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Histoire de SFU-SFG

La création de la SFU

Le 5 juillet 1916 alors que la bataille de Verdun fait rage, le professeur Félix Legueu adresse à l’ « élite » de l’urologie française la lettre suivante :

45 urologues français (30 parisiens et 15 provinciaux) reçoivent cette lettre et y répondront presque tous favorablement.
La première séance et la première assemblée générale ont lieu le 9 mars 1919 à l’hôpital Necker.
Le premier bureau est formé :

  • Président : Félix Legueu (Paris)
  • Vice-président : Victor Carlier (Lille)
  • Secrétaire général : Paul Noguès (Paris)
  • Secrétaires annuels : Edouard Papin (Paris) et Emile Pillet (Rouen)
  • Trésorier : Paul Ertzbischoff (Paris)
  • Archiviste : Henri Verliac (Paris)

Le règlement prévoit un nombre limité de membres titulaires : 30 parisiens et 15 provinciaux.
La liste des membres fondateurs comporte 27 parisiens et 12 « provinciaux », presque tous élèves de Necker.
Le règlement prévoit une séance mensuelle le deuxième lundi de chaque mois, à 17 heures précises à Paris, à l’hôpital Necker. Tout retard entraîne une amende de 5 f.
Le président fait lors de la première séance un discours enflammé.

L’urologie française en 1919

Comme tout en Europe, l’urologie sort de la guerre affaiblie et bouleversée :

  • 10 millions de morts et 8 millions de blessés parmi les combattants, 7 millions de morts parmi les civils
  • l’effondrement de 4 empires (allemand, austro-hongrois, ottoman, russe)
  • une révolution
  • un génocide
  • des frontières complètement redessinées
  • l’apparition ou la réapparition sur la carte d’Europe de 9 nouveaux pays

Cependant dans la plupart des grandes villes d’Europe ainsi qu’aux États-Unis, des départements consacrés à l’Urologie, ont été mis en place avant la guerre. Ils vont donc assez naturellement se reconstituer dès la fin des hostilités et reprendre plus ou moins rapidement une activité souvent importante.
En France, en 1919, Paris compte 5 services d’Urologie dont Necker dirigé par Félix Legueu, et un hôpital privé dédié uniquement à l’Urologie fondé par Cathelin en 1907, de nombreuses grandes villes sont pourvues de services hospitaliers puis universitaires d’Urologie depuis des années (Bordeaux 1884, Marseille 1895, Lyon 1906, Montpellier 1907, Lille 1908…)

Le paysage urologique français en 1919 est particulier :

Guyon a 88 ans et est, à juste titre, vénéré. S’il avait choisi en 1867 de reprendre au départ de Civiale la fondation Civiale, c’était plus par désir d’entreprendre à 36 ans, une grande tâche que par intérêt pour l’appareil urinaire, qui n’avait pas été, jusque là au centre de ses préoccupations. Il ne réalisait sans doute pas en 1867, qu’il allait devenir le modèle pour les urologues et son service, qui n’avait jamais été un vrai service de chirurgie du temps de Civiale, un modèle pour un vrai département d’Urologie. En 1919, les urologues français sont presque tous des élèves de Necker, ses élèves.

Albarran (1860-1912), est mort depuis 7 ans. Le plus brillant et le plus talentueux des élèves de Guyon était arrive à Necker comme interne en 1888, dans un service déjà renommé, mais qu’il allait largement contribuer, à faire devenir prestigieux. Collaborateur de Guyon à Necker de1888 à 1901, il avait été en 1906 au départ en retraite de Guyon, le successeur tout désigné pour conduire avec élégance et efficacité la clinique urologique de Necker jusqu’à sa mort en 1912 emporté à 52 ans, après une longue agonie, par la tuberculose contractée en se coupant lors de l’examen d’une pièce de néphrectomie.

Legueu est le chef incontesté de l’urologie française. Il est reconnu comme un grand chirurgien et un grand enseignant mais est plus austère, plus conservateur, moins brillant qu’Albarran. Arrivé à Necker comme interne en 1889, médaille d’or en 1890, il a été le collaborateur de Guyon jusqu’en 1904, année où il est allé à Tenon diriger un service de chirurgie qu’il a définitivement imprégné d’urologie. A la mort d’Albarran en 1912, il a pris tout naturellement la direction de la clinique urologique de Necker.

Mais 1919, c’est aussi une petite brèche dans l’hégémonie Neckerienne : Victor Rochet, premier titulaire de la chaire d’urologie de Lyon, créée pour lui en 1912, va assumer en 1919 la double présidence de l’association française d’urologie (Guyon était président de l’AFU depuis 1896) et de son 19ème congrès. Autre petite brèche, Georges Marion, qui n’est pas élève de Guyon, est devenu en 1908, le chef de service de l’hôpital Lariboisière où la fondation Civiale a été transférée en 1901. Marion, après Hartmann en a fait un centre de grande qualité où de nombreux jeunes urologues français et étrangers viennent apprendre les gestes de la chirurgie urologique que Marion maîtrise parfaitement.

La pathologie urologique en 1919

La fin du 19ème siècle a vu la médecine se transformer grâce à l’essor de la physiologie et de l’anatomie pathologique et à la compréhension des mécanismes physiopathologiques.

La pathologie urologique avait été cantonnée pendant des siècles au traitement des pierres de la vessie et à la pathologie uréthrale. À la fin du 18ème siècle, la pathologie de l’appareil urinaire et de l’appareil génital de l’homme avait commencé à être reconnue comme un ensemble, amenant à classer et à traiter les uropathies en fonction de leur cause. Le mérite de Guyon a été de comprendre que le chirurgien se devait d’élargir le champ de la chirurgie. Même s’il répugnait à se dire spécialiste, Guyon, avec Albarran, a fondé la spécialité urologique, en suivant 6 grands principes, à la base de la réussite de beaucoup de grandes entreprises :

  • travailler,
  • s’entourer des meilleurs dans la multidisciplinarité et les laisser s’exprimer sans interdits,
  • être convaincu qu’il n’y a pas de progrès sans recherche,
  • transmettre sans relâche le savoir à tous,
  • regrouper les spécialistes dans des associations ouvertes a tous,
  • enfin facteur difficile à contrôler, durer ; Guyon est resté à Necker de 1867 à 1906. Il faut du temps et de la détermination pour bâtir une cathédrale !

Ainsi en 1919 l’urologie avait connu ses 50 glorieuses. L’urologie était une spécialité à part entière exercée par des chirurgiens qui, dans le même temps qu’étaient explorées, classées les maladies, avaient décrit toutes les voies d’abord et presque toutes les interventions urologiques, qu’elles soient adaptées déjà à l’homme ou encore expérimentales chez l’animal et enfin avaient inventé l’endoscopie.

Preuve de cette individualisation : la parution dès 1914 du premier tome de l’encyclopédie française d’urologie qui en comportera 6 (les derniers tomes retardés par la guerre ne paraissent qu’en 1923) et est une somme des connaissances urologiques comportant aussi la description des principales interventions chirurgicales, y compris la transplantation rénale !

La fondation en 1919 de la SFU,

La fondation en 1919 de la SFU, société fermée, élitiste, contraignante et très parisienne, peut apparaitre assez paradoxale dans une France qui rêve de souffler, et dans une spécialité en pleine expansion où la France est leader et dont les principales rivales (Vienne et Berlin) sont dans le groupe des vaincus. C’est sans doute pour « resserrer les rangs » d’un noyau dur de l’urologie autour de lui uni dans un patriotisme exacerbé que Legueu fonde la SFU. Il l’écrit dans son discours inaugural de la SFU : « …beaucoup d’entre vous avaient déjà senti la nécessité d’un rapprochement plus intime devant la cohésion allemande. La guerre a rendu plus évidente cette nécessité, et il m’a suffi de vous donner un appel pour voir toutes les bonnes volontés se grouper et se cristalliser immédiatement autour d’un noyau central. » discours qui se terminait par ces mots : « nous sommes décidés, malgré la paix, à ne rien oublier, et tout contact est à jamais fini entre nous et ceux dont les crimes resteront dans l’histoire la honte de l’humanité » montrant son hostilité (qui sera durable) à toute idée de réconciliation.

Les urologues sont donc « réactionnaires » dans une France où émergent des idées nouvelles et où, chez les intellectuels, le non-conformisme est de rigueur :

  • En littérature, les morales traditionnelles fondées sur le devoir sont attaquées, l’absurde fait l’objet de la réflexion des philosophes mais aussi, le plaisir.
  • Dada, né au cœur de l’Europe, pendant la guerre, affiche un scepticisme tapageur vis-à-vis des valeurs admises mais va bouleverser les pratiques artistiques.
  • Alors qu’en Allemagne, W. Gropius fonde le bauhaus en 1919, Marcel Duchamp après avoir montre en 1917 sa « fontaine » que les urologues connaissent bien, met en 1919 des moustaches et un bouc à la Joconde et nomme son œuvre : LHOOQ
  • Le jazz, apporté en Europe par les soldats américains en 1917 est adopté par tous les milieux…la France subit la grippe espagnole mais danse le one-step et le charleston !

La SFU (SFG à partir de 2002) de 1919 à nos jours

Les chiffres traduisent un certain conservatisme, un immobilisme certain. La SFU a, quelque soit l’époque, toujours eu du mal à soulever les enthousiasmes urologiques bien que nous soyons nombreux à y être attachés

Les membres

  • 1919 – 1967 : 30 parisiens 15 provinciaux (en 1919 l’AFU compte 204 membres français : 90 parisiens et 114 provinciaux)
  • 1967 – 1971 : 30 parisiens 33 provinciaux
  • 1971 – 1978 : 70 titulaires 20 correspondants
  • 1978 – 2002 : 120 membres
  • 2002-…(SFG) : 120 membres + 50 étrangers

Les lieux de réunion

  • 1919 – 1967 : amphi d’urologie Necker
  • 1967 – 1970 : Cochin
  • 1970 – 2002 : Tournante dans les services parisiens et institution de la séance provinciale dont la première s’est tenue en mai 1968 à Montpellier.

Les séances

  • 1919 – 1968 : 2ème lundi du mois 17h00 (8 à 9 séances… réglementairement)
  • 1968 – 1982 : 3ème lundi (journée) 5 réunions à Paris et 1 en province
  • 1982 : 2 à Paris et 1 en province) (en fait le plus souvent 3+1)
  • 1988 : passage au vendredi
  • 2002 : 2 réunions parisiennes + 1 réunion provinciale

Les publications des présentations et des discussions

  • Bulletin SFU 1919 – 1940
  • Journal d’urologie 1940 – 1979
  • Annales d’urologie 1980 – 1994
  • Progrès en Urologie 1994 – 2002 (très irrégulièrement)

Le manque d’enthousiasme chronique pour la SFU se retrouve dans les propos de plusieurs présidents de la SFU à l’occasion de leur discours annuel (le discours du président a pratiquement disparu dans les années 90) : quelques exemples :

  • DOSSOT 1951 : « Votre société est restée ce qu’elle était, un club d’honnêtes gens qui aiment se réunir pour parler de leur passe temps favori, l’urologie. »
  • VIOLLET 1954 (ambigu) : « Vous êtes le Sénat de l’urologie »
  • LEROY 1955 : « La SFU serait-elle à l’agonie ? »
  • COUVELAIRE 1959 : « La SFU a l’allure d’un cercle, son charme aux dépens d’une noble charpente. »
  • BOUTEAU 1965 : Propose de réunir AFU et SFU

Les enthousiastes existent cependant parfois déterminants comme en 1968

  • GAYET 1968 : « Ces dernières années ont marqué un net déclin de notre société, beaucoup de nos séances étaient squelettiques, tant par la pauvreté des communications que par le peu de participants …
    …La fusion avec l’AFU proposée maintes fois n’est pas souhaitable tant sont différents les buts…
     »
  • GAYET 1969 : « On me prédisait que je serais le fossoyeur de la SFU, il était préférable de trouver une solution pour la ranimer »

La limitation du nombre des séances et la création d’une journée provinciale étaient une évolution nécessaire, qui est, oh combien appréciée chaque année depuis plus de 40 ans !

Ainsi la SFU créée par Legueu ressemblait plus à une académie d’urologie qu’à une société savante démocratique. L’espoir était de réunir l’élite des urologues français pour discuter et mettre en lumière les travaux de l’école française d’urologie.
Elle avait au départ des handicaps : son caractère fermé (qui aurait pu évoluer, mais n’a malheureusement toujours pas évolué) le nombre des séances et leur horaire qui limitaient la participation des « provinciaux », la cohabitation avec son aînée l’AFU qui avait aussi un président et un bureau faisant courir le risque de malentendus.

Tant que le père fondateur a été présent et très autoritairement actif dans la conduite des séances, la SFU n’a pas été contestée. Il est vrai que l’urologie vivait un peu sur ses lauriers et que les urologues passaient grande partie de leur temps à traiter la tuberculose urogénitale et les sténoses uréthrales. La seule grande avancée de cette époque venait d’Allemagne et d’Amérique : l’urographie intraveineuse.

Une preuve que le principe de fonctionnement de la société donnait satisfaction est la fondation de sociétés régionales : société française d’urologie du Sud-Est en 1933 (année du départ en retraite de Legueu) qui, sous le nom de SFG du Sud-Est reste en 2009 très active puis société du Sud-Ouest puis d’autres plus éphémères.

Puis vint la seconde guerre mondiale, interrompant de nombreuses activités académiques, y compris celles de la SFU. Les années 1950-1980 auraient pu être l’occasion d’une grande participation scientifique de la SFU. En effet avec l’apparition après la guerre, des antibiotiques et de la réanimation, cette période fut celle des exploits chirurgicaux en urologie. Les comptes rendus des séances en font état, mais les publications importantes sont faites ailleurs. La SFU souffrait aussi alors de la concurrence de journées de présentations et discussions organisées par plusieurs grandes équipes nationales et aussi de la création de clubs générationnels (de 20 à 30 membres) qui témoignaient cependant du dynamisme de la spécialité dans notre pays (le 1er club d’urologie fondé en 1974 à l’initiative de J. Cukier a fourni 14 présidents de congrès de l’AFU et le CUP, formé peu après, en a déjà fourni 8 !).

Les années 80 ont vu plusieurs éléments bouleverser notre spécialité, la lithotritie extracorporelle et la diffusion du PSA allaient conduire à une transformation de la pathologie et de la pratique urologique. L’intérêt de l’industrie pharmaceutique pour notre spécialité allait modifier rapidement les techniques et les lieux de la transmission du savoir. Le temps d’une société savante qui n’organise pas de grand congrès était révolu.

Heureusement, en France, l’Association française d’urologie a dans les années 80 trouvé un deuxième souffle qui a considérablement dynamisé l’urologie française puis francophone.

L’entrée dans le troisième millénaire justifiait une réflexion existentielle des membres de la SFU-SFG.

Le changement de nom de la société décidé en 2002 supprimait toute ambiguïté. La décision de limiter le nombre de séances annuelles à 2 semblait raisonnable. Les coupler avec les réunions de ceux qui ont en charge l’enseignement de l’urologie paraissait une bonne initiative et peut-être une sorte de retour aux sources.
Cependant, du fait de la diversification de l’urologie et de l’évolution vers des spécialisations dans la spécialité, force est de constater que les discussions fructueuses et enrichissantes se font et se feront au sein de groupes de la même sous spécialité.

La présentation de cas cliniques suivie de discussions transgénérationnelles qui avait été un attrait de la SFU ne justifiait sans doute plus, à l’ère de l’internet, des réunions d’une société nationale.

SFG 2011

La majorité des membres de la SFG réunis en assemblée générale en décembre 2011 ont décidé à une grande majorité de dissoudre la SFG. La SFG appartient donc, à partir de cette date à l’histoire de l’urologie française.

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