Félix Guyon et la naissance de l’urologie moderne
Jean Casimir Félix GUYON est né le 21 juillet 1831 dans l’île de la Réunion d’un père breton chirurgien de la Marine et d’une mère créole par sa mère. Interne des hôpitaux de Nantes puis de Paris, il est professeur et chirurgien des hôpitaux à 30 ans. Il devient rapidement chef de service de la maternité.
En 1867, Civiale étant mort, les lits de Necker dévolus à la lithotritie attirent Félix Guyon. Il était surtout intéressé car on lui agrandissait son service en adjoignant des lits de chirurgie générale. Il était avant tout chirurgien. Il allait, à Necker donner toute sa mesure.
Guyon mérite le nom de père de l’Urologie moderne pour avoir d’emblée compris et mis en pratique que :
- L’urologue est avant tout chirurgien.
- Il n’y a pas de progrès en urologie sans recherche fondamentale et clinique ouverte à la multidisciplinarité.
- La connaissance d’une spécialité implique une connaissance précise de l’anatomie et de la physiologie des organes dont elle a à traiter les anomalies et les pathologies.
- L’enseignement de la spécialité doit faire l’objet de l’attention de tous (les Leçons cliniques de Guyon restent un modèle)
- Les spécialistes d’une nation doivent se regrouper pour échanger. Il est à l’origine de la création de l’Association Française d’Urologie en 1896 dont il présida les congrès de 1896 à 1910
- Les spécialistes des différentes nations du monde entier doivent se regrouper. Il est à l’origine de la création de l’Association Internationale d’Urologie en 1907 qui tint son premier congrès à Paris en 1908. Il en fut le président de 1907 à 1914. L’association devint en 1921 la Société Internationale d’Urologie.
- Enfin pour développer un centre d’excellence et dynamiser une spécialité il faut attirer les meilleurs. Félix Guyon avait autour de lui les meilleurs, et, avant tous, Joaquin ALBARRAN (1860-1912).
Joaquin ALBARRAN, comme Guyon venait d’une île lointaine puisque né à Cuba. Comme Guyon sa mère était créole. Orphelin très tôt, il vint à Barcelone pour suivre des études exceptionnellement brillantes puisqu’il soutint sa thèse de doctorat en médecine le 27 septembre 1878. Il avait 18 ans. Considéré comme trop jeune pour exercer, il est envoyé à Paris. Ce jeune émigré, aussi beau qu’intelligent, brillant dans tous les domaines, apprend le français et profite au maximum de la vie parisienne.
Malgré cela il est nommé premier au concours de l’internat de Paris de 1883. Il termine son internat à Necker dans le service de Félix Guyon. Il y restera jusqu’en 1901.
Professeur agrégé en 1892, chirurgien des hôpitaux en 1893, il va largement participer auprès de Guyon à l’essor de l’Urologie. Il apparaît alors naturel à tous de le voir succéder à Guyon en 1906 à la tête de la chaire de clinique des maladies des voies urinaires de l’hôpital Necker. Atteint par la tuberculose, il n’aura malheureusement pas le temps de parfaire l’énorme travail commencé puisqu’il meurt en 1912 à 52 ans après une longue agonie.
Son uvre est considérable dans tous les domaines de l’urologie dont il assure l’épanouissement : anatomie pathologique, physiologie rénale, bactériologie,
endoscopie, radiologie qui vient de naître. Le traité de médecine opératoire des voies urinaires est une somme de la chirurgie urologique que les urologues avisés consultent encore 100 ans après la première édition.
Si on ajoute à cette uvre monumentale d’une courte vie, une passion pour la philosophie (Albarran était disciple d’Auguste Conte et adhérait au positivisme), on peut mesurer le talent de celui dont Fernand Vidal a dit : « Il était pourvu de tous les dons, et tous, il avait su les mettre en valeur. »
Il serait enfin injuste de ne pas associer aux deux fondateurs de la clinique urologique de Necker, Félix LEGUEU, successeur d’Albarran en 1912 qui dirigea avec rigueur et bienveillance jusqu’en 1933 la clinique de Necker où Georges MARION lui succédera. Félix LEGUEU avait fondé en 1919 la Société Française d’Urologie devenue en 2003 la Société Félix Guyon.