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Octobre Rose : dépister les hommes aussi ?

Prostate, sein, ovaire : ces cancers ont parfois une origine génétique. Dans le cancer de prostate par exemple, l’hérédité a un fort impact. Le dépistage et l’enquête génétique des patients à risques peuvent sauver des vies. Les urologues doivent-ils les proposer à leurs patients ?

 

Selon le Dr Guillaume Ploussard, responsable du sous-comité prostate du comité de cancérologie de l’AFU, la réponse est nuancée. « La découverte d’un cancer du sein, de l’ovaire ou de la prostate dans une famille ne donne pas systématiquement lieu à une étude génétique sur les membres de cette même famille. Des critères précis conditionnent la nécessité de déclencher une enquête pour déceler une éventuelle anomalie du gène BRCA ». Le gène BRCA 1 expose au risque de développer un cancer du sein et de la prostate. Le BRCA 2 est associé au cancer du sein et de l’ovaire chez la femme et au cancer de la prostate dans une forme très agressive chez l’homme. Le risque de développer un cancer de prostate est de 1,3 fois supérieur si le patient est BRCA 1 et de 2,6 fois supérieur s’il est BRCA 2.

Ce qui doit alerter

Chez la femme, la survenue d’un cancer du sein bilatéral avant 40 ans impose la recherche de mutation du gène BRCA. Chez l’homme, c’est un cancer de prostate apparu précocement, avant 50 ans et sous une forme d’emblée agressive avec métastases qui doit alerter. Outre l’âge de survenue du cancer, d’autres critères justifient l’enquête génétique comme la présence de cancers associés (pancréas, sein, prostate et ovaire) chez le patient lui-même ou chez des membres de sa famille auxquels il est apparenté de premier ou second degré. Lorsque les critères sont réunis, « les sénologues vont systématiquement proposer l’enquête génétique aux femmes pour un dépistage très précoce de cancer de l’ovaire ou du sein, mais plus rarement aux hommes », fait remarquer le Pr Pierre Mongiat-Artus, membre honoraire du Comité de Cancérologie de l’AFU et responsable du comité d’éthique et de déontologie. « La présence d’un cancer du sein ou de l’ovaire dans une famille doit donner lieu à une enquête génétique chez les hommes également, car un cancer de prostate peut être développé », ajoute le spécialiste.

Le rôle de l’urologue

Lorsque la recherche de mutation du gène BRCA chez une femme s’avère positive et que la femme est porteuse de l’un des deux gènes, il y a donc une indication à faire tester les hommes de la famille. « S’il y a eu des cancers du sein sans recherche de mutation et que l’histoire familiale est importante avec plusieurs cas de cancers dans l’arbre généalogique, une attention particulière devra se poser sur les hommes et une recherche de mutation sera conseillée. Car, le risque de développer un cancer est élevé », explique le Dr Ploussard. Concrètement, soit la mutation est prouvée dans la famille et l’on va étudier cette même mutation chez son patient, soit la forme héréditaire est plausible et justifie également la recherche d’une anomalie de l’un des deux gènes BRCA. À charge donc pour les urologues d’interroger systématiquement leurs patients sur l’histoire familiale. Si des cancers de prostate, ovaire, sein ou pancréas existent chez plusieurs apparentés du premier degré et a fortiori dans le cas de cancers de prostate précoces ou de cancers du sein bilatéraux et précoces, l’urologue déclenche une consultation d’oncogénétique. Réalisée par un onco-généticien, l’enquête oncogénétique comprend un examen avec recherche sur les lymphocytes sanguins. Il est à noter tout de même que 30 % des patients mutés n’ont pas d’antécédents familiaux et que certaines familles comptent parfois trop peu de membres pour qu’il puisse y avoir une histoire familiale. Une extrême vigilance s’impose donc aux spécialistes.

Des Recommandations récentes

Le gène BRCA 2 représente 3 à 5 % des cancers de prostate diagnostiqués, soit environ 2 500 patients par an. Au vu de ces chiffres, depuis deux ans, les Recommandations insistent sur l’importance de proposer aux patients une enquête génétique. Alors que l’on dénombre en France 50 000 nouveaux cas de cancer de prostate chaque année, il serait inenvisageable d’adresser l’ensemble des patients en consultation d’oncogénétique. Ce, d’autant que l’enquête peut s’avérer longue en raison du manque de spécialistes. Une récente étude de l’INCa fait état d’un minimum de 6 mois d’attente (pouvant aller jusqu’à 1 an dans certaines régions) pour obtenir un rendez-vous avec un onco-généticien, auxquels il faut ajouter 6 mois supplémentaires nécessaires à la récupération du résultat de la prise de sang. Si les urologues sont habilités à prescrire le test génétique à la condition de fournir une information pertinente à leurs patients, ils respectent globalement la filière des onco-généticiens.

L’accompagnement du patient

Lorsqu’une mutation du gène BRCA est mise en exergue, l’onco-généticien propose au patient de contacter les membres de la famille et de tester aussi bien les hommes que les femmes.
Quant au patient porteur d’une mutation du gène BRCA et en particulier s’il est BRCA 2, il est réadressé à son urologue qui met en place un programme de dépistage annuel dès 40 ans avec dosage de PSA, toucher rectal et souvent IRM prostatique. « Concernant les IRM, leur fréquence n’est pas encore clairement déterminée en France alors que le PSA s’avère parfois trompeur », remarque le Dr Ploussard. « Dans les pays scandinaves, les dépistages systématiques avec IRM annuelles sont déjà instaurés pour les hommes avec mutations ». Lorsque la maladie survient chez les patients BRCA 2, même si elle n’apparait pas comme étant très agressive au moment du diagnostic, la surveillance active peut être déconseillée. « Ce sont souvent des patients que l’on traite précocement car on connaît le risque d’agressivité de la maladie. Ils peuvent maintenant bénéficier à un stade avancé de traitements ciblés avec des molécules adaptées et très efficaces ». Un argument en faveur de l’enquête génétique qui va permettre au patient d’être traité rapidement sur la base d’une thérapeutique spécifique.

 

Vanessa Avrillon
11-10-2022

Crédit photo : AdobeStock_390566015

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