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Groupes à risque de l’European Association of Urology [3] |
Le pronostic des tumeurs du pénis dépend du risque de diffusion ganglionnaire inguinale. L’EAU a proposé une stratification de ce risque en trois groupes selon l’analyse de la tumeur primitive (stadeT et grade de la tumeur primitive) [10, 11].
Les groupes à risque sont :
• | les tumeurs à faible risque (≤pT1G1) ;
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• | les tumeurs de risque intermédiaire (pT1 G2) ;
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• | les tumeurs à haut risque (pT1G3, pT2-3 G1-3).
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Le CCAFU a adopté cette répartition pour déterminer la stratégie de l’exploration ganglionnaire. Seules les aires ganglionnaires des tumeurs de faible risque peuvent être d’emblée surveillées. Dès le stade pT1G2, il faut réaliser une stadification lymphonodale invasive.
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Diagnostic ganglionnaire et métastatique |
La présence d’adénopathie inguinale, premier relai de diffusion métastatique de la tumeur primitive doit être impérativement recherchée par la palpation. Les adénopathies peuvent être absentes (cN0), mobiles (cN1/cN2) ou fixées (cN3). Dans certains cas, une surinfection avec fistulisation à la peau peut être le motif de consultation.
La cytoponction à l’aiguille sous échographie n’a aucun intérêt chez les patients cN0.
Par contre, en cas de ganglion palpable, la cytoponction à l’aiguille fine est un geste simple de réalisation en consultation et peu morbide. Elle doit être systématique si un ganglion est palpé [12]. Elle n’a de valeur que si elle est positive et permet dans ce cas de gagner du temps en basculant directement dans la prise en charge thérapeutique idoine (la plus agressive : curages inguinaux bilatéraux, radical du côté N+ et modifié du côté cN0 ou GETUG 25).
Une cytologie négative ne met pas fin à la phase diagnostique. Elle n’écarte pas un envahissement métastatique ganglionnaire. Elle peut être éventuellement répétée une fois sinon elle doit conduire à un curage modifié bilatéral diagnostique. Ce dernier ne doit pas être différé par une antibiothérapie probabiliste.
En l’absence d’adénopathie inguinale palpée, aucun examen complémentaire n’est recommandé, car aucun n’est suffisamment performant pour être indiscutable ; certains peuvent être utiles, notamment chez les patients inexaminables.
Une échographie du creux inguinal avec une sonde à haute résolution (10MHz) peut détecter des modifications architecturales des ganglions : augmentation de volume, asymétrie d’épaisseur, lobulations focales du cortex lymphatique ou disparition du hile.
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Tomodensitométrie inguinale |
Il n’y a pas d’intérêt au scanner chez les cN0, sauf si l’examen est difficile (obésité, antécédents de chirurgie inguinale).
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Imagerie par résonance magnétique |
Pour l’instant, l’IRM inguinale n’a pas d’intérêt dans le bilan d’extension ganglionnaire des tumeurs du pénis. Elle n’a pas prouvé de supériorité par rapport à la tomodensitométrie dans la détection des adénopathies inguinales. Cet examen a, cependant, l’avantage d’être non irradiant et peut être intéressant, comme le scanner, en cas de palpation difficile ou en présence d’adénopathies inguinales suspectes pour rechercher un envahissement iliaque.
L’IRM avec nanoparticules ferromagnétiques lymphotropes, en cours d’évaluation, serait prometteuse pour la détection non invasive de métastases ganglionnaires [3].
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Tomographie par émission de positrons au 18F-FDG |
Pour les stades cN0, elle n’est pas recommandée.
Pour les stades cN+, elle est souhaitable, si elle est disponible, pour le bilan inguinal, car elle peut confirmer le caractère suspect d’un ganglion et même mettre en évidence l’hypermétabolisme d’un ganglion pourtant non suspect au scanner ou à l’IRM. Sa sensibilité serait de 88 %–100 % et sa spécificité de 98–100 % pour confirmer la présence d’une métastase en cas d’adénopathie inguinale palpable [13, 14].
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Ganglion sentinelle inguinal |
Le prélèvement du ganglion sentinelle, premier relais lymphatique avant diffusion au reste de l’aire de drainage, est réalisé grâce à une injection péri-tumorale de Technetium 99m la veille ou le jour de l’intervention (lymphoscintigraphie préopératoire) [15]. Une sonde de détection de rayons gamma permet de retrouver le ganglion en peropératoire dans 97 % des cas. La courbe d’apprentissage de la technique est courte, et la sensibilité de 88 % [3]. Le prélèvement du ganglion sentinelle permet d’éviter une lymphadénectomie dans 76 % des cas sur une étude de 409 creux inguinaux [16]. L’association d’une injection de bleu patenté permet d’augmenter à 90 % la sensibilité de la technique [11, 17]. Il est possible de réaliser cette technique une fois la tumeur primitive enlevée, avec semble-t-il une moins bonne sensibilité [18]. Si le ganglion sentinelle n’est pas visualisé d’un côté, on peut répéter la procédure (86 % de succès) sinon un curage modifié est indispensable de ce côté [19].
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Bilan d’extension pelvien et à distance |
Inutile chez les cN0, il est indispensable chez les cN+.
En cas d’adénopathie palpable, la réalisation du 18F-FDG PET-scanner est recommandé en première intention quand il est disponible pour le bilan d’extension pelvien et à distance. Toutefois, les adénopathies <10mm ne peuvent être détectées par cet examen [20, 21].
En option un scanner thoraco-abdomino-pelvien peut suffire à évaluer le statut pelvien et à distance (ganglions rétropéritonéaux et distants, lésions viscérales). En option, l’IRM est un bon examen pour repérer les adénopathies pelviennes, mais doit être complétée par une imagerie thoraco-abdominale.
La scintigraphie osseuse n’est recommandée qu’en cas de point d’appel osseux ou d’hypercalcémie.
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Place des marqueurs sériques |
Le dosage du marqueur sérique SCC (squamous cell carcinoma) n’est pas recommandé en cas de stade métastatique en raison d’un niveau de preuve trop faible.
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Traitement de la tumeur pénienne |
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Traitements conservateurs locaux |
Lorsqu’un traitement conservateur local non chirurgical est envisagé, une biopsie est obligatoire ainsi qu’une circoncision.
Leurs modalités sont :
• | crèmes cytotoxiques : Imiquimod 5 % : 3 applications par semaine pendant 4 à 6 semaines ou 5-FU : 2 applications par jour pendant 2 à 6 semaines [ 22] ; |
• | laser Yag ou CO2 ;
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• | photothérapie dynamique après application d’un topique photosensibilisant (Aminolévulinate de méthyle commercialisé sous le nom METVIXIA 168 mg/g, crème). Il s’agit d’une option de deuxième intention, chez des sujets immunocompétents [ 23]. |
Quel que soit le traitement local choisi, une surveillance rapprochée tous les 3 mois est alors nécessaire, car le taux de réponse complète est environ de 50 à 60 % [3]. En cas d’échec, un 2e essai de traitement par topiques ou laser n’est pas recommandé.
La chirurgie doit être la plus conservatrice possible.
Une posthectomie (circoncision) doit être systématiquement réalisée. Elle peut être suffisante en cas de tumeur localisée au prépuce.
Un examen anatomo-pathologique extemporané des marges chirurgicales est recommandé en cas chirurgie conservatrice.
Une marge négative est un impératif absolu [3]. En cas de marge positive, le risque de récidive est multiplié par 3. L’exérèse doit être reprise si l’examen histologique extemporané ou définitif met en évidence des marges chirurgicales positives afin d’obtenir des limites d’exérèse en zone saine.
Une marge de sécurité de 3 à 5mm maximum est habituellement suffisante mais adapter la marge minimale au grade tumoral est une option (grade 1=3mm, grade 2=5mm et grade 3=8mm).
La technique chirurgicale n’est pas standardisée : elle dépend des possibilités techniques, en fonction de la taille et de la localisation de la tumeur.
Des gestes de reconstruction par greffe cutanées ou lambeaux peuvent être associés au niveau du gland [24] ou du corps du pénis [25].
En cas d’amputation partielle, la longueur du pénis restante doit être au moins de 3cm s’il n’est pas envisagé de chirurgies reconstructrices ultérieures. Dans les cas où une chirurgie reconstructrice est envisagée, il faut alors conserver la plus grande longueur possible de pénis et d’urètre pour faciliter la reconstruction future. La complication principale est la sténose méatique (7–10 %).
L’amputation totale impose une urétrostomie périnéale. L’émasculation et la désinsertion complète des corps caverneux sont uniquement des gestes de nécessité.
Une circoncision préalable est systématique avant toute curiethérapie ou radiothérapie.
La curiethérapie interstitielle par fils d’iridium 192 est la technique de choix et la seule utilisée en France [26]. La dose délivrée est >60Grays. Les complications sont les sténoses du méat, les douleurs et les nécroses du gland.
La radiothérapie externe a peu d’indication (difficultés de positionnement du pénis pendant le traitement). Elle peut être proposée comme traitement palliatif en cas de tumeur localement évoluée ou métastatique à la dose de 50–60Grays.
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| Indications thérapeutiques |
Un traitement conservateur local par crème cytotoxique ou laser est possible (jusqu’à 58 % de récidive [27] pour lesquelles un nouveau traitement local n’est pas recommandé).
Un traitement chirurgical conservateur est recommandé. Une circoncision est conseillée. La technique de resurfaçage du gland avec greffe cutanée donne aujourd’hui les meilleurs résultats en termes de récidive [27].
Dans tous les cas, une circoncision est réalisée avant une excision par laser Yag ou CO2. Un traitement chirurgical conservateur par biopsie-exérèse et circoncision peut être réalisé ou un « resurfaçage » du gland avec greffe cutanée voire une glandulectomie avec couverture par greffe cutanée.
Une curiethérapie peut être proposée pour des tumeurs de moins de 4cm [3].
Un traitement conservateur est recommandé par biopsie-exérèse, circoncision et reconstruction du gland par greffe cutanée si nécessaire. Si la tumeur occupe plus de la moitié du gland, une glandulectomie avec circoncision est recommandée [3].
Une curiethérapie peut être proposée pour les tumeurs de moins de 4cm du gland ou du sillon balano-préputial, situées à distance de l’urètre et de son méat, sans envahissement de l’albuginée des corps caverneux [3].
Un geste non conservateur à type d’amputation partielle peut se discuter en fonction de la compliance du patient et de la situation de la tumeur (atteinte proximale).
Une amputation partielle est indiquée en cas d’atteinte distale sans extension à l’urètre proximal, si la longueur de pénis restant est suffisante (3cm).
Dans les cas d’atteinte proximale du corps du pénis, une amputation totale avec urétrostomie périnéale est recommandée.
Une amputation pénienne totale avec urétrostomie périnéale est recommandée si la tumeur est extirpable, éventuellement associée à une chimiothérapie néo-adjuvante. En sachant que pour les stades T4 les taux de guérisons sont faibles (<30 %) et la morbidité élevée [28].
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Traitement des aires ganglionnaires |
La présence de ganglions para-aortiques ou para-caves ne correspond plus à une maladie locorégionale, mais à un stade métastatique et n’est donc pas traitée dans ce chapitre.
La lymphadénectomie inguinale est le traitement de choix des adénopathies inguinales métastatiques. Des traitements combinés y sont souvent associés (chimiothérapie néo-adjuvante ou adjuvante, GETUG 25).
Pourtant encore décrite dans certains ouvrages de référence, la technique de curage modifié selon Catalona est obsolète et dangereuse en termes de survie. Cette lymphadénectomie inguinale dite « superficielle », initialement décrite en 1988, se limitait au prélèvement des ganglions en dedans de la veine saphène. Cependant, Leijte et al. ont montré sur 86 cN0 que les premiers relais ganglionnaires se trouvaient dans plus de 95 % des cas dans les 2 quadrants supérieurs et le quadrant central des zones de Daseler.
Désormais, le curage inguinal modifié concerne les quadrants supérieur et central (autour de la veine saphène) chez les patients cN0 à risque [29] (Figure 1).
Figure 1.
Topographie des territoires de drainage lymphatique inguinal selon Daseler. Le curage modifié recommandé concerne les territoires péri-saphène (1), supéro-interne (2) et supéro-externe (5). Les territoires inféro-interne (3) et inféro-externes (4) ne sont considérés que dans le curage radical.
La lymphadénectomie inguinale totale (ou radicale) consiste en une ablation de tous les ganglions inguinaux du triangle de Scarpa. Ses limites sont : en avant le fascia superficialis, en arrière le plancher musculaire (muscle pectiné en dedans et muscle ilio-psoas, en haut le ligament inguinal (l’exérèse assure classiquement une marge de sécurité de 2cm au-dessus de l’arcade crurale ; le ganglion de Cloquet, le plus haut situé, sous l’arcade crurale à la jonction du curage iliaque externe, doit être prélevé et analysé séparément), en dedans, le cordon est refoulé et l’os pubien doit être visualisé, en dehors le bord antéro-interne du muscle Sartorius, en dedans le bord antéro-externe du muscle long adducteur, en bas l’apex du triangle fémoral.
Ce curage menace le drainage lymphatique du membre inférieur et la vascularisation cutanée. La morbidité de ce curage est liée aux risques de lymphocèle (2,1–4 %), nécrose cutanée (0,6–4,7 %), infection pariétale (1,2–1,4 %), lymphœdème (5–13,9 %) [30, 31]. En 2013, Stuiver et al. rapportaient 50 % de complications notamment en cas de facteurs de risque tel qu’un IMC majoré ou une transposition du sartorius [32]. Cependant, des séries rapportent une morbidité moindre autour de 25 % [30, 31].
Pour limiter les complications lymphatiques, il faut éviter les électro-coagulations et privilégier les ligatures (au fil surtout, l’excès de clips augmenterait le risque de complication) [33, 34]. L’utilisation de colle biologique (fibrine) est possible, mais n’a pas prouvé sa supériorité [35].
La morbidité postopératoire est aussi diminuée par la préservation de la veine saphène, l’utilisation d’un pansement compressif, de bas de contention voire d’une antibiothérapie probabiliste [3]. Un pansement à pression négative peut être utile [36].
Un abord endoscopique (laparoscopique ou robot assistée) est faisable, mais ne peut être recommandé même si les quelques publications disponibles rapportent une morbidité moindre (sauf pour les lymphocèles) [37].
La lymphadénectomie iliaque doit intéresser les 3 chaînes ganglionnaires iliaques : externe, interne et primitive. Elle doit être réalisée si possible simultanément au curage inguinal (si l’examen extemporanée la retient) sinon elle doit être réalisée sans délai si les résultats histologiques définitifs l’imposent [38].
Il n’y a pas d’indication à une radiothérapie inguinale prophylactique chez des patients cN0 [39].
Aucun effet curatif de la radiothérapie n’a été démontré chez les patients pN+ que ce soit en adjuvant ou en néo-adjuvant. La chirurgie d’exérèse fait mieux que la radiothérapie [39]. La radiothérapie n’est donc pas recommandée en curatif dans le traitement des métastases ganglionnaires des tumeurs du pénis. La chimiothérapie adjuvante serait préférable à la radiothérapie adjuvante [40].
La radiothérapie adjuvante est une option :
• | chez les patients cN3 avec extension extracapsulaire (inguinal ou iliaque) ;
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• | en traitement palliatif pour les adénopathies inextirpables chirurgicalement.
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La chimiothérapie a été évaluée en situation néoadjuvante chez les patients atteints d’un cancer du pénis localement avancé (cN3) en situation adjuvante et chez les patients métastatiques (M+). Les études concernent en général un faible nombre de patients ne permettant pas d’établir des standards.
En cas d’envahissement ganglionnaire inguinal fixé, l’objectif d’une chimiothérapie néoadjuvante est de permettre une réduction tumorale et d’en faciliter l’exérèse [41].
Les plus anciens protocoles de chimiothérapie utilisaient une association de bléomycine, vincristine et méthotrexate [42]. D’autres études rétrospectives ont recensé divers protocoles de chimiothérapie (5-FU cisplatine, taxane, bléomycyne – cisplatine – methotrexate) [43, 44] ne permettant aucune conclusion. De façon plus récente, Pizzocaro et al. ont traité quelques patients avec une chimiothérapie néo-adjuvante de type TPF (paclitaxel, cisplatine et 5-fluorouracil) pour une tumeur inextirpable ou pour une récidive ganglionnaire [45]. La moitié des patients était vivante sans récidive à plus de 25 mois. Une étude de phase II, a évalué l’intérêt d’une chimiothérapie néo-adjuvante avec 4 cycles de TIP (Taxol, ifosfamide et cisplatine) pour les patients ayant une tumeur du pénis avec envahissement ganglionnaire de stade N2 ou N3 et M0 [46]. Parmi les 30 patients inclus dans l’étude, la moitié a obtenu une réponse objective et 3 patients étaient en réponse complète. Avec un suivi médian de 34 mois, 30 % des patients étaient vivant sans récidive. L’étude AFU-GETUG 25_MEGACEP est une étude prospective de phase II, multicentrique nationale, non contrôlée, non randomisée évaluant la survie sans récidive ganglionnaire locorégionale après une chimiothérapie périopératoire chez des patients atteints d’un carcinome épidermoïde du pénis pN+ présentant des métastases ganglionnaires inguinales (cN3 exclus). La chimiothérapie choisie est une association Taxol ifosfamide et cisplatine.
Les premières études d’efficacité de la chimiothérapie adjuvante dans le cancer du pénis ont évalué de nombreuses molécules. Des réponses à la bléomycine et au méthotrexate ont été rapportées [47, 48, 49]. Pizzocaro et al. ont évalué chez 12 patients après un curage inguinal total bilatéral une chimiothérapie associant bléomycine, vincristine et méthotrexate, 11 n’ont pas développé de récidive durant la période de suivi (42 mois en moyenne) [41]. Des résultats dans ce sens ont été obtenus avec un protocole BMP par Hakenberg [50].
L’avantage de la chimiothérapie adjuvante est de la réaliser le traitement une fois le statut ganglionnaire connu. Cependant, du fait des complications et de la morbidité de la chirurgie, celle-ci n’est pas toujours possible ou au moins décalée dans le temps.
Les deux autres produits ayant fait preuve d’une certaine efficacité sont le 5-flurouracil ou l’Ifosfamide. Une étude récente rétrospective [51] ainsi qu’une étude prospective de phase 2 ne supportent pas, cependant, l’utilisation de l’association TPF (docetaxel, cisplatine and 5-FU) du fait, en particulier, d’une toxicité importante [52]. L’association taxol, ifosfamide et cisplatine semble présenter un rapport efficacité/toxicité acceptable.
Aucun produit de chimiothérapie n’a l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) pour son utilisation dans le cancer du pénis.
L’association radio et chimiothérapie néoadjuvante n’est pas recommandée [3].
L’immunothérapie est en cours d’évaluation dans les tumeurs du pénis en entretien chez les patients répondeurs à la chimiothérapie (Annexe 1).
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| Indications thérapeutiques |
En première intention, il faut proposer la recherche de ganglion sentinelle qui évalue de façon acceptable (12–15 % de faux négatif) le statut ganglionnaire microscopique pour une morbidité moins élevée que la lymphadénectomie modifiée bilatérale [53, 54]. Cette procédure doit être réalisée simultanément à la chirurgie pénienne. Elle ne peut être réalisée dans un deuxième temps que si la tumeur initialement suspectée de bon pronostic est finalement de risque intermédiaire ou élevé [55].
Concernant la recherche du ganglion sentinelle :
• | chez les patients cN0 à faible risque (Tis, TaG1 et T1aG1) informés et compliants, elle n’est pas recommandée. Une simple surveillance est requise;
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• | chez les patients à risque intermédiaire ou élevé (≥pT1b et/ou ≥grade 2) et cN0, une stadification ganglionnaire invasive est recommandée avec analyse extemporanée : ganglion sentinelle en priorité et curage modifié bilatéral sinon (plus morbide) ;
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• | dans les tumeurs à haut risque, si le ganglion sentinelle ne fixe que d’un côté, un deuxième essai peut être tenté sinon il faut évaluer le côté controlatéral par un curage modifié ;
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• | en cas de ganglion sentinelle ou de lymphadénectomie modifiée négatifs, une surveillance est recommandée ;
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• | en cas de ganglion sentinelle ou de curage modifié positifs, une lymphadénectomie inguinale totale est recommandée du côté pN+ et une lymphadénectomie superficielle modifiée du côté pN0.
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Stade cN1/cN2 (adénopathie mobile, unique ou multiple) |
Une cytoponction à l’aiguille fine est recommandée, mais n’est contributive que si elle est positive. Une antibiothérapie ne doit pas retarder dangereusement l’exploration chirurgicale.
Une lymphadénectomie inguinale totale est recommandée du (ou des) côté(s) envahi(s) (preuve histologique : cytoponction positive, analyse extemporanée ou définitive d’un curage modifié) et une lymphadénectomie inguinale modifiée controlatérale si ce côté est sain.
La radiothérapie néo-adjuvante n’est pas recommandée.
Une lymphadénectomie iliaque simultanée est nécessaire si une adénopathie iliaque suspecte est repérée au bilan d’extension préopératoire.
La cytoponction et la biopsie ne sont pas indispensables.
Un bilan d’extension par 18F-FDG PET-scanner (ou par scanner thoraco-abdomino-pelvien) est recommandé [56].
Une prise en charge multimodale est recommandée, du fait du pronostic péjoratif. Une chimiothérapie néoadjuvante est recommandée suivie d’un curage radical chez les répondeurs [43, 44]. Dans les autres situations (stabilisation ou progression), seule une prise en charge palliative est licite : chimiothérapie de rattrapage ou radiothérapie et soins de support.
Chez les patients localement avancés non opérables une chimiothérapie doit être considérée et en cas de stabilité ou réponse de la maladie, l’inclusion dans le protocole PULSE doit être considérée (Annexe 1).
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Stades postopératoires : pN1-3 |
Dans les stades pN1, une surveillance est recommandée (un traitement adjuvant à la lymphadénectomie inguinale totale ne peut être retenu que dans le cadre d’essai clinique).
Une lymphadénectomie pelvienne homolatérale est recommandée si ce ganglion unique est en rupture capsulaire.
Dans les pN2 unilatéraux, une lymphadénectomie iliaque homolatérale précoce est recommandée avant une chimiothérapie adjuvante.
Dans les stades pN2/pN3, une chimiothérapie adjuvante aux lymphadénectomies est recommandée.
La radiothérapie adjuvante est envisageable, mais peu de données sont disponibles pour la recommander.
La lymphadénectomie iliaque précoce est recommandée si : au moins 2 ganglions inguinaux sont métastatiques ou si une effraction capsulaire ganglionnaire inguinale est mise en évidence sur un des ganglions. Elle doit être simultanée si elle est indiquée dès l’analyse extemporanée. Si ce sont les résultats définitifs qui l’indiquent, elle sera différée sans délai, sauf si le patient est inclus dans le GETUG 25 (Annexe 1) (Figure 2).
Figure 2.
Arbre décisionnel récapitulatif. *cN3 pelvien=cN1/N2 inguinal et adénopathie(s) pelvienne(s) univoque(s) à l’imagerie.
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Traitement des stades métastatiques |
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| La chimiothérapie palliative |
En phase métastatique, les mêmes protocoles que ceux utilisés en situation périopératoire ont été évalués en phase II avec le BMP [50], le TIP [46] ou le TPF [52]. Les taux de réponses varient de 15 à 30 % avec des survies sans progression modestes de quelques mois. Les toxicités semblent importantes pour le protocole BMP. Les propositions en 1e ligne peuvent être soit le TPF soit le TIP. Ainsi, une chimiothérapie palliative doit comporter si possible un taxane en 1e ligne [3].
Aucun traitement n’a été défini en 2nde ligne, et les monothérapies par cisplatine et paclitaxel [57] ont une activité modeste. Il faut privilégier pour ces malades les inclusions dans les essais thérapeutiques.
L’immunothérapie est en cours d’évaluation dans les tumeurs du pénis en 2nde ligne (programme AcSé nivolumab cf Annexe 1).
Le taux de récidive locale après un geste conservateur est de 15 % à 30 % quel que soit ce traitement. Elle survient surtout dans les 2 premières années et est corrélée aux marges chirurgicales positives en cas de chirurgie.
En cas de geste conservateur initial, une reprise par un geste conservateur doit être préférée, s’il est possible. En cas d’atteinte profonde, une amputation partielle ou totale est recommandée.
En cas de récidive inguinale, une lymphadénectomie inguinale totale doit être proposée si elle n’a pas été réalisée. Dans le cas contraire, une chimiothérapie et une radiothérapie de rattrapage doivent être discutées.
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| Résultats carcinologiques |
La survie spécifique à 5 ans est de 100 % pour le CIS, 84 % pour les pT1 et 54 % pour les pT2 [58].
Pour les lésions T2, le taux de récidive est de 17 à 35 % et le taux de mortalité spécifique de 21 à 30 % à 3 ans [59].
Le traitement par 5-FU pour un CIS donne 50 % de réponses complètes et parmi ces réponses complètes 20 % de récidives précoces (temps moyen lors de la récidive=5 mois) [60].
Le traitement par laser des tumeurs CIS et pT1 a un taux de récidive à 5 ans variant de 10 à 48 % [61, 62] ce qui nécessite une chirurgie complémentaire. La survie spécifique à 5 ans est supérieure à 90 % [51].
La chirurgie conservatrice (« resurfaçage » ou glandulectomie) a un taux de récidive (suivi de 2 à 4 ans) de 6 à 21 % [63] avec une mortalité spécifique nulle. Les récidives précoces surviennent dans 94 % cas dans les 3 ans. On retrouve des facteurs prédictifs de récidive : envahissement périnerveux, CIS, marge positive et haut grade ; lorsque les 4 sont présents, le risque est multiplié par 34 [64].
La chirurgie non conservatrice (amputation partielle ou totale) a un taux de récidive locale de 5 % [3].
Après curiethérapie, le taux de récidive varie de 19 à 30 % avec 25 % de sténose urétrale [65, 66].
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Selon le stade ganglionnaire |
Pour les patients pN0 : la survie spécifique à 5 ans varie de 87 à 100 % [67].
Pour les patients pN+ : la survie spécifique à 5 ans varie de 29 [68] à 40 % [69].
La survie spécifique à 5 ans pour un pN1 est de 73 à 80 % et pour un pN3 de 17 à 33 % [67, 70].
Une nouvelle notion pertinente apparaît : le pourcentage de ganglions envahis lors du curage inguinal radical : si <16 % de ganglions envahis : survie spécifique=81 % si >16 %=24 % [71].
À noter qu’en cas de tumeur M+ la survie spécifique à 5 ans est de 0 %.
Le grade tumoral pourra faire changer d’attitude thérapeutique pour un patient cN0 avec un pT1, le grade 1 permettra de proposer une surveillance et un grade 3 ou 4 imposera un curage inguinal [3], même si une étude retrouve un ganglion sentinelle envahi dans 6 % des T1G1 [72], ce qui pousserait à réaliser systématiquement une exérèse du ganglion sentinelle. Les tumeurs de grade élevé imposent un geste chirurgical prudent en cas d’approche conservatrice, afin de garantir des marges négatives. Ainsi certains ont pu préférer une amputation partielle à une chirurgie conservatrice [3].
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Selon le type histologique |
Certains types de carcinomes (basaloïdes, verruco-basaloides, sarcomatoïdes, pseudo-glandulaires, muco-épidermoïdes…) ou les carcinomes à cellules claires sont des carcinomes très agressifs qui doivent faire discuter une prise en charge plus agressive quel que soit le stade et le grade : pénectomie partielle large±curage inguinal bilatéral [73, 74, 75],
Le statut mictionnel est en général bon pour les chirurgies conservatrices avec de rares cas de sténose méatique, mais les difficultés mictionnelles des patients ayant eu une amputation partielle est sans doute sous-estimée, car rarement évaluée.
La curiethérapie entraîne une sténose du méat (qui peut être complexe à traiter) dans plus de 40 % des cas [3, 75].
On relativisera les résultats des études qui n’ont pas utilisé de questionnaires réellement adaptés à la sexualité après traitement d’une tumeur du pénis.
Après Laser, il n’y a pas de dysfonction érectile (DE), mais des difficultés à pratiquer certaines activités sexuelles à cause de douleurs résiduelles [76].
En cas de « resurfaçage », une étude prospective récente montre une amélioration de la vie sexuelle chez 81 % des patients et un aspect cosmétique satisfaisant (5/5 sur une échelle visuelle cosmétique) [77].
En cas de glandulectomie, il est décrit entre 0 et 20 % de modification de la sexualité.
Après amputation partielle, on retrouve une dégradation de la sexualité chez 67 % même si les érections sont présentes dans 56 % des cas et les orgasmes conservés dans 72 % des cas [3].
Une étude multicentrique comparant la sexualité après chirurgie conservatrice et après pénectomie partielle retrouve des différences importantes en termes de satisfaction par rapport à l’apparence : 64 % si chirurgie conservatrice/14 % si pénectomie partielle, de même que la confiance en sa sexualité passe de 55 à 6 % en cas de pénectomie partielle et des résultats identiques sont retrouvés chez les partenaires [78].
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Suivi local du pénis (suivi 5 ans au moins) |
Dans tous les cas, l’apprentissage des auto-examens réguliers est recommandé (Figure 3, Figure 4) :
• | après traitement local non chirurgical : auto-examen régulier et suivi clinique : ∘ | pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois et biopsie en cas de doute ainsi qu’une fois à titre systématique dans les 2 ans (pour preuve histologique de l’éradication sur la zone traitée après laser, topique ou photothérapie dynamique),
| ∘ | au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les 6 mois ;
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• | après traitement local chirurgical conservateur (biopsie-exérèse, glandulectomie partielle ou resurfaçage) : auto-examen régulier et suivi clinique : ∘ | pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois,
| ∘ | au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les 6 mois ;
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• | après glandulectomie totale, amputation partielle ou totale : ∘ | pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois,
| ∘ | au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les ans.
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Figure 3.
Suivi local du pénis après différents types de traitement (biopsie au moindre doute par inspection ou palpation).
Figure 4.
Suivi loco-régional des aires ganglionnaires en fonction de la prise en charge initiale.
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Suivi loco-régional (inguinal) |
Dans tous les cas, l’apprentissage des autopalpations inguinales régulières est recommandée :
• | sans curage initial : autopalpation régulière et examen clinique. Pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois. Au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les 6 mois.
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• | Après curage initial pN0 ou GS négatif : autopalpation et examen clinique. Pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois (±cytoponction semestrielle sous échographie). Au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les ans.
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• | Après curage initial pN± : autopalpation et examen clinique systématique (18-FDG Pet-TDM, IRM et scanner : utilisation et rythme à discuter au cas par cas en RCP). Pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois (±cytoponction semestrielle sous échographie). Au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les 6 mois.
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Déclaration de liens d’intérêts |
PC, LF, TM, LR et PS déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
AF : co-investigateur GETUG AFU 27.
AM : interventions Pfizer, Ferring, Ipsen, BMS.
NMJ : consultant Coloplast, Boston scientifique ; investigateur principal Soby.
PHS : BMS, Novartis, Janssen, Boston Scientific.
Pour toute information complémentaire, consultez les liens avancee et declaration-publique-d-interets?portlet=sd_700659%26text.
Annexe 1. Essais thérapeutiques disponibles en France pour les tumeurs malignes du pénis
1. Etude AFU-GETUG 25 MEGACEP (chimiothérapie néoadjuvante ou adjuvante)
Etude prospective de phase II, multicentrique nationale, non contrôlée, non randomisée évaluant la survie sans récidive ganglionnaire locorégionale après une chimiothérapie périopératoire chez des patients atteints d’un carcinome épidermoïde du pénis pN+ présentant des métastases ganglionnaires inguinales (cN3 exclus).
Sous la coordination des Pr J. Rigaud (CHU-Nantes) et S. Culine (Hôpital St Louis-Paris).
Objectif : 37 patients.
Ouvert dans 14 centres en France.
2. Etude PULSE (Immunothérapie d’entretien)
Etude prospective de phase II, multicentrique nationale, évaluant la survie sans progression des carcinomes épidermoïdes de la verge localement avancés non opérables ou métastatiques (ECOG 0-2), présentant une maladie stable ou en réponse (critères RECIST v1.1) après 3 à 6 cycles de polychimiothérapie, à base de sels de platine de première ligne, en y associant une immunothérapie d’entretien par Avelumab intra-veineux toutes les 2 semaines.
Sous la coordination du Dr A. Thiery-Vuillemin (CHRU Besançon).
Objectif : 32 patients.
Ouverture dans 15 à 20 centres démarrée à automne 2018 en France.
3. Etude AcSe Nivolumab (Immunothérapie par anti-PD1)
Il s’agit de l’accès sécurisé au nivolumab pour des patients adultes porteurs de certains types de cancers rares dont les cancers du pénis.
Essai prospectif de phase II, multicentrique nationale, évaluant la réponse au traitement par le nivolumab en monothérapie notamment dans les cancers du pénis métastatiques ou localement avancés, non résécables, résistants ou réfractaires aux traitements standards pour lequel il n’existe pas d’autre option thérapeutique standard ou expérimentale adaptée disponible.
Sous la coordination du Dr MARABELLE Aurélien (IGR Villejuif).
Objectif : 250 patients en France d’ici 2020 (tout cancer rare confondu, pas seulement pénis).
Ouverture dans 59 centres en France.
Nb : Essai appartenant au programme AcSé UNICANCER (porté depuis juin 2013 par l’INCa et l’ANSM, qui a pour objectif de permettre l’accès équitable à l’innovation thérapeutique en France).