RecoAFU : du nouveau dans la prise en charge du cancer de la vessie
L’application RecoAFU de l’Association française d’urologie va prochainement s’enrichir de nouvelles recommandations pour la prise en charge du cancer de la vessie. Après une décennie sans innovations majeures, à l’exception du nouveau standard de prise en charge en première ligne des carcinomes urothéliaux métastatiques, combinant enfortumab vedotin et pembrolizumab, plusieurs avancées significatives modifient désormais l’approche de cette pathologie à un stade plus précoce.
Pour rappel, l’association d’un anticorps conjugué à une chimiothérapie (enfortumab vedotin) avec une immunothérapie, à savoir le pembrolizumab, dans la prise en charge en première ligne du cancer de la vessie au stade métastatique, est recommandée par l’AFU depuis fin 2023. Elle a été complétée par une innovation encore plus récente concernant les stades localisés de la maladie, spécifiquement pour les cancers de la vessie infiltrant le muscle (TVIM).
L’immunothérapie en sandwich
Une nouvelle avancée scientifique arrive dans RecoAFU, avec l’introduction de l’immunothérapie en contexte périopératoire. L’étude NIAGARA, présentée à l’ESMO 2024 puis actualisée à l’EAU et à l’AUA 2025, a montré l’intérêt d’ajouter du durvalumab (anti-PD-L1) à la chimiothérapie néoadjuvante (gemcitabine-cisplatine) avant une cystectomie totale, suivi d’un traitement par durvalumab en adjuvant, chez des patients atteints d’une tumeur de la vessie infiltrant le muscle localisée. Ces travaux rapportent une réduction significative du risque de récidive et une amélioration du taux de réponse pathologique complète dans le bras expérimental, ainsi qu’une amélioration significative de la survie globale.
« C’est un changement notable dans nos pratiques puisque, depuis 30 ans, nous utilisions uniquement la chimiothérapie néoadjuvante pour ces patients, même si depuis 3 ans, nous avions la possibilité de prescrire de l’immunothérapie en situation adjuvante après la cystectomie pour des tumeurs considérées comme à haut risque de récidive et présentant une surexpression du marqueur PD-L1 », indique Géraldine Pignot, membre du Conseil d’administration de l’AFU. Désormais, l’immunothérapie en sandwich est disponible, avant et après la chirurgie, en complément de la chimiothérapie néoadjuvante. De plus, elle peut être proposée à tous les patients, indépendamment de marqueurs d’expression comme le PD-L1.
Cette évolution soulève toutefois une problématique pour les urologues français, habitués au protocole de chimiothérapie MVAC dose-dense (ddMVAC) en situation néoadjuvante, et dont l’efficacité supérieure en survie sans progression et en survie globale a été démontrée par l’étude française VESPER.
Faut-il alors que les urologues français changent complètement leur stratégie en se tournant vers l’association gemcitabine-cisplatine et en y associant l’immunothérapie en périopératoire ? Faut-il préserver le protocole MVAC en néoadjuvant, puis rediscuter au cas par cas de l’immunothérapie par nivolumab en adjuvant, uniquement pour les patients PD-L1 positifs ?
Des critères décisionnels pour guider les praticiens
L’approche de l’AFU et de son comité de cancérologie – cancer de la vessie ne va pas supprimer une stratégie au détriment de l’autre, mais plutôt proposer deux options dans l’arbre décisionnel : soit poursuivre avec le MVAC et l’immunothérapie adjuvante, soit suivre le modèle de l’étude NIAGARA avec chimiothérapie néoadjuvante par GC plus durvalumab, suivie de durvalumab en adjuvant après la cystectomie.
Plusieurs critères vont guider le choix de la stratégie la plus adaptée. La fonction rénale est déterminante. « L’étude NIAGARA a inclus des patients avec une clairance de la créatinine entre 40 et 60 ml/min, alors que le protocole MVAC nécessite une clairance supérieure à 60 ml/min », précise Géraldine Pignot. « Peut-être pourra-t-on proposer la stratégie GC plus durvalumab à des patients qui, aujourd’hui, étaient inéligibles au MVAC parce qu’insuffisants rénaux », ajoute-t-elle.
L’état général du patient et ses comorbidités constituent un second critère important. La toxicité plus élevée du MVAC, un peu plus difficile à supporter que le GC, conduira éventuellement à orienter certains patients un peu « fragiles » vers la stratégie GC plus durvalumab plutôt que vers le MVAC.
Troisième facteur à prendre en considération : l’expertise française avec le protocole MVAC peut justifier, dans certains centres où les équipes maîtrisent parfaitement sa gestion, de maintenir cette option thérapeutique malgré les résultats de NIAGARA.
Une nouvelle étude NIAGARA en vue pour optimiser la stratégie
Une nouvelle étude, NIAGARA 2, devrait apporter des éclaircissements. Ce nouvel essai, inspiré de NIAGARA mais adapté à la pratique française, évaluera l’efficacité et la tolérance du MVAC seul en néoadjuvant versus MVAC associé à du durvalumab en néoadjuvant, suivi de durvalumab seul en adjuvant.
« Ce n’est pas tout à fait une étude de phase 3 au sens où l’on ne va pas vraiment pouvoir conclure que c’est un nouveau standard, mais elle montrera très certainement que les bénéfices sont du même ordre », observe Géraldine Pignot. Les premières inclusions devraient démarrer en France fin 2025 : « Cela permettra aux oncologues et urologues français, familiers du protocole MVAC, d’apprécier cette association MVAC-durvalumab, et de voir si, en termes de tolérance, il n’y a pas d’autres signaux. »
Avoir deux standards thérapeutiques peut-il être un problème ? « Au contraire, disposer de plusieurs stratégies pour nos patients est toujours bénéfique », conclut-elle.
par Pierre Derrouch