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CHIRURGIE DU CANCER DE LA PROSTATE : Principes de la lymphadénectomie dans le cancer de la prostate

Auteurs : Michel PENEAU Référence : Prog Urol, 2005, 1105 Mots clés : Cancer de prostate, Chirurgie, Curage ganglionnaire

I. Introduction

L’exploration chirurgicale des ganglions pelviens apporte l’information la plus sûre quant au statut ganglionnaire du patient. Ses principes en sont au demeurant bien connus, cependant un certain nombre de questions restent d’actualité :

La lymphadénectomie peut-elle être curative ?

Le pronostic est-il corrélé au degré d’atteinte ganglionnaire ?

Quand pratiquer un examen extemporané des ganglions lymphatiques ?

Faut-il pratiquer des lymphadénectomies plus étendues ?

Quelle place pour les techniques de lymphadénectomie laparoscopiques et mini-invasives ?

Peut-on définir un sous-groupe de patients ayant une faible probabilité de métastase ganglionnaire ?

En définitive, quelles sont les indications de la lymphadénectomie ?

II. La lymphadénectomie peut-elle être curative ?

La question reste débattue. Dans les séries de Bader et de Burkhard une survie prolongée identique à celle des patients pN0 est constatée après prostatectomie totale avec curage extensif en cas d’atteinte ganglionnaire unique en l’absence de traitement adjuvant [3, 5].

Le caractère extensif de la lymphadénectomie aurait un intérêt curatif indépendamment du statut des ganglions. Selon Di Blasio et Bader, le risque de progression est inversement corrélé au nombre de ganglions enlevés qu’ils soient ou non le siège de métastases [3, 9].

A l’inverse, Dimarco ne retrouve aucun avantage en terme de survie sans progression après lymphadénectomie extensive (10).

III. Le pronostic est-il corrélé au degré d’atteinte ganglionnaire ?

La prévalence de l’atteinte ganglionnaire est corrélée directement au stade tumoral, au PSA pré-thérapeutique et au grade histologique [19]. La proportion de ganglions métastatiques semble avoir un impact pronostique [6]. On a établi un risque relatif de décès et de progression (hazard ratio) en fonction du nombre de ganglions métastatiques [2, 11, 21]. Le délai de progression métastatique serait significativement prolongé pour les micro-métastases ganglionnaires (< à 2 mm) en comparaison des atteintes plus étendues [20].

IV. Quand pratiquer un examen extemporané des ganglions lymphatiques ?

Classiquement quand le curage ganglionnaire est réalisé dans le même temps opératoire que la prostatectomie radicale, la décision de procéder à cette dernière repose sur l’analyse extemporanée des ganglions prélevés.

Le problème lié à cette procédure tient au risque élevé de faux négatifs. La littérature fait état d’environ 65 % de sensibilité [8]. Les faux négatifs sont dans leur majorité liés à des micro-métastases sur des petits nodules lymphatiques indétectables à la palpation, mais aussi liés aux limites des techniques de préparation de l’examen extemporané (50 % des faux négatifs se situant sur des tissus non examinés lors de l’analyse extemporanée) [8].

Ces techniques consommatrices de temps sont mal adaptées à la nécessité d’une réponse rapide.

La recherche de micro-métastases par les techniques de marquage immuno-histochimiques ne sont pas encore validées [12, 26].

L’examen extemporané ne peut identifier qu’approximativement les 2/3 des atteintes ganglionnaires métastatiques, par ailleurs, son coût n’est pas négligeable [28].

En conséquence, la pratique d’un examen extemporané n’est pas recommandée devant une tumeur moyennement différenciée (score biopsique de Gleason £ à 7, stade tumoral < à T2b, et ganglions macroscopiquement normaux) [19].

V. Faut-il pratiquer des lymphadénectomies plus étendues ?

Weingartner a montré que le curage doit ramener un minimum de vingt ganglions (par côté) pour s’approcher au mieux du statut ganglionnaire réel du patient [27]. Stone compare 150 patients ayant bénéficié d’une lymphadénectomie « standard » à 39 lymphadénectomies « étendues », il constate non seulement une différence significative en faveur du nombre de ganglions prélevés pour la procédure étendue, 17,8 versus 9,3

(p < 0,05) mais aussi la détection d’un taux 3 fois plus élevé de ganglions métastatiques, 23,1 versus 7,3 (p = 0,02) [22]. Heidenreich fait un constat identique dans une étude comparant 100 lymphadénectomies limitées à 178 procédures étendues avec respectivement un nombre médian de ganglions prélevés de 11 [6-19] versus 28 [21-46] et un taux de ganglions métastatiques de 12% versus 26,2% [14]. Dans cette étude plus de la moitié des ganglions métastatiques sont situés en dehors de la zone prélevée dans la procédure limitée.

De ce point de vue, il apparaît que le groupe ganglionnaire iliaque interne est un des premiers sites métastatiques et que la nécessité de le prélever est évidente [3, 14, 22]. Dans l’étude de Bader portant sur 365 lymphadénectomies avec 24% de N1, le groupe iliaque interne est le siège des métastases dans 58% des cas et est le seul site métastatique dans 19% des cas [1]. Ce site est le siège exclusif des atteintes métastatiques pour 17% des ganglions atteints de la série de Burkhard, 29% de la série de Heidenreich, 19% de la série de Tenaglia [4, 15, 23].

Ces auteurs considèrent que les techniques limitées sont ainsi susceptibles d’ignorer 20 à 30% de l’atteinte ganglionnaire métastatique principalement iliaque interne.

A l’inverse ces mêmes auteurs considèrent qu’il est inutile de rechercher les ganglions présacrés, ceux ci étant rarement métastatiques [15]. Ces notions sont confortées par une étude récente de Wawroschek portant sur la détection, après instillation de technétium 99, des ganglions sentinelles dans le cancer de prostate [26]. L’importance relative des sites de micro-métastases est la suivante : groupe iliaque externe 41,5%, groupe obturateur 22,5%, groupe iliaque interne 27,4%, groupe pré-sacré 4,8%, groupe para-rectal 3,2%.

Au total il apparaît nécessaire d’étendre la lymphadénectomie aux aires ganglionnaires iliaques externes, obturatrices et iliaques internes. Cependant le curage étendu n’apporterait aucun bénéfice par rapport au curage limité pour les patients avec un score de Gleason £ à 6 et un PSA < à 10 ng/ml [14].

VI. Quelle est la place des techniques de lymphadénectomie laparoscopiques et mini-invasives ?

En pratique, la majorité des lymphadénectomies sont limitées aux groupes ganglionnaires iliaques externes et obturateurs.

Laparoscopies et techniques min-invasives permettent d’obtenir un prélèvement ganglionnaire de qualité comparable à la lymphadénectomie limitée à ciel ouvert [19].

Les études comparant laparoscopie et chirurgie à ciel ouvert ont confirmé l’intérêt de la laparoscopie en terme d’analgésie post opératoire, de durée moyenne d’hospitalisation et de délai moyen de retour à une activité normale [19].

La morbidité des techniques laparoscopiques est deux fois moindre que celle de la chirurgie à ciel ouvert [19].

Cependant devant la remise en question des curages limités aux aires iliaques externes et obturatrices susceptibles d’ignorer jusqu’à 30% des atteintes ganglionnaires, ces techniques de curage laparoscopique et mini-invasives devront probablement à l’avenir être rediscutées dans leurs indications et leurs modalités.

VII. Définition d’un sous-groupe de patients ayant une faible probabilité de métastase ganglionnaire

Certains auteurs proposent de ne pas réaliser de lymphadénectomie pelvienne si la probabilité d’un envahissement ganglionnaire est considérée comme « négligeable ».

L’usage de nomogrammes permettant de déterminer le risque d’atteinte ganglionnaire en fonction du stade clinique, du PSA et du score de Gleason biopsique a été validé [7, 17, 18].

Cependant, le risque d’atteinte ganglionnaire établi par ces nomogrammes peut être influencé par la technique même de lymphadénectomie utilisée (curage limité). La comparaison du nomogramme de Partin aux séries de lymphadénectomies étendues sous-estime le risque d’atteinte ganglionnaire métastatique sauf pour les patients ayant un PSA < 10 ng/ml et un score de Gleason < ou = à 7 [1, 14, 15]. Ces conclusions sont confortées par le fait que le caractère extensif de la lymphadénectomie n’apporterait aucun bénéfice par rapport au curage limité pour les patients avec un score de Gleason £ à 6) et un PSA < à 10 ng/ml [14].

L’incidence de la présence de grade 4 biopsique sur le risque de métastase ganglionnaire a été confirmé récemment [13, 16].

Un consensus se dégage pour considérer que les patients avec un PSA < 10 ng/ml, une tumeur < T2a, un score de Gleason < 7 (3+4 ou % de grade 4 < 50%) ont un risque minimal d’atteinte ganglionnaires et sont susceptibles de ne pas bénéficier de lymphadénectomie [19].

VIII. Les indications de la lymphadénectomie

1. Stade localisé T1-T2 et risque faible de métastases ganglionnaires : PSA < 10 et score de Gleason < 7 (3+4 ou % de grade 4 < 50%) et imagerie des aires ganglionnaires non suspecte (niveau de preuve III-2). La lymphadénectomie est optionnelle.

2. Stade localisé T1-T2 et risque élevé de métastases ganglionnaires : PSA > 10 et/ou score de Gleason > 7 (4+3 ou % de grade 4 > 50%) ou une imagerie suspecte des aires ganglionnaires (niveau de preuve III-2). La lymphadénectomie est recommandée.

Si une prostatectomie totale est envisagée, en cas de procédure ouverte, l’exploration des aires ganglionnaires en début d’intervention est recommandée. Si l’évaluation macroscopique est non suspecte, la lymphadénectomie est optionnelle, sans examen extemporané. Si l’évaluation macroscopique montre une induration ou un volume suspect déformant le contour des ganglions, la lymphadénectomie est recommandée, avec examen extemporané s’il est prévu d’interrompre l’intervention en cas d’atteinte ganglionnaire, sans examen extemporané s’il est prévu de poursuivre l’intervention quel que soit le résultat de cet examen (obstruction ou autre raison).

En cas de prostatectomie coelioscopique, la lymphadénectomie est réalisée dans les mêmes conditions qu’en chirurgie ouverte (palpation ganglionnaire en moins). L’examen extemporané demeure optionnel (l’appréciation macroscopique des aires ganglionnaires étant moins précise).

Si une radiothérapie est envisagée, la lymphadénectomie coelioscopique (ou ouverte) en préalable à la radiothérapie est optionnelle. En effet, la lymphadénectomie entraîne une morbidité (4-13%) et le bénéfice de l’acte n’est pas reconnu notamment s’il est envisagé dans tous les cas une irradiation des ganglions pelviens. Elle peut cependant être justifiée (optionnelle) si les modalités du protocole de traitement sont modifiées devant un stade pN1 (radiothérapie exclusive de la loge devant pN0). En dehors de ce cas, la lymphadénectomie coelioscopique (ou ouverte) en préalable à la radiothérapie est optionnelle. En effet, la lymphadénectomie entraîne une morbidité et le bénéfice de l’acte n’est pas reconnu s’il est envisagé dans tous les cas une irradiation des ganglions pelviens.

Conclusion

Le caractère curatif de la lymphadénectomie peut être évoqué en cas de micro-métastase ganglionnaire unique.

Le risque de décès et de progression est corrélé au nombre de ganglions métastatiques.

L’examen extemporané des ganglions peut être évité lorsque le score biopsique de Gleason est £ à 7, le stade tumoral est < à T2b et les ganglions paraissent macroscopiquement normaux.

L’extension du curage aux ganglions iliaques internes est souhaitable chez les patients à haut risque évolutif.

L’intérêt de la laparoscopie et des techniques mini-invasives, en terme d’analgésie post opératoire, de durée moyenne d’hospitalisation et de délai moyen de retour à une activité est confirmée. La nécessité d’un curage iliaque interne est susceptible de modifier, à l’avenir, leurs indications et leurs modalités.

Devant un PSA < 10 ng/ml, une tumeur < T2a, un score de Gleason < 7 (3+4 ou % de grade 4 < 50%) la lymphadénectomie peut n’être qu’optionnelle. Elle est recommandée dans tous les autres cas dans l’intention d’un traitement curatif.

Références

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