Chapitre 03 – Algies pelviennes chez la femme *
Item 39 – UE 2
Le syndrome de la douleur vésicale (appelé anciennement cystite interstitielle)
* Seules les douleurs vésicales seront ici traitées.
Auteurs : Christian Saussine |
Relecteur et coordonnateur : Aurélien Descazeaud |
Plan |
Objectif pédagogique
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I – Introduction et définition
Le syndrome de la douleur vésicale (SDV) fait partie des syndromes douloureux pelviens de la femme au même titre que le syndrome de la douleur urétrale, de la douleur vulvaire (ancienne vulvodynie), de la douleur vestibulaire (ancienne vestibulodynie).
Sa définition consensuelle actuelle est : une douleur pelvienne, une pression, ou un inconfort chronique (évoluant depuis plus de 6 mois) perçus comme étant en relation avec la vessie et accompagnés par au moins un des symptômes urinaires tels que la pollakiurie ou une envie mictionnelle permanente.
II – Prévalence
Si les enquêtes épidémiologiques font défaut en France pour cette pathologie, ce n’est pas le cas en Amérique du Nord ou en Europe du Nord où la prévalence est estimée entre 2 et 7 % de la population.
III – Pathogénie
Malgré de très nombreuses publications scientifiques sur le sujet elle reste imprécise principalement du fait de l’absence d’un bon modèle d’étude animal (l’animal utilise sa fonction urinaire le plus souvent comme marqueur de son territoire et ne s’exprime pas sur ce qu’il ressent).
Plusieurs théories coexistent sans s’éliminer :
- la théorie épithéliale reste prédominante : un déficit épithélial et notamment des glycosaminoglycanes (protéines de surface) expliquerait une perméabilité anormale de la paroi aux substances contenues dans l’urine et notamment le potassium, qui seraient source d’inflammation chronique de cette paroi ;
- la théorie mastocytaire : pour des raisons encore non clairement démontrées les cellules mastocytaires de la paroi vésicale seraient activées ;
- la dérégulation sensitive associant une sensibilisation spinale centrale et/ou une hyperinnervation sensorielle ;
- un syndrome fonctionnel somatique.
De très nombreux biomarqueurs (epithelial growth factor, nerve growth factor, facteur antiprolifératif, adénosine triphosphate pour ne citer que ceux dont les noms sont les plus simples) le plus souvent urinaires ou urothéliaux ont été caractérisés ces vingt dernières années mais leur utilisation en pratique courante n’a pas encore abouti.
Des modifications de la substance grise cérébrale (augmentée chez les patients) ont été observées en IRM. Des travaux récents suggèrent un support génétique et un rôle joué par des facteurs de transcription urothéliaux dont les récepteurs de l’acide rétinoïque.
IV – Diagnostic
A. Caractéristiques cliniques
Un certain nombre de caractéristiques cliniques permettent de faire aisément le diagnostic.
- Il s’agit le plus souvent de femmes (9 femmes pour un homme).
- Le besoin mictionnel est permanent expliquant la pollakiurie mais il n’y a pas d’urgenturie.
- Des douleurs sus-pubiennes sont ressenties mais elles peuvent être vaginales ou urétrales. Dans des cas plus rares, la douleur est remplacée par une sensation de pression, d’inconfort ou de gêne. Ces douleurs n’ont pas un caractère mécanique.
- La miction soulage la douleur, l’inconfort ou la gêne mais souvent très temporairement. C’est le signe majeur pour différencier le syndrome de la douleur vésicale de la cystite bactérienne aiguë qui provoque le plus souvent des brûlures mictionnelles.
- Un facteur déclenchant est souvent retrouvé : épisode unique ou multiple de cystites bactériennes, intervention chirurgicale pelvienne, traumatisme pelvien mais aussi traumatisme psychologique.
- Les ECBU sont stériles mais il est courant d’avoir une leucocyturie augmentée voire une hématurie microscopique.
- La méconnaissance, le désintérêt voire le déni de cette pathologie par la quasi-totalité du corps médical, les urologues ne faisant pas exception, explique une errance diagnostique et une longue durée d’évolution des symptômes.
- Dans 30 % des cas on retrouve une autre pathologie douloureuse associée (autres syndromes douloureux évoqués en introduction, fibromyalgie, douleurs myofaciales, ou chronique syndrome du côlon irritable, syndrome de Sjögren, dépression ).
- L’inefficacité des traitements classiques à visée vésicale, antibiotiques, anti-inflammatoires, antalgiques et anticholinergiques.
- L’examen clinique est le plus souvent normal en dehors d’une hypersensibilité fréquente de la paroi vaginale antérieure expliquant la dyspareunie fréquente associée.
- Des facteurs alimentaires déclenchant ou aggravant les symptômes sont décrits par un tiers des patients. Les aliments acides sont à écarter.
B. Outils d’aide au diagnostic
- Le catalogue mictionnel est indispensable pour apprécier la pollakiurie.
- Des auto-questionnaires validés sont disponibles (questionnaire de O’Leary et Sant, le questionnaire PUF ou Pelvic Pain and Urgency/Frequency Scale).
C. Explorations complémentaires
- L’ECBU est indispensable pour éliminer une cystite bactérienne.
- La cystoscopie en ambulatoire montre une muqueuse vésicale normale le plus souvent sauf en cas d’ulcérations appelées ulcères de Hunner (décrits en 1915) et une hypersensibilité vésicale au remplissage reproduisant les symptômes désagréables à l’origine de la pollakiurie. Elle permet par contre d’écarter d’autres pathologies vésicales (tumeurs, calculs ).
- La cystoscopie sous anesthésie générale permet de réaliser un test d’hydrodistension vésicale. La vessie est remplie à capacité à 80 cm d’eau puis maintenue remplie de 3 à 5 minutes. On peut ainsi définir la capacité vésicale sous anesthésie qui est réduite dans le SDV à l’inverse de ce qu’on observe dans les formes liées à une hypersensibilisation pelvienne. Après vidange de la vessie, on observe le plus souvent des glomérulations ou pétéchies caractéristiques (décrites en 1949 par Hand). Les biopsies de la paroi vésicale permettent d’éliminer un carcinome in situ et montrent le plus souvent des signes d’inflammation non spécifique (inflammation de la lamina propria, présence de mastocytes, et fibrose intrafasciculaire). Cette hydrodistension vésicale apporte chez certaines patientes un soulagement temporaire.
- Le bilan urodynamique est très utile au diagnostic pour peu qu’on sache quoi rechercher. Le volume de remplissage vésical déclenchant les besoins mictionnels est réduit de même que la capacité cystométrique maximale. L’hyperactivité du détrusor, l’hypertonie vésicale et l’instabilité urétrale sont écartées. Plusieurs études ont montré des corrélations entre les paramètres urodynamiques et la sévérité des symptômes, la présence d’ulcères de Hunner, l’intensité des glomérulations, la capacité vésicale sous anesthésie.
- L’imagerie, échographie, scanner ou IRM n’a aucun intérêt pour le diagnostic du SDV si ce n’est de ne rien montrer d’anormal mais servira à écarter d’autres pathologies abdominopelviennes susceptibles de provoquer des douleurs accompagnées de signes vésicaux (tumeurs abdominales ou pelviennes diverses).
V – Traitement
Autant le diagnostic est facile pour qui cherche les signes cliniques et paracliniques décrits ci-dessus autant le traitement du SDV est difficile à appréhender pour les raisons suivantes.
- Il n’y a pas de traitement curateur ce qui ne distingue pas le SDV de beaucoup d’autres maladies (HTA, diabète, sclérose en plaques, etc.).
- Il n’y a pas de critères de guérison.
- Les traitements ont une vertu d’apaisement des symptômes.
- Ils sont très nombreux à avoir été décrits dans la littérature.
- On distingue des traitements per os comme la cimétidine 2 × 200 mg, le pentosane polysulfate de sodium (Elmiron®) 3 × 100 mg qui vient d’obtenir une AMM avec délivrance par rétrocession par les pharmacies des hôpitaux depuis le 15 décembre 2017. Mais a également été décrit l’usage de l’amitriptyline, des corticoïdes, de la ciclosporine A, du sildénafil ou de la gabapentine.
- On distingue des traitements par instillation et les produits les plus utilisés sont le diméthylsulfoxyde (Rimso®), la chondroïtine sulfate, l’acide hyaluronique ou le BCG.
- On distingue des traitements divers et variés comme l’injection de toxine botulique, la neuromodulation des racines sacrées, l’hypnose, l’acupuncture, les massages, l’oxygénothérapie hyperbare ou plus invasifs mais rarement appliqués comme les cystectomies partielles avec agrandissement ou totales.
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