Énurésie nocturne primaire isolée : diagnostic et prise en charge. Recommandations par consensus formalisé d’experts
But : Les causes et le traitement de l’énurésie nocturne primaire isolée (EnPI) sont depuis longtemps controversés. Nous proposons un consensus de recommandations pratiques, appuyé sur une analyse formalisée de la littérature et validé par un large panel d’experts.
Méthodologie : Un groupe de pilotage (six experts) s’est appuyé sur le guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations (consensus formalisé – guide méthodologique de l’HAS) pour évaluer le niveau de preuve scientifique (niveaux de 1 à 4) et la force des recommandations (grade A, B, C) des publications sur l’EnPI. Ainsi, à partir de 2003, 223 articles ont été identifiés dont seulement 127 (57 %) avaient un niveau de preuve évaluable. Cette évaluation a été ensuite révisée par un groupe de cotation de 19 membres. Quelques recommandations, mal définies par la littérature, ont dû être proposées par un accord professionnel issu d’une concertation entre les membres du groupe de pilotage et ceux du groupe de cotation. Pour sa validation finale, le document a été soumis à un groupe de lecture de 21 membres de spécialités et d’exercice très diversifiées mais toutes impliquées dans l’EnPI.
Résultats : La définition de l’EnPI est très précise : incontinence intermittente, pendant le sommeil, après l’âge de cinq ans, sans période continue de continence supérieure à six mois, sans aucun autre symptôme associé, en particulier diurne. Son diagnostic est clinique par exclusion de toutes les autres pathologies urinaires. Deux facteurs doivent être identifiés à la consultation : la polyurie nocturne favorisée par les apports hydriques excessifs, une secrétion inversée de la vasopressine, des ronflements et apnées du sommeil. Elle est sensible à la desmopressine ; la petite capacité vésicale évaluée selon un calendrier mictionnel et la formule ICCS. Elle peut s’associer à une hyperactivité diurne du détrusor (30 %). Elle est résistante à la desmopressine. Les troubles associés à l’EnPI sont : le seuil d’éveil anormal ; les troubles avec déficit d’attention et hyperactivité (TDAH) (10 %) ; la baisse de l’estime de soi. La composante psychologique est peu significative.
Conclusion : L’EnPI n’est pas d’origine psychologique. Sa prise en charge comprend : l’évaluation de la tolérance intrafamiliale et de la motivation de l’enfant, évaluation du rythme, du volume mictionnel et des nuits mouillées par calendrier diurne et nocturne ; l’éducation (apports liquidiens suffisants en début de journée, diminution des apports hyperosmolaires le soir, mictions régulières et complètes) ; des traitements spécifiques : desmopressine pour les formes polyuriques (succés attendu 60 à 70 %), alarmes pour les formes à petite capacité vésicale (succés attendu 60 à 80 %) ; traitements de recours et/ou combiné, aux précédents, pour les formes réfractaires : oxybutinine, antidépresseurs tricycliques (danger). Les résultats obtenus par l’hypnose, la psychothérapie, l’acupuncture, l’homéopathie ou la chiropraxie ne sont actuellement pas validés (niveau de preuve trop faible).
Introduction
Méthodologie
Niveau de preuve scientifique fourni par la littérature | Force des recommandations |
---|---|
Niveau 1 | |
Essais comparatifs randomisés de forte puissance | Grade A Preuve scientifique établie |
Méta-analyse d’essais comparatifs randomisés | |
Analyse de décision basée sur des études bien menées | |
Niveau 2 | |
Essais comparatifs randomisés de faible puissance | Grade B Présomption scientifique |
Études comparatives non randomisées bien menées | |
Études de cohorte | |
Niveau 3 | |
Études cas-témoins | Grade C Faible niveau de preuve scientifique |
Essais comparatifs avec série historique | |
Niveau 4 | |
Études comparatives comportant des biais importants | |
Études rétrospectives | |
Séries de cas | |
Études épidémiologiques descriptives (transversale, longitudinale) |
![]() |
Type de Groupe | Spécialité d’exercice | Nombre de membres |
---|---|---|
Groupe de pilotage (6) | Urologie pédiatrique | 2 |
Pédiatrie | 2 | |
Néphrologie pédiatrique | 1 | |
Médecine générale | 1 | |
Groupe de cotation (19) | Urologie pédiatrique | 6 |
Pédiatrie | 3 | |
Néphrologie pédiatrique | 3 | |
Pedopsychiatrie | 2 | |
Gynecopédiatrie | 1 | |
Rééducation | 1 | |
Médecine générale | 1 | |
Centre énurésie | 1 | |
Médecine scolaire | 1 | |
Groupe de lecture (55 dont 21 [38 %] réponses utilisables) | Urologie pédiatrique | 2 |
Pédiatrie | 22 | |
Néphrologie pédiatrique | 11 | |
Pedopsychiatrie | 1 | |
Rééducation | 1 | |
Médecine générale | 17 | |
Médecine scolaire | 1 |
Résultats
Synthèse des recommandations
La physiopathologie conditionne la thérapeutique
Étiologies de l’EnPI
Elle permet de distinguer deux formes principales d’EnPI chez l’enfant recevant un apport hydrique approprié et harmonieusement réparti :
-
la forme polyurique pure avec capacité fonctionnelle vésicale normale et une forme caractérisée par une faible capacité vésicale. Pour les formes polyuriques avec osmolarité basse (<800mosm/l), les mécanismes physiopathologiques de la polyurie nocturne sont multiples et parfois controversés. L’inversion du rythme nycthéméral de la sécrétion de DDAVP est le mieux connu, mais n’est probablement pas le seul facteur. Ce type d’énurésie est sensible à la réduction des apports hydriques et à la desmopressine (niveau A). Les apnées du sommeil et/ou l’encombrement sévère du carrefour ORL favorisent une polyurie par l’hypercapnie et leur traitement peut améliorer l’EnPI (niveau C) ;
-
la forme à faible capacité vésicale définie par une réduction de 70 % de la capacité fonctionnelle évaluée sur un calendrier mictionnel de 48heures et rapportée à la capacité vésicale théorique appréciée selon la formule ICCS (CVml=30×[âge en années+1]). Cette forme est généralement réfractaire à la desmopressine et s’accompagne dans 30 % des cas d’une hyperactivité nocturne du détrusor (niveau B).
Sommeil et seuil d’éveil
Facteurs génétiques
Estimation des troubles associés
Le diagnostic est clinique
Il est souhaitable de définir l’intensité de l’EnPI en se basant sur les seuils les plus souvent utilisés dans les études épidémiologiques ou thérapeutiques :
-
modérée (en moyenne : moins de un épisode par semaine) ;
-
moyenne (en moyenne : d’un à deux épisodes par semaine) ;
-
ou sévère (au moins trois épisodes par semaine).
Prise en charge thérapeutique
Règles hygiénodiététiques
Prescriptions hygiénodiététiques :
-
mieux répartir les apports en eau et choisir les boissons (niveau B). Les apports liquidiens recommandés chez l’enfant énurétique restent normaux (soit 45 à 60ml/kg) mais à absorber entre sept et 18heures. Un petit déjeuner avec un apport liquidien représentant 1/3 des besoins quotidiens. Diminuer le plus possible les apports hydriques après 18 heures. L’apport liquidien tout au long de la journée doit privilégier les eaux de boisson peu minéralisées. Supprimer en fin de journée les boissons sucrées et les boissons gazeuses, ainsi que les aliments très salés. Limiter le soir l’apport calcique en modérant les apports de laitage ;
-
promouvoir des mictions régulières dans la journée (niveau B).
Traitements spécifiques
Les patients motivés et non guéris par les seules prescriptions hygiénodiététiques devraient recevoir un traitement spécifique pour leur EnPI et le traitement initial devrait être proposé à partir de six ans en fonction du type d’EnPI (niveau A).
-
la desmopressine (comprimé à partir de 0,2mg, lyophilisat à partir de 120?g) est le traitement de choix dans l’EnPI associée à une polyurie nocturne et réfractaire aux seules mesures hygiénodiététiques (niveau A). Le taux de répondeurs (réduction d’au moins 50 % du nombre de nuits mouillées) est de 60 à 70 % à six mois sous traitement [10]. Le médecin doit informer le patient et ses parents des règles de bon usage de la desmopressine selon le RCP ;
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les systèmes d’alarme sont efficaces (aucune nuit mouillée) dans 60 à 80 % des cas sur une moyenne d’utilisation de trois mois (niveau A). Les résultats sont d’autant meilleurs que l’utilisation de l’alarme est associée dès le départ à un suivi comportemental et un soutien de la motivation familiale [12] ;
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•l’oxybutynine peut être prescrite en seconde intention en monothérapie lorsque les traitements spécifiques ont échoué, chez les enfants suspects d’avoir une faible capacité vésicale nocturne (niveau B) ;
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les traitements combinés : certaines énurésies sont réfractaires à une monothérapie. Chez ces patients, différents traitements combinés peuvent être proposés [13] :
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desmopressine et alarme (niveau A),
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desmopressine et oxybutynine (niveau B),
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alarme et oxybutynine (niveau B).
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