La France et la pierre
Les pierres de la vessie ont été au cours des derniers millénaires une des maladies les plus courantes de l’homme et, si elles ont pratiquement disparu aujourd’hui, elles ont au cours des siècles eu une place très importante dans la chirurgie et ont contribué à individualiser la spécialité urologique.
L’opération de la taille existait dans l’antiquité mais était rejetée par Hippocrate (« je ne taillerai pas » figure dans son célèbre serment !) et, après lui par des siècles de savants médecins méprisant les barbiers !
Dans le domaine de la taille vésicale pour calculs, les français n’ont pas été de grands précurseurs mais ont été de très habiles praticiens améliorant les techniques acquises et ouvrant de nouvelles voies.
Le premier célèbre lithotomiste français est sans doute Germain COLLOT qui avait pratiqué en 1475 la première taille vésicale avec le grand appareil sur un archer de Meudon. Même si cette intervention a été mise en question, Germain Collot a eu une descendance prospère de lithotomiste la dynastie des Collot. Laurent COLLOT, lithotomiste de l’Hôtel Dieu à Paris sera nommé en 1556 opérateur du roi pour la pierre alors que Ambroise Paré est en place comme chirurgien du roi (HenriII). Vont alors se succéder à l’Hôtel Dieu de Paris puis dans le faubourg Saint Antoine huit générations de Collot. Le dernier, Philippe François né en 1655 oeuvrera jusqu’à sa mort en 1706 mais le traité d’opération de la taille qui était attendu depuis longtemps ne sera publié qu’en 1727.
Pierre FRANCO (1502-1560) toujours en avance, fut le premier à réaliser (chez un enfant) une taille vésicale sus pubienne. Mais cette technique fut refusée après évaluation par Laurent Collot. Elle ne réapparaîtra que beaucoup plus tard. Il inventera aussi un instrument à quatre mors destiné à enlever les calculs par voie urethrale précurseur du traitement transurethral de la lithiase vésicale.
François TOLLET (1647-1724) chirurgien du roi Louis XIV a laissé un très didactique traité de la lithotomie. Il a contribué à faire entrer la taille vésicale dans une chirurgie « réglée ».
Jacques DE BEAULIEU dit FRERE JACQUES (1651-1714) obtint sa célébrité par la taille latérale qu’il considérait comme moins dangereuse. Le taux de mortalité n’était que (!) de 40%. Il parcourut l’Europe, souvent poussé plus loin par ses échecs mais resta toujours consciencieux et désintéressé.
Jean BASEILHAC dit FRERE COSME (1703-1783) inventa et perfectionna plusieurs instruments pour la lithotomie. Son nom reste attaché au « lithotome caché ».
Claude Nicolas LE CAT (1700-1768) le célèbre chirurgien de Rouen apporta à la technique et pourfendit celle de frère COSMEson rival dans son livre « parallèle de la taille latérale de Mr Le Cat avec celle du lithotome caché ». La « Préface historique » de ce livre mérite lecture, illustrant les rivalités chirurgicales et les risques de la médiatisation de leur art.
La taille vésicale n’allait ensuite que peu progresser jusqu’à son extinction du fait de l’apparition de la chirurgie transurethrale des calculs : la lithotritie.
C’est à Jean CIVIALE (1792-1867) que revient le mérite d’avoir popularisé cette méthode avec son célèbre lithotriteur à archet, créant de ce fait la spécificité de l’urologie. Reconnu jeune, l’administration des hôpitaux, toujours intéressée, lui attribua contre finances quelques lits à l’hôpital Necker créant, de ce fait, à Paris, pour ce chef de service n’ayant passé aucun concours, l’Urologie hospitalière en 1824.
En fait, la paternité des instruments et des techniques est toujours difficile à affirmer. Il semble bien que Jean Jacques LEROY d’ETIOLLES (1798-1860) (inventeur par ailleurs de l’explorateur à boule) ait réalisé dans les mêmes années un lithotriteur très voisin sinon identique de celui de Civiale. Ces superbes appareils perforant, effritant, éclatant parfois les calculs, furent en fait rapidement concurrencés par les lithotriteurs broyeurs coinçant le calcul entre deux mors et attaqués de l’extérieur à coup de marteau mis au point par le baron Charles Louis HEURTELOUP (1793-1864) en 1832. Le marteau sera à son tour concurrencé par une vis à pression écrasant le calcul, invention due à Pierre Salomon SEGALAS d’ETCHEPARRE (1792-1875). Ces instruments, peu modifiés figurent encore à l’inventaire de nombreux services d’urologie français.