Recommandations pratiques pour la prise en charge du déficit en testostérone
La Société francophone de médecine sexuelle (SFMS) et le Comité d’andrologie et de médecine sexuelle (CAMS) de l’Association française d’urologie (AFU) ont réuni un panel d’experts afin d’élaborer des recommandations françaises pour la prise en charge du déficit en testostérone (DT).
Revue systématique de la littérature entre 01/2000 et 07/2019. Utilisation de la méthode des recommandations pour la pratique clinique (RPC) et de la grille AGREE II.
Le DT se définit comme l’association de signes et symptômes cliniques évocateurs de DT à une diminution de la testostéronémie ou de l’activité des androgènes sériques. Le diagnostic nécessite une T inférieure aux valeurs de référence de l’homme jeune sur 2 dosages successifs. Les troubles sexuels sont souvent au premier plan, et concernent l’ensemble de la fonction sexuelle masculine (désir, excitation, plaisir et orgasme). Les symptômes les plus évocateurs sont : baisse du désir sexuel, disparition des érections nocturnes, fatigue, perte de la force musculaire. Sont également fréquemment retrouvés : surpoids, humeur dépressive, anxiété, irritabilité et mal-être. Le DT est plus fréquent en cas de maladies métaboliques, cardiovasculaires, chroniques, d’antécédents andrologiques, et de traitements corticoïdes, opioïdes, antipsychotiques, anticonvulsivants, antirétroviraux, ou du cancer. La SHBG étant fréquemment anormale, nous recommandons de préférer le dosage des T libre ou biodisponible, plutôt que la T totale. Le traitement du DT nécessite un bilan préalable clinique (TR, examen mammaire) et biologique (PSA, NFS). Les contre-indications au traitement par T sont : cancer de la prostate ou du sein évolutifs, insuffisance cardiaque sévère ou évènement cardiovasculaire récent, polyglobulie, HBP compliquée, projet de paternité. Il est possible en cas de syndrome d’apnée du sommeil appareillé, antécédent psychiatrique, cardiopathie stable, cancer de la prostate en surveillance active et après un an de rémission complète d’un cancer de la prostate localisé de risque faible ou intermédiaire traité de manière curative. Il comporte une supplémentation par testostérone au long cours et des conseils d’hygiène de vie. La surveillance du traitement se fait à 3, 6, 12 mois puis tous les ans. Elle est clinique (TR annuel) et biologique (T totale, PSA, NFS), l’effet secondaire le plus fréquent étant la polyglobulie.
Ces recommandations doivent contribuer à améliorer la prise en charge du DT.
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Il a été observé de longue date que chez l’homme, le vieillissement pouvait s’accompagner de symptômes évoquant un hypogonadisme [1, 2]. On a parlé historiquement de « male climacteric », de « male menopause » ou encore d’« andropause ». De nombreux travaux, en particulier ceux de Deslypere et Vermeulen, ont montré que les taux moyens de testostérone (T) plasmatique et libre chez des hommes de plus de 60 ans en bonne santé, étaient significativement inférieurs à ceux d’hommes jeunes vivant dans des conditions identiques. Les auteurs ont pu mettre en évidence une corrélation linéaire négative significative entre l’âge et les taux plasmatiques de T reflétant une diminution des fonctions testiculaires [3]. Ce phénomène est d’autant plus net si on s’adresse à la testostérone libre ou biodisponible en raison de l’augmentation concomitante de la SHBG. Le caractère progressif, partiel et inconstant de cette diminution des fonctions testiculaires contraste avec l’arrêt complet et définitif de la fonction ovarienne qui survient de manière systématique à la ménopause [4]. C’est la raison pour laquelle le terme d’andropause n’a pas été considéré comme adapté pour désigner ce phénomène et diverses autres dénominations ont été proposées pour désigner l’altération des fonctions testiculaires liées à l’âge : androgen deficiency in ageing male (ADAM) ou déficit androgénique lié à l’âge (DALA), partial androgen deficiency in ageing male (PADAM), late-onset hypogonadism (LOH) ou hypogonadisme de survenue tardive , testosterone deficiency syndrome (TDS) ou syndrome de déficit en testostérone (SDT). Dans ces recommandations, nous utiliserons le terme de déficit en testostérone (DT) qui est le plus unanimement reconnu. Le DT se définit par des signes cliniques évocateurs associés à une baisse des taux de testostérone. Devant la réticence de certains praticiens à traiter le DT et la demande des patients non pris en charge, des spécialistes se sont réunis pour établir des recommandations basées sur les publications scientifiques validées. Celles-ci ont évolué au cours du temps en fonction de l’évolution des connaissances [5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26]. Nous avons examiné les publications les plus récentes pour dégager un consensus adapté aux particularités françaises, tenant compte des données de la littérature.
Ce travail est destiné à l’ensemble de la communauté médicale française, praticiens formés ou non en médecine sexuelle. Ses buts sont :
Ces recommandations sont destinées à la prise en charge du déficit en testostérone de l’homme adulte de plus de 40 ans. Sont exclus les hypogonadismes de l’adulte jeune.
Les recommandations ont été élaborées par le groupe de travail, au terme d’une analyse de la littérature scientifique par interrogation systématique des banques de données bibliographiques médicales et scientifiques pour la période 2000 à 2019 inclus. Au total, dix RPC ont été évaluées à travers la grille AGREE II (Annexe 1) [27]. Parmi ces RPC, quatre se sont révélées pertinentes pour l’adaptation. La bibliographie de ces RPC a constitué la base de références complémentaires pour l’adaptation. Cette base de références a été complétée par des articles considérés comme pertinents par le groupe d’experts, notamment au sein de la littérature la plus récente. Le groupe de travail a réuni un panel d’experts, de différentes disciplines, ayant un mode d’exercice public ou privé, et d’origine géographique variée, qui a identifié, sélectionné, analysé et synthétisé la littérature scientifique utilisée pour rédiger l’argumentaire et les recommandations. Ces recommandations professionnelles ont été élaborées selon la Méthode et processus d’adaptation des recommandations pour la pratique clinique existante publiée par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2007 [28]. Selon le niveau de preuve des études sur lesquelles elles sont fondées, les recommandations proposées ont pu être classées en grades A (preuve scientifique établie), B (présomption scientifique), C (faible niveau de preuve) ou AE (accord entre experts du groupe de travail, après consultation du groupe de lecture) (Tableau 1). Le groupe a délimité le champ de ces recommandations, et proposé des professionnels de santé susceptibles de participer aux groupes de relecture.
Le groupe d’experts en charge de la rédaction des recommandations a déterminé les questions cliniques suivantes :
Le DT est une entité reconnue qui a fait l’objet de nombreuses recommandations internationales par différentes sociétés scientifiques [16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 29]. Le DT est défini par l’association :
Ces recommandations ne retiennent pas de seuil précis de T car il varie trop selon les sources considérées. Les hommes atteints de DT présentent souvent des symptômes sexuels, d’où son importance pour les spécialistes de la médecine sexuelle [30]. Le DT peut également avoir des effets négatifs sur de multiples autres fonctions et entraîner une baisse importante de la qualité de vie [16, 18, 31] (N2, grade B).
Trois études en population générale font référence : l’étude Massachusetts Male Ageing Study (MMAS) [32], l’étude BACH 1 [33] et la European Male Ageing Study (EMAS) [34]. La prévalence du DT varie selon les études publiées de 2 à 18 % en fonction de l’âge, des populations étudiées et de critères diagnostics [16]. Un dépistage systématique du DT dans la population générale n’est pas recommandé (AE) (grade C).
Les facteurs de risque de DT sont :
maladies métaboliques associées à l’insulinorésistance : obésité, syndrome métabolique (SMET), diabète de type 2 (DT2) [35]. Les résultats de l’étude Hypogonadism In Male (HIM) ont montré que 50 % des hommes diabétiques avaient un DT [36] :
La recherche d’un DT est recommandée en cas de signes ou symptômes évocateurs, chez les patients ayant les comorbidités suivantes : maladies métaboliques associées à l’insulinorésistance, maladies cardiovasculaires, antécédents andrologiques, maladies chroniques, prise au long cours de certains traitements médicamenteux (AE) (grade C).
Le DT peut se manifester, sur le plan clinique, par différents symptômes d’importance et de spécificité variables selon les individus et l’importance du déficit hormonal. Ils peuvent concerner la fonction sexuelle, mais ce n’est pas toujours le cas [18, 20, 21]. Ces symptômes sont regroupés dans le Tableau 2 [18, 20, 34, 39]. Les troubles sexuels sont souvent le signe d’appel principal amenant au diagnostic de DT car la T régule toute la fonction sexuelle masculine (désir, excitation, plaisir et orgasme) [40]. Les symptômes les plus évocateurs sont la baisse du désir sexuel et la disparition des érections spontanées nocturnes. Les symptômes non sexuels les plus évocateurs étant la fatigue et la perte de la force musculaire. L’augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC) est souvent retrouvée. Une obésité, en particulier viscérale, un syndrome métabolique, une insulinorésistance et/ou un diabète de type 2 sont également des circonstances évocatrices. Sur le plan psychologique, on retrouve souvent une humeur dépressive, de l’anxiété, une irritabilité ou plus simplement une diminution de la sensation de bien-être. Les signes cliniques évocateurs d’un DT sont :
Le DT doit être recherché dans les situations cliniques comportant un ou plusieurs des signes suivants :
Il y a différentes formes circulantes de la T :
Dans le sang, la T se lie avec :
La T biodisponible (TBD) correspond à la somme TL+T liée à l’albumine. La TL diffuse dans les cellules cibles, et la fraction liée à l’albumine se libère facilement pour diffuser dans les cellules cibles. Par contre, la T liée à la SHBG ne diffuse quasiment pas. Ainsi la TL et la TBD sont les fractions circulantes les plus représentatives de la T qui va agir sur les cellules cibles. L’effet de la T dépend des récepteurs tissulaires, le taux de T n’est donc qu’un reflet approximatif de son action. Les recommandations internationales ont proposé d’utiliser en première intention le dosage de T totale avec des seuils variables (Tableau 3). Ce choix peut être motivé par le fait qu’il s’agit de la méthode de dosage la plus répandue et la plus facilement réalisable partout. Toutefois, une majorité des recommandations [19, 20, 23, 42] soulignent les limites du dosage de T totale et indiquent que pour des valeurs limites il convient de préférer le dosage de la TL ou de la TBD. Les dosages de la TL et de la TBD permettent de s’affranchir des variations de la SHBG, qui sont fréquentes [41] :
La T doit être dosée le matin en raison de son cycle nycthéméral. La présentation clinique peut aider au diagnostic. On ne conseille pas l’application rigide d’un seuil diagnostique basé sur les valeurs de T totale (N2).
Les symptômes de DT correspondent plus aux concentrations de T libre ou bio disponible qu’aux concentrations de T totale (N2).
L’interprétation clinique de la T totale est perturbée par la variabilité interindividuelle importante des concentrations de SHBG (N2).
Le diagnostic de DT peut être fait sur la base des concentrations de TL ou de TBD, même si les concentrations de T totale apparaissent normales (N2).
Nous recommandons de doser la TL ou la TBD plutôt que la T totale (grade B).
Nous recommandons deux dosages le matin à jeun à un mois d’intervalle (AE).
Nous proposons d’utiliser comme valeur de référence la valeur des hommes jeunes (20 à 40 ans) (AE).
À titre indicatif, le seuil de 3,5ng/mL ou 12nmol/L peut être utilisé pour la T totale. Il n’y a pas suffisamment de preuve pour donner un seuil clair de TL ou TBD (AE).
Un test thérapeutique par la T peut être proposé sur une durée de 6 mois chez un homme présentant des symptômes évocateurs de DT mais présentant des concentrations de T totale ou libre en apparence normale. Le traitement devrait être arrêté après 6 mois si aucune amélioration des symptômes n’a été obtenue (AE).
En accord avec les recommandations récentes nous recommandons une démarche diagnostique en 2 temps (AE) :
Une élévation de la prolactine doit avant tout être recontrôlée par un dosage réalisé en milieu de matinée après 20 à 30min de repos. L’hyperprolactinémie confirmée s’accompagne généralement d’une diminution des gonadotrophines et incite à rechercher une pathologie hypothalamohypophysaire par IRM, des dosages thyroïdiens et demander un avis spécialisé (AE).
Nous proposons un algorithme décisionnel pour le diagnostic biologique du DT (Figure 1).
Figure 1.
Algorithme décisionnel pour la prise en charge du déficit en testostérone.
Ce chapitre vise à faire le point sur les liens entre T et risque cardiovasculaire (CV), selon deux thématiques :
De nombreuses études épidémiologiques longitudinales et méta-analyses ont fourni des preuves de l’association entre le DT et une augmentation de la mortalité cardiovasculaire (CV) et de toutes causes [43, 44, 45, 46, 47, 48, 49], notamment chez le diabétique de type 2 [46], en dépit de l’absence de preuves d’un lien physiopathologique [49, 50]. Des études ont révélé des corrélations inverses entre taux de T et sévérité de la maladie CV [51, 52]. Certains auteurs ont conclu qu’une T basse pouvait être un « marqueur » de la maladie CV [46]. Cependant, ces études ne permettent pas de déterminer si une T totale ou TL basse était cause ou conséquence de la maladie CV [50].
Certaines études avaient conclu à une association significative entre le traitement par la T et l’infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux, ou la mortalité [49, 53]. Une alerte importante concernant le traitement par T chez les hommes âgés a notamment suivi l’arrêt prématuré de l’essai « Testosterone in older Male with Mobility Limitations (TOM) » [53] qui portait sur des hommes âgés traités par des doses supraphysiologiques de T, et dans lequel les auteurs ont observé une augmentation des événements CV dans le groupe traité. Cependant, la signification de ces événements a été jugée discutable car ils se sont principalement produits chez les sujets recevant les doses les plus élevées [49, 54]. En conclusion, le faible niveau de preuve de la littérature ne permet pas de statuer sur un éventuel sur-risque cardiovasculaire chez les patients traités par la T. À l’opposé plusieurs études suggèrent une réduction du risque cardiovasculaire lors du traitement par la T d’hommes présentant un DT [55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62], notamment chez les hommes diabétiques de type 2 [46, 51, 63]. Plusieurs méta-analyses [64, 65] ont conclu que le traitement par la T n’était pas associé à une augmentation du risque d’événements CV ou de la mortalité. Une autre méta-analyse récente, [66, 67] a même conclu que le traitement par la T était associé à une réduction de la mortalité globale et CV. De plus, un rôle protecteur du traitement par la T sur la morbidité CV était visible chez les patients obèses. Ces données présentent les preuves les plus convaincantes à ce jour de l’innocuité (voire d’un bénéfice) cardiovasculaire du traitement par la T, avec une diminution de la mortalité quand le DT est clairement défini et traité jusqu’à un remplacement à un niveau physiologique. Cela suggère que les études ayant eu des résultats inverses avaient pu inclure des patients chez lesquels l’indication thérapeutique et/ou traitement et/ou le suivi n’avait pas été correctement menés. Il n’est d’autre part pas exclu que la possibilité qu’un risque accru ait été lié au DT et non à son traitement [52].
Certaines études ont suggéré que le risque thromboembolique veineux (TEV) peut être augmenté en présence d’une thrombophilie même sans hématocrite augmenté, surtout dans les 6 premiers mois après le début du traitement [68, 69, 70, 71]. Cependant, les études cas-témoins et pharmaco-épidémiologiques n’ont pas montré d’augmentation du risque thromboembolique veineux (TEV) sous traitement [68, 69]. Une revue systématique avec méta-analyses récente ayant inclus six essais randomisés (n =2236) et 5 études observationnelles (n =1 249 640) n’a pas montré de preuve d’une association statistiquement significative entre le TEV et la T [72]. L’association est demeurée non significative lorsque l’analyse a été stratifiée par type d’étude : ECR (2,05, IC à 95 % : 0,78–5,39) ; cohorte (1,06, IC à 95 % : 0,85–1,33) ; et cas-témoin (1,34, IC à 95 % : 0,78–2,28). Le risque global de biais était modéré. Par précaution, la FDA a cependant demandé aux fabricants d’inclure un avertissement sur le risque de TEV pour les produits contenant de la T. Une T basse est un facteur de risque de maladie cardiovasculaire (N2).
Le traitement par la T ne semble pas associé à un risque accru de MCV (N1), il pourrait même apporter des bénéfices cardiovasculaires (N1).
Le traitement par la T améliore un certain nombre de paramètres métaboliques associés à un risque accru de MCV, tels que la masse grasse, la dyslipidémie et la résistance à l’insuline (N1).
Les cliniciens doivent informer les patients avec un DT qu’une T basse est un facteur de risque de maladie cardiovasculaire (grade B).
Il convient d’évaluer les facteurs de risque cardiovasculaires avant de commencer le traitement par la T (grade A).
Les patients doivent être informés que le traitement par la T ne semble pas associé à un risque accru de MCV (grade A), il pourrait même apporter des bénéfices cardiovasculaires (grade A).
Le traitement par la T ne doit pas être administré pendant une période de trois à six mois chez les patients après un événement cardiovasculaire (AE).
Les patients doivent être informés que la littérature actuelle n’apporte pas la preuve d’un lien entre traitement par la T et survenue d’événements thromboemboliques veineux (grade A).
La prescription de T augmente l’hémoglobine et l’hématocrite par un mécanisme complexe, impliquant l’inhibition de l’hepcidine [73]. L’action de la T sur la sécrétion d’ érythropoïétine est controversée [73, 74]. Les périodes où la T est à un taux supraphysiologique (comme c’est le cas par exemple dans les suites immédiates d’une injection) en serait responsable. Un taux d’hématocrite supérieur à 54 % contre-indique l’initiation d’un traitement par la T (AE).
Les données de la littérature sont insuffisantes pour émettre des recommandations de dépistage du DT en cas de SAHOS, et concernant la prescription de T dans cette population.
Les patients traités en psychiatrie peuvent présenter des signes non spécifiques de baisse de T indissociables de ceux des troubles de l’humeur et de l’anxiété. De plus, plusieurs médicaments couramment prescrits en psychiatrie entraînent également une diminution du taux de T, notamment les opioïdes et de nombreux antidépresseurs [75]. Plusieurs auteurs [16, 17, 75] proposent que les patients suivis en psychiatrie pour dépression et symptômes neuro-végétatifs associés soient soumis à un dépistage des symptômes sexuels, et recommandent de réaliser un dosage de T totale matinale pour les personnes présentant au moins 3 symptômes sexuels.
Le traitement par la T réduit les symptômes de dépression chez les hommes hypogonadiques, y compris ceux d’âge moyen atteints de syndrome métabolique [76], ceux présentant un DT et ceux utilisant des antidépresseurs [77]. L’effet de la T sur la fonction cognitive demeure controversé [78, 79]. La recherche d’un DT est souhaitable chez les patients présentant un état dépressif (AE).
Le traitement par la T chez les hommes présentant une dépression, peut être évalué et surveillé de la même manière que chez les autres hommes (AE).
Les psychiatres doivent rester impliqués dans la gestion des hommes ayant des symptômes dépressifs et un DT (AE).
Ce chapitre a pour but de faire le point sur les relations entre T et pathologies prostatiques bénignes ou malignes.
De nombreuses études et méta-analyses n’ont montré aucune aggravation des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) chez les hommes traités par testostérone [80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87]. Des données récentes tendraient même à montrer que la supplémentation en T pouvait avoir un effet positif sur certains symptômes de l’HBP [88, 89]. Le traitement par testostérone ne semble pas augmenter la proportion d’hommes ayant des SBAU sévères [90]. La supplémentation en T n’entraîne qu’une augmentation limitée et initiale (dans les 6 premiers mois) du volume prostatique et du PSA [89].
Le traitement par T ne paraît pas augmenter le risque de développer un cancer de la prostate. [91]. Une étude de cohorte portant sur 38 340 hommes a montré que le risque de diagnostiquer un cancer de la prostate était plus faible chez les hommes traités par testostérone que chez les hommes hypogonadiques non traités, et une durée plus longue de traitement par testostérone était associée à une plus grande réduction du risque de diagnostic [61]. Les hommes ayant un cancer de la prostate et une testostérone basse paraissent avoir un risque augmenté de cancer agressif (Gleason élevé, stades avancés) [92, 93].
Le rôle de la T dans le développement et la progression du cancer de la prostate est controversé depuis la première description en 1941 par Huggins et Hodges de l’effet de la castration sur le cancer de la prostate [94]. Le modèle de saturation, initialement décrit par Morgentaler et Traish postule que les récepteurs des androgènes dans la prostate sont saturés à des niveaux relativement faibles de T, et donc qu’une supplémentation en T supérieure au seuil de saturation ne semble pas favoriser la croissance d’un cancer de la prostate [95]. Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses preuves cliniques ont validé ce modèle [96]. Plusieurs études rétrospectives tendent à démontrer l’innocuité de la supplémentation en T chez les hommes ayant eu une prostatectomie radicale, une radiothérapie ou une surveillance active [97, 98, 99]. L’HBP contrôlée n’est pas une contre-indication au traitement par T puisque les symptômes du bas appareil urinaire ne sont pas aggravés sous traitement, même s’ils sont sévères (N2).
Le traitement par la T entraîne une augmentation du PSA, limitée et initiale (dans les 6 premiers mois) (N3).
Le traitement par la T ne paraît pas augmenter le risque de survenue d’un cancer de la prostate (N2).
Les hommes ayant un cancer de la prostate et une T basse paraissent avoir un risque augmenté de cancer agressif (Gleason élevé, stades avancés) (N3).
L’HBP contrôlée n’est pas une contre-indication au traitement par T (grade B).
L’évaluation du risque prostatique d’un homme ayant un déficit en T comporte un toucher rectal et un dosage de PSA, et ceci lors de l’évaluation initiale ou du suivi sous traitement (AE).
Un traitement par la T peut être envisagé chez les hommes ayant eu une prostatectomie radicale avec une histologie favorable (des marges saines, vésicules séminales et ganglions lymphatiques négatifs), une tumeur de bas risque ou de risque intermédiaire et qui présentent un PSA postopératoire indétectable, ceci dans le cadre d’un projet personnalisé de soin, et après un intervalle de sécurité d’au moins 1 an (AE).
De même, un traitement par la T peut être envisagé au cas par cas dans les situations suivantes :
Les patients présentant un cancer de la prostate localement avancé ou métastatique, ne doivent pas être traités, en dehors des protocoles de recherche (AE).
La prise en charge du DT a pour objectif l’amélioration symptomatique avec le moins d’effets secondaires possibles. Elle inclue des modifications du mode de vie et une optimisation des comorbidités. Elle prend en compte les contre-indications aux traitements. La prise de décision doit être partagée avec le patient dans le choix de la formulation appropriée [16, 20, 21, 22, 24, 100]. Le traitement par la T est un traitement de substitution hormonale, au long cours. En France, 5 spécialités sont disponibles. Elles diffèrent selon leur formulation, leur mode d’administration, et l’intervalle de leur utilisation. Il est à noter que la première prescription est restreinte en France, limitée actuellement aux spécialistes en urologie, endocrinologie et gynécologie. Le renouvellement du traitement, par contre, n’est pas restreint. Le répertoire des spécialités pharmaceutiques de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ainsi que les fiches VIDAL des différentes préparations ne tiennent pas compte des recommandations internationales, en particulier en ce qui concerne les contre-indications au traitement, qui par ailleurs peuvent être discordantes d’une formulation à l’autre. Ce chapitre abordera : le bilan pré thérapeutique, les formes galéniques disponibles, les contre-indications, les effets du traitement, les effets indésirables. Seront présentées enfin les recommandations internationales et les recommandations supplémentaires du groupe.
Le bilan préthérapeutique d’un patient devant recevoir un traitement par la T est clinique et biologique.
Sur le plan clinique : un examen général, de la prostate par toucher rectal, une palpation mammaire et testiculaire (AE).
Sur le plan biologique : le dosage de la T, du PSA, et de l’Hb/Ht (AE).
Ces formulations permettent d’obtenir un taux de T stable pour 24 heures [101] (Tableau 4). Ce sont des gels hydro-alcooliques, conçus pour être utilisés quotidiennement. Leur efficacité et sécurité est bien documentée [40, 102]. Après application, le gel sèche en quelques minutes et la baignade est possible 2 heures après. Ces formulations ont pour inconvénient le risque de transfert et d’irritation cutanée. Deux produits sont disponibles en France :
Administration de T par voie intramusculaire (solution huileuse) : 2 types d’injections sont disponibles :
L’UNDECANOATE de testostérone (PANTESTONE®) se présente sous forme de capsules molles dosées à 40mg en boîtes de 60, sous plaquettes. La posologie initiale est de 3 à 4 capsules par jour pendant 2 à 3 semaines puis adaptée en fonction du résultat. Elles doivent être prises au cours d’un repas pour favoriser l’absorption qui se fait par les lymphatiques intestinaux, ce qui évite la dégradation hépatique. Les capsules doivent être avalées sans être croquées avec, si besoin, de l’eau ou une autre boisson.
En France, les contre-indications indiquées par l’ANSM et le VIDAL sont fonction de la spécialité. Elles sont résumées dans le Tableau 5. Les recommandations internationales divergent légèrement en ce qui concerne les contre-indications. Elles sont résumées dans le Tableau 6. Le traitement par T est contre-indiqué en cas de :
Le traitement par la T peut améliorer le désir, la qualité de l’érection et d’autres symptômes sexuels (N1, grade A). Le traitement par la T peut améliorer la fonction érectile chez les hommes pour qui les IPDE5 ont été inefficaces (N2, grade B).
Les taux de T doivent être déterminés chez les hommes présentant une anémie inexpliquée (N2, grade B). Le traitement par la T doit être considéré comme un traitement possible de l’anémie (N2, grade B).
La densité osseuse par absorptiométrie biphotonique (densitométrie osseuse) devrait être envisagée chez les hommes de plus de 50 ans ayant eu un diagnostic de DT et présentant d’autres facteurs de risque d’ostéoporose (AE). Les taux de T devraient être déterminés chez les hommes présentant des fractures pour de faibles traumatismes (N2, grade C). Le traitement par la T augmente la DMO et la solidité des os (N2, grade A). La réduction de la masse osseuse peut être une indication raisonnable de traitement par la T, même chez un homme asymptomatique avec un déficit en T (N2, grade C).
Le rôle des androgènes dans le métabolisme est d’une importance capitale, avec des implications cliniques concernant le syndrome métabolique, l’obésité, la résistance à l’insuline (IR), le DT2 et les changements dans la composition corporelle et les paramètres anthropométriques. Le DT est associé à une réduction de la masse maigre, à une augmentation de la masse grasse, à l’hyperglycémie, à l’hyperlipidémie et à l’insulinorésistance, ce qui contribue à de nombreux dysfonctionnements métaboliques, dont le syndrome métabolique. Un grand nombre d’études, y compris des essais cliniques randomisés, des études d’observation et de registre, ainsi que des méta-analyses, ont documenté le fait que le DT est un facteur de risque indépendant pour le syndrome métabolique [104, 105]. De plus, il existe une relation complexe et multifactorielle entre le DT et l’obésité, ce qui donne à penser que la relation entre DT et l’obésité est bidirectionnelle [106, 107]. Il existe des preuves considérables qui suggèrent que le traitement par la T améliore les composantes du syndrome métabolique, améliore les profils lipidiques, réduit la glycémie et l’hémoglobine glyquée (HbA1c), améliore la sensibilité à l’insuline, réduit l’inflammation, diminue la tension artérielle systolique et diastolique et améliore les fonctions cardiométaboliques [55, 108, 109, 110]. Le traitement par la T entraîne une réduction de la masse grasse et augmentation de la masse maigre (N1).
Le traitement par la T peut avoir un rôle à jouer dans la gestion des troubles métaboliques y compris l’obésité (N3).
Les effets positifs de la T sur les symptômes dépressifs commencent généralement à se faire sentir au bout de 3 à 6 semaines, mais il faut le plus souvent de 18 à 30 semaines pour que le patient ressente une amélioration significative [111].
Dans les 3 premiers mois, on note une amélioration du désir sexuel et de l’état général. À partir de 3 mois, il y a un effet sur l’humeur alors que l’effet sur la masse graisseuse s’installe aux alentours de 6 mois, de même que sur l’insulinorésistance. La densité minérale osseuse est améliorée à partir de 9 mois [17]. Le traitement par la T est un traitement au long cours, à adapter à chaque patient, en fonction de l’efficacité clinique et des contrôles biologiques (grade C).
Les effets indésirables graves liés au traitement par la T sont rares. Ils sont plus significatifs chez les patients âgés et dépendent souvent du mode d’administration. Certains événements indésirables sont liés à des taux supra physiologiques et peuvent être réduits ou disparaître en ajustant la dose ou en passant à une formulation différente [18]. Les injections intramusculaires sont associées à une douleur au site d’injection, à des changements d’humeur, d’énergie et de désir sexuel et, rarement, à une toux immédiatement après l’injection [112]. Les gels transdermiques comportent un risque théorique de transfert interpersonnel, d’irritation de la peau et de fluctuation de l’absorption [112]. D’autres effets secondaires peuvent survenir, indépendamment de la formulation : une augmentation de l’hématocrite et de l’hémoglobine (plus fréquente chez les hommes âgés traités avec des préparations de T injectable), une gynécomastie, un œdème, et de l’acné [112]. Les hommes obèses sont plus susceptibles de développer des effets indésirables du traitement par la T que les hommes de poids normal.
Les préparations disponibles sont efficaces et sûres (grade A).
Le prescripteur doit avoir une bonne connaissance des avantages et inconvénients de chaque préparation (grade C).
Le patient doit participer activement au choix de son traitement (grade C).
Les cliniciens devraient discuter du risque de transfert avec les patients utilisant des gels/crèmes à la testostérone (grade A).
Les fiches cliniques de l’ANSM et du Vidal ne sont pas homogènes entre les différents traitements. Il est à noter qu’elles ne suivent pas les recommandations internationales en ce qui concerne les contre-indications. En particulier, le groupe d’experts souligne l’absence de mise à jour sur certaines contre-indications qui ne sont pas retenues dans les différentes recommandations : adénome de prostate, antécédent de cancer de prostate traité avec succès, toxicité hépatique et pathologies cardiovasculaires (se reporter au paragraphe sur les populations particulières).
Le groupe recommande une révision de ces mentions concernant les contre-indications et précautions d’emploi afin de tenir compte des données actuelles de la littérature.
Le groupe recommande d’adapter les posologies en fonction des résultats cliniques et biologiques.
La surveillance d’un patient sous traitement par la T est clinique et biologique (AE).
Nous recommandons une surveillance à 3, 6 et 12 mois de traitement, puis au-delà, tous les ans (grade 2-B), comprenant :
L’objectif du traitement est de rétablir le niveau de T sérique dans la fourchette moyenne normale des hommes jeunes (AE) :
L’hématocrite doit toujours rester inférieur à 54 % (N2, grade B).
En cas de dépassement, il convient d’ajuster les prises de testostérone, ou de changer de forme galénique, ou de faire des phlébotomies, voire même d’interrompre le traitement jusqu’à retrouver une valeur normale (AE).
Les hommes présentant une augmentation jugée inquiétante du PSA doivent être explorés pour exclure un cancer de la prostate (AE).
La surveillance hépatique n’apparaît pas nécessaire dans le suivi (grade A).
En cas d’épisode thromboembolique, il est recommandé d’arrêter le traitement par la testostérone et de démarrer une anticoagulation (AE).
Chez les sujets qui auraient une diminution de la DMO avant la mise en place du traitement par la testostérone, un contrôle absorptiométrique (densitométrie osseuse) est indiqué après 1 à 2 ans de traitement (AE).
Il n’est pas recommandé de réaliser de traitement par la T chez les hommes ayant un projet de paternité car l’apport en T exogène provoque une diminution de la spermatogenèse (grade A).
Il n’est pas recommandé de prescrire de la dihydrotestostérone (ANDRACTIM®) ou de la déhydroépiandrostérone (DHEA) pour le traitement du DT (AE).
Il est recommandé d’instaurer le traitement par la T, en association avec des conseils de perte de poids, de modification du mode de vie, reprise d’une activité physique régulière et le traitement des comorbidités (N2, grade A).
Les patients doivent être informés que la perte de poids et la modification du mode de vie n’ont pas démontré une amélioration significative des symptômes cliniques à eux seuls (AE).
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Annexe 1. Grille AGREE II
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