masculine stricte et 40 % d’origine mixte, dans lesquelles on retrouve un facteur masculin.

Retenir

L’infertilité est la perte de la capacité de procréer. L’infécondité est définie par l’incapacité d’un couple sexuellement actif sans contraception d’obtenir une grossesse en un an. Elle peut être primaire (jamais de grossesse préalable) ou secondaire.

Chacun des partenaires du couple présentant une infécondité doit être exploré cliniquement (avec interrogatoire complet, et examen clinique) et bénéficier d’un bilan complémentaire.

D’une manière générale, l’évaluation du partenaire masculin est indispensable dans la démarche étiologique et thérapeutique du couple ayant une infécondité, et chez l’homme ayant un facteur de risque d’hypofertilité. Elle doit suivre une démarche systématique et structurée dont nous allons rappeler les étapes initiales (bilan initial de l’homme infertile).

Les principaux objectifs de l’évaluation de l’homme infertile sont d’identifier :

  • les conditions qu’il est possible de corriger afin d’amener le couple à concevoir naturellement ;
  • les conditions irréversibles qui amènent à l’utilisation de techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ;
  • les conditions faisant courir un risque grave pour le patient (infertilité révélatrice d’une pathologie) ou pouvant affecter la santé du conceptus (génétiques ou autres).

Dans certaines conditions particulières, un bilan d’infertilité peut être réalisé plus rapidement (avant le délai d’un an), notamment s’il existe des facteurs de risque d’infertilité masculine tels que :

  • un antécédent de cryptorchidie, d’épididymite, de torsion aiguë du cordon spermatique, de traumatisme testiculaire, de cure de hernie inguinale dans l’enfance ;
  • une varicocèle ;
  • une dysfonction sexuelle ;
  • une malformation congénitale de type hypo- ou épispadias, ou exstrophie vésicale ;
  • un antécédent de traitement potentiellement gonadotoxique ;
  • des facteurs de risque d’infertilité féminine, parmi lesquels l’âge avancé de la femme (plus de 35 ans) ;
  • une interrogation du couple concernant la fertilité de l’homme ;
  • une interrogation de l’homme sur sa propre fertilité en l’absence actuelle de partenaire.

Retenir

L’évaluation initiale de l’homme dans un couple infécond doit être réalisée en l’absence de grossesse après un an de rapports non protégés. Le délai peut être raccourci dans certaines conditions particulières, notamment en cas de facteur de risque d’infertilité d’un des partenaires du couple ou de questionnement de l’homme vis-à-vis de sa fertilité.

II – Exploration clinique

A – Interrogatoire

1. Histoire reproductive

  • La fréquence des coïts et leur calendrier.
  • La durée de l’infertilité et la fertilité antérieure du couple et des deux partenaires.
  • L’âge de la partenaire (la fertilité d’une femme de 35 ans est réduite de moitié par rapport à celle d’une femme de 25 ans).
  • L’histoire sexuelle incluant les infections sexuellement transmises.
  • Le caractère primaire ou secondaire de l’infertilité : cet élément a une valeur pronostique et d’orientation, mais ne modifie pas les modalités de l’évaluation initiale.

2. Antécédents personnels

  • Les pathologies de l’enfance et l’histoire du développement (cryptorchidie, troubles de la différenciation sexuelle).
  • Les pathologies de système (notamment diabète et obésité), cancers, maladies génétiques (chromosomiques, mucoviscidose…) et affections respiratoires et ORL.
  • Les chirurgies antérieures, notamment chirurgies inguinoscrotales (cryptorchidie, hernie inguinale).
  • Torsion du cordon spermatique.
  • Traumatisme (bassin, organes génitaux externes, périnée).
  • Infections urogénitales (orchi-épididymites dans un contexte d’IST, orchite ourlienne, urétrite, prostatite, infections urinaires, tuberculose génitale).

3. Habitudes de vie

  • Consommation tabagique : nombre de cigarettes par jour ou équivalent, nombre de paquets-année (PA), consommation régulière ou occasionnelle. Le tabac entraîne une altération de la spermatogenèse, une diminution de la mobilité des spermatozoïdes et une diminution significative des chances de succès en AMP.
  • Consommation de cannabis et d’autres stupéfiants (colles, crack, héroïne, cocaïne, drogues de synthèse).
  • Consommation de boissons alcoolisées : en quantifiant la consommation (nombre de verres par jour) et en précisant son mode (occasionnel ou régulier).
  • Exposition à des facteurs délétères pour la spermatogenèse ou les spermatozoïdes, incluant la chaleur (bains chauds, sauna, hammam, sous-vêtements serrés, efforts physiques intenses et prolongés, activités sportives, ordinateurs portables), l’exposition aux perturbateurs endocriniens (exposition aux pesticides et aux solvants) et la consommation de stéroïdes anabolisants.

4. Facteurs de risque professionnels

  • Incluant la chaleur (boulangers, cuisiniers, métallurgie, positions assises prolongées…), l’exposition aux perturbateurs endocriniens (agriculture, industrie chimique, produits de nettoyage, peinture, coiffure…), radiations ionisantes, stress, travail de nuit.

5. Antécédents familiaux

  • Enquête familiale avec constitution éventuellement de l’arbre généalogique.
  • Recherche d’une hypofertilité chez les apparentés (recours à des traitements de l’infertilité chez les parents).
  • Pathologies de la sphère génito-urinaire (cryptorchidie, cancer du testicule).
  • Recherche de pathologies génétiques familiales (mucoviscidose, malformations infantiles et handicaps, mortalité périnatale).
  • Rechercher une consanguinité (chez les parents du patient ou dans le couple).
  • Prise de médicaments par la mère (DES).

6. Traitements (actuels et antérieurs)

Doit être pris en considération tout traitement pouvant avoir potentiellement un impact direct ou indirect sur la spermatogenèse ou perturber l’axe gonadotrope ou interférer avec les réactions sexuelles. Devant tout traitement, il convient de vérifier les RCP.

  • Chimiothérapie antimitotique : tous les traitements comprenant des substances antimitotiques altèrent potentiellement la spermatogenèse, mais certaines substances ont un effet majeur, parmi lesquelles les agents alkylants qui sont les plus susceptibles d’entraîner un arrêt définitif de la spermatogenèse avec azoospermie, et les sels de platine.
  • Certains médicaments anti-infectieux pourraient entraîner des altérations quantitatives ou qualitatives de la spermatogenèse, réversibles à l’arrêt du traitement : les nitrofuranes, et le kétoconazole.
  • De nombreux médicaments du système nerveux central (les IMAO, les imipraniques, les ISRS, le lithium, les neuroleptiques et apparentés, les anticonvulsifs) peuvent être responsables de troubles sexuels (baisse de la libido, perte de l’éjaculation) et certains de perturbations de la spermatogenèse (oligo-asthéno-térato-zoospermie), ou des deux à la fois. Ces effets sont réversibles après l’arrêt du traitement.
  • Tous les stéroïdes peuvent perturber la spermatogenèse, particulièrement les traitements androgéniques, oestrogéniques ou progestatifs.
  • Certains autres médicaments peuvent être responsables de trouble de la spermatogenèse lors de traitements prolongés (Tagamet® et colchicine) ; les effets sont réversibles après l’arrêt des traitements.
  • Les traitements de l’hypertrophie bénigne de prostate (HBP) : alpha-bloquants, inhibiteurs de la 5-alpha-réductase.
  • Radiothérapie : il existe un effet-dose. Le fractionnement augmente l’effet délétère.

7. Recherche de symptômes

On recherchera systématiquement les symptômes présents ou passés suivants :

  • douleurs au niveau de l’appareil urogénital orientant le plus souvent vers une origine infectieuse ou une varicocèle ;
  • signes digestifs ou respiratoires pouvant orienter vers une mucoviscidose ;
  • dysfonctions sexuelles (troubles du désir, de l’érection, de l’éjaculation…).

B – Examen physique

Tout homme infertile ou ayant un facteur de risque d’infertilité masculine doit faire l’objet d’un examen clinique avant toute décision thérapeutique (médicament, chirurgie, AMP).

L’examen clinique doit comporter :

  • un examen général avec évaluation des caractères sexuels secondaires (morphotype, pilosité, taille, distribution des graisses, index de masse corporelle) ;
  • un examen mammaire à la recherche d’une gynécomastie ;
  • un examen du pénis, avec localisation du méat urétral (hypospadias) ;
  • un examen bilatéral et comparatif des testicules, épididymes, et déférents :
    • la palpation des testicules : mensuration, estimation de la consistance, et recherche systématique d’un nodule testiculaire,
    • la présence et la consistance des déférents et épididymes (recherche des signes obstructifs de la voie génitale). Le diagnostic d’absence bilatérale des canaux déférents (ABCD) est suspecté par l’examen physique et établi par l’échographie scrotale + pelvienne,
    • la recherche d’une varicocèle clinique réalisée en position debout, et en manoeuvre de Valsalva. Il est important de donner le grade de la varicocèle de chaque côté (classification en grade des varicocèles, tableau 2.1) ;
  • le toucher rectal n’est pas systématique. Il est recommandé en cas d’antécédent infectieux, d’hypospermie, d’anomalie du plasma séminal, de suspicion de déficit androgénique, ou si l’âge du patient justifie la recherche d’un cancer de la prostate.
Tableau 2.1. Grades cliniques de varicocèle spermatique.
Grade Critères
1 Palpable seulement en manoeuvre de Valsalva
2 Palpable au repos, mais non visible
3 Visible et palpable au repos

III – Spermogramme

La réalisation d’un spermogramme est systématique chez tout homme ayant un questionnement vis-à-vis de sa fertilité. Le recueil par masturbation a lieu au laboratoire (et non au domicile), après 2 à 5 jours d’abstinence sexuelle. Le délai d’abstinence doit être fourni sur le rendu d’examen, et à défaut, précisé par le praticien. Il est également nécessaire d’interroger le patient quant à des éventuelles difficultés lors du prélèvement.

Les paramètres spermatiques évalués sont :

  • des paramètres physicochimiques du plasma séminal : volume, pH, viscosité ;
  • des paramètres cellulaires : la concentration et la numération totale des spermatozoïdes dans l’éjaculat, la mobilité, la vitalité et la morphologie des spermatozoïdes. Si tous les paramètres du spermogramme sont dans les limites de la normale, un seul spermogramme est suffisant.
    En cas d’anomalie au premier spermogramme, il est nécessaire de contrôler les conditions d’examen (délai d’abstinence, conditions de recueil, fièvre dans les 3 mois précédant l’examen) et un deuxième spermogramme devra être réalisé (au mieux à 3 mois d’intervalle).

Les méthodes d’analyse du sperme ont été réactualisées dans la 5e édition du manuel de laboratoire pour l’examen du sperme humain de l’organisation mondiale pour la santé (OMS 2010). Les tableaux 2.2 et 2.3 résument les nouvelles valeurs de référence des paramètres du spermogramme et la nomenclature des anomalies du spermogramme (selon l’OMS 2010).

L’azoospermie est définie par une absence totale de spermatozoïdes dans le sperme sur deux examens successifs (idéalement à au moins 3 mois d’intervalle) avec recherche des spermatozoïdes dans le culot de centrifugation à 3 000 g pendant 15 minutes.

Les principales autres anomalies du spermogramme sont :

  • diminution du volume éjaculé ? hypospermie (< 1,5 ml) ;
  • diminution du nombre de spermatozoïdes ? oligospermie (< 15 millions/ml ou < 39 millions par éjaculat) ;
  • diminution de la mobilité ? asthénospermie (< 32 % de spermatozoïdes mobiles progressifs) ;
  • diminution du pourcentage de spermatozoïdes vivants ? nécrospermie (< 58 % de spermatozoïdes vivants) ;
  • altération de la morphologie ? tératospermie (< 4 % de spermatozoïdes normaux selon Kruger ou < 24 % selon la classification de David modifiée).

La morphologie des spermatozoïdes est étudiée sur le spermatocytogramme. Concernant l’étude de la morphologie des spermatozoïdes, deux classifications sont utilisées. La classification de David modifiée demeure la plus utilisée en France. La classification de David modifiée permet d’évaluer la présence ou non d’anomalies au niveau de la tête, de la pièce intermédiaire et du flagelle du spermatozoïde, les anomalies retrouvées pouvant refléter un possible défaut ultrastructural susceptible d’avoir un retentissement fonctionnel. Les recommandations internationales préfèrent la classification de Kruger ou la classification des critères stricts proposée par l’OMS qui est essentiellement basée sur les anomalies de la tête du spermatozoïde, et qui considère comme anormale toutes les anomalies « borderline ».

Les normes de ces deux classifications étant différentes, il est important de connaître la classification utilisée par le laboratoire, qui doit être mentionnée sur le compte rendu.

Tableau 2.2. Normes OMS 2010 et anomalies.
Paramètres spermatiques Valeurs seuils
Source : Organisation mondiale de la santé, 2010.
Délai d’abstinence 3-5 jours
Volume éjaculé ? 1,5 mL
Concentration spermatique 15 millions/mL
Numération par éjaculat 39 millions/éjaculat
Mobilité progressive des spermatozoïdes 32 %
Mobilité totale des spermatozoïdes 40 %
Vitalité 58 %
Pourcentage de formes normales
– Critères stricts
– Classification de David
4 %
23%
Concentration en leucocytes 1 million
Tableau 2.3. Nomenclature des anomalies du spermogramme.
Source : Organisation mondiale de la santé, 2010.
Aspermie Absence de sperme
Hypospermie Volume de sperme < 1,5 ml
Azoospermie Absence de spermatozoïdes à l’état frais et dans le culot après centrifugation
Cryptozoospermie Absence de spermatozoïdes à l’état frais mais présence de spermatozoïdes dans le culot après centrifugation
Oligozoospermie < 15 millions/ml
Asthénozoospermie < 32 %
Nécrozoospermie < 58 %
Tératozoospermie
– Classification des critères stricts
– Classification de David modifiée
< 4 %
< 23 %
Leucospermie > 1 million/ml

Un nombre élevé de polynucléaires dans le sperme est souvent associé à une altération de la fonction et de la mobilité des spermatozoïdes. Les patients présentant une leucospermie (concentration de leucocytes supérieure à 1 million/ml) doivent être évalués à la recherche d’une infection ou d’une inflammation des voies génitales.

Si l’évaluation initiale comportant les trois éléments : interrogatoire + examen clinique + un spermogramme ne montre pas d’anomalie, il n’est pas nécessaire de réaliser d’examens complémentaires, sauf en cas d’infertilité inexpliquée (bilan de base féminin et masculin négatif).

En cas d’anomalie à l’interrogatoire ou à l’examen clinique ou sur au moins un spermogramme, on réalisera un bilan complémentaire qui sera fonction du tableau du patient.

Retenir

L’évaluation minimale complète de chaque homme infertile doit inclure un interrogatoire systématisé et un examen physique, et au moins deux spermogrammes en cas d’anomalies. Les résultats de ce premier bilan étant connus, le praticien pourra avoir recours à un complément d’examens à visée diagnostique, pronostique et/ou d’orientation thérapeutique.

IV. Autres tests de l’évaluation de l’homme infertile

A. Échographie des voies génitales

1. Échographie scrotale

Elle ne doit en aucun cas se substituer à l’examen clinique. La pratique de l’échographie scrotale est fortement recommandée (voire systématique) chez l’homme infertile en raison du lien étroit entre infertilité masculine et cancer du testicule. Elle doit être systématique en cas de facteurs de risque de cancer testiculaire (cryptorchidie, antécédents de cancer du testicule, testicule atrophique). L’échographie scrotale permet également de préciser le volume de chaque testicule (hypotrophie < 15 ml). L’échographie scrotale permet l’exploration épididymo-déférentielle à la recherche d’une pathologie obstructive. Le Doppler veineux scrotal permet de compléter le bilan d’une varicocèle clinique (taille, durée du reflux en manoeuvre de Valsalva). En revanche, il n’y a pas d’indication à réaliser un dépistage de la varicocèle infraclinique par Doppler scrotal.

2. Échographie transrectale

L’échographie transrectale est indiquée chez les patients azoospermes chez lesquels on suspecte une cause excrétoire.

B. Évaluation endocrinienne

L’évaluation minimale de l’homme infertile comporte un dosage sérique de la FSH (exploration du testicule exocrine) et de la testostérone totale (exploration du testicule endocrine). Une élévation de la FSH témoigne d’une altération de la spermatogenèse, mais inversement le fait que la FSH soit dans les limites de la normale n’exclut pas une altération de la spermatogenèse. L’inhibine peut être prescrit en complément de la FSH. En cas d’anomalie du dosage de la testostérone totale, il est conseillé de redoser la testostérone totale et la SHBG (ou la testostérone biodisponible). En cas de testostérone abaissée, le bilan étiologique de l’hypogonadisme doit être réalisé avec dosage de la LH et de la prolactine.

Une évaluation endocrinienne est particulièrement justifiée en cas de :

  • symptômes et/ou examen clinique suggérant un hypogonadisme, des caractères sexuels anormaux, des volumes testiculaires abaissés ;
  • spermogramme anormal (altération de la numération et/ou du volume de sperme) ;
  • troubles sexuels (baisse de la libido, dysfonction érectile).

C. Autres examens spermiologiques

1. Spermoculture

Elle sera notamment demandée en cas d’antécédents infectieux génito-urinaires ou de symptomatologie évocatrice d’infection génitale masculine, et devant certaines anomalies du spermogramme (leucospermie, nécrospermie, asthénospermie inexpliquée).

2. Test post-coïtal

Le test post-coïtal est un examen microscopique du mucus cervical réalisé juste avant la date prévue d’ovulation, quelques heures après un rapport sexuel pour identifier la présence de spermatozoïdes mobiles dans la glaire. Ce test calcule le nombre de spermatozoïdes ayant une aptitude migratoire et une survie normales dans la glaire. Il peut aider à identifier un facteur cervical.

3. Test de migration survie

Il s’agit d’un examen d’orientation fondamental dans l’algorithme décisionnel en AMP (JO du 23 mai 2008). Ce test permet d’évaluer la quantité de spermatozoïdes mobiles fécondants d’un éjaculat en les sélectionnant par gradient de densité (ou par migration ascendante). Le nombre, la mobilité et la morphologie des spermatozoïdes récupérés et leur survie sont des éléments importants pour le choix de la technique d’AMP : insémination intra-utérine (IIU), FIV « classique » ou ICSI.

D’autres examens spermiologiques peuvent compléter l’évaluation d’un homme infertile, mais ne sont pratiqués que par des centres spécialisés.

D. Étude génétique

Trois examens génétiques sont de pratique courante chez l’homme infertile :

  • le caryotype ;
  • la recherche des microdélétions du chromosome Y ;
  • l’analyse des mutations du gène CFTR.

Leur prescription répond à des indications strictes.

1. Caryotype

Les anomalies chromosomiques sont présentes chez 7 % des hommes infertiles. La fréquence des anomalies du caryotype est inversement proportionnelle au nombre de spermatozoïdes : 17 % en cas d’azoospermie, 10 % si la numération de spermatozoïdes est < 5 millions/ml, 4 % entre 5–10 millions/ml, et moins de 1 % entre 10–20 millions/ml.

Les anomalies des chromosomes sexuels (syndrome de Klinefelter XXY) représentent environ deux tiers des anomalies chromosomiques observées chez l’homme infertile (en particulier en cas d’azoospermie). L’étude du caryotype doit être proposée aux hommes qui ont :

  • une azoospermie non obstructive ;
  • une oligospermie inférieure à 10 millions de spermatozoïdes/ml (incidence 10 fois plus élevée que la population générale) ;
  • en cas d’histoire familiale d’avortement à répétition, de malformations, de retards mentaux, un caryotype devrait être réalisé quelle que soit la concentration de spermatozoïdes, voire en cas d’infertilité inexpliquée.

2. Microdélétions du chromosome Y

Les microdélétions du chromosome Y sont retrouvées chez environ 2 % des hommes avec une azoospermie.

On distingue trois régions situées sur le bras long du chromosome Y, la région AZFa (proximale), AZFb (centrale) et AZFc (distale). Les microdélétions des régions AZFa et b sont constamment associées à une azoospermie. En cas de découverte d’une microdélétion de AZFa ou b, l’extraction de spermatozoïdes testiculaires n’est pas indiquée, car les chances de retrouver des spermatozoïdes sont nulles.

La microdélétion de AZFc est la plus fréquente et la moins sévère (possibilité d’oligospermie, et d’extraction de spermatozoïdes par biopsie testiculaire). Si un homme porteur d’une microdélétion souhaite réaliser une ICSI, il doit être informé que la microdélétion sera transmise aux enfants mâles.

Les microdélétions du chromosome Y doivent être recherchées en cas d’azoospermie sécrétoire et d’oligospermie sévère (< 5 M/ml).

3. Mutations du gène CFTR (ou ABCC7)

Tout homme ayant une absence bilatérale des canaux déférents (ABCD) ou des symptômes de mucoviscidose doit être informé de la forte association entre l’absence vésiculo-déférentielle et la présence de mutation du gène de la mucoviscidose (gène CFTR). Le couple doit bénéficier d’une consultation de conseil génétique qui permettra de rechercher les principales mutations du gène CFTR.

Retenir

Le caryotype et l’analyse du chromosome Y doivent être proposés aux hommes présentant une azoospermie non obstructive ou une oligospermie sévère avant la réalisation d’une ICSI.

La recherche de mutations du gène CFTR doit être proposée aux hommes présentant une absence bilatérale des canaux déférents et/ou des vésicules séminales et, si une mutation est découverte chez l’homme, la recherche doit également être demandée chez la partenaire.

Un conseil génétique doit être proposé chaque fois qu’une anomalie génétique est détectée ou suspectée chez l’homme ou sa partenaire.

V. Principaux tableaux clinico-biologiques d’infertilité masculine

A. Azoospermies excrétoires (obstructives)

L’azoospermie excrétoire correspond à une spermatogenèse normale associée à un obstacle bilatéral. Le taux de FSH est normal. L’examen clinique, l’échographie testiculaire et l’échographie transrectale recherchent l’obstruction des voies excrétrices.

Les principales étiologies sont :

  • l’agénésie bilatérale des canaux déférents et des vésicules séminales : elle doit faire rechercher systématiquement une mutation du gène ABCC7 (ex-CFTR) (responsable de la mucoviscidose en cas de mutation homozygote) ;
  • l’obstruction bilatérale de l’épididyme, des canaux déférents ou éjaculateurs : une origine infectieuse doit être recherchée (gonocoque, Chlamydiae), surtout s’il existe une leucospermie (PNN > 1 million/ml). Une origine iatrogène peut être évoquée en cas d’antécédents de chirurgie inguinale ou scrotale.

B. Azoospermies sécrétoires (non obstructives)

Elles sont définies par une atteinte de la production de spermatozoïdes par les testicules. La suite des investigations dépend du taux de FSH :

  • si le taux de FSH est effondré, il faut suspecter un déficit gonadotrope lié à une atteinte hypothalamique ou hypophysaire (azoospermie sécrétoire centrale). Il s’agit d’une pathologie rare. Les signes cliniques d’hypogonadisme sont au premier plan et les patients consultent plus souvent pour un retard de puberté ou des dysfonctions sexuelles que pour infertilité. Les principales étiologies sont le syndrome Kallmann-De Morsier ou les tumeurs hypophysaires ;
  • si le taux de FSH est élevé, il faut suspecter une origine testiculaire (azoospermie sécrétoire périphérique). Il s’agit d’une pathologie fréquente (environ 60 % des cas d’azoospermie). Il est fondamental de rechercher tous les antécédents du patient (notamment de cryptorchidie, d’orchite, de cancer). L’examen doit rechercher une tumeur testiculaire, une atrophie testiculaire, et une varicocèle. Un caryotype à la recherche notamment d’un syndrome de Klinefelter (47,XXY) et une recherche des microdélétions du chromosome Y doivent être réalisés.

C. Oligo-asthéno-tératospermies (OATS)

Ce groupe est de loin le plus fréquemment rencontré chez l’homme consultant pour infécondité de couple. Il s’agit d’un groupe assez hétérogène associant des anomalies quantitatives et qualitatives (diminution de la mobilité et/ou de la vitalité et/ou du pourcentage de formes normales des spermatozoïdes). Les principales étiologies à rechercher :

  • varicocèle ;
  • infectieuses ;
  • cryptorchidie ;
  • mode de vie (tabac, cannabis) ;
  • profession (contact avec les pesticides, toxiques) ;
  • génétiques (anomalies du caryotype ou microdélétion du chromosome Y [AZFc]) ;
  • idiopathiques (aucune cause n’est retrouvée dans environ 40 % des cas).

VI. Principaux traitements

A. Traitements curateurs

Chaque fois que possible, il faut envisager un traitement curatif. En particulier :

  • en cas d’obstruction bilatérale des épididymes : anastomose épididymo-déférentielle (consiste à réaliser une anastomose entre le canal déférent et l’épididyme en amont de l’obstacle, ou des canaux déférents) ;
  • en cas d’obstruction bilatérale des déférents (post-vasectomie le plus souvent) : vasovasostomie (consiste à rétablir la perméabilité des canaux déférents après vasectomie ou lésion iatrogène) ;
  • en cas d’azoospermie sécrétoire par hypogonadisme hypogonadotrope : traitement étiologique et traitement par FSH + HCG ;
  • en cas de varicocèle clinique en contexte d’infertilité masculine, associée à des anomalies du spermogramme, sans facteur féminin : cure chirurgicale ou radiologique de varicocèle ;
  • en cas d’obstruction bilatérale des canaux éjaculateurs : résection des canaux éjaculateurs.

B. Techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP)

Il y a trois grands types de techniques d’AMP : l’insémination intra-utérine, la fécondation in vitro et l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes.

  • La pratique des inséminations intra-utérines s’adresse à des spermes relativement riches d’hommes ayant une OATS modérée (plus d’un million de spermatozoïdes mobiles inséminables).
  • La fécondation in vitro (FIV) classique consiste à mettre en contact in vitro l’ovule avec des spermatozoïdes, et à laisser la fécondation se produire « naturellement ».
  • L’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) consiste à introduire à l’aide d’une micropipette la tête d’un spermatozoïde à l’intérieur de l’ovule. Actuellement, l’ICSI a largement supplanté la FIV. L’ICSI est la seule technique utilisable en cas de prélèvement chirurgical de spermatozoïdes testiculaires.

Le prélèvement chirurgical de spermatozoïdes est le seul moyen pour un homme ayant une azoospermie d’obtenir une grossesse avec ses propres spermatozoïdes. Il peut être réalisé selon les cas au niveau testiculaire, épididymaire ou déférentiel.

En cas d’azoospermie, certains couples décident de ne pas réaliser un prélèvement chirurgical de spermatozoïdes en vue de réaliser une ICSI, et optent pour la réalisation d’une insémination intra-utérine avec utilisation de spermatozoïdes d’un donneur.

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  1. Item partiel, seule la partie urologique de l’item sera traitée.

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