Depuis la publication des dernières recommandations de l’AFU sur la prise en charge des calculs rénaux, les pratiques ont considérablement évolué. La lithotritie extracorporelle (LEC) est un traitement de référence et ses indications sont bien codifiées. La chirurgie percutanée (NLPC) conserve une place prépondérante dans le traitement des calculs coralliformes et complexes du rein. L’urétérorénoscopie souple (URSS) s’est développée et trouve désormais une place de premier plan dans certaines indications. Nous considérerons un patient index pour établir ces recommandations. Ce patient est typiquement porteur d’un calcul du rein non compliqué et possède deux reins fonctionnels. Le plateau technique est supposé complet.
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Lithotritie extracorporelle |
L’apparition de la LEC dans les années 1980 a modifié radicalement la prise en charge des calculs du rein. Les développements récents des machines de dernière génération ont permis d’obtenir des outils ayant une efficacité proche de celle des machines de première génération avec un coût plus faible pour les différentes localisations des calculs. La LEC est réalisable en première intention à tous les âges [1, 2]. La LEC peut être utilisée pour traiter la majorité des calculs du rein [3, 4, 5, 6, 7]. Cependant, les résultats et les complications varient selon les caractéristiques du calcul : par exemple pour des calculs de plus de 30mm, on observait seulement 30 % de succès et 30 % de complications [8].
Les contre-indications de la LEC sont : la grossesse, un obstacle en aval du calcul, l’anévrisme de l’artère rénale ou de l’aorte, l’infection urinaire non traitée et les troubles de la coagulation non corrigés [9].
Les caractéristiques anatomiques du patient peuvent empêcher la réalisation d’une LEC : malformations orthopédiques, obésité majeure.
Les dispositifs médicaux implantables (pace-maker) ne sont pas une contre-indication à la LEC mais imposent une consultation de rythmologie au décours de la séance [10, 11].
L’anatomie de la voie excrétrice urinaire supérieure doit être connue avant une LEC.
Il est recommandé de ne pas dépasser deux séances de LEC pour le même calcul.
La mise en place systématique d’une sonde JJ avant LEC n’est pas recommandée [1].
Les résultats de la LEC dépendent de la taille (ou mieux du volume), du nombre, de la localisation et de la composition supposée des calculs, de la morphologie des cavités pyélocalicielles et de l’expérience de l’opérateur.
Le taux de sans fragment (SF) varie de 30 à 76 % selon la taille et la localisation des calculs traités [12, 13]. Certains facteurs anatomiques pouvaient influencer les résultats de la LEC pour les calculs caliciels inférieurs [14, 15, 16, 17, 18, 19].
Le taux de SF après la LEC dépend de la densité du calcul et de sa nature. Les résultats de la LEC pour les calculs de densité supérieure à 750–1000 unités Hounsfield ou durs (oxalate de calcium monohydraté) sont de 30 à 60 % [2, 20].
Ces résultats sont à interpréter avec précautions en l’absence de standardisation des critères et des moyens d’évaluation.
Le taux de récidive après LEC d’un calcul rénal était de 25 % à 5ans [21] et pour les fragments résiduels, le risque de croissance ou de complication était de 20 à 60 % à 3ans [22].
La LEC chez l’obèse s’accompagne de moins bons résultats du fait du repérage plus difficile et de la distance peau-calcul plus importante. Une distance peau-calcul de plus de 10cm serait un facteur prédictif d’échec de la LEC [23].
Les calculs de plus de 20mm ne sont pas de bonnes indications de LEC [24].
Recommandations pour la LEC (patient index)
La LEC est recommandée en première intention pour le traitement des calculs du rein de moins de 2
cm [
25] (grade A).
Elle peut être indiquée en complément de la chirurgie percutanée en cas de fragments résiduels (grade D).
La fréquence optimale de tir recommandée est de 1 à 1,5
Hz car elle apportait dans les séries de patients le meilleur rapport efficacité/tolérance [
26] (grade A).
Il est recommandé de limiter les indications de la LEC pour les calculs de densité supérieure à 1000 UH [
26] (grade A).
Il n’est pas recommandé de réaliser une LEC sur des calculs caliciels asymptomatiques de moins de 5
mm [
22,
27,
28,
29] (grade A).
Il est recommandé de réaliser la séance de LEC avec un repérage itératif (radioscopie) ou en temps réel (échographie) [
7,
30] (grade A).
Chez l’enfant, le traitement de référence est la LEC compte tenu de la compliance urétérale [
31].
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Traitement endoscopique rétrograde |
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| Généralités sur le traitement endoscopique rétrograde (urétéroscopie) |
Durant les 10 dernières années, l’urétéroscopie souple (URSS) a permis de modifier la prise en charge des calculs du rein.
La fragmentation endoscopique reposait sur l’utilisation d’un laser Ho-YAG [32, 33, 34],
L’URSS peut être réalisée lorsque la LEC est inefficace, contre-indiquée ou non réalisable [35].
L’URSS a prouvé son efficacité pour le traitement des calculs résistants à la LEC (densité>1000UH, oxalate de calcium monohydraté, brushite, cystine) [36, 37].
L’URSS est en concurrence avec la LEC pour le traitement des calculs de taille inférieure à 2cm. Pour ceux de moins de 1cm, le taux de SF est de 80 % en une seule séance et de 72 % pour ceux de 1 à 2cm [38]. Pour les calculs de plus de 2cm, le taux de SF atteint 75 % au prix de plusieurs séances [39, 40, 41].
Aux États-Unis, pour les calculs de moins de 2cm, le rapport coût/efficacité montre un bénéfice en faveur de l’URSS par rapport à la NLPC en termes de morbidité et de durée de séjour avec des taux de SF équivalents [41].
Certains auteurs rapportent l’utilisation de traitements combinés : NLPC et URSS [42, 43].
En cas d’obésité majeure, de troubles de la coagulation ou de malformation rénale (rein en fer à cheval, rein pelvien), l’URSS peut être proposée en première intention [44].
Une enquête de pratique réalisée par questionnaires en 2010 auprès d’un panel d’experts français suggère des critères orientant vers la réalisation première d’une URSS :
• | liés au patient : obésité avec IMC>30, traitement par anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires ;
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• | liés au calcul : échec d’un premier traitement, calculs de cystine ou de densité>1000 UH.
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Recommandations pour l’urétéroscopie souple
Il est recommandé d’utiliser un amplificateur de brillance et un fil guide de sécurité. L’utilisation d’une gaine d’accès urétérale est recommandée mais non systématique [
45,
46,
47].
Il n’est pas recommandé de préparer systématiquement l’uretère par la pose d’une sonde JJ (grade C).
Pour les calculs de moins de 2cm, l’URSS est une alternative à la LEC.
Pour les calculs de plus de 2
cm, l’URSS peut être utilisée en association avec la NLPC. Son utilisation seule n’est à ce jour pas suffisamment évaluée pour la recommander en première intention (grade D) [
48,
49,
50].
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Ablation percutanée (NLPC) |
Le nombre de traitements est stable dans notre pays, mais d’indication restreinte (environ 2500 traitements en 2009) [51].
La majorité des calculs du rein peut être traitée par NLPC.
La ponction du rein est réalisée idéalement par l’urologue lors du geste opératoire [52].
L’utilisation de l’échographie couplée à la fluoroscopie bidimensionnelle a permis de limiter les complications [53].
Dans certains cas sélectionnés, une ponction sous scanner peut être une option [54].
L’utilisation d’un urétrofibroscope peut s’avérer utile pour accéder à certains calices et éviter ainsi une ponction supplémentaire.
Un traitement combiné par double abord (NLPC en décubitus dorsal et URSS) a montré un bénéfice en termes d’efficacité en limitant le nombre de trajets [55, 56, 57].
L’utilisation du décubitus dorsal n’augmente pas le risque de lésions coliques [56].
Pour les calculs du calice inférieur, la LEC, la NLPC et l’URSS sont en concurrence, le souhait du patient peut alors être l’élément de décision [17, 18].
Il n’est pas recommandé de réaliser plus de deux trajets de ponction dans le même temps opératoire [58].
La NLPC est possible chez l’enfant, même si les indications sont rares.
La NLPC est à ce jour le traitement de première intention pour les calculs de plus de 2cm [1, 3, 9].
Un traitement sans drainage (Tubeless ) est possible (pas de néphrostomie±JJ ou sonde urétérale) pour des cas sélectionnés [59].
La mini percutanée a un intérêt limité [60].
Recommandations pour la NLPC
Une tomodensitométrie abdominopelvienne avec injection est indispensable pour planifier le traitement. La présence d’un plateau technique de radiologie interventionnelle accessible est indispensable pour permettre un geste d’embolisation en urgence en cas de plaie vasculaire (grade C).
La NLPC est le traitement de première intention des calculs de plus de 2cm, coralliformes ou complexes du rein (grade B).
Des traitements combinés dans le même temps (NLPC+URSS) ou en plusieurs temps (NLPC±LEC±URSS) peuvent être utiles (grade B).
Il est recommandé de ne pas dépasser deux trajets percutanés [
56].
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Chirurgie ouverte et cœlioscopique |
La chirurgie ouverte conserve aujourd’hui en France peu d’indications (<1 % pour les calculs rénaux).
Cependant, dans certains cas sélectionnés (coralliformes très ramifiés, malformation, scoliose, calcul géant, sténose), la néphrotomie anatrophique a donné de bons résultats (SF : 85 %) sans altération de la fonction rénale [61, 62] (grade C).
La cœlioscopie est faisable pour le traitement des calculs du rein mais il s’agit d’un traitement difficile et rarement indiqué qui peut trouver sa place après échec de NLPC et/ou de l’URSS, en cas de pièce pyélique et calicielle supérieure unique volumineuse ou de rein en fer à cheval [63].
L’abord cœlioscopique du rein permettant une pyélotomie guidée et l’utilisation d’un endoscope flexible ou d’un ureterorénoscope souple peut permettre dans certains cas sélectionnés le traitement de calculs du rein [64], les indications sont exceptionnelles.
En cas de maladie associée : syndrome de jonction, diverticule caliciel (surtout antérieur), ou comme guidage pour la ponction du rein pour la réalisation d’une NLPC (rein ectopique, pelvien, diverticule caliciel), l’abord cœlioscopique apporte un bénéfice (grade C).
Le traitement des calculs est dans l’idéal différé par une dérivation transitoire des urines (sonde JJ ou néphrostomie), qui sont changées régulièrement (toutes les 4 à 6 semaines) à cause de la capacité rapide d’incrustation des prothèses.
Cependant dans certains cas, le traitement endoscopique de calculs urétéraux est possible, permettant alors une courte durée de drainage des urines.
La vaporisation au laser holmium-YAG, ayant alors comme avantage une pénétration tissulaire minimale, associé à un risque faible de lésion fœtale, cependant, aucun travail scientifique n’a prouvé l’innocuité de ce geste [65, 66, 67].
La surveillance des fragments résiduels après traitement nécessite la réalisation d’un ASP et, pour la surveillance de fragments de calculs d’acide urique après alcalinisation, la réalisation d’un scanner non injecté a basse dose centré sur les reins ou d’une échographie.
Pour des fragments résiduels toujours présents 3 mois après le traitement, mesurant moins de 5mm et asymptomatiques, la surveillance impose un contrôle à 6 mois et à 12 mois, puis tous les ans [68] (grade C).
Les fragments symptomatiques ou de plus de 6mm doivent alors faire envisager un « retraitement ». La LEC ou une urétéroscopie souple peuvent être proposées.
Dans le cas de fragments de calcul d’origine infectieuse, notamment en cas de phosphate de calcium, le risque de récidive et de croissance, avec des taux allant jusqu’à 25 % a 2ans, peut imposer un nouveau traitement.
La prise en charge métabolique de ces patients est indispensable pour prévenir la croissance des fragments [69].
La cure de diurèse est alors adaptée si les fragments sont de petite taille et situés dans le calice inférieur ; certains auteurs recommandaient de réaliser aussi une posturo thérapie[70].
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| Dérivation urinaire (type urétérostomie transintestinale) |
Elle impose des artifices techniques, mais tous les traitements peuvent être réalisés. L’urétéroscopie souple peut trouver sa place par voie percutanée antégrade en permettant un abord parfois impossible par l’urostomie [71].
La voie rétrograde est possible chez ces patients en réalisant quelques artifices.
Il peut bénéficier des traitements habituels au prix de quelques précautions : en particulier des énergies modérées doivent être utilisées pour la LEC et l’installation du patient dépend alors de l’orientation de la source des ondes de choc, en décubitus dorsal ou en pro cubitus [72].
En fonction des dimensions et taille du calcul une sonde double J pourra être mise en place avant la LEC pour éviter une anurie ou une insuffisance rénale obstructive. Une NLPC peut être réalisée avec des complications comparables à celles de la NLPC chez des patients porteurs de 2 reins [2].
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| Calculs et syndrome de la jonction pyélo-urétérale |
En cas de calcul associé à une stase certaine, la présence d’une anomalie jonctionnelle doit remettre en question l’indication de la LEC car les fragments ne s’élimineraient pas ; le degré d’obstruction à l’écoulement des urines doit être évalué par des explorations dynamiques avec la recherche d’un pédicule polaire obstructif intermittent ; une évaluation métabolique complète de ces malades est aussi recommandée car l’anomalie anatomique n’explique pas toujours à elle seule la présence de calculs [73].
L’approche laparoscopique peut trouver sa place en permettant alors un traitement du calcul et de l’anomalie anatomique [63].
Par ailleurs, il faut être prudent concernant l’implication réelle d’une anomalie jonctionnelle lorsque le calcul est pyélique avec un bassinet inflammatoire, rétracté, pouvant simuler un rétrécissement jonctionnel qui régresse en général après ablation du calcul. La NLPC est alors une bonne indication [74].
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| Calculs et rein en fer à cheval (RFC) |
Un calcul unique ou des calculs multiples seront traités moins efficacement par la LEC que par la NLPC dont le tunnel d’accès est caliciel moyen [75, 76, 77]. L’extraction du calcul par cœlioscopie (en même temps que la cure d’un éventuel syndrome de jonction associé) n’est pas validée.
Une évaluation métabolique complète de ces malades est recommandée, comme pour tous les patients ayant des calculs.
La LEC peut être le premier traitement de douleurs rapportées à des calculs intradiverticulaires (grade C) ; elle permet 25 % de succès, mais 50 % des patients sont améliorés sur les symptômes ; une surveillance régulière est ensuite nécessaire.
En cas d’échec, il ne sera pas recommandé de répéter des séances de LEC ; une autre technique sera proposée : NLPC pour des diverticules postérieurs ou cœliochirurgie en cas de calcul dans la valve rénale antérieure ; URSS pour les calculs des diverticules antérieurs, caliciels moyens et supérieurs [78].
Une évaluation métabolique complète de ces malades est recommandée, car dans 25 à 50 % des cas, il existe des anomalies [79, 80].
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| Maladie de Cacchi et Ricci |
L’ectasie canaliculaire précalicielle ou rein en éponge (medullary sponge kidney ) est au mieux décrite sur des clichés d’uroscanner ou d’urographie intraveineuse. La diffusion de l’imagerie numérique altère actuellement la qualité de l’image des papilles.
Seuls les calculs intracavitaires symptomatiques, de moins de 20mm, seront traités par LEC de première intention ; une NLPC ou une URSS peuvent être indiquées dans des formes évoluées afin de traiter les calculs intracavitaires ; les calculs intraparenchymateux sont surveillés ; une évaluation métabolique complète de ces malades est recommandée (grade C).
Il faut traiter en premier :
• | le côté le plus symptomatique ou le plus en danger ;
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• | ou le côté où le succès thérapeutique sera le plus rapidement obtenu, donc le plus facile.
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La NLPC bilatérale est possible dans les centres entraînés [81].
La LEC bilatérale en un temps n’a pas d’indication [82].
Par rapport aux précédentes recommandations, les progrès techniques ont fait progresser les indications d’URSS pour le traitement des calculs du rein.
Cependant, la LEC est le traitement de première intention de la majorité des calculs rénaux de l’adulte et de l’enfant.
La NLPC est réservée en priorité aux calculs pyélocaliciels de plus de 20mm. Pour les calculs du rein de taille comprise entre 20 et 30mm, les indications sont discutables, mais la NLPC est plus efficace en un temps que l’URSS et que la LEC.
Les calculs de plus de 20mm ou coralliformes sont traités par NLPC s’il n’est pas prévu plus de 2 trajets de ponction ; au-delà des traitements combinés (NLPC±LEC±URSS) trouvent leur place, la chirurgie cœlioscopique permet le traitement lors d’anomalie associées (syndrome de jonction pyélo-urétérale, diverticule caliciel, ou malformation anatomique [rein pelvien, ectopique]) ; la chirurgie ouverte garde de rares indications.
Le traitement effectué, il faut recueillir les fragments de calculs pour une analyse morpho-constitutionnelle et réaliser un bilan métabolique, faire une enquête étiologique et donner des conseils diététiques afin de prévenir la récidive.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Annexe. Standard, options, recommandations. Tableau récapitulatif.
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Hors nature du calcul | <2 cm | >2 cm | Coralliformes ou calculs complexes | Standard | LEC | NLPC | NLPC±LEC±URSS | NLPC±LEC±URSS | | Options | URS-Souple* | LEC±JJ | | NLPC | URSS | | | Remarques | Si LEC : pas plus de 2 séances à 3 semaines d’intervalle Après PNA : délai de 3 semaines | LEC 4 à 6 semaines après NLPC | Pas plus de deux tunnels dans la même séance | <5mm asymptomatique : pas de traitement systématique | Pas de LEC seule | Chirurgie ouverte (néphrotomie anatrophique) pour coralliforme complexe |
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*Il existe des indications d’URSS en première intention dans des cas particuliers :
• | Échec de LEC.
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• | Troubles de la coagulation (antivitamines K, antiagrégants plaquettaires).
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• | Calculs multiples ou urétéral associé.
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• | Calculs durs (brushite, cystine ou densité>1000 unités Hounsfield).
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• | Obésité (IMC>30), insuffisant rénal chronique.
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• | Particularités anatomiques : rein en fer à cheval, rein pelvien, diverticule caliciel, rein unique.
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• | Selon le souhait du patient.
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