Accueil > Actualités > Pénurie des traitements adjuvants pour les tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle
Ajouter à ma sélection Désélectionner

Pénurie des traitements adjuvants pour les tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle

  • Pénurie de mitomycine C pour laquelle l’AFU et l’ANSM ont validé l’épirubicine comme alternative de traitement.
  • Pénurie de BCG justifiant une gradation de la sévérité des patients pour guider la décision thérapeutique : le CCAFU propose un score.
  • Le CCAFU insiste dans ses recommandations sur la qualité de la résection et de la surveillance endoscopique et cytologique des patients.

Notre pays, comme d’autres pays Européens, connait une pénurie des traitements adjuvants pour les tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle (TVNIM).

La mitomycine C (MMC) est recommandée pour le traitement adjuvant des tumeurs de vessie de risque intermédiaire (pTa de bas grade (Gr 1-2) récidivantes et/ou multifocales). Commercialisée en France par Kyowa Kirin Pharma SAS, l’approvisionnement en MMC (Améticyne®) connait des tensions d’approvisionnement depuis juillet 2019 en raison de problèmes réglementaires entourant sa production. Une mise en quarantaine des lots produits a été imposée par la Food and Drug Administration (FDA) fin septembre 2019 et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a été informée de la rupture de stock le 18/10/2019.

Le BCG est recommandé pour le traitement adjuvant des tumeurs de vessie de haut risque (pT1 et/ou haut grade et/ou présence de carcinome in situ). La souche Medac (BCG Medac®), commercialisée en France par Medac SAS est la seule à avoir une autorisation de mise sur le marché (AMM) pérenne en France après le retrait du marché de l’Immucyst (commercialisé par Sanofi) en septembre 2019. Elle connait également des tensions d’approvisionnement en raison de difficultés de production conduisant à une rupture de stock le 16/10/2019. De ce fait, la souche Tice (OncoTice®) commercialisée par Merck Sharp and Dohme (MSD), disposant d’une autorisation temporaire d’importation, a vu sa demande augmenter, conduisant une tension d’approvisionnement.

L’Association Française d’Urologie (AFU), par son Comité de Cancérologie (CCAFU), en collaboration étroite avec l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) qui l’a sollicitée, a proposé des solutions pour maintenir le meilleur niveau de qualité possible pour le traitement des patients.

Concernant le traitement par MMC, étant donné d’une part, la nécessité de prioriser le traitement de pathologies non urologiques pour lesquelles la MMC n’a pas d’alternative validée, et, d’autre part, l’alternative que constitue l’utilisation de l’épirubicine, validée scientifiquement et d’utilisation courante dans d’autres pays, le point d’information diffusé le 27/11/2019 et co-signé par l’AFU et d’autres sociétés savantes concernés par la pénurie, indique l’utilisation en 1ère intention de l’épirubicine en lieu et place de la MMC. Le titulaire de l’AMM en France est Accord Healthcare France (45 Rue du Faubourg de Roubaix, 59000 Lille).

Comme la MMC, l’efficacité de l’épirubicine dépend de son mode d’utilisation et de sa concentration. Ainsi, les posologies recommandées sont :

  • Pour le traitement du carcinome papillaire à cellules transitionnelles de la vessie, une thérapie de 8 instillations (1 par semaine pendant 8 semaines) de 50 mg (dans 25 à 50 ml de solution saline) est recommandée ;
  • En cas de toxicité locale (cystite chimique), une réduction de dose allant jusqu’à 30 mg est recommandée ;
  • Pour les carcinomes in situ, en fonction de la tolérance individuelle du patient, la dose peut être augmentée jusqu’à 80 mg.

La préparation de la dose suit le même circuit que celui de la MMC avec une préparation par la pharmacie hospitalière, une utilisation immédiate après préparation :

  • La stabilité physicochimique du produit dilué dans une solution de chlorure de sodium à 0,9 % a été démontrée pendant 60 minutes à une température ambiante ;
  • D’un point de vue microbiologique, en cas d’utilisation non immédiate, les durées et conditions de conservation après dilution et avant utilisation relèvent de la seule responsabilité de l’utilisateur et ne devraient pas dépasser 24 heures à une température comprise entre 2°C et 8°C3.

L’alcalinisaton urinaire préalable à l’instillation n’est pas nécessaire, la stabilité de l’épirubicine diminuant à pH basique.
Le circuit d’élimination de l’épirubicine est le même que celui de la MMC avec l’application d’eau de Javel dans les WC pour neutraliser le produit et l’incinération à 1200°C du matériel.

Concernant le traitement par BCG, un contingentement s’imposant, le CCAFU a co-signé un point d’information de l’ANSM publié le 25/11/2019 (https://www.ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Tumeurs-de-la-vessie-point-sur-les-recommandations-de-prise-en-charge-par-BCG-Medac-Oncotice-Point-d-information) et propose un score afin de guider la décision d’attribution des doses disponibles en situation de pénurie. Ce score est basé sur les critères pronostiques validés dans les scores EORTC2 et CUETO3, et prend en compte les possibilités d’alternatives thérapeutiques et intégrant les impératifs d’utilisation du BCG liés à l’inclusion des patients dans un essai clinique.

Critères d’attribution de la BCG thérapie

Nombre de points

Présence de carcinome in situ (CIS)

6

Haut Grade / Grade 3

5

Stade T1

4

Plus de 8 tumeurs

3

Dimension tumorale ? 3 cm

3

Récidive tumorale dans un délai de moins d’un an

2

Âge ? 70 ans

2

Patient inéligible pour un traitement radical (chirurgie / radio-chimiothérapie)

4

Accès impossible à la thermo-chimiothérapie

1

Participation du patient à un essais clinique imposant le BCG

4

TOTAL sur 34

 

 

Ce score pourra vous être demandé par votre pharmacien.ne afin qu’il puisse renseigner l’ANSM quant à la sévérité des patients traités, ce score CCAFU étant corrélé à la gravité du pronostic des TVNIMs de haut risque. Les comptes-rendus opératoires et d’analyses anatomopathologiques vous permettrons de justifier ce score si besoin.
Ce score permet d’adapter les recommandations du CCFAU concernant les indications de la BCG thérapie et de ses alternatives, sachant que 4:

  • La réalisation du traitement d’entretien par BCG (6 instillations d’induction + 3 instillations hebdomadaires à 3, 6, 12, 18, 24, 30 et 36 mois) a été associée à une réduction de 32% du risque de progression des TVNIM.
  • Inversement, lorsque seul le traitement d’induction par BCG a été réalisé, le traitement a été associé à une augmentation de 28% du risque de récidive comparativement au traitement par chimiothérapie endovésicale.
  • La chimiothérapie endovésicale avec entretien (8 instillations d’inductions suivies d’une instillation mensuelle pendant 1 an) réduit le risque de récidive de 30% par rapport aux instillations de BCG sans entretien.
  • Les TVNIM combinant l’ensemble des facteurs de risque (pT1 de haut grade avec CIS), des tumeurs avec envahissement lymphovasculaire et des tumeurs non urothéliales ou présentant des formes anatomopathologiques agressives ont un risque de progression très élevé et précoce, soit parce que la probabilité d’éradication complète avant traitement est faible, soit parce qu’elles sont très agressives, qu’elles présentent un risque d’échec du traitement endovésical élevé ou qu’il existe un risque d’envahissement ganglionnaire dès le stade pT1. La cystectomie de première intention peut être proposée pour les traiter après avoir discuté de la morbidité de l’intervention avec le patient.

Ainsi, pour les patients classés par ce score comme étant prioritaires pour l’attribution du BCG, le traitement doit comprendre les 6 instillations d’induction et, de principe, les instillations d’entretien.
Pour les patients qui ne pourraient pas recevoir de BCG à cause de la pénurie, le traitement radical (cystectomie totale ou radio-chimiothérapie) doit être proposé en cas de score élevé. Inversement, pour les patients ayant un score faible, la chimiothérapie endovésicale par épirubicine et la thermo-chimiothérapie peuvent être proposées en association à une surveillance endoscopique et cytologique selon, a minima, le rythme trimestriel recommandé par le CCAFU.

Enfin, le CCAFU rappelle que le traitement des tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle repose sur leur résection endoscopique complète. Elle doit impérativement permettre l’analyse du détrusor pour définir le stade anatomopathologique. Lorsque la certitude du caractère complet de la résection n’est pas acquise en fin d’intervention et/ou que l’analyse anatomopathologique ne permet pas de définir l’atteinte du détrusor et/ou que le stade tumoral est pT1 (infiltration du chorion), une résection dite de 2nd look est recommandée et ce d’autant que nous connaissons une situation de pénurie de traitements adjuvants.

Bien sincèrement,
Le Comité de Cancérologie de l’Association Française d’Urologie

 

Références

  1. http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/affichageDoc.php?specid=64354517&typedoc=R
  2. Sylvester RJ, van der Meijden AP, Oosterlinck W, et al. Predicting recurrence and progression in individual patients with stage Ta T1 bladder cancer using EORTC risk tables: a combined analysis of 2596 patients from seven EORTC trials. Eur Urol. 2006;49(3):466–477.
  3. Fernandez-Gomez J, Madero R, Solsona E, et al. Predicting nonmuscle invasive bladder cancer recurrence and progression in patients treated with bacillus Calmette-Guerin: the CUETO scoring model. J Urol. 2009;182(5):2195–2203.
  4. Rouprêt M, Neuzillet Y, Pignot G, Compérat E, Audenet F, Houédé N, Larré S, Masson-Lecomte A, Colin P, Brunelle S, Xylinas E, Roumiguié M, Méjean A. Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l’AFU — Actualisation 2018—2020 : tumeurs de la vessie. Prog Urol. 2018 Nov;28(12S):S46-S78.

Contenu protégé