Quelle place pour les pessaires en 2025 ?
Une controverse entoure les implants prothétiques de renfort pour le prolapsus et l’incontinence urinaire. La question se pose alors de la place du pessaire dans ces indications, alors que la Haute autorité de santé rendra sa décision en juin 2025 concernant le maintien ou l’arrêt de l’utilisation de renfort prothétique dans la cure de prolapsus par voie haute. Le point avec Sophie Hurel, du Comité d’urologie et de périnéologie de la femme (CUROPF) de l’Association française d’urologie.
Le pessaire, solution ancienne mais toujours pertinente, revient au cœur des discussions sur la prise en charge des prolapsus génitaux et de l’incontinence urinaire. Ce dispositif, remboursé depuis octobre 2024 à hauteur de 45,40 €, avec un renouvellement possible tous les deux ans, offre une alternative non chirurgicale.
Il existe deux types de pessaire :
- Les pessaires de support : ils se fixent sur les faisceaux pubo-rectaux des releveurs de l’anus pour soutenir les organes (par exemple, le pessaire anneau, le plus fréquent, ou le dish avec bouton pour l’incontinence urinaire d’effort associée). Ils conviennent particulièrement aux prolapsus concernant l’étage antérieur et moyen (cystocèle plus ou moins associé à une hystéroptose );
- Les pessaires de comblement : ils agissent par succion sur les parois vaginales (par exemple, le pessaire cube – adapté à tous les types de prolapsus – ou le donut – réservé aux prolapsus sans rectocèle).
Selon une étude de 2020 [1], les tailles des pessaires anneaux qui conviendront à la plupart des patientes (par ordre décroissant) sont 2, 5, 3, 3, 7 et 4. Elles couvrent 70 % des situations.
Pessaire vs chirurgie
Les données comparant l’efficacité du pessaire et de la chirurgie restent mitigées. Une étude de 2019 [2] réalisée auprès de 510 patientes montre une amélioration équivalente des symptômes et de la qualité de vie dans les deux groupes. En général, les patientes plus jeunes, présentant des prolapsus avancés (grades 3 ou 4 selon Baden), privilégient la chirurgie, tandis que les femmes âgées, avec des comorbidités, optent davantage pour le pessaire. À noter que la chirurgie semble offrir de meilleurs résultats en matière de symptômes digestifs.
Une revue Cochrane publiée en 2020 [3] rapporte qu’à 12 mois, le pessaire seul ne montre pas d’amélioration significative par rapport à l’absence de traitement. Cependant, lorsqu’il est associé à une rééducation pelvienne, les résultats deviennent plus convaincants sur l’amélioration des symptômes liés au prolapsus.
Complications et limites
Le pessaire est généralement bien toléré. Selon une étude de 2021 [4], 63 % des patientes continuaient à l’utiliser après 12 mois, et 83 % déclaraient une nette amélioration des symptômes du prolapsus. Cependant, des effets secondaires mineurs peuvent survenir : pertes vaginales, saignements ou inconfort. Ces problèmes sont souvent résolus par un retrait temporaire et une oestrogénothérapie locale.
Des complications graves, telles que des fistules recto-vaginales ou vésico-vaginales, restent rares. Elles concernent surtout les utilisatrices âgées portant en continu des pessaires de comblement.
Une solution à redéfinir
Dans un contexte où l’avenir des dispositifs prothétiques est incertain, le pessaire demeure une option pertinente pour toutes les patientes. Il s’adresse principalement aux patientes âgées, polymorbides ou souhaitant éviter une intervention invasive mais peut être proposé aux patientes jeunes autonomes dans leur utilisation. Cependant, certaines situations limitent son efficacité : prolapsus avancés, rectocèles prédominantes, vagins courts (< 7 cm), hiatus urogénital large (> 4 cm), jeunes patientes (moins bonne tolérance psychologique, perte vaginale), obésité, ou sexualité active pour des patientes ayant des difficultés avec l’utilisation discontinue du pessaire.
Enfin, il est essentiel que la proposition de prescription du pessaire soit documentée dans le dossier médical, conformément aux recommandations de la HAS, qui en fait une option de première intention pour tous les âges et stades de prolapsus.
Pierre Derrouch