L’objectif de ce travail était double :
• | établir des recommandations de bonne pratique pour la démarche diagnostique face à un patient ayant des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) pour permettre de poser le diagnostic d’hyperplasie bénigne de prostate (HBP) clinique ;
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• | établir des recommandations de bonne pratique sur la prise en charge thérapeutique et le suivi de l’HBP.
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| Groupe de travail et de relecture |
La méthode utilisée était de type « consensus formalisé » définie par la Haute Autorité de santé. Le groupe de travail initial était composé d’un chef de projet (AD) et de trois membres (NBD, GR, JNC) du comité des troubles mictionnels de l’homme (CTMH) de l’Association française d’urologie (AFU). Ce groupe a réalisé une revue de la littérature qui a servi à la rédaction de la version initiale des recommandations [1, 2, 3, 4, 5]. Le manuscrit initial a ensuite été confié aux autres membres du CTMH qui constituait le groupe de travail, afin d’établir des recommandations gradées. Les recommandations gradées ont ensuite été cotées séparément par 15 experts extérieurs au comité (groupe de relecture). Les recommandations qui ne faisaient pas consensus ont fait l’objet d’une rediscussion au sein du groupe de travail.
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| Analyse de la littérature et niveau de preuve |
La recherche bibliographique a été réalisée via le moteur de recherche PubMed® (pubmed/) jusqu’en septembre 2012. Des recommandations déjà établies par d’autres sociétés savantes ont aussi été analysées, comprenant les recommandations de l’American Urological Association (AUA) [6], de l’European Association of Urology (EAU) [7], du National Institute of Health and Clinical Excellence (NICE) [8], de L’organisation mondiale de la santé (OMS) [9], et de L’agence nationale de l’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) [10].
Chaque article sélectionné a été analysé pour lui affecter un niveau de preuve. Le barème utilisé pour attribuer des niveaux de preuve à chaque recommandation était celui adapté du score Oxford [11].
Compte tenu de l’importance de parler un langage commun quel que soient les troubles urinaires étudiés, la terminologie de l’ICS (International Continence Society) [12, 13] a été utilisée pour la rédaction de ce document. Pour mémoire, les SBAU sont séparés en SBAU de la phase mictionnelle (difficulté à démarrer la miction, diminution de la force du jet, interruption du jet, nécessité de pousser, gouttes terminales), SBAU de la phase de remplissage (nycturie, pollakiurie, urgenturie, incontinence par urgenturie), et SBAU de la phase post-mictionnelle (gouttes retardataires, impression de vidange incomplète). Par convention, les SBAU sont dits légers, modérés ou sévères selon que le score IPSS est compris entre 0 et 7, 8 et 19, ou 20 et 35. Le syndrome d’hyperactivité vésicale (overactive bladder ) est défini selon l’ICS par des urgenturies, avec ou sans incontinence en général associées à une pollakiurie et une nycturie. L’obstruction sous-vésicale (OSV) est caractérisée en urodynamique par l’association d’une augmentation de la pression détrusorienne et d’une diminution du débit urinaire. Elle est habituellement diagnostiquée par l’étude simultanée du débit urinaire et de la pression détrusorienne.
La cible essentielle était représentée par l’ensemble des chirurgiens urologues.
Une version destinée aux médecins généralistes sera publiée ultérieurement.
Les patients concernés par ces recommandations sont tous les hommes de plus de 45 ayant des SBAU a priori en rapport avec une HBP. Sont exclus les patients ayant des SBAU en rapport avec un autre diagnostic établi responsable des SBAU, tels que l’hyperactivité vésicale idiopathique, une vessie neurologique, une sténose de l’urètre, une cystite ou une tumeur de vessie.
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| Définition de l’hyperplasie bénigne de prostate |
Histologiquement, l’HBP est définie par une hyperplasie stromale (fibromusculaire) et épithéliale (glandulaire) de la zone de transition et périurétrale de la prostate.
Classiquement, l’HBP développe deux lobes droit et gauche mais parfois elle affecte un troisième lobe dit lobe médian situé à la face postérieure du col vésical. Ce lobe médian ne doit pas être ignoré car il constitue un facteur d’obstruction et d’irritation vésicale, et sa prise en charge thérapeutique est souvent chirurgicale.
La définition clinique de l’HBP n’est pas consensuelle. L’ « HBP clinique » correspond à l’intrication de plusieurs composantes : une OSV, une augmentation de volume de la prostate, et des SBAU. La relation entre ces trois composantes est complexe. Des patients peuvent avoir une augmentation du volume de la prostate sans SBAU ni OSV ; tous les SBAU ne sont pas liés à une HBP. L’OSV liée à l’HBP peut être asymptomatique. L’OSV peut avoir d’autres causes que l’HBP. Tous les SBAU ne sont pas gênants pour le patient. Enfin, une des conséquences de l’OSV est la survenue d’une hyperactivité vésicale.
On parle d’ « HBP clinique » pour un homme ayant des SBAU gênants et chez lequel il existe des arguments cliniques et paracliniques permettant de les relier à une HBP.
La définition de l’ « HBP compliquée » n’est pas consensuelle. Il est classique de parler d’HBP compliquée lorsque l’HBP est responsable d’infections urinaires à répétition, de rétention aiguë d’urine, de calculs vésicaux, de diverticules vésicaux, d’hydronéphrose, d’incontinence par regorgement, ou d’hématurie récidivante.
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| Diagnostic différentiel de l’hyperplasie bénigne de prostate |
Les mécanismes principaux impliqués dans la survenue des SBAU de l’homme sont l’OSV, l’hyperactivité vésicale, l’hypoactivité vésicale, et la polyurie des 24heures ou nocturne.
En présence d’une OSV avérée et d’une augmentation marquée du volume de la prostate, il est cohérent de relier des SBAU à une HBP. En dehors de cette situation, d’autres causes doivent être évoquées.
L’hyperactivité vésicale peut être idiopathique, d’origine neurologique, être secondaire à une pathologie vésicale ou à une OSV telle que l’HBP. Le vieillissement vésical est aussi évoqué comme cause possible d’hyperactivité vésicale.
Une nycturie peut être le fait soit d’une polyurie sur 24heures, soit d’une polyurie nocturne, soit d’une diminution de la capacité vésicale. La nycturie observée dans l’HBP est le fait d’une diminution de la capacité vésicale nocturne.
Les causes d’une OSV peuvent être neurologiques par hypertonie sphinctérienne lors de la miction (dyssynergie vésico-sphinctérienne), prostatiques (HBP, maladie du col, prostatite aiguë, cancer évolué) ou urétrales (sténoses, traumatisme). La rétention vésicale aiguë ou chronique peut être la conséquence soit d’une OSV soit d’une hypoactivité vésicale. Cette hypoactivité peut être d’origine neurologique, iatrogène, ou secondaire à une distension vésicale aiguë classiquement appelée « vessie claquée ». Le vieillissement vésical est aussi considéré comme responsable d’hypoactivité vésicale chez l’homme âgé.
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| Bilan initial, préopératoire et suivi de l’hyperplasie bénigne de prostate (Recommandation 1) |
L’objectif du bilan initial est de répondre à plusieurs questions : de quels types de SBAU s’agit-il ? Les SBAU sont-ils liés à une HBP ? Quelle est la gêne provoquée par les SBAU ? Existe-il une OSV compliquée ? Si cela doit modifier la prise en charge, existe-t-il un adénocarcinome de la prostate ?
Le bilan préopératoire a pour objectif à la fois de confirmer l’indication chirurgicale et de choisir l’option chirurgicale.
L’interrogatoire avec réalisation d’un score symptomatique (IPSS), et l’examen physique comprenant un toucher rectal, l’examen d’urine par bandelette urinaire ou examen cytobactériologique, la débitmétrie et la mesure du résidu post-mictionnel font parti du bilan de première intention recommandé pour explorer des SBAU d’un homme pour répondre aux questions posées ci-dessus. Il est admis que les SBAU et les traitements de l’HBP ont un impact sur la sexualité. Par conséquent, l’évaluation de la fonction sexuelle, notamment par un questionnaire, est recommandée dans le bilan initial et préopératoire d’une HBP.
Le catalogue mictionnel est optionnel dans ce bilan initial, mais recommandé si les symptômes de la phase de remplissage sont prédominants. Le dosage du PSA est utile chez les patients pour lesquels le diagnostic d’un cancer modifierait la prise en charge des SBAU, et chez les patients pour lesquels la valeur du PSA pourrait changer la prise en charge de l’HBP. Le PSA est jugé optionnel lors du bilan initial et recommandé avant traitement chirurgical tout en indiquant au patient les conséquences éventuelles d’un diagnostic de cancer de la prostate. L’échographie de l’appareil urinaire est un examen optionnel dans le bilan initial et recommandé en préopératoire de l’HBP. La voie abdominale permet de rechercher une anomalie du parenchyme rénal, une dilatation du haut appareil, une anomalie vésicale (polype, épaississement, diverticule, calcul) et le résidu post-mictionnel. Elle permet d’apprécier le volume de la prostate, la présence d’un lobe médian, la protrusion vésicale de la prostate. La voie endorectale est invasive et ne doit donc pas être systématiquement pratiquée. Elle permet d’analyser l’anatomie de la prostate plus précisément que le toucher rectal.
Le dosage de la créatininémie est optionnel dans le bilan initial d’une HBP en sachant que la plupart des insuffisances rénales associées à une HBP ne sont pas d’origine obstructive. La créatininémie est recommandée avant un traitement chirurgical de l’HBP.
Le bilan urodynamique avec mesure pression-débit est d’indication très peu fréquente dans le bilan initial et préopératoire d’une HBP ; son indication est limitée aux cas où une hypoactivité vésicale est suspectée, ou si l’HBP est associée à une vessie neurologique.
Dans le bilan initial ou préopératoire, l’uréthro-cystoscopie ne doit pas être systématique. Elle est recommandée si sont suspectés soit un rétrécissement uréthral (ou une maladie du col) sur la débitmétrie, soit une pathologie vésicale sur l’échographie ou l’analyse d’urine.
Concernant le suivi, les patients ayant une HBP symptomatique stable traitée ou non doivent être revus à 12 mois, ou plus tôt en cas d’aggravation ou pour évaluer l’indication d’une modification du traitement. La réalisation d’un score symptomatique et l’évaluation de la sexualité sont recommandées. Le catalogue mictionnel, le toucher rectal, la débitmétrie, et la mesure du résidu post-mictionnel sont optionnels. Pour les patients sous traitement médical, la tolérance et les effets secondaires doivent être évalués et la compatibilité avec les traitements concomitants doit être vérifiée.
Ces recommandations pour le diagnostic et le suivi de l’HBP constituent un avis d’expert qui s’appuie sur une littérature dont le niveau de preuve est essentiellement de 3 et 4. Le grade de recommandation correspondant est donc C.
Le patient doit être informé des différentes options thérapeutiques et des avantages et inconvénients de chacune d’elles (GradeC).
Après avoir été informé, il doit être en mesure d’exprimer ses préférences et de participer à la décision qui sera prise le concernant (GradeC).
Le risque de complication d’une HBP correctement suivie est faible. Il a été très bien évalué dans plusieurs études observationnelles et dans de nombreuses études randomisées [14, 15] (niveau de preuve 1) .
Une explication claire sur l’origine des troubles et leur caractère bénin permet à elle seule une amélioration des SBAU [16] (niveau de preuve 1) . En revanche, bien qu’elles soient efficaces de manière transitoire, les règles hygiéno-diététiques ne sont pas suffisantes pour modifier l’histoire naturelle de la maladie [17] (niveau de preuve 4) .
• | Une surveillance est recommandée pour les patients présentant des SBAU en rapport avec une HBP non compliquée et responsables d’une gêne peu importante (Grade A).
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• | Des explications claires sur l’HBP, son caractère bénin, son faible risque de complication et le rythme de la surveillance doivent être données au patient car elles permettent une amélioration significative des SBAU (Grade A).
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• | La surveillance des patients peut être assortie de conseils hygiéno-diététiques bien que leur impact sur l’évolution de la pathologie soit modéré (GradeC).
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Traitements alpha-bloquants |
Les alpha-bloquants ont fait l’objet de nombreuses études randomisées qui ont permis d’établir leur efficacité mais également leur profil de tolérance [18, 19] (niveau de preuve 1) .
L’efficacité des alpha-bloquants sur les SBAU en rapport avec une HBP est rapide, significative et stable sur une période de plusieurs années [20, 21] (niveau de preuve 1) . Chez les patients ayant présenté une rétention aiguë d’urine, ils permettent d’améliorer les chances de sevrage de la sonde [22] (niveau de preuve 2) . En revanche, en comparaison avec le placebo, ils ne permettent pas de diminuer le risque de récidive d’une rétention urinaire sur le long terme [23] (niveau de preuve 1) . Cinq médicaments sont disponibles : alfuzosine, doxazosine, térazosine, tamsulosine, et silodosine. Aucune étude de niveau de preuve suffisant ne permet de recommander un alpha-bloquant plutôt qu’un autre.
• | Les alpha-bloquants peuvent être proposés à des patients présentant des SBAU gênants responsables d’un retentissement sur la qualité de vie (Grade A).
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• | Les alpha-bloquants sont efficaces sur les SBAU de la phase mictionnelle et de la phase de remplissage et leur action est rapide et stable dans le temps (Grade A).
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• | En cas de rétention urinaire, la prescription d’alpha-bloquants 48heures avant la tentative de retrait de la sonde vésicale améliore les chances de succès de reprise d’une miction de bonne qualité (Grade B).
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• | Les patients doivent être informés des effets indésirables attendus en fonction de la molécule choisie et des interactions médicamenteuses possibles (Grade C).
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Traitements par inhibiteurs de la 5-alpha-réductase |
Les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase (finastéride et dutastéride) sont la seule classe thérapeutique permettant d’obtenir une réduction du volume de la prostate et une diminution du risque de progression du volume de la prostate et de rétention aiguë d’urine [24, 25, 26, 27] (niveau de preuve 1) . Ils entraînent une diminution de 50 % de la valeur du PSA total sérique (qui doit être prise en compte lors de l’analyse des dosages de PSA ultérieurs) [24, 25, 26, 27] (niveau de preuve 1) .
La diminution du volume prostatique et l’amélioration des SBAU sont obtenues après environ six mois de traitement, mais les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase doivent être prescrits en continu plusieurs années pour permettre une diminution significative du risque de complication. Leur efficacité est plus importante lorsque le volume prostatique est supérieur à 40mL [26, 27] (niveau de preuve 1) . Administrée plusieurs années, cette classe thérapeutique est associée à une diminution globale de l’incidence du cancer de prostate [28, 29], mais il existe un doute non totalement élucidé sur un risque de survenue d’un cancer de prostate de haut grade associé au traitement [28]. Aucune donnée ne permet de recommander un médicament plutôt qu’un autre à ce jour.
• | Les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase peuvent être proposés à des patients présentant des SBAU gênants mais leur efficacité est plus marquée pour les prostates de plus de 40mL (Grade A).
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• | Les patients doivent être informés des effets secondaires en particuliers sexuels avant le début du traitement (Grade C).
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Association alpha-bloquant et inhibiteur de la 5-alpha-réductase |
L’association thérapeutique entre un alpha-bloquant et un inhibiteur de la 5-alpha-réductase est plus efficace à long terme sur la symptomatologie urinaire que chacune des monothérapies, mais les effets secondaires se cumulent [24, 25, 26, 27] (niveau de preuve 1) .
Pour que l’association d’alpha-bloquant et d’inhibiteur de la 5-alpha-réductase permette une réduction significative du risque de complications par rapport à une monothérapie par alpha-bloquant, le traitement doit être maintenu plus d’un an. Néanmoins, après plusieurs années de traitement, la différence entre une bithérapie et une monothérapie par inhibiteur de la 5-alpha-réductase n’est pas significative [24, 25, 26, 27] (niveau de preuve 1) .
• | L’association d’alpha-bloquant et d’inhibiteur de la 5-alpha-réductase peut être proposée à des patients présentant des SBAU en rapport avec une HBP et à une prostate de plus de 40mL (Grade A).
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• | Lorsqu’une bithérapie est retenue, les patients doivent être prévenus de la nécessité d’un traitement prolongé (plus d’un an) et de l’accumulation des effets secondaires des différentes classes thérapeutiques (Grade A).
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Les effets des extraits de plante sur les SBAU sont modestes mais significatifs et ils ont un excellent profil de tolérance qui les rend faciles d’utilisation [30, 31] (niveau de preuve 2).
Il existe des études contradictoires et des écueils méthodologiques dans la littérature disponible. [32] (niveau de preuve 1) . L’association de la phytothérapie avec un autre traitement n’a jamais été étudiée.
• | Les extraits de plante peuvent être proposés aux patients présentant une HBP associée à une symptomatologie urinaire (Grade D).
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Traitements anticholinergiques |
Plusieurs études randomisées ont confirmé que l’association d’un alpha-bloquant et d’un anticholinergique permettait d’améliorer les SBAU en rapport avec une HBP, sans augmentation du risque de rétention urinaire [33, 34, 35] (niveau de preuve 1) .
• | Les anticholinergiques sont efficaces sur les SBAU de la phase de remplissage, mais n’ont pas à l’heure actuelle d’indication dans l’HBP en monothérapie (GradeC).
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• | L’association d’un anticholinergique et d’un alpha-bloquant peut être proposée à des patients déjà traités par alpha-bloquants ayant des SBAU de la phase de remplissage persistants (GradeC).
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• | Le risque de rétention urinaire induite par les anticholinergiques est faible mais il reste déconseillé de les prescrire en cas de dysurie franche (débit maximum inférieur à 10mL/s) ou de résidu post-mictionnel significatif (>200mL) (GradeB).
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Traitements par inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 |
Les différents inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 ont tous fait l’objet d’études randomisées pour le traitement des SBAU a priori en rapport avec une HBP. Leur efficacité sur les SBAU est supérieure au placebo mais leur effet urodynamique n’est pas certain [36] (niveau de preuve 1) . L’association avec un alpha-bloquant est plus efficace que la monothérapie par inhibiteur de phosphodiestérase de type 5.
• | Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 peuvent être proposés aux patients présentant une dysfonction érectile associée à des SBAU (GradeA).
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| Traitements chirurgicaux de l’hyperplasie bénigne de prostate |
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Indications chirurgicales |
La chirurgie peut être proposée en seconde intention aux patients ayant des SBAU liés à une HBP gênants et pour lesquels le traitement médical bien conduit est soit insuffisamment efficace, soit mal toléré.
La chirurgie est recommandée d’emblée en cas d’HBP responsable d’une insuffisance rénale obstructive, d’une rétention aiguë récidivante malgré un traitement alpha-bloquant, d’une rétention aiguë d’urine avec échec de sevrage de drainage vésicale, d’une hématurie macroscopique récidivante, d’infections urinaires récidivantes, d’une lithiase vésicale, ou d’une incontinence urinaire par regorgement.
Un premier épisode de rétention aiguë d’urine avec sevrage de sonde, d’hématurie ou d’infection urinaire ne constitue pas une indication chirurgicale formelle.
La simple présence de diverticules vésicaux ne constitue pas une indication chirurgicale, sauf si leur présence entraîne des infections urinaires à répétition. De même, les signes morphologiques de vessie de lutte ou la présence d’un résidu post-mictionnel non compliqué ne constituent pas à eux seuls des indications chirurgicales.
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Traitements chirurgicaux de référence |
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Résection trans-urétrale électrique de la prostate |
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Résection trans-urétrale électrique de la prostate monopolaire |
La Résection trans-urétrale électrique de la prostate (RTUP) est la technique endoscopique dont le suivi clinique est le plus important. Elle entraîne une amélioration moyenne de 71 % des SBAU et de 120 % du débit urinaire maximum [37] (niveau de preuve Ia). Les résultats fonctionnels à court et moyen termes sont similaires à ceux des autres techniques chirurgicales endoscopiques [37] (niveau de preuve Ia). Les taux rapportés de retraitement après une première RTUP sont de 12 à 15 % à huit ans [38] (niveau de preuve IIb).
La RTUP monopolaire est une technique validée en cas de volume prostatique inférieur à 80mL voire plus pour des opérateurs expérimentés (GradeA).
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Résection électrique bipolaire |
La RTUP bipolaire est réalisée dans du sérum physiologique et n’entraîne donc pas de syndrome de résection trans-urétrale. Les études disponibles n’ont pas permis pour l’instant de démontrer une diminution du risque hémorragique par rapport à la RTUP monopolaire (niveau de preuve Ia) [39, 40]. Les résultats fonctionnels à court terme sont similaires à ceux de la RTUP monopolaire (niveau de preuve Ia) [39, 40].
La RTUP bipolaire est une alternative possible à la RTUP monopolaire (grade A). Le bas niveau de preuve concernant la diminution du risque de saignement ne permet pas de recommander cette technique chez les patients à risque hémorragique.
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Incision cervico-prostatique |
Les études randomisées ayant comparé la RTUP monopolaire à l’incision cervico-prostatique (ICP) n’ont pas montré de différence significative en termes de résultat fonctionnel chez les patients ayant une prostate de petit volume (<30mL) et sans lobe médian [37, 41] (niveau de preuve Ia). Le risque de réintervention est néanmoins plus élevé après ICP (17 % versus 9 %) (niveau de preuve Ia) [37].
L’ICP est la technique de choix chez les patients jeunes et/ou souhaitant conserver une éjaculation. Elle est possible en cas de volume prostatique inférieur à 30mL et en l’absence de lobe médian (GradeA).
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Adénomectomie par voie haute |
Par rapport aux techniques chirurgicales réalisées par voie trans-urétrale, l’adénomectomie par voie haute (AVH) permet l’extraction la plus anatomique du tissu adénomateux. Les résultats fonctionnels sont durables, avec un risque de réintervention quasi-nul à cinq ans (niveau de preuve Ib) [37, 38]. Néanmoins, cette intervention est associée à une morbidité significative (niveau de preuve IIb) [38].
L’AVH est une technique adaptée en cas de volume prostatique supérieur à 60mL (GradeA).
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Alternatives aux traitements chirurgicaux de référence |
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Chirurgie endoscopique utilisant le laser |
Trois techniques ont été validées par des études comparatives, prospectives et randomisées : il s’agit de l’énucléation par laser Holmium YAG (HoLEP), de la photovaporisation en longueur d’onde 532nm (PVP), et plus récemment de la résection au laser Thulium.
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Photovaporisation de la prostate |
La photovaporisation de la prostate (PVP) peut être réalisée avec un laser KTP (80W) ou LBO (120 et 180W). Néanmoins, la majorité des études ont évalué la vaporisation laser avec le laser KTP à une puissance de 80 et 120W.
La PVP a un avantage sur la RTUP et l’AVH en termes de taux de transfusion et de durée d’hospitalisation [42, 43, 44, 45, 46, 47] (niveau de preuve Ia). Le taux de réintervention pourrait être supérieur à celui de la RTUP [46]. La PVP pourrait être utilisée préférentiellement chez les patients à risque hémorragique [44] (niveau de preuve 4).
La PVP est une alternative à la RTUP monopolaire et à l’AVH notamment en cas de risque hémorragique élevé (GradeB).
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Énucléation par laser Holmium |
Les résultats fonctionnels de l’HoLEP sont équivalents à ceux de la RTUP monopolaire à quatre ans (niveau de preuve Ia) [48], à ceux de l’AVH à cinq ans (niveau de preuve Ib) [49]. Pour des volumes supérieurs à 60mL, la désobstruction semble plus complète après Holep que PVP [50], (niveau de preuve 2). L’Holep comporte un avantage sur la RTUP et l’AVH en termes de durées de sondage et d’hospitalisation (niveau de preuve Ia) et de risque de transfusion [47] (niveau de preuve Ia).
L’HoLEP est une alternative endoscopique à la RTUP monopolaire et à l’AVH (GradeA). Néanmoins, cette technique est difficile et nécessite un apprentissage spécifique.
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Résection au laser Thulium |
Les résultats fonctionnels précoces de la résection laser au Thulium ont été jugés similaires à ceux de la RTUP monopolaire, avec un avantage potentiel en termes de durée de sondage vésical, de risque de saignement, et de durée d’hospitalisation (niveau de preuve Ib) [51].
La résection endoscopique au laser Thulium a prouvé sa faisabilité, avec un bénéfice potentiel sur le risque hémorragique. Une meilleure évaluation de cette technique est nécessaire avant de pouvoir émettre des recommandations.
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Vaporisation trans-urétrale électrique de la prostate |
La vaporisation trans-urétrale électrique de la prostate (VTUP) monopolaire permet un résultat fonctionnel équivalent à celui de la RTUP monopolaire à cinq ans [52] (niveau de preuve Ib), avec une diminution du risque hémorragique [37] (niveau de preuve Ia). Néanmoins, les taux de troubles irritatifs, de dysurie, et de rétention aiguë d’urine postopératoires semblent plus élevés (niveau de preuve Ia).
La VTUP bipolaire est de développement plus récent et n’a pas encore été suffisamment évaluée.
La VTUP monopolaire est une alternative possible à la RTUP monopolaire (GradeA).
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Techniques mini-invasives |
Les techniques dites mini-invasives évaluées avec le plus de recul sont la thermothérapie par micro-ondes (TUMT) et radiofréquence (TUNA) et les prothèses urétrales.
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Thermothérapie par micro-ondes |
La TUMT apporte une amélioration fonctionnelle inférieure à la RTUP (niveau de preuve Ia) [37, 53]. En comparaison avec les alpha-bloquants, elle a prouvé sa supériorité en termes de score fonctionnel et de débit urinaire à moyen terme [53]. Son efficacité est de courte durée en cas de rétention aiguë d’urine [53] (niveau de preuve Ia).
La TUMT n’est pas développée en France. C’est une alternative à la RTUP monopolaire mais avec une efficacité moindre (GradeA). Cette technique peut aussi être utilisée comme alternative au traitement alpha-bloquant au long cours chez les patients n’ayant pas d’antécédent de rétention d’urine (GradeA).
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Thermothérapie par micro-ondes |
Le TUNA entraîne une amélioration fonctionnelle dans 40 à 70 % des cas, peut être faite en ambulatoire, et n’entraîne pas de troubles de l’éjaculation (niveau de preuve IIb) [54]. Néanmoins, ces résultats sont limités dans le temps (niveau de preuve Ia) [37]. Bien que de morbidité moindre à la RTUP, les résultats symptomatiques sont inférieurs (niveau de preuve Ia) [37]. Il n’existe pas d’étude randomisée ayant comparé le TUNA au traitement médical.
Le TUNA peut être une alternative au traitement médical par alpha-bloquants au long cours (GradeC).
Ces prothèses peuvent être permanentes ou temporaires. Le taux d’échec des prothèses permanentes a été rapporté de 16 % à 1 an et de 27 % à 5ans [55] (niveau de preuve III). Quel que soit le type de prothèse utilisé, elles sont le plus souvent mal tolérées en raison de l’exacerbation des SBAUs et de douleurs périnéales [55] (niveau de preuve III).
Les prothèses permanentes n’ont plus d’indication en raison de leur morbidité (grade de recommandation C). Les prothèses temporaires peuvent être proposées comme alternative au sondage vésical à demeure en cas de contre-indication chirurgicale (GradeC).
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Injections intraprostatiques de toxine botulique |
Cette technique peu invasive a prouvé sa faisabilité et son efficacité par rapport au placebo a été rapportée dans une étude [56] (niveau de preuve b). Son évaluation par rapport au traitement médical est en cours dans le cadre d’études de phase II.
L’injection intraprostatique de toxine botulique est encore en phase d’évaluation (GradeB).
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Injections intraprostatiques d’éthanol |
La technique d’injection intraprostatique d’éthanol a prouvé sa faisabilité, mais des incidents rapportés font douter de son caractère mini-invasif (niveau de preuve II) [57, 58].
L’injection intraprostatique d’éthanol est encore en phase d’évaluation (GradeB).
La Figure 1 et les Tableau 1, Tableau 2 synthétisent les recommandations sur la prise en charge des SBAU apriori en rapport avec une HBP.
Figure 1.
Algorithme décisionnel pour la prise en charge des symptômes du bas appareil urinaire de l’homme à priori en rapport avec une hyperplasie bénigne de prostate.
Aurélien Descazeaud : consultant pour Bouchara Recordati, Pierre Fabre Medicament, Lilly, investigateur pour Allergan, EDAP TMS, Takeda.
Gregoire Robert : consultant pour Pierre Fabre Medicament, investigateur pour Allergan, Astellas, Edap TMS.
Christian Saussine : consultant pour GSK, Astellas ; Pierre Fabre ; AMS ; Allergan ; Ipsen ; Recordati, Coloplast.
Olivier Haillot : consultant pour GSK.
Marc Fourmarier : consultant pour GSK et EDAP-TMS.
Abdel Rahmene Azzouzi : consultant pour Zambon.
Antoine Faix : consultant pour AMS, Coloplast, Lilly, Takeda, Pfizer, Zambon, Cook, Bayer, Menarini.
François Desgrandchamps : consultant pour Bouchara Recordati, Recordati, GSK, Rottapharm, Astellas, Lilly.
Alexandre de la Taille : consultant pour Astellas, PFM, Sanofi, GSK, MSD, Bouchara Recordati, Storz, AMS, Olympus, Boerhinger.