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Immunothérapie : un apport dans la prise en charge du cancer de la vessie

Dr Yann Neuzillet, MCU-PH à l’hôpital Foch
Membre de l’AFU, comité de cancérologie (sous-comité vessie)

Avec 12 000 nouveaux cas par an, le cancer de la vessie est un cancer fréquent. L’immunothérapie, qui consiste à “réveiller” le système immunitaire, afin qu’il reconnaisse la tumeur comme un ennemi et entraîne sa destruction, apporte de nombreux espoirs. 

Le système immunitaire en jeu

Les cellules cancéreuses ont des mutations plus ou moins nombreuses. Comme elles portent des protéines de surface anormale, elles sont reconnues par le système immunitaire qui programme leur destruction. Pour se protéger, les cellules cancéreuses ont développé des stratégies ingénieuses.

Le système immunitaire est en effet contrôlé par des mécanismes qui inhibent son action. Cette inhibition est nécessaire pour éviter qu’il s’attaque aux cellules du corps (maladies auto-immunes) ou qu’il s’emballe dans le cadre d’une infection ou d’un processus inflammatoire.

Afin d’échapper à la vigilance des cellules immunitaires, les tumeurs utilisent à leur service ces mécanismes. Elles acquièrent une sorte “d’immunité diplomatique”. Autrement dit elles sont reconnues par le système immunitaire, mais celui-ci les laisse agir et se développer en toute impunité.

Les mélanomes, les tumeurs de la vessie et les cancers du poumon non-à-petitescellules sont parmi ceux qui portent le plus de mutations. Cela signifie que ces cellules, très reconnaissables, ont développé pour survivre de multiples stratégies pour contourner la réponse immunitaire. D’où l’intérêt d’utiliser l’immunothérapie pour ces tumeurs. Si on parvient à réveiller le système immunitaire, à le rendre à nouveau efficace, on peut espérer lutter efficacement contre ces cancers.

De l’immunothérapie non spécifique à l’immunothérapie spécifique

Depuis les travaux de Morales en 1976, l’immunothérapie non spécifique est utilisée dans le cancer de la vessie. Des injections régulières de BCG à l’intérieur de la vessie permettent de stimuler l’immunité et donc d’améliorer la lutte contre la tumeur (diminution du risque de l’ordre de 60 %). Mais cela n’est efficace que pour les tumeurs non infiltrantes, c’est-à-dire restant en surface et n’ayant pas encore envahi le muscle vésical. Cette stratégie ne fonctionne pas pour les tumeurs infiltrantes. Elle est également inopérante pour les cancers métastasés. Ces cancers sont de très mauvais pronostic : ils répondent mal aux chimiothérapies en dehors de sels de platine. Encore ces chimiothérapies sont-elles très toxiques, entraînant beaucoup d’effets secondaires pour une efficacité réduite (60% en première ligne, 10 % en seconde ligne). L’espérance de vie d’un patient métastatique est autour de 6 à 9 mois.

Pour ces patients pour qui on dispose de si peu de solutions thérapeutiques, l’immunothérapie spécifique représente un immense espoir. Plusieurs études récentes ont mis en exergue l’intérêt d’anticorps monoclonaux (nivolumab, pembrolizumab et atezolizumab) qui ciblent des mécanismes par lesquels les cellules cancéreuses échappent au système immunitaire. Parmi ces cibles, PD1/PD-L1 (programmed death 1 / programmed death liguand 1). L’étude Rosenberg, publiée dans le Lancet le 7 mai 2016 montre un taux de réponse de 27 % chez les patients qui expriment le plus le PD1/PD-L1, et de 15 % chez ceux qui l’expriment moins. L’expérience conduite sur 315 patients métastatiques (phase II) a été menée dans 70 centres d’Europe et d’Amérique du Nord. Elle a débuté en mai 2014 et a entraîné des rémissions partielles ou complètes (disparition de la tumeur) chez certains patients. Un résultat exceptionnellement encourageant : lorsque le système immunitaire arrive à reprendre le dessus, on peut espérer des rémissions durables.

Pour qui ?

L’étude Rosenberg propose l’atézolizumab en seconde ligne à des patients résistants à la chimiothérapie à base de sels de platine. D’autres essais sont en cours pour des patients métastatiques en première ligne, mais aussi en utilisant ces immunothérapies comme traitement adjuvant après cystectomie ou encore en néoadjuvant. Des essais sont également prévus pour les cancers non-infiltrants le muscle.

La tolérance de ces immunothérapies est bonne. Toutefois, elles sont proscrites chez certains patients, notamment les personnes sujettes à une maladie autoimmune car le traitement, en levant les mécanismes d’inhibition du système immunitaire, risquerait de faire flamber la maladie. Le coût de ces immunothérapies est également un frein. Chaque dose revient actuellement à plusieurs milliers d’euros. Les protocoles en cours durent plusieurs mois, et à raison d’une dose tous les 2 à 3 semaines, leur coût sera conséquent. Il est important de bien sélectionner les patients et de traiter en priorité ceux qui seront les plus répondeurs. Les industriels ont développé des biomarqueurs pour détecter les patients qui expriment la cible.

Le cancer de la vessie en chiffres

25 % des cancers diagnostiqués sont des cancers infiltrants
17 % des cancers non-infiltrants au départ le deviendront
50 % des cancers infiltrants récidivent
10 542 nouveaux cas et 4 671 décès par cancer de la vessie en 20105ème cancer chez l’homme et 7ème chez la femme

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