Briefing / Debriefing : de l’aviation militaire au bloc opératoire
Dans l’aviation militaire, toute mission débute par un briefing et se conclut avec un débriefing. Adaptés au secteurs militaire et aéronautique, certains éléments de cette pratique sont transposables à l’activité du bloc opératoire. Libre à chacun de s’inspirer de ce regard informel sur le briefing et le débriefing…
Dans l’aviation militaire, il ne peut y avoir de vol sans réunion préparatoire. Les équipes engagées dans une mission se réunissent systématiquement avant le vol autour d’un document qui peut prendre la forme d’un diaporama, afin d’étudier collectivement l’intégralité des éléments qui seront effectués pendant l’opération. Un briefing de mission dure entre 30 et 45 mn. Sous cette forme, il n’est pas adaptable à l’activité chirurgicale car beaucoup trop chronophage.
Focus sur ce qui n’est pas standard
En revanche, à l’instar de ce qui se fait dans l’aviation militaire, présenter avant une chirurgie les points qui ne sont pas standards par rapport à la pratique habituelle peut être intéressant. Le briefing militaire se conclut toujours par les points de sécurité suivants : qu’est-ce qui risque de nous tuer aujourd’hui ? Il s’agit dès lors d’aborder uniquement les éléments à garder en mémoire afin d’éveiller la curiosité et l’attention de chacun sur les spécificités de la mission du jour. Chaque patient ayant ses particularités, les membres de l’équipe chirurgicale doivent les maîtriser afin de concentrer, si nécessaire, leur attention sur telle ou telle spécificité. Un briefing pré chirurgie est l’occasion d’évoquer les « What if ». Si par hasard tel événement se produisait, quelle serait l’attitude à adopter, la stratégie à mettre en place ? À charge pour l’équipe d’être prédictive de la probabilité de survenue d’un problème ou de la dangerosité d’un acte, de se questionner et d’échange sur l’événement imprévu ou le plus dangereux qui risque de se produire. S’il se produit, l’équipe active la mémoire du travail effectué lors du briefing et sait agir en conséquence.
Le danger vient de l’intérieur
Le danger vient parfois des individus eux-mêmes. Élaborée par la HAS, la gille ALARM (Association of Litigation And Risk Management) a produit des informations intéressantes sur l’origine des sinistralités. À partir de l’identification de la ou des causes immédiates d’un évènement, la grille ALARM permet de détecter les facteurs contributifs à la survenue de ces erreurs pour les corriger en installant des barrières. Les données extraites récemment renseignent sur les facteurs de sinistralité liés à l’équipe elle-même. 27 % des éléments contributifs à des événements indésirables sont liés à celle-ci. Avec chacun ses failles et ses forces, nous sommes tous susceptibles de créer un dommage. Dans l’aviation par exemple, un jeune pilote a peu d’expérience mais une forte expertise de la machine. Le pilote plus âgé, dispose d’une expérience supérieure mais vole moins souvent. Les deux ont des fragilités en commun – sources d’erreur -, mais aussi des robustesses.
Le débriefing pour comprendre
Afin de réduire ou d’éviter les sinistralités, rester vigilant en toutes circonstances est essentiel. Apprendre de ses erreurs fait également progresser. Dans l’aviation militaire, le vol effectué est systématiquement débriefé pendant une quinzaine de minutes. Le débriefing débute toujours par la remontée des points de sécurité. La sécurité a-t-elle été engagée ? En cas de réponse positive à cette question, le leader incite l’équipe à échanger en donnant toujours la parole au plus jeune car, celui-ci ne s’exprimera pas librement après l’intervention d’un supérieur. Chacun communique sur sa perception du vol, l’atteinte ou non de l’objectif et enfin, les points à améliorer. Traçabilité oblige, tout est renseigné et enregistré, qu’il s’agisse de données et de critères techniques ou non techniques. Les éléments sont consignés pour chaque vol et chaque mission. Pour compléter ce débriefing officiel, les militaires se retrouvent souvent au bar de l’escadron où la liberté de parole est totale. Se réunir dans un lieu neutre, autour d’un café par exemple, est une façon très efficace de débriefer, d’échanger et de partager son expérience. Il n’y a là aucune trace écrite du contenu de l’échange avec pour conséquence une liberté totale d’expression très propice à la communication des émotions. Un temps d’échange formel ou informel est parfois plus utile que la lecture de recommandations. De nombreuses études ont établi que les équipes qui communiquent le mieux sont celles qui ont la meilleure courbe d’apprentissage et les meilleurs résultats.
Vanessa Avrillon, d’après la présentation de Jean-Pierre Henry, Président de Stan Institute, lors du Forum des pratiques professionnelles du CFU 2022.
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