Courbures congénitales du pénis : recommandations du Comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’Association française d’urologie
La courbure congénitale du pénis (CCP) est une pathologie qui n’a à ce jour pas fait l’objet de recommandations françaises. Le Comité d’andrologie et de médecine sexuelle (CAMS) de l’Association française d’urologie (AFU) propose une série de recommandations de pratiques cliniques (RPC) répondant à cinq questions cliniques concernant le diagnostic et le traitement de cette pathologie.
Ces recommandations ont été réalisées après recherche bibliographique entre 2000 et 2021, suivie d’une lecture critique selon la méthode RPC, afin de répondre à cinq questions : (1) Quels sont les différents types de CCP ? (2) Quels sont les motifs de consultation ? (3) Quelles sont les modalités d’évaluation des CCP et de leurs conséquences ? (4) Quelles sont les indications de traitement des CCP ? (5) Quelles sont les modalités thérapeutiques de la prise en charge des CCP ?
Il existe deux phénotypes principaux : la CCP de type 4 (la plus fréquente) et les chordées sans hypospade. Le diagnostic de CCP est clinique et établi sur l’interrogatoire et l’examen clinique associé à des photos du pénis en érection. Une prise en charge peut être proposée si la courbure est responsable d’un handicap et/ou d’une insatisfaction sexuelle liés à une déformation rendant la pénétration difficile et/ou en cas de retentissement psychologique significatif. Seuls les traitements chirurgicaux ont fait preuve de leur efficacité. Pour les CCP de type 4, les corporoplasties de l’albuginé (avec excision, incision, ou sans incision) sont le traitement de référence.
Ces recommandations devraient être un support pour la prise en charge des patients consultant avec une CCP.
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Les courbures congénitales du pénis (CCP) n’ont pas fait l’objet de recommandations de pratiques cliniques par le Comité d’andrologie et de médecine sexuelle (CAMS) de l’Association française d’urologie (AFU). Cette pathologie peu abordée dans le rapport du congrès de l’AFU sur la médecine sexuelle en 2012 [1] avait uniquement fait l’objet d’un article de synthèse du CAMS en 2014 [2]. Depuis 2014, deux recommandations spécifiques sur les CCP ont été publiées par des sociétés savantes nationales et internationales [3, 4]. Nous avons donc souhaité rédiger des recommandations de pratiques cliniques permettant de guider les praticiens dans la prise en charge des CCP. Les objectifs de ces recommandations sont de répondre à cinq questions cliniques :
Une recherche bibliographique a été effectuée, sur la base Pubmed, avec une limitation aux revues systématiques et méta-analyses, recommandations et articles originaux publiés en anglais ou français, sur la période entre 2000 et 2021. Les mots clés utilisés étaient : (« penis » OR « penile » OR « erectile ») AND (« deviation » OR « curvature » OR « angle ») AND « congenital ». L’autre recherche comprenait (« chordee » ou « hypospadism ») AND (« without ») AND « hypospadias ». Les articles ont été examinés en fonction des titres et des résumés. Les articles finaux ont été sélectionnés sur le texte original. Seuls ont été inclus les articles traitant des CCP chez l’adulte. Les courbures du pénis associées à une malformation de la plaque urétrale (hypospadias et épispadias) ainsi que les courbures du pénis acquises liées à la maladie de Lapeyronie ne sont pas traitées dans ces recommandations. Les articles incluant à la fois des patients atteints de CCP et des patients atteints de maladie de Lapeyronie étaient sélectionnés uniquement s’ils analysaient spécifiquement les CCP.
La méthode RPC (recommandation des pratiques cliniques) a été utilisée. Les références ont été classées selon leur niveau de preuve assorti d’un grade de recommandation chaque fois que pertinent, en utilisant le système de classification modifiée de l’Oxford Centre for Evidence-based Medicine Levels of Evidence [5].
Les recommandations ont été rédigées selon la méthode RPC par les membres du CAMS de l’AFU. Le document a ensuite fait l’objet d’une relecture par vingt-quatre experts dans le domaine. Ces recommandations sont assorties d’un grade (fort, modéré, conditionnel) lorsqu’un nombre suffisant de publications était disponible et qu’un niveau de preuve pouvait être établi (A, B ou C). En l’absence de publications les recommandations étaient gradées en principe clinique ou avis d’expert (Tableau 1).
Les CCP sont caractérisées par la présence d’une courbure congénitale lors de l’érection, sans anomalie de l’urètre de type hypospadias, épispadias ou exstrophie. L’incidence précise de cette pathologie reste méconnue, rapportée à 0,6 % [6] de la population masculine mais probablement sous-estimée. L’étiologie précise des CCP reste méconnue et plusieurs facteurs ont été évoqués comme responsables des CCP, tels que l’hypoplasie ventrale du fascia de Buck, du dartos, et du corps spongieux, une croissance disproportionnée des corps caverneux ou un corps spongieux court [4]. Une classification des CCP a initialement été proposée puis complétée comprenant cinq types [7, 8] :
Néanmoins cette classification est difficilement utilisable en pratique clinique. En pratique, on retient deux grands phénotypes [9] :
Cette séparation en deux groupes permet de définir des prises en charge spécifiques.
À l’âge adulte, deux situations peuvent survenir motivant une consultation pour CCP :
Le diagnostic de CCP est posé sur les données de l’interrogatoire, de l’examen clinique et des photos du pénis en érection. L’évaluation a pour objectif de définir le type de CCP, caractériser la déformation, évaluer les conséquences fonctionnelles, l’impact psychologique de la déformation ainsi que son retentissement chez les éventuels partenaires. L’évaluation permettra d’exclure les diagnostics différentiels et anticiper les effets du traitement. Afin de pouvoir évaluer correctement la déformation du pénis, trois photos en érection prises par le patient en position debout sont nécessaires : vue du dessus, de profil et de face afin d’établir une mesure de la courbure [10]. En cas de rigidité insuffisante lors de la prise des photos, celle-ci doivent être refaites pour ne pas minimiser la courbure. Dans certain cas un traitement pharmacologique ou mécanique d’aide à l’érection peut être proposé en absence de contre-indication et après information du patient des risques de ces traitements, notamment de priapisme. La longueur du pénis doit être évaluée. Il n’existe pas de protocole standardisé de mesure de longueur du pénis mais il est conseillé que le pénis soit mesuré à l’état flaccide en traction maximale sur sa face dorsale, depuis la base jusqu’au gland. Afin de limiter les variations de mesure du pénis, trois étirements successifs doivent être réalisés avant la mesure de la longueur du pénis [11, 12]. Aucun questionnaire n’a été établi pour l’évaluation spécifique de la CCP. l’évaluation de la qualité de l’érection pourra être réalisée à l’aide d’un questionnaire dédié (IIEF, EHS) [13, 14], bien que la présence d’une courbure limite leur interprétation. De même, la souffrance psychologique pourra être évaluée par des questionnaires spécifiques. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire. L’évaluation mettra en évidence une courbure homogène du pénis en érection existante depuis l’enfance. La déformation est le plus souvent stable ou peut s’être accentuée lors de la puberté avec la croissance du pénis. La courbure est le plus souvent ventrale, mais des formes latérales, dorsales et mixtes existent. La courbure est rarement supérieure à 60° [1, 8, 15]. Quel que soit le type de courbure, le méat urétral est placé au somment du gland (pas d’hypospadias). Il n’y a aucun signe de maladie de Lapeyronie (pas de plaque palpée ni d’induration du pénis, pas d’évolution de la déformation, pas de raccourcissement du pénis, ni de douleur, ni de déformation complexe en sablier ou en charnière). Pour la CCP de typique (4 et 3), la verge est bien développée souvent avec une largeur et une longueur supérieure à deux DS [16]. Pour la chordée sans hypospadias, la courbure est principalement ventrale parfois associée à une torsion, et la taille du pénis normale ou courte. À l’examen clinique, la palpation de l’urètre peut mettre en évidence une hypoplasie du corps spongieux (avec une fusion ventrale médiocre ou une division spongieuse précoce) ou des adhérences du corps spongieux aux fascias de Buck ou à la peau [9].
Chez les patients présentant une CCP, la déformation peut être responsable d’un handicap sexuel (réel ou ressenti) important et d’une insatisfaction sexuelle, due en général a une déformation significative rendant la pénétration difficile [3, 17]. Par ailleurs, l’impact psychologique de la déformation du pénis peut être important ayant pour conséquence une dégradation de leur l’image corporelle [18].
Un traitement peut être proposé si la courbure est responsable d’un handicap sexuel important et/ou d’une insatisfaction sexuelle rendant la pénétration difficile et/ou en cas de retentissement psychologique majeur. Actuellement, il n’y a pas de consensus sur le degré de courbure à partir duquel un traitement peut être proposé. Les CCP avec une déviation supérieure à 30° sont en général traitées chirurgicalement [19], néanmoins pour des courbures inférieures des chirurgies peuvent être proposées en prenant en compte le souhait du patient, son handicap sexuel, le retentissement psychologique, la taille, l’élasticité du pénis et la forme de la courbure [20]. Chez l’adolescent ou l’adulte jeune n’ayant pas encore eu de rapports sexuels, une chirurgie peut être discutée au cas par cas selon l’importance de la courbure et de la détresse psychologique. Chez l’adolescent, l’âge optimal de correction n’est pas consensuel. En effet le développement du pénis se poursuit durant la puberté, ce qui peut modifier la courbure. Ainsi l’évaluation exact de la déformation ne peut se faire qu’à la fin de celle-ci ce qui incite à une correction à l’âge adulte. Cependant avoir une apparence normale des organes génitaux pendant la puberté est nécessaire au bon développement psychosexuel et une correction tardive de la CCP impacte négativement la qualité de vie de ces patients, motivant des chirurgies perpubertaires [21].
Il n’existe pas de traitement médical permettant de corriger une CCP. Les traitements de référence sont chirurgicaux [22].
Une information claire et objective sur l’efficacité et les complications de l’intervention doit être délivrée au patient avant tout traitement chirurgical. La satisfaction postopératoire est conditionnée par des attentes pré opératoires réalistes et la compréhension des résultats attendus. L’objectif principal de la chirurgie est de corriger la courbure afin d’améliorer les difficultés sexuelles tout en conservant une érection rigide et une longueur satisfaisante du pénis. La définition du succès chirurgical varie selon les études mais la plupart le définissait comme l’obtention d’un pénis droit ou avec une courbure résiduelle de moins de 15–20° [19]. Dans certains cas particuliers, une correction partielle peut être envisagée en accord avec le patient afin de limiter la morbidité de la chirurgie. La technique chirurgicale de référence en cas de CCP est la corporoplastie, il en existe trois type [2] :
Les techniques de corporoplastie exposent à un raccourcissement du pénis. Les patients ayant une CCP de type 4 ont le plus souvent une taille du pénis avant chirurgie leur permettant de conserver un pénis de dimension dans les limites de la normale après correction facilitant ainsi l’acceptation de cet effet secondaire. Pour toutes ces techniques, l’incision cutanée est le plus souvent coronale avec dégantage du pénis. Des abords électifs sont également possibles [23]. Une dissection latérale ou médiane des bandelettes vasculo-nerveuses peut être nécessaire en cas de courbure ventrale [24]. De même, une dissection de l’urètre peut être nécessaire en cas de courbure dorsale.
Il s’agit du traitement chirurgical fréquemment réalisé pour la correction d’une CCP. La technique initiale a été décrite par Nesbit [25]. Des modifications de la technique ont ensuite été proposées pour améliorer les résultats et limiter les effets secondaires [26].
L’intervention consiste à exciser une ou plusieurs ellipses d’albuginée en regard de la zone de courbure maximale. Les zones excisées sont ensuite fermées transversalement en utilisant des fils résorbables ou non [27, 28]. Des alternatives à cette technique ont été proposées avec des excisions limitées en taille et en profondeur de l’albuginée [29, 30, 31].
Les taux moyens de succès de cette technique sont de 94 % (83–100 %) pour une courbure moyenne de 53° (15–90°) [32, 33]. Les taux moyens de récidive ou de reprise chirurgicale sont estimées à 4,16 % (0–22 %). Une perte de longueur du pénis supérieure à un cm (ou décrite comme significative) est décrite par 8,2 % des patients (0–56 %). La fonction érectile est généralement conservée mais certaines études rapportent des taux de dégradation post opératoire allant jusqu’à 6,6 %.
Il s’agit d’une alternative à la corporoplastie avec excision de l’albuginée, elle est décrite initialement par Yachia [6].
La technique consiste en la réalisation d’une ou plusieurs incisions longitudinales qui sont ensuite refermées de manière transversale.
Les taux moyens de succès de cette technique sont de 94 % (77–100 %) pour une courbure moyenne de 53° (15–90°) [32]. Les taux moyens cumulés de récidive ou de reprise chirurgicale sont estimées à 5,34 % (0–22,7 %). Une perte de longueur du pénis supérieure à un cm (ou décrite comme significative) est décrite en moyenne par 27,9 % des patients (8,8–74 %). La fonction érectile est généralement conservée mais certaines études rapportent des taux de dégradation postopératoire allant jusqu’à 4 %. D’autres approches basées sur la dérotation du corps caverneux proposées par Shaeer permettent une correction de la courbure ventrale en limitant la perte de longueur avec cependant une réduction de la largeur du pénis [34, 35, 36].
Cette approche chirurgicale a été proposée afin de limiter les éventuelles complications liées à l’ouverture des corps caverneux et réduire le temps opératoire [37, 38].
Afin d’éviter le traumatisme théorique lié à l’ouverture des corps caverneux, ces techniques sans incision visent à corriger la courbure en appliquant seulement des fils trans-albuginéaux.
Les taux moyens de succès de cette technique sont de 85 % (35–100 %) pour une courbure moyenne de 56,6° (20–110°) [32]. Les taux moyens cumulés de récidive ou de reprise chirurgicale sont estimées à 9,7 % (0–48 %). Une perte de longueur du pénis supérieure à un cm (ou décrite comme significative) est décrite en moyenne par 38,7 % des patients (18–100 %). La fonction érectile est généralement conservée mais certaines études rapportent des taux de dégradation postopératoire allant jusqu’à 13 %. Quel que soit le type de corporoplastie réalisée il n’a pas été noté de différence significative en termes de récidive en cas d’utilisation de fils non résorbables [39, 40]. Les principaux effets secondaires et complications dues aux chirurgies de corporoplastie à évoquer avec le patient sont : la perte de longueur du pénis, la persistance de la courbure, le risque de modification de la fonction érectile. D’autres plus rare ont été rapportés notamment les troubles de la sensibilité du gland, une gêne liée à la perception des fils de suture ou d’un granulome en regard des fils de suture, un hématome, un phimosis, des douleurs résiduelles, une correction excessive, le développement secondaire d’une zone de fibrose du corps caverneux/maladie de Lapeyronie.
L’utilisation des techniques d’incision–greffe décrites dans la maladie de Lapeyronie est exceptionnelle chez les patients avec une CCP. Elles peuvent être proposées lorsque les corporoplasties ne permettent pas un résultat satisfaisant après une information sur les risques spécifiques de l’intervention.
En cas de chordée sans hypospade, les options chirurgicales sont plus nombreuses et dépendent de l’importance de la courbure, de la taille de la verge, de l’hypoplasie des différentes enveloppes et structure du pénis, et des souhaits du patient. Les techniques proposées varient du dégantage simple, aux plicatures jusqu’à l’incision patch, toutefois les techniques nécessitant une réparation urétrale sont à limiter [41]. Ces recommandations sont complétées d’un algorithme diagnostique et de prise en charge (Figure 1) ainsi que d’une synthèse (Tableau 2).
Figure 1.
Algorithme de prise en charge des hommes jeunes présentant une courbure du pénis, due a une courbure congénitale du pénis.
Ces recommandations précisent les paramètres diagnostiques, les modalités d’évaluation et de traitement des patients présentant une CCP, elles devraient être un support pour la prise en charge des patients consultant avec une CCP.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. |
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