Les grades des niveaux de preuve des recommandations sont désormais symbolisés par un code couleur comme expliqué ci-dessous :
Les tumeurs malignes de la surrénale (TMS) sont soit des tumeurs primitives touchant le cortex de la glande (carcinome corticosurrénalien ou corticosurrénalome malin), ou la médullosurrénale (phéochromocytome malin), soit des métastases surrénaliennes d’un autre cancer, soit des lymphomes. Les lymphomes primitifs surrénaliens, majoritairement bilatéraux, sont exceptionnels (car cette glande ne contient pas de tissu lymphoïde) et ne seront pas traités dans cet article. Les circonstances de découverte d’une tumeur maligne surrénalienne sont soit l’apparition de symptômes motivant une imagerie surrénalienne, soit un incidentalome surrénalien (IS) - masse surrénalienne≥1cm, découverte fortuitement lors d’une imagerie, non motivée par l’exploration d’une pathologie surrénalienne.
La rareté des tumeurs malignes surrénaliennes justifie une prise en charge multidisciplinaire associant chirurgien, endocrinologue, oncologue, médecin nucléaire et radiologue, si possible dans un centre expert. Cette exigence a conduit au développement de réseaux nationaux (COMETE (Annexe A) en France, GANIMED en Allemagne, NISGAT en Italie) et internationaux (ENSAT en Europe). L’objectif de ces réseaux est l’harmonisation de la prise en charge diagnostique et thérapeutique des tumeurs surrénaliennes. Ces réseaux éditent régulièrement des recommandations, permettent le recueil en grand nombre de tissus biologiques et favorisent l’inclusion des patients pour des essais thérapeutiques.
Cet article actualise les recommandations établies par le CCAFU en 2013 [1] à partir de la littérature scientifique disponible sur PubMed depuis 2013 et depuis les recommandations internationales (sociétés savantes spécialisées ou réseaux).
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| Incidentalome surrénalien |
Ils touchent environ 3 à 7 % des adultes [2]. En cas d’antécédent d’un autre cancer, les IS sont plus fréquents (9 à 13 %) [3]. Les adénomes corticosurrénaliens (75 %) et les myélolipomes (6 %) sont bénins et sont les tumeurs les plus fréquentes [4]. La probabilité qu’un IS soit une tumeur maligne est faible (<5 %).
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| Carcinome corticosurrénalien (CCS) |
Cette tumeur est une tumeur rare, dérivée de la corticosurrénale. Son incidence annuelle est de 0,5 à 2 par million d’habitant. Il est plus fréquent chez la femme (55–60 %). Il peut intervenir à tout âge mais il existe un pic d’incidence entre 40 et 60 ans [5]. Les CCS sont le plus souvent sporadiques et sont rarement associés à d’autres néoplasies endocriniennes (NEM de type 1, syndrome de Beckwith-Widman, syndrome de Li-Fraumeni).
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| Phéochromocytome malin (PCM) |
Le phéochromocytome (PC) est une tumeur rare neuro-endocrine, dérivée des cellules chromaffines de la médullo-surrénale. Son incidence annuelle est de 2 à 8 par million d’adultes. Un pic de fréquence est observé entre 30 et 40 ans. Environ 10 % des phéochromocytomes sont malins [6]. La taille supérieure à 5cm, un envahissement local, une nécrose interne, un pléomorphisme et un hyperchromisme nucléaire sont des caractéristiques suspectes de malignité mais seule l’existence de localisations secondaires dans des organes dépourvus de tissu chromaffine (par ordre de fréquence : les ganglions lymphatiques, les os, le foie, les poumons et les reins) est un critère de malignité reconnu [7].
La majorité des PCM est sporadique (75 %) mais ils peuvent également survenir dans le cadre de maladies génétiques : NEM de type 2 (10 % des PCM sont associées à un syndrome de néoplasie endocrinienne multiple [6]), maladie de von Hippel-Lindau, mutation de la Sous-unité B de la Succinate Déshydrogénase (SDHB), neurofibromatose de type 1, syndrome de Sturge-Weber, sclérose tubéreuse [1], ce qui justifie qu’en cas de PCM, il faille systématiquement écarter un contexte héréditaire. Une consultation oncogénétique est recommandée en cas de suspicion de maladie génétique ou en cas de PC bilatéraux, et chez les patients jeunes (moins de 45 ans) [8].
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| Métastase surrénalienne (MS) |
Un IS découvert chez un patient ayant un antécédent de cancer traité est dans 75 % des cas une métastase de son cancer primitif [9]. Sinon, le risque de métastase est estimé à moins de 2 % en l’absence de tout contexte de cancer. S’il existe un contexte de cancer et une atteinte surrénalienne isolée, le risque de métastases est de l’ordre de 30 à 50 %. À l’inverse, si le patient n’a pas de cancer extra-surrénalien connu, l’imagerie est exceptionnellement révélatrice d’un tel primitif [9].
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Incidentalome surrénalien |
En cas d’IS, il faut réaliser, dans un premier temps, un bilan hormonal, afin de caractériser son profil de sécrétion (sécrétant ou non). Son bilan étiologique se poursuit en reprenant ou complétant l’imagerie. Pour le sujet qui nous concerne, rechercher les arguments de malignité représente la troisième étape [10]. En cas d’incidentalome non sécrétant, la crainte est de laisser évoluer, en l’absence de chirurgie, une tumeur maligne asymptomatique même si, en pratique, cette éventualité est faible.
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Carcinome corticosurrénalien |
Généralement, les CCS sont révélés par des symptômes hormonaux ou des symptômes dus à une masse abdominale. La rapidité d’installation des symptômes est un signe de malignité. Volume de la tumeur, douleurs lombaires, fièvre, anorexie et amaigrissement sont également des signes de malignité. La recherche d’un contexte génétique est systématique.
Cinquante à 60 % des CCS sont sécrétants (symptômes par excès d’hormones surrénaliennes autonomes) : cortisol avec syndrome de Cushing , androgènes avec signes de virilisation chez les femmes , œstrogènes avec signes de féminisation chez les hommes , sécrétion mixte .
Un tiers des tumeurs virilisantes est malin. Les tumeurs féminisantes sont presque toujours malignes, ce qui représente 10 % des CCS [4].
Le tableau clinique des PC (dû à l’excès de catécholamines) comprend : hypertension artérielle (HTA) avec hypokaliémie, perte de poids, pâleur par vasoconstriction périphérique. La triade symptomatique typique dite « triade de Menard » (céphalées pulsatiles, palpitations cardiaques et tachycardie, des sueurs profuses) est inconstante. Aucun de ces signes cliniques n’est pour autant évocateur de malignité [1]. La présentation clinique d’un PCM est identique à celle de la forme bénigne. D’ailleurs, la persistance de taux élevés de méthoxyamines plasmatiques ou urinaires, de signes cliniques après la surrénalectomie est très évocatrice de métastases résiduelles [1]. La recherche d’un contexte génétique est systématique.
Les PCM sont sécrétants (catécholamines) dans 85 % des cas. Dans ce cas, 3 types de complications peuvent survenir : les troubles cardiovasculaires (HTA, cardiomyopathie dilatée…), les troubles gastro-intestinaux (constipation extrême) et les événements osseux (70 % des patients développent des métastases osseuses majoritairement lytiques qui entraînent dans 80 % des cas des douleurs, fractures ou compressions médullaires) [11].
En cas de MS synchrone, les signes cliniques sont dominés par ceux du cancer primitif et d’éventuelles autres localisations. Si la MS est métachrone et isolée, elle est souvent asymptomatique et découverte au cours de la surveillance du cancer primitif [1].
Les incidentalomes surrénaliens sécrétants sont minoritaires (15 %) [12]. La recherche d’une hypersécrétion doit cependant être systématique, pour écarter un hypercortisolisme infraclinique (« pré-Cushing ») ou un phéochromocytome (en cas d’HTA ou d’hyperaldostéronisme primaire). Les autres sécrétions anormales (tumeur virilisante), souvent « criantes » cliniquement, sont exceptionnellement à l’origine d’un incidentalome surrénalien [9].
Avant de réévaluer les critères d’imagerie, il est donc important, dans un premier temps, de réaliser un bilan biologique. Outre une glycémie à jeun (diabète possible dans les hypercortisolismes et les PC), des dosages hormonaux (Tableau 1) sont recommandés au décours d’une consultation d’endocrinologie (interrogatoire orienté, âge, comorbidités). Un bilan génétique n’est réalisé qu’en cas d’orientation vers un contexte héréditaire (antécédents familiaux, patients jeunes, tumeurs bilatérales, localisation extrasurrénalienne).
Quand l’imagerie est réalisée suite à un bilan hormonal anormal, on ne peut pas parler d’incidentalome, même si le diagnostic de certitude est encore inconnu. Des orientations diagnostiques peuvent être établies par le profil hormonal. La sécrétion d’hormones sexuelles ou mixte (cortisol et hormones sexuelles) est un argument de malignité pour une tumeur de la corticosurrénale. La méthoxytyramine plasmatique est un marqueur prédictif de malignité des PC [14, 15]. Un outil récent semble très prometteur pour différencier une tumeur surrénalienne corticale bénigne d’une maligne : profil stéroïdien urinaire mesuré par spectrométrie de masse (GC-MS ou LC-MS) [16].
Elle peut être prédictive de la malignité d’une masse surrénalienne. Au-delà de 6cm, la proportion de tumeurs malignes est de 25 %, alors qu’elle est inférieure à 2 % pour les masses de moins de 4cm [9]. Ainsi un diamètre tumoral>6cm est un argument de malignité. Compte-tenu de la croissance tumorale généralement rapide des CCS, il a été proposé pour les incidentalomes, initialement surveillés, de refaire une tomodensitométrie abdominale à 6 mois et 1 an. En cas de stabilité, il n’y a pas d’argument pour recommander un suivi radiologique ultérieur [1].
Pour les CCS, La spécificité est respectivement de 52, 80, 95 et 98 % pour des diamètres>4cm,>6cm,>8cm ou>10cm [1].
Pour les PCM, la spécificité est respectivement de 20, 65 et 89 % pour des diamètres 4cm, 6cm et 8cm [17].
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Caractéristiques de la tomodensitométrie (TDM) |
L’étude de la densité spontanée différencie les lésions bénignes, riches en graisses, des lésions malignes, plus pauvres, avec une sensibilité et une spécificité de 71 et 98 %, respectivement [9]. Ainsi, les tumeurs malignes auraient une densité spontanée plus importante que les tumeurs bénignes. Dans la série de Szolar et al., les densités moyennes des tumeurs surrénaliennes sont : 39 UH pour les CCS, 44 UH pour les PCM et 34 UH pour les métastases surrénaliennes (contre 8 UH pour les adénomes surrénaliens). Cette tendance serait confirmée sur les densités 10minutes après injection (la mesure des densités tardives permet de calculer le lavage) [18].
Encore plus précis, est l’analyse du rehaussement de la masse, après injection. Ainsi, le rehaussement à l’injection des CCS, des PCM et des métastases surrénaliennes serait significativement plus élevé que celui des adénomes sur le temps tardif. Ce rehaussement à l’injection permet de calculer le wash-out ou lavage vasculaire (traduit le relargage du produit de contraste iodé par la lésion surrénalienne). Ainsi, un wash-out lent (rétention du produit de contraste) est suspect de malignité [5, 19].
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Caractéristiques de l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) |
L’IRM abdominale n’apporte pas d’élément diagnostique supplémentaire par rapport au scanner (sa sensibilité et sa spécificité sont moindre : 78 et 87 % respectivement dans la caractérisation tissulaire [9]). La grande lenteur du wash-out , après injection de gadolinium, est caractéristique des CCS. Les lésions bénignes ont en T1 et T2 une intensité de signal égale ou légèrement inférieure à celle du foie normal [20]. Le phéochromocytome présente un hyper signal T2 évocateur : rapport surrénale/foie>3 et un rehaussement rapide et intense à l’injection de gadolinium.
En séquences classiques, l’IRM apprécierait mieux, l’envahissement local et veineux d’une tumeur potentiellement maligne et serait plus précise. Elle peut donc compléter les données du scanner abdominal pour affiner le bilan d’extension locorégionale, métastatique, vasculaire ou ganglionnaire. Même dans ces indications, l’amélioration de la résolution de la TDM devrait limiter la place de l’IRM.
La séquence phase-opposition de phase ou spectroscopie par résonnance magnétique est utile. Une diminution du signal en opposition de phase (eau+graisse/graisse – eau) de 20 % serait en faveur d’un adénome [21], le plus souvent riche en graisse intracellulaire (spécificité et sensibilité élevées [22]).
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Caractéristiques scintigraphiques : imageries fonctionnelles |
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Tomographie par émission de positons (TEP) au Fluorodésoxyglucose (18F) ou 2-désoxy-2-(18F) fluoro-D-glucose (18F-FDG) |
Traceur le plus utilisé en oncologie, le 18F-FDG reflète le métabolisme des lésions tumorales, qui est augmenté en cas de lésion maligne. Devant une lésion surrénalienne hypermétabolique, il faut évoquer quatre diagnostics principaux : un PC, un CCS, une MS ou un lymphome.
En cas de suspicion de CCS, la TEP-18FDG est l’examen scintigraphique de référence, tant à la phase diagnostique que pour le suivi [21, 24]. La TEP est également utile dans le bilan d’extension des CCS pour le diagnostic des métastases à distance.
Cet examen permet de calculer le rapport du SUV max (maximal standard uptake value ) de la tumeur sur celui du foie (SUV max tumeur/SUV max foie). Un rapport≥1,45 est fortement prédictif de malignité [25].
La TEP au 18F-FDG semble avoir un intérêt différent pour caractériser les tumeurs de la médulla, car il est connu que les PC bénins comme malins peuvent présenter une captation du 18F-FDG [26]. Elle est maintenant recommandée dans le bilan d’extension des phéochromocytomes malins en préopératoire [27].
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Tomographie par émission de positons au 18F-DOPA (Fluoro-18-L-Dihydroxyphenylalanine) |
En cas de suspicion de PC, le traceur de choix est le 18F-DOPA. Il est utile au diagnostic positif et au diagnostic des éventuelles localisations secondaires, avec une sensibilité proche de 100 %. Il est plus sensible que le MIBG et peut être couplé au 18-FDG [28].
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Scintigraphie au Méta-iodo-benzylguanidine marquée à l’iode 123 (123I-MIBG) |
Traceur spécifique de la médullo-surrénale, la fixation du 123I-MIBG, en regard d’une masse surrénalienne, est très en faveur d’un PC [26]. Classiquement utilisée depuis les années 1980 pour confirmer le diagnostic de PC, elle peut être utile quand les dérivés méthoxylés sont limites ou variables d’un prélèvement à un autre. Quand le diagnostic de PC est posé, elle élimine aussi les autres localisations ou de rares métastases [9] mais dans ce cas, elle est progressivement supplantée par la TEP (elle garde seulement une indication quand la TEP est indisponible).
En cas de PCM, son utilisation ne devrait se limiter qu’aux malades pouvant répondre à une radiothérapie interne (ou radiothérapie métabolique) à l’iode 131 (131I), vectorisée au MIBG (prédictive de l’efficacité de cette radiothérapie métabolique) [11, 29].
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| Diagnostic anatomopathologique |
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Diagnostic préopératoire : biopsie percutanée |
La place de la biopsie percutanée est très limitée. Elle n’est pas recommandée chez un patient sans antécédent néoplasique [30]. La seule indication est une suspicion de métastase surrénalienne ou celle d’un lymphome ou d’un sarcome rétropéritonéal [1]. Même dans ces circonstances, il faut d’abord écarter formellement un PC infraclinique car la prévalence de ce dernier chez un patient porteur d’un cancer extra-surrénalien est relativement élevée, de 5 à 25 % [9].
En cas de suspicion de CCS, elle est contre-indiquée [21], du fait du risque de dissémination tumorale, liée à la rupture capsulaire [1]. Elle peut être exceptionnellement nécessaire (après avoir écarté un PC) pour confirmer un diagnostic d’une lésion surrénalienne d’emblée métastatique irrésécable (elle doit alors être associée à un marquage immunohistochimie anti-SF1) ou en cas de doute entre une métastase surrénalienne et un CCS non sécrétant [31].
En cas de suspicion de PCM, elle est classiquement contre-indiquée (risque d’hypertension maligne sur décharge de catécholamines) [13].
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Diagnostic postopératoire |
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Carcinome corticosurrénalien |
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Le score histo-pronostique de WEISS |
En cas de diagnostic douteux de CCS, les lames doivent être relues par un pathologiste spécialisé, dans le cadre du réseau COMETE, une double lecture est recommandée au sein du réseau.
En cas de doute sur l’origine corticale ou non de la tumeur, la recherche immunohistochimique de l’expression du Steroidogenic Factor-1 (SF-1) doit être systématique car il s’agit du marqueur le plus sensible et spécifique de la corticosurrénale [32].
Dans les corticosurrénalomes avérés, l’examen anatomo-pathologique est capital pour établir le diagnostic de corticosurrénalome. Il permet l’établissement final du stade pTNM, le statut de résection « R » et surtout le calcul du score de Weiss. Le compte-rendu devra donc entre-autre préciser chacun des neuf items du score de Weiss : trois sont liés à des caractéristiques architecturales de la tumeur (présence de nécrose, architecture diffuse,<25 % de cellules claires), trois à des caractéristiques nucléaires (grade nucléaire élevé, nombre de mitoses élevé, présence des mitoses anormales) et trois à des caractéristiques invasives de la tumeur elle-même (franchissement capsulaire, invasion sinusoïdale, invasion veineuse). Un point est attribué par item. Il s’agit d’un score histo-pronostique : un score supérieur à 3 est en faveur d’une tumeur maligne.
Le diagnostic de malignité est donc retenu quand une tumeur localisée présente un score de Weiss≥3 et/ou en cas d’envahissement local ou de métastases à distance [1, 5, 23, 24, 33].
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Classification TNM des CCS |
La dernière date de 2009 (Tableau 2) [34]. Elle a une valeur pronostique et est utile à la prise en charge thérapeutique.
Le diagnostic histologique de PC ne pose en général pas de problème. Le diagnostic de PCM est, en revanche, beaucoup plus controversé [35].
Actuellement, la seule preuve formelle de malignité est l’envahissement des organes de voisinage ou les métastases à distance [6, 20, 35]. L’invasion capsulaire et l’invasion vasculaire sont considérées comme des critères à haut risque de malignité mais ne sont pas toujours associées à une maladie métastatique [1, 19]. Il n’existe donc aucun critère anatomo-pathologique en soi, capable d’affirmer la malignité d’un PC.
Bien que non validé (parfois discordant avec d’autres critères immunohistochimiques), le score pronostique le plus utilisé est le Pheochromocytoma of the Adrenal Gland Scaled Score (PASS), proposé en 2002 par Thompson [25]. Il repose sur : atypies nucléaires (1 point), index mitotique>2 mitoses/10 HPF (High Power Field=champs à fort grossissement) (2 points), mitoses atypiques (2 points), cellularité (2 points), monotonie cellulaire (2 points), architecture diffuse (2 points), nécrose (2 points), invasion vasculaire (1 point), invasion capsulaire (1 point), envahissement extra-surrénalien (1 point). Un score inférieur à 4 est en faveur de la bénignité, supérieur à 6, de la malignité. Il n’est pas recommandé en pratique courante [1].
Les cancers primitifs sont en premier lieu : cancer du poumon (35 %), cancer du rein, cancer du sein, mélanome malin, cancer de l’estomac, cancer colorectal et lymphome. Une localisation surrénalienne isolée est rare, mais reste souvent confinée à la glande, d’où l’intérêt d’une chirurgie d’exérèse [1].
Les métastases surrénaliennes sont classées M+ dans la classification TNM du cancer primitif.
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| Carcinome corticosurrénalien |
Un âge avancé et la sécrétion de cortisol semblent associés à un pronostic plus sévère [23].
Plusieurs marqueurs moléculaires pourraient aussi être associés à un mauvais pronostic. Ils sont mesurés en immunohistochimie (accumulation nucléaire de p53, forte intensité du marquage de SF-1, accumulation nucléaire de la bêta-caténine), ou par des techniques de biologie moléculaire (profil d’expression des gènes en faveur d’une tumeur de mauvais pronostic, niveau de méthylation élevée de la région promotrice des gènes, combinaison particulière de pertes et de gains chromosomiques) [23] sans que leur utilisation, en pratique courante, soit recommandée.
La proportion de cellule en mitose (grade) est un critère d’agressivité reconnu en histologie. Dans le CSS, il est exprimé par l’analyse d’un marquage immunohistochimique dirigé contre le Ki 67. Il s’exprime en pourcentage. Plus il augmente plus le pronostic est péjoratif (>10 % : Haut risque ; >30 % : très haut risque). Ainsi, le grade de la tumeur évalué par le comptage des mitoses dans la tumeur, reflété par le marquage immunohistochimique dirigée contre le Ki-67 est le critère pronostic histologique reconnu pour le CCS.
Même si les index de prolifération, l’appréciation de la qualité de la résection, le statut ganglionnaire, apportent aussi des informations sur le pronostic.
NB : La classification pTNM et le Ki-67 n’ont pas qu’un intérêt pronostique, ils aident aussi à la prise en charge thérapeutique.
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Classifications pronostiques |
En 2004, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Union Internationale contre le Cancer (UICC) validaient une stadification basée sur la traditionnelle classification de McFarlane modifiée par Sullivan [36].
Il semble préférable d’utiliser la Classification « European Network for the Study of Adrenal Tumors (ENS@T) », cette classification semble supérieure à celle publiée par l’Union Internationale contre le cancer (UICC) [23] :
• | stade 1 : tumeur<5cm (T1 N0 M0) ;
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• | stade 2 : tumeur>5cm (T2 N0 M0) ;
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• | stade 3 : tumeur localisée mais avec métastase ganglionnaire régionale, sans métastase à distance (T1/2 N1 M0) ou tumeur localement avancée (avec ou sans atteinte des organes et vaisseaux adjacents) avec extension ganglionnaire ou non mais sans métastase à distance (T3/T4N0/1 M0) ;
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• | stade 4 : tumeur, quelle que soit la taille, quelle que soit son statut ganglionnaire mais présentant des métastases à distance (T1-T4 N0/1 M1).
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La survie à 5 ans est différente selon les stades de 66–82 % pour les stades I, 58–64 % pour les stades 2, de 24–50 % pour les stades 3 et de 0–17 % pour les stades 4 [1, 14].
L’absence de marge chirurgicale envahie (R0) est une condition indispensable à la survie à long terme [1]. De même, la rupture capsulaire est prédictive de récidive.
Très récemment, un groupe d’experts américains (United States ACC Study Group) a proposé de modifier la classification TNM en y incluant l’invasion lympho-vasculaire, ce qui impacte surtout les stades T2 et T3 [37, 38]. Cette modification prenant en compte l’invasion lympho-vasculaire aurait une valeur pronostique encore plus performante mais est trop récente pour être recommandée.
Aucun facteur pronostique validé n’existe pour le PCM. La survie à 5 ans des PCM s’étend de 40 à 77 % [11].
La croissance tumorale est le motif principal de décès des PCM. Le contrôle tumoral doit donc être l’objectif principal de la prise en charge des PCM. Cependant, les manifestations cliniques, dues à l’excès de catécholamines (hypertension artérielle, constipation…), doivent être traitées car elles seraient responsables de 30 % des décès par PCM [11]. Enfin, le décès consécutif à un autre cancer, notamment dans un contexte de maladie génétiques (NEM) est possible [11, 39].
Pour le PCM, plusieurs facteurs péjoratifs ont été proposés : un volume tumoral important, l’existence ou le nombre de métastases viscérales et la présence d’une mutation du gène SDHB (Succinate déshydrogénase B) [11].
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| Carcinome corticosurrénalien |
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Considérations techniques |
La chirurgie est l’élément clé puisque l’ablation « complète » d’une forme localisée, tumeur intra-surrénalienne (stade I et II) ou faiblement avancée (certains stades III), est la meilleure chance d’une véritable guérison. Elle devra être effectuée par un chirurgien expérimenté, intégré à une équipe multidisciplinaire dans un Centre expert (>10 surrénalectomies par an) [21].
Il peut être nécessaire de pratiquer une exérèse élargie aux organes de voisinage (rein, veine cave, rate, foie, pancréas et/ou estomac) pour obtenir une résection complète, de type R0 sans effraction capsulaire. Ainsi, à droite, une néphrectomie peut être réalisée. À gauche, une spléno-pancréatectomie caudale plus ou moins associée à une néphrectomie peut être réalisée. Le rein doit être préservé en l’absence d’envahissement.
Un traitement substitutif par Hydrocortisone per et postopératoire est recommandé pour les patients souffrant d’un hypercorticisme (clinique ou non).
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Curage ganglionnaire systématique |
La lymphadénectomie locorégionale améliore la stadification tumorale, réduirait le risque de récidive locale et améliorerait la survie spécifique [40] mais son impact en termes de survie sans récidive et de survie globale est incertain [41]). Ses limites et le nombre minimal de ganglions qu’elle doit contenir ne sont pas consensuels. Elle doit au minimum retirer les ganglions péri-surrénaliens (même s’ils sont rarement vus), en passant au large de la glande sans la voir (emporter la graisse monobloc), les ganglions hilaires du rein sous-jacent (troncs antérieurs pré-veineux et troncs postérieurs retro veineux) et tous les ganglions suspects d’envahissement dans le bilan préopératoire [5]. Enfin, pour les tumeurs résécables mais à haut risque, elle doit emporter les curages cœliaque, mésentérique supérieur, para aortique ou para cave en fonction du côté [21].
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Stades localisés (Stade I et II de l’ENSAT) |
La chirurgie est le traitement de référence des suspicions de CCS localisés [14].
Dans les stades II, il est proposé d’effectuer une chirurgie d’exérèse large afin de réduire le taux de récidive locale. Ainsi, la surrénale est retirée sans être vue en emportant en bloc la graisse péri surrénalienne ou au moins péri-tumorale. Le curage doit être systématique.
La ré-intervention doit être discutée en centre expert, quand la chirurgie initiale n’est pas optimale ou macroscopiquement incomplète (R2).
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Chimiothérapie néo adjuvante |
Elle n’est pas recommandée pour les CCS résécables chirurgicalement [21].
La voie d’abord de référence pour un CCS ou une tumeur suspectée de CCS reste la chirurgie ouverte (laparotomie médiane ou sous-costale, thoraco-phréno-laparotomie) pour limiter les risque de récidive locale (effraction tumorale, traumatisme chirurgicale de la pièce, dissémination, vaporisation) [21].
La voie d’abord laparoscopique est cependant possible, dans les centres experts, pour les tumeurs<6cm. L’ENSAT la contre-indique pour les CCS de stade II, supérieur à 6cm. [5]. Elle est envisageable, seulement en l’absence de signe d’infiltration locale sur l’imagerie et par un chirurgien expérimenté, pour des survies spécifique et sans récidive comparables à celle de la chirurgie ouverte [42]. Elle exige une exérèse carcinologique (qualité de résection, de curage et utilisation d’un sac d’extraction). La conversion apparaît obligatoire en cas de suspicion d’un envahissement local, en cas d’effraction tumorale (risque de dissémination) ou en cas de doute sur une résection complète [5, 13].
L’approche trans-péritonéale en décubitus latéral doit être privilégiée. Une revue récente conclut que la surrénalectomie trans-péritonéale robot-assistée aurait les mêmes indications, avantages et limites que la laparoscopie conventionnelle [43]. En cas de malignité incertaine, la taille en elle-même ne représente pas une contre-indication formelle à une cœlioscopie car elle pourra facilement être convertie si nécessaire (constatations peropératoires) [8].
Certains centres, rompus à la technique, proposent la surrénalectomie par rétro-péritonéoscopie (pour les tumeurs bénignes<4cm). Elle est contre-indiquée dans le CSS [5].
Il est justifié par le risque élevé de récidive (>50 %) [14].
Elle n’est pas recommandée pour les stade I et II réséqués en marge saine (R0).
Une radiothérapie adjuvante du lit tumoral peut être proposée pour les stades I-II R1 ou Rx. L’irradiation du lit tumoral doit débuter le plus tôt possible après la chirurgie pour une dose totale de 50 à 60Gy, en doses fractionnées d’environ 2Gy chacune. Un traitement concomitant par Mitotane (Lysodren®) semble justifié, même s’il n’y a pas de preuve d’efficacité d’un traitement combiné [1].
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Traitement médical adjuvant |
Un traitement par Mitotane (Lysodren®) ne peut être systématiquement recommandé pour les stades à risque faible ou modéré de récidive (Stades I-II R0 et Ki67≤10 %). Alors qu’il est recommandé pour les stades à haut risque évolutifs (R1 non ré opérable ou Ki67>10 %) [5, 14, 24].
Quand un traitement par mitotane est décidé, il doit débuter le plus tôt possible après la chirurgie, dès que la clinique le permet (avant 3 mois et idéalement à 6 semaines).
Le Mitotane, classiquement bien toléré, peut entraîner des effets secondaires de grade 1 et 2 (toxicité digestive et nerveuse) qui peuvent nécessiter une réduction de dose (13 % des patients [1]). En cas de bonne tolérance, la durée du traitement adjuvant est d’au moins 2 ans et maximum 5 ans, avec contrôle régulier de la mitotanémie [5, 14, 21].
Une chimiothérapie adjuvante (idéalement dans le cadre d’essais cliniques) peut être discutée chez les patients à très haut risque de récidive (Ki67>30 %, thrombus veineux cave, R1, R2 non ré opérables).
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Stades localement avancés, métastatiques (Stades III et IV) et récidives |
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Chimiothérapie néo adjuvante |
Pour augmenter les chances de résection en marge saine, certains stades localement avancés (diagnostic de certitude de CCS), pourraient bénéficier d’une chimiothérapie néo adjuvante associant mitotane et étoposide ou cisplatine [44]. Cela reste débattu, étant donné le faible taux de réponse et le risque de perte de temps (croissance rapide du CCS).
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Considérations techniques |
Quand la chirurgie est retenue, la voie d’abord coelioscopique n’est pas recommandée.
Pour les stades III, la chirurgie garde une place si elle peut être complète avec une résection monobloc des organes de voisinage associée à la surrénalectomie [21].
Pour les stades III par envahissement vasculaire, l’irrésecabilité doit être confirmée en un centre expert [5].
Pour les stades IV avec un nombre limité de métastases intraabdominales, un traitement chirurgical complet, en un temps, peut être envisagée, si la résection complète en marge saine de la tumeur primitive et de toutes les métastases est réalisable. En présence de métastases extra abdominales, la chirurgie d’exérèse peut aussi être envisagée, si les localisations secondaires sont accessibles à un traitement focal efficace (radiothérapie stéréotaxique, cryoablation, radiofréquence, chimioembolisation, microondes…).
Pour les stades IV inextirpables, la chirurgie de résection de la tumeur primitive n’a pas d’intérêt chez un patient asymptomatique [21]. La chirurgie palliative (R2) peut être discutée chez un patient symptomatique et/ou sur une tumeur hypersécrétante malgré un traitement médical et à partir du moment où au moins 80 % du volume tumoral peut être retiré [5].
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Traitements adjuvants à la chirurgie |
Le Mitotane est recommandé chez les patients à haut risque de récidive (stade>III R0, R1 ou Ki67>10 %) associé ou non à de la radiothérapie adjuvante.
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Traitement médical exclusif |
Les rares patients en réponse ou stabilisés durablement sous ces traitements, la prise en charge doit être réévaluée et les traitements locaux voir une réduction tumorale peuvent être rediscutés. Dans ce contexte, si un nombre limité de lésions progressent, une approche focale de ces lésions peut être discutée.
Le Mitotane est indiqué en monothérapie en cas de tumeur localement avancée non accessible à un traitement local [5]. Il peut améliorer la qualité de vie en cas de tumeur sécrétante [1].
Les patients métastatiques d’emblée ne seraient pas les meilleurs candidats au Mitotane en monothérapie [45].
Dans les tumeurs localement avancées avec facteurs péjoratifs (gros volume tumoral, symptômes incontrôlés, index de prolifération élevé, tumeur rapidement évolutive), le protocole le plus fréquent est une association Etoposide-Doxorubicine-Cisplatine (EDP) et du Mitotane (=EDP-M), non sans effet secondaire [46].
Les patients progressant sous Mitotane en monothérapie doivent se voir proposer une triple chimiothérapie par EDP, voir des traitements locorégionaux.
Toute récidive justifie une prise en charge personnalisée.
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Précoce (<6 mois suivant la chirurgie ou le traitement locorégional) |
Un traitement par EDP-M est recommandé en première ligne plutôt qu’une prise en charge locorégionale (notamment chirurgicale).
La chirurgie itérative semble le meilleur traitement des récidives locales tardives résécables, si la chirurgie initiale était R0 [1, 5]. Elle doit alors être la plus précoce possible [5].
Un traitement focal est aussi envisageable, si l’ablation complète est possible.
Dans ces cas de récidive tardive, un traitement adjuvant par Mitotane est recommandé le plus tôt possible.
Le traitement est le plus souvent multimodal. Il repose sur la chirurgie d’exérèse (surrénalectomie en marge saine et exérèse des métastases), le contrôle pharmacologique (médicamenteux) des symptômes hormonaux et les traitements systémiques.
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Traitement médical préopératoire |
Le but de la préparation pharmacologique préopératoire est de prévenir les conséquences délétères des décharges de catécholamines inévitables durant la chirurgie.
L’hypertension chronique des PC conduit à des mécanismes physiologiques compensatoires dont le but est de diminuer la pression artérielle. La chute abrupte du taux de catécholamines après l’extraction de la pièce (ou déjà après le contrôle de la veine surrénalienne principale) peut conduire à une dilatation vasculaire rapide et donc à une hypotension qui peut être majeure et peu sensible aux agonistes adrénergiques.
Le traitement de référence repose sur les alpha-bloquants. En préopératoire, ce traitement doit commencer entre 7 à 14jours avant l’intervention [29]. Il est associé à des mesures hygiéno-diététiques (régime sans sel).
Les alternatives résident dans la prescription d’autre antagonistes non sélectifs des récepteurs adrénergiques alpha et beta, d’anticalciques et/ou de substances qui inhibent la synthèse des catécholamines [11].
Le métabolisme glucidique est très fréquemment anormal en préopératoire (>60 % des patients) et reste altéré en postopératoire immédiat. La tendance hyperglycémique est liée au taux élevé de catécholamines circulantes qui induisent, d’une part, une glycogénolyse et la libération d’acides gras et, d’autre part, suppriment la sécrétion d’insuline via les récepteurs alpha-adrénergique des cellules bêta des îlots de Langerhans [8].
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Surveillance active ou traitement différé |
Cette stratégie est à discuter, avec le patient et ses proches, dans les formes incurables (irrésécables ou inopérables), au vu de la survie à long terme supérieure à 10 ans dans certains sous-groupes inopérables et de la morbi-mortalité thérapeutique potentielle. Elle exige un suivi régulier et rapproché clinique et par imagerie (tous les 3 mois au début avec un espacement progressif en fonction de l’évolution : tous les 6 mois puis suivi annuel) [11].
Trois arguments interdisent cette option : une symptomatologie hormonale incontrôlée, un haut volume tumoral (≥7 métastases osseuses, atteinte hépatique≥50 % du parenchyme, multiples nodules pulmonaires de plus de 2cm) ou une progression radiologique (selon les critères RECIST 1.1) [11].
Le principe chirurgical dans les PCM est le même que dans les formes bénignes : l’exérèse doit être complète. Cependant dans le PCM elle n’est retenue que si toutes les localisations sont résécables en marge saine (surrénalectomie et éradication des métastases, chirurgicale ou interventionnelle).
Première étape du traitement, la chirurgie est cependant rarement curative seule.
En cas de métastases hépatiques multiples, pour obtenir l’exérèse complète de toutes les localisations tumorales, la surrénalectomie peut être associée efficacement à des techniques de chimioembolisation, de cryoablation ou de radiofréquence [47].
En cas de PCM métastatiques ou non résécables, un debulking chirurgical peut être discuté à visée symptomatique, bien qu’il n’améliorerait pas la survie (niveau de preuve scientifique très faible pour ces situations rares). Le rationnel est de réduire la production de catécholamines et de diminuer la masse tumorale en vue d’un traitement adjuvant [8].
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Considerations techniques |
Une chirurgie ouverte est recommandée pour les PCM. En cas de PCM localement avancé sans localisations secondaires, un abord sous-costal est privilégié [8] ; les organes de voisinages doivent parfois être réséqués monobloc avec la tumeur.
Dans de rares indications, une thoraco-phréno-laparotomie est possible lorsque l’exérèse envisagée est extrêmement volumineuse, en particulier à droite. Cette voie offre une vue parfaite autour de la veine cave inférieure et derrière le foie mais est plus longue à ouvrir et fermer et implique une morbidité propre à la thoraco-phréno-laparotomie. Les autres voies d’abord envisageables sont les laparotomies médianes, bi-sous-costales.
L’indication d’un curage ganglionnaire systématique est débattue et ne peut pas être recommandée en pratique courante [8].
La surrénalectomie coelioscopique trans ou rétropéritonéale, abord idéal pour les PC<6cm et sans envahissement local, n’est pas recommandée dans le PCM [29]. En cas de PCM diagnostiqué secondairement, il n’a pas été observé de récidive plus importante après laparoscopie, mais les effectifs des études sont faibles. Il en est de même pour les procédures robot-assistées.
En peropératoire, tous les médicaments pouvant induire une libération d’histamine (thiopentone) ou de catécholamines (éphédrine) devraient être proscrits. En cas de tachyarythmie et de crises hypertensives déclenchées par les manipulations chirurgicales, des bêtabloquants, du sulfate de magnésium, de la lidocaïne, de la nitroglycérine ou de la phentolamine seront administrés. A contrario, après l’exérèse de la tumeur, des épisodes hypotensifs peuvent survenir correspondant à la diminution brutale et importante du taux de catécholamines circulantes et justifient l’administration de médicaments sympathicomimétiques. Par ailleurs, des glucocorticoïdes peuvent être utiles en cas d’hypotension réfractaire au remplissage volémique et aux agents sympathicomimétiques, ils permettent de réactiver les récepteurs alpha et béta-adrénergiques demeurés quiescents par l’hyperactivité sympatho-adrénergique préexistante [8].
Lors de l’extraction du PCM, une hypoglycémie sévère peut survenir, due à la sécrétion insulinique augmentée par le pancréas dont les cellules bêta ne sont plus bloquées par les catécholamines. Cette hypoglycémie peut conduire à des états confusionnels voire même au coma et à un arrêt respiratoire si la glycémie n’est pas contrôlée régulièrement. Il faut mentionner que les symptômes classiques d’hypoglycémie peuvent être masqués pendant l’anesthésie générale et en postopératoire immédiat en raison de médicaments sédatifs et analgésiques utilisés pour contrôler la douleur. Il est donc nécessaire de contrôler la glycémie et d’adapter les perfusions de solutions glucosées [8].
En per-et postopératoire immédiat, la tension artérielle, la fréquence cardiaque et la glycémie doivent être surveillées attentivement [29].
Actuellement il n’y a pas de place pour un traitement adjuvant en cas de résection incomplète microscopique (R1) en l’absence de récidive (clinique, biologique ou par imagerie) [48].
En cas de R2, situation similaire à un chirurgie palliative de réduction tumorale (non carcinologique), une radiothérapie interne complémentaire associée ou non à une chimiothérapie doit être envisagée [6].
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Radiothérapie métabolique à la MIBG exclusive |
En cas de scintigraphie positive (environ 60 % des sites métastatiques sont avides de MIBG), la radiothérapie métabolique à la 131I-MIBG est indiquée comme traitement exclusif ou adjuvant.
Elle donne des réponses tumorales variables (24 à 45 %), avec une faible toxicité. Une rémission de plus de 2 ans a été observée pour 25 à 30 % des patients [1].
Elle est indiquée en 1re intention en cas de tumeur non opérable ou d’échec de la radiothérapie métabolique. Le protocole de chimiothérapie le plus employé est une association Cyclophosphamide-Vincristine-Dacarbazine ou CVD (protocole proposé par Averbuch du fait d’une origine embryologique similaire à celle des neuroblastomes) dont les taux de réponse sont extrêmement variables. Peu d’études (rétrospective, effectifs faibles) sont disponibles et leurs critères d’évaluation, les modalités d’imagerie et la caractérisation insuffisante des patients rendent leur comparaison difficile [11]. Le taux de réponse biologique, varie en effet de 0 à 78 % et la réponse tumorale de 0 à 50 % [47]. La réponse, quand elle est présente, serait de courte durée (<2 ans). Aucune étude prospective n’a confirmé ces résultats.
Les données concernant d’autres associations sont encore plus limitées [1, 11].
Certains patients atteints de PCM sont décédés en raison de complications hormonales au cours d’une chimiothérapie. Ainsi, comme pour la chirurgie, les symptômes hormonaux doivent être contrôlés avant le début de la chimiothérapie, et les premiers cycles sont surveillés étroitement à l’hôpital. Les candidats idéaux pour l’utilisation de la chimiothérapie en tant que traitement de première intention sont ceux en bon état général, présentant une maladie à progression rapide et/ou symptomatique [11].
En cas de métastases osseuses multiples, la chimiothérapie serait moins toxique que les agents radio pharmaceutiques [11].
Peu d’études sont disponibles sur les thérapies ciblées dans le PCM. Plusieurs séries différentes n’ont montré aucune réponse aux traitements testés (évérolimus, imatinib) [11]. Cependant, quelques cas cliniques ont décrit des réponses objectives au sunitinib avec une toxicité gérable. L’expérience combinée de deux grands centres anticancéreux (Villejuif-France et Houston-Texas) testant le sunitinib dans les PCM (et les paragangliomes malins) rapidement progressifs a été rapportée en 2012 avec des résultats prometteurs en termes de survie sans progression et d’impact symptomatique (43 % des patients avaient une amélioration de leur HTA et certains d’entre eux ont été en mesure d’interrompre leur traitement antihypertenseur) [49].
Il apparaît que les symptômes liés aux hormones doivent être équilibrés, avant le début du traitement systémique.
L’expérience préliminaire de plusieurs autres centres de cancérologie indique que le traitement anti-angiogénique est prometteur. Cependant, les effets indésirables sont fréquents et parfois sévères, entraînant un arrêt du traitement ou une réduction de la dose [49].
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Traitement palliatif des complications du PCM |
Le traitement des complications dues à l’excès de catécholamines, est nécessaire.
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Complications cardio-vasculaires : HTA |
Le traitement par vasodilatateur alpha-bloquant est recommandé en première intention [29]. La phenoxybenzamine, indisponible en France, est le traitement le plus fréquemment prescrit dans les PC. En France, la Prazosine (Minipress®, Alpress) et l’Urapidil (Eupressyl®, Médiatensyl), agissant par blocage des récepteurs α1 -adrénergiques périphériques post-synaptiques, sont prescrits en première intention. Les alpha bloquants d’orientation plus urologique, comme la Doxazosine (Zoxan®)ou la Térazosine (Hytrine®) sont aussi proposés. Les inhibiteurs calciques ou les inhibiteurs de l’angiotensine 2 sont des alternatives en cas d’intolérance ou contre-indications.
La constipation est prise en charge par les moyens habituels (mucilages, laxatifs osmotiques, lubrifiants, émollients, stimulants, lavements…) même si elle peut être améliorée par les alpha bloquants. Si elle reste très invalidante malgré tout, une iléostomie doit être discutée [29].
Les patients porteurs de métastases osseuses nécessitent un traitement palliatif multimodal associant antalgiques chimiothérapie et prise en charge interventionnelle (radiothérapie antalgique, laminectomie de décompression, stabilisation osseuse ou cimentoplastie et exérèse/ablation) [29].
En cas de métastase osseuse, il faut discuter un traitement préventif des événements osseux (inhibiteurs de la résorption osseuse : bisphosphonates ou Dénosumab).
Un diabète de type 2 induit par l’excès de catécholamines circulantes justifiera une prise en charge adaptée [13].
En cas de métastase surrénalienne métachrone et isolée, le traitement chirurgical par surrénalectomie apporte un gain de survie, qui dépend évidemment de l’origine du cancer primitif. Toute tumeur confondue, la médiane de survie varie de 20 à 30 mois après surrénalectomie contre 6 à 8 mois sans [1].
Une autre option réside dans les traitements focaux (radiofréquence, radiothérapie stéréotaxique, cryoablation.).
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| Carcinome corticosurrénalien |
Après résection complète, une surveillance clinique, hormonale et par imagerie (scanner thoraco-abdomino-pelvien ou 18FDG-TEP) tous les 3 mois pendant 2 ans, puis tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans est recommandée [5]. Au-delà de 5 ans, la surveillance est raisonnable mais doit être envisagée au cas par cas.
Pour les CCS avancés, le protocole de surveillance dépend des facteurs pronostiques, l’efficacité attendue du traitement et la toxicité liée au traitement, ainsi que sur les options thérapeutiques alternatives disponibles.
Chez tous les patients, un bilan hormonal régulier est recommandé [5].
Pour le suivi, il faut réaliser, à vie, des dosages plasmatiques ou urinaires de métanéphrines pour confirmer l’éradication de la maladie (dépister une maladie persistante) [29]. Un rythme semestriel la première année puis au minimum annuel pendant 5 ans est conseillé, pour évaluer les maladies récidivantes ou métastatiques. Le suivi devrait durer tout la vie, car des récidives malignes peuvent arriver très tardivement après le diagnostic initial et qu’un syndrome génétique peut rester non diagnostiqué malgré un dépistage génétique adéquat [8]. Il est possible d’espacer les surveillance avec le temps (tous les 6 mois au-delà de 10 ans) [6]. Une TEP-18 FDG±DOPA est recommandé au moindre doute.
L’éradication d’une MS n’influence pas le suivi spécifique du cancer primitif. En cas de traitement conservateur, une imagerie par TEP-18 FDG peut compléter le suivi habituel.
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Récapitulatif et arbres décisionnels des TMS |
Recommandations des TMS (Tableau 3).
Arbres décisionnels : des algorythmes résument la prise en charge recommandée en cas d’ IS (Figure 1), de suspicion de CCS (Figure 2) et de suspicion de PCM (Figure 3).
Figure 1.
Algorithme décisionnel des IS. TEP 18FDG: tomodensitométrie par émission de positons au Fluorodésoxyglucose (18F) ; CCS : Carcinome corticosurrénalien ; PCM : phéochromocyotme malin).
Figure 2.
Algorithme décisionnel des CCS. ttt : traitement ; EDP : Etoposide-Doxorubicine-Cisplatine ; EDP-M : Etoposide-Doxorubicine-Cisplatine et Mitotane ; R0 : pas de tumeur résiduelle ; R1 : reliquat tumoral microscopique ; Ki67 : expression immunohistochimique du Ki-67).
Figure 3.
Algorithme décisionnel des PCM. PCM : phéochromocytome malin ; HTA : hypertension artérielle ; ttt : traitement ; CVD : Cyclophosphamide-Vincristine-Dacarbazine).
les IS sont fréquents mais rarement malins. La prise en charge des TMS, hautement spécifique, justifie donc en France, leur référencement au réseau COMETE (Annexe A). Ils nécessitent un bilan hormonal systématique, un bilan étiologique puis de malignité. Il existe des signes biologiques et radiologiques suspects de malignité mais seuls l’envahissement local et la présence de localisations secondaires permet un diagnostic préopératoire. La 18FDG-TEP est un examen indispensable au bilan diagnostique des TMS (bilan de malignité et d’extension). Elle peut être couplé au 18F-DOPA en cas de PC.
Le bilan préopératoire des TMS est essentiel. Il est biologique, morphologique, scintigraphique et plus rarement génétique (Tableau 3).
Pour les CCS, Le diagnostic de certitude est histologique et donc postopératoire. Le diagnostic de PC est clinique et biologique en préopératoire, facilement confirmé par l’histologie. Par contre, le diagnostic de malignité est radiologique (envahissement local ou localisations secondaires) et plus rarement histologique (envahissement de voisinage).
La prise en charge par exérèse complète de la TMS en marge saine, est la seule curative. La chirurgie surrénalienne présente une morbidité faible dans des mains expérimentées. Dans un contexte carcinologique, une chirurgie ouverte est le plus souvent recommandée.
Encore plus que pour le CCS, la chirurgie du PCM nécessite un environnement médico-chirurgical entraîné à cette prise en charge.
Des traitements adjuvants peuvent être indiqués en fonction du type histologique et du stade (outre les traitements systémiques, ils reposent sur le Mitotane dans le CCS et sur la radiothérapie métabolique dans le PCM).
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Déclaration de liens d’intérêts |
PC, LF, TM, LR et PS déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
AF : co-investigateur GETUG AFU 27.
AM : interventions Pfizer, Ferring, Ipsen, BMS.
NMJ : consultant Coloplast, Boston scientifique ; investigateur principal Soby.
PHS : BMS, Novartis, Janssen, Boston Scientific.
Pour toute information complémentaire, consultez les liens avancee et declaration-publique-d-interets?portlet=sd_700659%26text.
Annexe A. Matériel complémentaire
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