Les troubles mictionnels de l'homme ont longtemps été attribués à l'hyperplasie bénigne de la prostate (HBP), rendue responsable aussi bien des symptômes de la phase mictionnelle (ou obstructifs) que des symptômes de la phase de remplissage (ou irritatifs), rassemblés sous le terme générique de « prostatisme ». Devant l'efficacité inconstante des traitements de l'HBP sur les symptômes de la phase de remplissage, cette approche univoque a été remise en cause, de nombreux auteurs s'étant alors intéressés aux rôles de la vessie (via l'hyperactivité vésicale) et du rein (via la polyurie) dans la genèse des troubles mictionnels de l'homme.
La nycturie a été symbolique de cette nouvelle approche multifactorielle, de très nombreuses affections (prostatiques, rénales, vésicales mais aussi cardiaques ou pulmonaires...) pouvant contribuer à sa survenue.
Longtemps considérée comme un simple symptôme au sein des troubles mictionnels, la plupart des auteurs se sont accordés à définir la nycturie comme une entité nosologique à part entière, et les travaux concernant sa physiopathologie et ses traitements possibles se sont multipliés ces dix dernières années.
L'objectif de cet article était de faire le point sur la définition, la physiopathologie, la morbidité, la démarche diagnostique et les traitements de la nycturie chez l'homme.
Pour réaliser ce travail, une revue de la littérature a été réalisée via MedLine et Embase en utilisant les mots clés suivants : « nocturia » ou « nocturnal polyuria ». Parmi les 1842 articles recensés, nous en avons retenu 46 pour la présente revue de la littérature sur la base de leur pertinence et de leurs qualités méthodologiques en privilégiant : les essais prospectifs contrôlés randomisés dont le critère de jugement principal était la nycturie, et les concertations d'experts des sociétés savantes. Toutes les définitions cliniques et urodynamiques présentes dans cet article étaient conformes à la validation française de la terminologie de l'International Continence Society [1Haab F., Amarenco G., Coloby P., Grise P., Jacquetin B., Labat J.J., et al. Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire : adaptation française de la terminologie de l'International Continence Society Prog Urol 2004 ; 14 (6) : 1103-1111
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La nycturie : définition et étiologies
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La nycturie est définie par l'International Continence Society (ICS) comme la plainte du patient d'avoir à se réveiller une ou plusieurs fois au cours de la nuit pour uriner, chaque miction étant précédée et suivie d'une période de sommeil [2Van Kerrebroeck P., Abrams P., Chaikin D., Donovan J., Fonda D., Jackson S., et al. The standardisation of terminology in nocturia: report from the Standardisation Sub-committee of the International Continence Society Neurourol Urodyn 2002 ; 21 (2) : 179-183 [cross-ref]
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Elle est à différencier de la fréquence mictionnelle nocturne qui désigne la totalité des mictions nocturnes qu'elles soient ou non à l'origine du réveil [1Haab F., Amarenco G., Coloby P., Grise P., Jacquetin B., Labat J.J., et al. Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire : adaptation française de la terminologie de l'International Continence Society Prog Urol 2004 ; 14 (6) : 1103-1111
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De nombreuses études démontrent le peu d'impact d'un lever nocturne unique sur la qualité de vie et la morbidité [3Tikkinen K.A., Johnson T.M., Tammela T.L., Sintonen H., Haukka J., Huhtala H., et al. Nocturia frequency, bother, and quality of life: how often is too often? A population-based study in Finland Eur Urol 2010 ; 57 (3) : 488-496 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Beaucoup d'auteurs préfèrent ainsi ne parler de nycturie qu'à partir de 2 levers nocturnes [4Weiss J.P., Blaivas J.G., Bliwise D.L., Dmochowski R.R., Dubeau C.E., Lowe F.C., et al. The evaluation and treatment of nocturia: a consensus statement BJU Int 2011 ; 108 (1) : 6-21 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références], seuil généralement retenu comme critère d'inclusion dans les essais thérapeutiques.
La nycturie, plus encore que les autres troubles mictionnels, est désormais considérée comme multifactorielle, de nombreuses affections pouvant contribuer à sa survenue. Celles-ci peuvent être séparées en 3 groupes en fonction du mécanisme physiopathologique en cause [5Weiss J.P. Nocturia: do the math J Urol 2006 ; 175 (3 Pt. 2) : S16-S18 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 6Stember D.S., Weiss J.P., Lee C.L., Blaivas J.G. Nocturia in men Int J Clin Pract Suppl 2007 ; 155 : 17-22 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 7Schneider T., de la Rosette J.J., Michel M.C. Nocturia: a non-specific but important symptom of urological disease Int J Urol 2009 ; 16 (3) : 249-256 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 8Ali A., Snape J. Nocturia in older people: a review of causes, consequences, assessment and management Int J Clin Pract 2004 ; 58 (4) : 366-373 [cross-ref]
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production d'urine excessive : polyurie globale ;
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production d'urine excessive uniquement nocturne : polyurie nocturne ;
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diminution du volume mictionnel maximal : réduction de la capacité vésicale fonctionnelle (hyperactivité ou hypersensibilité vésicale), structurelle (vessie rétractile) ou trouble de la vidange vésicale (obstacle sous-vésical, hypoactivité vésicale).
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L'association fréquente de ces différents mécanismes conduit à des formes dites mixtes.
En l'absence d'anomalies sur le calendrier mictionnel, il ne s'agit pas alors à proprement parler de nycturie (le patient n'est pas réveillé par l'envie d'uriner) et il convient d'éliminer un trouble du sommeil (dépression, anxiété, traitement par corticoïdes...).
De nombreuses études ont cherché à déterminer la part liée à chacun des groupes étiologiques dans la survenue d'une nycturie chez l'homme, conduisant aux conclusions suivantes [9Klingler H.C., Heidler H., Madersbacher H., Primus G. Nocturia: an Austrian study on the multifactorial etiology of this symptom Neurourol Urodyn 2009 ; 28 (5) : 427-431 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 10Chang S.C., Lin A.T., Chen K.K., Chang L.S. Multifactorial nature of male nocturia Urology 2006 ; 67 (3) : 541-544 [inter-ref]
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les polyuries nocturnes et globales sont en cause dans 23 à 82 % des cas ;
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la diminution du volume mictionnel maximal dans 13 à 57 % des cas ;
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les formes mixtes représentent 21 à 44 % des cas.
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La polyurie nocturne est ainsi fréquemment considérée comme la première cause de nycturie chez le sujet âgé, loin devant l'hyperplasie bénigne de prostate à laquelle elle est traditionnellement rattachée [11Weiss J.P., van Kerrebroeck P.E., Klein B.M., Norgaard J.P. Excessive nocturnal urine production is a major contributing factor to the etiology of nocturia J Urol 2011 ; 186 (4) : 1358-1363 [cross-ref]
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Physiopathologie de la nycturie
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Réduction du volume mictionnel maximal |
Le volume mictionnel maximal est le volume d'urine maximal produit en une seule miction enregistré dans un catalogue mictionnel [1Haab F., Amarenco G., Coloby P., Grise P., Jacquetin B., Labat J.J., et al. Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire : adaptation française de la terminologie de l'International Continence Society Prog Urol 2004 ; 14 (6) : 1103-1111
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Le seuil de 250mL est généralement retenu pour définir une diminution du volume mictionnel maximal [9Klingler H.C., Heidler H., Madersbacher H., Primus G. Nocturia: an Austrian study on the multifactorial etiology of this symptom Neurourol Urodyn 2009 ; 28 (5) : 427-431 [cross-ref]
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La réduction des volumes urinés peut être liée à [5Weiss J.P. Nocturia: do the math J Urol 2006 ; 175 (3 Pt. 2) : S16-S18 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 6Stember D.S., Weiss J.P., Lee C.L., Blaivas J.G. Nocturia in men Int J Clin Pract Suppl 2007 ; 155 : 17-22 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 7Schneider T., de la Rosette J.J., Michel M.C. Nocturia: a non-specific but important symptom of urological disease Int J Urol 2009 ; 16 (3) : 249-256 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 12Asplund R. The nocturnal polyuria syndrome (NPS) Gen Pharmacol 1995 ; 26 : 1203-1209 [cross-ref]
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une réduction de la capacité vésicale fonctionnelle : hyperactivité ou hypersensibilité vésicale, pouvant être idiopathique ou liée à une cause organique (calcul vésical ou urétéral, cystite radique, tumeur vésicale ou urétrale, prostatite, retentissement d'un obstacle sous-vésical, pathologie neurologique) ;
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une réduction de la capacité vésicale structurelle : cystites radiques, interstitielles, tuberculeuses, bilarzhiennes... ;
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un trouble de la vidange vésicale à l'origine d'une vidange vésicale incomplète : obstacle sous-vésical (HBP, sténose urétrale, dysinergie vésico-sphinctérienne...) ou hypoactivité vésicale (neuropathie végétative (diabète, alcool), chirurgie pelvienne...).
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La polyurie globale est définie par une diurèse des 24heures>40mL/kg, soit 2,8L pour un sujet de 70kg [5Weiss J.P. Nocturia: do the math J Urol 2006 ; 175 (3 Pt. 2) : S16-S18 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 12Asplund R. The nocturnal polyuria syndrome (NPS) Gen Pharmacol 1995 ; 26 : 1203-1209 [cross-ref]
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Les causes de polyurie globale sont :
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diabète insipide : d'origine centrale par défaut de sécrétion d'ADH ou d'origine périphérique par diminution de la réponse rénale à l'ADH ;
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diabète sucré : par polyurie osmotique ;
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potomanie ou polydypsie primitive : diagnostic d'élimination retenu uniquement après avoir éliminé un diabète insipide (test de restriciton hydrique) et un diabète sucré (glycémie).
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La polyurie nocturne est définie par l'existence d'une diurèse nocturne (incluant les premières urines du matin)>33 % de la diurèse des 24heures [12Asplund R. The nocturnal polyuria syndrome (NPS) Gen Pharmacol 1995 ; 26 : 1203-1209 [cross-ref]
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Trois catégories d'hormones sont impliquées dans la régulation de la diurèse au cours de la journée [8Ali A., Snape J. Nocturia in older people: a review of causes, consequences, assessment and management Int J Clin Pract 2004 ; 58 (4) : 366-373 [cross-ref]
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l'hormone antidiurétique (ADH ou AVP) ;
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le facteur natriurétique ;
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les hormones du système rénine-angiotensine-aldostérone.
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Toute perturbation de ces systèmes hormonaux peut contribuer à la survenue d'une polyurie nocturne. Ces perturbations sont la conséquence de pathologies diverses (voir Tableau 1) ou résultent d'une modification physiologique liée à l'âge.
La vasopressine ou hormone antidiurétique (ADH) est produite par l'hypothalamus. Elle augmente la capacité de concentration des tubules rénaux distaux favorisant la réabsorption hydrique [13Robertson G. Nocturnal polyuria BJU Int 1999 ; 84 (Suppl. 1) : 17-19
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Chez le sujet sain, un pic nocturne de sécrétion d'ADH permet d'éviter les réveils intempestifs pour vidange vésicale [14Miller M. Fluid and electrolyte homeostasis in the elderly: Physiological changes of ageing and clinical consequence Baillieres Clin Endocrinol Metab 1997 ; 11 : 367-387 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Avec l'âge, ce pic peut diminuer voire disparaître, entraînant une augmentation de la diurèse nocturne [15Ouslander J.G., Nasr S.Z., Miller M., Withington W., Lee C.S., Wiltshire-Clement M., et al. Arginine vasopressin levels in nursing home residents with night time urinary incontinence J Am Geriatr Soc 1998 ; 46 (10) : 1274-1279
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Selon certains auteurs, ce phénomène serait responsable de la majorité des polyuries nocturnes du sujet âgé [16Van Kerrebroeck P., Hashim H., Holm-Larsen T., Robinson D., Stanley N. Thinking beyond the bladder: antidiuretic treatment of nocturia Int J Clin Pract 2010 ; 64 (6) : 807-816 [cross-ref]
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Hormis ces phénomènes hormonaux, d'autres mécanismes peuvent contribuer à une polyurie nocturne :
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les syndromes Ådémateux : la position déclive durant la nuit favorise le drainage des Ådèmes accumulés dans les membres inférieurs durant la journée entraînant une hyper-diurèse nocturne [ 17Torimoto K., Hirayama A., Samma S., Yoshida K., Fujimoto K., Hirao Y. The relationship between nocturnal polyuria and the distribution of body fluid: assessment by bioelectric impedance analysis J Urol 2009 ; 181 (1) : 219-224 [cross-ref]
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la prise de diurétiques au coucher ;
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la prise excessive de boisson le soir (notamment celles riches en caféine et en alcool qui stimulent la diurèse).
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L'ensemble des causes possibles de polyurie nocturne est résumé dans le Tableau 1.
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Prévalence et conséquences de la nycturie chez le sujet âgé
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La nycturie est le trouble mictionnel le plus fréquent chez le sujet âgé [18Irwin D.E., Milsom I., Hunskaar S., Reilly K., Kopp Z., Herschorn S., et al. Population-based survey of urinary incontinence, overactive bladder, and other lower urinary tract symptoms in five countries: results of the EPIC study Eur Urol 2006 ; 50 (6) : 1306-1314 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références], mais est aussi rapporté comme le plus gênant par les patients [19Jolleys J.V., Donovan J.L., Nanchahal K., Peters T.J., Abrams P. Urinary symptoms in the community: how bothersome are they? Br J Urol 1994 ; 74 (5) : 551-555 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Elle est de plus responsable d'une morbidité et d'une détérioration de la qualité de vie majeures dans cette population.
Dans une récente revue de la littérature, Bosch et al. rapportent une prévalence de la nycturie (â¥2 mictions/nuit) de 2 à 16,6 % chez les hommes de 20 à 40ans et de 29 à 59,3 % chez les hommes de plus de 70ans [20Bosch J.L., Weiss J.P. The prevalence and causes of nocturia J Urol 2010 ; 184 (2) : 440-446 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références].
La nycturie est responsable d'insomnie. Elle est considérée comme l'une des principales causes de perturbation du sommeil chez le sujet âgé [21Cornu J.N., Rouprêt M. Impact de la nycturie sur le quotidien des patients atteints de troubles urinaires du bas appareil dans l'hypertrophie bénigne de prostate Prog Urol 2007 ; 17 (5) : 1033-1036[suppl.].
Cliquez ici pour aller à la section Références, 22Chartier-Kastler E., Leger D., Montauban V., Comet D., Haab F. Étude observationnelle nationale (Association française d'urologie) de l'impact de la nycturie sur le sommeil des patients porteurs d'une hyperplasie bénigne de la prostate Prog Urol 2009 ; 19 (5) : 333-340 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Elle peut entraîner : asthénie diurne, perte d'efficacité au travail et risques accrus d'accidents de la circulation [23Kobelt G., Borgström F., Mattiasson A. Productivity, vitality and utility in a group of healthy professionally active individuals with nocturia BJU Int 2003 ; 91 (3) : 190-195 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. À partir de 2 réveils nocturnes, la nycturie est également pourvoyeuse de morbidité psychiatrique, avec une prévalence des troubles dépressifs et une consommation d'antidépresseurs chez les sujets nycturiques supérieures à celles constatées chez les autres patients dans la même tranche d'âge [24Johnson T.V., Abbasi A., Ehrlich S.S., Kleris R.S., Raison C.L., Master V.A. Nocturia associated with depressive symptoms Urology 2011 ; 77 (1) : 183-186 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Elle est ainsi responsable d'une détérioration majeure de la qualité de vie [25Kupelian V., Wei J.T., O'Leary M.P., Norgaard J.P., Rosen R.C., McKinlay J.B. Nocturia and quality of life: results from the Boston area community health survey Eur Urol 2012 ; 61 (1) : 78-84 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références].
D'autre part, obligeant les patients à se lever la nuit, elle est un facteur de risque de chute [26Vaughan C.P., Brown C.J., Goode P.S., Burgio K.L., Allman R.M., Johnson T.M. The association of nocturia with incident falls in an elderly community-dwelling cohort Int J Clin Pract 2010 ; 64 (5) : 577-583 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références], pourvoyeuses de fractures, notamment du col fémoral [27Temml C., Ponholzer A., Gutjahr G. Nocturia is an age-independent risk factor for hip-fractures in men Neurourol Urodyn 2009 ; 28 (8) : 949-952 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] chez le sujet âgé.
Enfin, la nycturie â¥2 levers nocturnes pourrait être associée à la mortalité [28Kupelian V., Fitzgerald M.P., Kaplan S.A. Association of nocturia and mortality: results from the Third National Health and Nutrition Examination Survey J Urol 2011 ; 185 (2) : 571-577 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références], mais les données de la littérature sont contradictoires sur ce point.
La nycturie constitue donc un enjeu médico-économique majeur, les patients présentant 3 mictions nocturnes ou plus ayant des frais médicaux 3 fois supérieurs aux autres patients [29Nakagawa H., Niu K., Hozawa A., Ikeda Y., Kaiho Y., Ohmori-Matsuda K., et al. Impact of nocturia on bone fracture and mortality in older individuals: a Japanese longitudinal cohort study J Urol 2010 ; 184 (4) : 1413-1418 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références].
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Démarche diagnostique devant une nycturie chez l'homme et principes thérapeutiques
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La nycturie peut résulter d'une polyurie nocturne (plus rarement globale), d'une réduction du volume mictionnel maximal, ou d'une association de ces deux phénomènes. Les traitements diffèrent en fonction de l'étiologie, il faut donc en premier lieu identifier la cause de la nycturie.
En première intention, on doit réaliser un calendrier mictionnel idéalement, sur 72heures [30Ku J.H., Hong S.K., Kim H.H., Paick J.S., Lee S.E., Oh S.J. Is questionnaire enough to assess number of nocturic episodes? Prospective comparative study between data from questionnaire and frequency-volume charts Urology 2004 ; 64 (5) : 966-969 [inter-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] et comprenant un recueil des apports hydriques. Il permet de distinguer une polyurie nocturne d'une réduction du volume mictionnel maximal ou d'une polyurie globale, mais également d'authentifier et de quantifier la nycturie. De nombreuses études ont en effet montré que l'interrogatoire et les scores symptômes surévaluent le plus souvent l'importance de la nycturie [30Ku J.H., Hong S.K., Kim H.H., Paick J.S., Lee S.E., Oh S.J. Is questionnaire enough to assess number of nocturic episodes? Prospective comparative study between data from questionnaire and frequency-volume charts Urology 2004 ; 64 (5) : 966-969 [inter-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 31Yap T.L., Cromwell D.A., Brown C., van der Meulen J., Emberton M. The relationship between objective frequency-volume chart data and the I-PSS in men with lower urinary tract symptoms Eur Urol 2007 ; 52 (3) : 811-818 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. La poursuite de la démarche diagnostique et la prise en charge dépendent ensuite du mécanisme physiopathologique en cause.
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Traitement d'une polyurie globale |
En cas de polyurie globale, le patient doit être adressé à un endocrinologue avec une glycémie à jeun afin d'éliminer un diabète sucré ou un diabète insipide. Après avoir éliminé ces 2 diagnostics, on peut retenir celui de potomanie qui peut relever d'une prise en charge psychiatrique.
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Traitement d'une diminution du volume mictionnel maximal |
Si la nycturie est attribuable à une réduction du volume mictionnel maximal, une débitmétrie couplée à une mesure du résidu post-mictionnel permet de distinguer hyperactivité vésicale et trouble de la vidange vésicale [32Descazeaud A., Robert G., Delongchamps N.B., Cornu J.-N., Saussine C., Haillot O., et al. Bilan initial, suivi et traitement des troubles mictionnels en rapport avec hyperplasie bénigne de prostate: recommandations du CTMH de l'AFU Prog Urol 2012 ; 22 (16) : 977-988 [inter-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. En cas d'hyperactivité vésicale, après avoir éliminé une cause organique, le traitement s'appuie en première intention sur un anticholinergique [33Yokoyama O., Yamaguchi O., Kakizaki H., Itoh N., Yokota T., Okada H., et al. Efficacy of solifenacin on nocturia in Japanese patients with overactive bladder: impact on sleep evaluated by bladder diary J Urol 2011 ; 186 (1) : 170-174 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Si l'hyperactivité est associée à une hypertrophie prostatique, un traitement par α-bloquants et/ou inhibiteurs de la 5α-réductase peut améliorer la symptomatologie [34Johnson T.M., Burrows P.K., Nyberg L.M., Tenover J.L., Lepor H., Roehrborn C.G. The effect of doxazosin, finasteride and combination therapy on nocturia in men with benign prostatic hyperplasia J Urol 2007 ; 178 (5) : 2045-2050
Cliquez ici pour aller à la section Références]. En cas de trouble de la vidange vésicale attribuable à une HBP, c'est son traitement, médicamenteux (inhibiteurs de la 5α réductase, α-bloquants voire phytothérapie) [34Johnson T.M., Burrows P.K., Nyberg L.M., Tenover J.L., Lepor H., Roehrborn C.G. The effect of doxazosin, finasteride and combination therapy on nocturia in men with benign prostatic hyperplasia J Urol 2007 ; 178 (5) : 2045-2050
Cliquez ici pour aller à la section Références, 35Ishani A., MacDonald R., Nelson D., Rutks I., Wilt T.J. Pygeum africanum for the treatment of patients with benign prostatic hyperplasia: a systematic review and quantitative meta-analysis Am J Med 2000 ; 109 (8) : 654-664 [inter-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] ou chirurgical [36Cai T., Gardener N., Abraham L., Boddi V., Abrams P., Bartoletti R. Impact of surgical treatment on nocturia in men with benign prostatic obstruction BJU Int 2006 ; 98 (4) : 799-805 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références] qui améliore le plus le confort du patient. Les α-bloquants apparaissent particulièrement intéressant puisque, outre une augmentation du volume mictionnel maximal, ils permettraient de diminuer la diurèse nocturne [37Kojima Y., Sasaki S., Imura M., Kubota Y., Hayashi Y., Kohri K. Tamsulosin reduces night time urine production in benign prostatic hyperplasia patients with nocturnal polyuria: a prospective open-label long-term study using frequency-volume chart Neurourol Urodyn 2012 ; 31 (1) : 80-85 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Toutefois, dans les études évaluant les anticholinergiques, α-bloquants et inhibiteurs de la 5α-réductase dans le traitement de la nycturie, la réduction de la nycturie n'est pas l'objectif principal et n'est que très rarement évaluée au moyen d'un calendrier mictionnel [38Cornu J.-N., Abrams P., Chapple C.R., Dmochowski R.R., Lemack G.E., Michel M.C., et al. A contemporary assessment of nocturia: definition, epidemiology pathophysiology, and management-a systematic review and meta-analysis Eur Urol 2012 ; 62 (5) : 877-890 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. L'utilisation de ces traitements dans la prise en charge de la nycturie s'appuie donc sur un faible niveau de preuve.
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Traitement d'une polyurie nocturne |
En cas de polyurie nocturne, la première question à se poser est : existe-t-il un syndrome d'apnée du sommeil ? En effet il s'agit d'une pathologie largement sous-diagnostiquée qui, en entraînant des désaturations nocturnes, est responsable d'une hypoxie entraînant la vasocontriction de l'artère pulmonaire avec augmentation de la pression dans l'oreillette droite et ainsi augmentation du taux plasmatique de facteur natriurétique [5Weiss J.P. Nocturia: do the math J Urol 2006 ; 175 (3 Pt. 2) : S16-S18 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. De nombreuses études ont montré que l'appareillage ventilatoire nocturne (CPAP) chez ces patients suffit généralement à faire diminuer voire disparaître la nycturie [39Margel D., Shochat T., Getzler O., Livne P.M., Pillar G. Continuous positive airway pressure reduces nocturia in patients with obstructive sleep apnea Urology 2006 ; 67 (5) : 974-977 [inter-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Aussi tout symptôme évocateur de syndrome d'apnée du sommeil (ronflements et obésité principalement) chez un patient nycturique doit conduire à la réalisation d'une polysomnographie à visée diagnostique [40Kinn A.C., Harlid R. Snoring as a cause of nocturia in men with lower urinary tract symptoms Eur Urol 2003 ; 43 (6) : 696-701 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références].
L'interrogatoire et l'examen clinique recherchent ensuite d'autres comorbidités pouvant contribuer à l'apparition d'une nycturie (syndrome Ådémateux, prise de diurétiques le soir, insuffisance cardiaque...) justifiant d'un traitement spécifique.
En cas de syndrome Ådémateux, la surélévation des jambes le soir, la marche en fin d'après-midi et le port de bas de contention, en favorisant le drainage de l'Ådème des membres inférieurs, pourraient diminuer la nycturie [4Weiss J.P., Blaivas J.G., Bliwise D.L., Dmochowski R.R., Dubeau C.E., Lowe F.C., et al. The evaluation and treatment of nocturia: a consensus statement BJU Int 2011 ; 108 (1) : 6-21 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 41Soda T., Masui K., Okuno H., Terai A., Ogawa O., Yoshimura K. Efficacy of nondrug lifestyle measures for the treatment of nocturia J Urol 2010 ; 184 (3) : 1000-1004 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Dans ce contexte, la prise de diurétiques plus de 6heures avant le coucher pourrait également diminuer le nombre de levers nocturnes [42Reynard J.M., Cannon A., Yang Q., Abrams P. A novel therapy for nocturnal polyuria: a double-blind randomized trial of furosemide against placebo Br J Urol 1998 ; 81 : 215-218 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références].
En l'absence de telles comorbidités, la polyurie nocturne peut être attribuée à une diminution du pic nocturne de sécrétion d'ADH. La prise en charge consiste alors à adopter des mesures hygiéno-diététiques (restriction hydrique le soir, suppression des boissons stimulant la diurèse comme le café et l'alcool, miction avant le coucher...) [42Reynard J.M., Cannon A., Yang Q., Abrams P. A novel therapy for nocturnal polyuria: a double-blind randomized trial of furosemide against placebo Br J Urol 1998 ; 81 : 215-218 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Si celles-ci s'avèrent insuffisantes, on peut y associer un traitement par desmopressine [16Van Kerrebroeck P., Hashim H., Holm-Larsen T., Robinson D., Stanley N. Thinking beyond the bladder: antidiuretic treatment of nocturia Int J Clin Pract 2010 ; 64 (6) : 807-816 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. La desmopressine est un analogue structural de synthèse de l'ADH [43Zaoral M., Kolc J., Sorm F. Aminoacids and peptides LXXI. Synthesis of 1-deamino-8-D-amino-butyrine vasopressin, 1-deamino-8-D-lysine vasopressin and 1-deamino-8-D-arginine vasopressin Coll Czech Chem Commun 1967 ; 32 : 1250-1257 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Son efficacité dans le traitement de la nycturie a été largement démontrée par de nombreuses études récentes de haut niveau de preuve [44Wang C.J., Lin Y.N., Huang S.W., Chang C.H. Low dose oral desmopressin for nocturnal polyuria in patients with benign prostatic hyperplasia: a double-blind, placebo-controlled, randomized study J Urol 2011 ; 185 (1) : 219-223 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références, 45Weiss J.P., Zinner N.R., Klein B.M., Norgaard J.P. Desmopressin orally disintegrating tablet effectively reduces nocturia: Results of a randomized, double-blind, placebo-controlled trial Neurourol Urodyn 2012 ; 31 (4) : 441-447 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références]. Mais compte tenu de sa morbidité potentielle et notamment du risque d'hyponatrémie, plus élevé chez le sujet âgé [46Weatherall M. The risk of hyponatremia in older adults using desmopressin for nocturia: a systematic review and meta-analysis Neurourol Urodyn 2004 ; 23 (4) : 302-305 [cross-ref]
Cliquez ici pour aller à la section Références], elle ne possède l'autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de la nycturie par polyurie nocturne que chez le sujet de moins de 65ans. Son utilisation doit donc être prudente au-delà de cette limite d'âge s'appuyant sur une surveillance rapprochée de la natrémie et un respect strict des contre-indications (hyponatrémie, insuffisance cardiaque, troubles des fonctions supérieures, insuffisance rénale modérée ou sévère, prise de diurétiques).
La seule forme galénique encore commercialisée est la forme sublinguale (Minirin MELT®) pour laquelle il existe trois dosages : 60μg, 120μg et 240μg. Le traitement doit être instauré à la dose la plus faible (60μg) en une prise au coucher avec respect d'une restriciton hydrique stricte (<500cc entre une heure avant la prise et le lendemain matin). La natrémie doit être contrôlée à j3, j7 puis une fois par semaine pendant un mois, une fois par mois pendant 6 mois puis deux fois par an pendant toute la durée de la prescription. Toute baisse significative de la natrémie doit faire arrêter le traitement.
La démarche diagnostique et les principes thérapeutiques de la nycturie chez l'homme sont résumés dans la Figure 1.
Figure 1.
Arbre décisionnel de prise en charge d'une nycturie chez l'homme.
La conception et la prise en charge de la nycturie ont évolué au cours des dernières années. Autrefois centrées sur la prostate, elles s'appuient désormais sur une approche multifactorielle prenant en compte le rôle physiopathologique d'autres organes tels que le rein et la vessie. Les investigations que cette vision moderne impose peuvent paraître astreignantes, mais permettent à l'urologue de traiter efficacement le patient de cette affection, fréquente et responsable d'une morbidité et d'une altération de la qualité de vie majeures.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.