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- Covid-19 et calculs urinaires : de l’urgence au suivi à distance, les réponses graduées de l’AFU
- Covid-19 et urologie fonctionnelle, l’indispensable permanence des soins
- Covid-19, des prises en charge adaptées en andrologie et médecine sexuelle
- Informations patients (COVID-19)
- Le coronavirus peut-il provoquer l’infertilité masculine ?
- TVNIM, des pénuries de traitement sous haute surveillance
TVNIM, des pénuries de traitement sous haute surveillance
Depuis plusieurs années, la France comme d’autres pays à travers le monde est confrontée à une pénurie de traitements pour les tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle. L’AFU travaille en étroite collaboration avec l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, pour assurer l’approvisionnement de ces traitements dans les établissements de santé.
En décembre 2019, l’AFU et l’ANSM alertaient sur la pénurie en France de mitomycine C (MMC), une substance antinéoplasique et antibiotique utilisée comme traitement adjuvant des tumeurs de la vessie non infiltrant le muscle (TVNIM) à risque intermédiaire. Simultanément, le signal d’alarme était à nouveau actionné pour le BCG (Bacille de Calmette et Guerin), une préparation immunologique cultivée sur de la bile bovine et utilisée depuis 1976 en instillation intra-vésicale pour les TVNIM à haut risque, soit les formes les plus agressives.
Ces situations ne sont pas nouvelles et font l’objet de la part de l’AFU d’une vigilance permanente, en lien étroit avec l’ANSM. Des mesures ont déjà été prises au dernier trimestre 2019 pour prioriser l’attribution du traitement selon un score défini par le Comité de cancérologie de l’AFU. « L’AFU, société savante référente en urologie, joue son rôle de conseil scientifique pour assurer une bonne utilisation du BCG quand il se raréfie », indique le Pr Yann Neuzillet, secrétaire général adjoint de l’AFU. Par ailleurs, un suivi bi-hebdomadaire des commandes par mail et téléphone a été organisé par l’ANSM et l’AFU avec le laboratoire Medac qui produit le BCG. Après retour à la normale de l’approvisionnement, et compte tenu du contexte de crise du COVID-19, l’ANSM a décidé fin mars 2020 de lever ce contingentement en concertation avec l’AFU et le laboratoire.
Mais, comment en est-on arrivé à ces situations de tension ?
Chronique de pénuries… chroniques
Il faut remonter à 2012 pour observer les premiers déboires du BCG utilisé dans le traitement des TVNIM à haut risque. Sur décision des autorités américaines et canadiennes, le laboratoire Sanofi cesse sa production d’Immucyst® dans son usine de Toronto, au Canada, pour des problèmes de qualité. Il se voit dans l’obligation de moderniser son usine et de réduire la masse salariale au contact du produit, source de contamination. C’était à ce moment la seule BCG thérapie bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France.
Une alternative est trouvée, avec OncoTICE® commercialisé par les laboratoires Merck Sharp and Dohme (MSD) mais sans AMM pérenne sur notre territoire. Medac, firme allemande concurrente, est appelée à la rescousse. Elle dispose d’un produit, le BCG Medac®, qui obtient rapidement une AMM pour la France. Mais, le laboratoire peine à tenir la cadence. Ses chaînes de production ne sont pas dimensionnées pour absorber les besoins des établissements de santé français.
MSD continue à produire tandis que Sanofi – qui avait fini par relancer la fabrication d’Immucyst® – abandonne définitivement ce marché en juillet 2019, pour cause de rentabilité du produit jugée trop faible. Le laboratoire qui vendait ses produits quasiment à prix coûtant n’a pas su par ailleurs tenir la qualité de la production. Près de la moitié n’était pas commercialisable.
Cette même année 2019, en avril, Medac doit faire face à un accident de production qui occasionne la rupture de stock en octobre dernier. « Il faut compter six mois entre une mise en production d’un médicament destinée au monde entier et sa distribution », explique le Pr Yann Neuzillet. Et, pour corser le tout, en février 2020 MSD décide à son tour de se retirer du marché français.
D’une situation de pénurie totale en 2012, on est progressivement passé à une pénurie chronique relative. « La situation reste précaire, si venait à se produire un nouvel incident sur les chaînes de Medac ou lors d’une livraison », ajoute-t-il. Les médicaments sont en effet acheminés par camion depuis l’Allemagne. Et un camion représente un mois de produits pour toute la France.
Qu’en est-il de la mitomycine C, commercialisée en France par Kyowa Kirin Pharma ? Elle n’échappe pas aux pénuries cycliques. La dernière en date est liée à un rappel de lot le 11 octobre 2019 par l’ANSM, suite à un problème de qualité. Pour pallier ces défaillances, l’AFU et l’ANSM ont validé l’épirubicine comme alternative de traitement.
De son côté, l’AFU poursuit son travail scientifique et médical, « en soutenant la recherche pour développer des alternatives au BCG ou permettre une réduction de la quantité de BCG à utiliser pour chaque patient, par association aux nouvelles immunothérapie selon protocole ALBAN 1».
De l’importance de ne pas différer une instillation
Ces contingences industrielles se doublent-elles d’une hausse des besoins thérapeutiques ? « En temps ordinaire, il n’y a pas de variation épidémiologique majeure des TVNIM justifiant un traitement par BCG. La croissance de TVNIM liée au vieillissement de la population française et au tabagisme chez les femmes n’excède pas 1% par an », indique le Pr Yann Neuzillet. Mieux, la crise du COVID-19 génère même une forte baisse des demandes de BCG. Mais, ce n’est pas une bonne nouvelle du tout. « Les patients préfèrent reporter les instillations. Ils redoutent de venir à l’hôpital et d’être contaminés par le nouveau coronavirus », constate le secrétaire général adjoint de l’AFU. Or, ce retard peut être préjudiciable pour ces patients, avec le risque de récidives dans quelques mois qui auraient pu être évitées (lire l’article sur les recommandations du CCAFU sur la prise en charge des cancers urogénitaux masculins pendant la crise).
COVID-19, d’autres pénuries possibles
La prise en charge de nombreux patients atteints du COVID-19 conduit les établissements à augmenter sensiblement la consommation de médicaments et dispositifs médicaux. Parmi ces derniers figurent les masques jetables de type FFP2 (pour Filtering Facepiece Particule, soit littéralement pièce faciale filtrant les particules), utilisés par les personnels soignants. Cette pénurie de masques reconnaissables à leur élastique bleu est en voie de résolution avec les récentes commandes massives passées par l’État. Faut-il aussi craindre des manques des médicaments liés à la pandémie en cours ? Avant même le début de la crise, mi-février, l’Académie nationale de pharmacie expliquait que « l’épidémie de coronavirus, en Chine, pourrait faire peser une grave menace sur la santé publique en France et en Europe, dans la mesure où 80 % des principes actifs pharmaceutiques utilisés en Europe sont fabriqués hors de l’espace économique européen, dont une grande partie en Asie ». Le 3 mars, le gouvernement indien interdisait l’exportation de certains principes actifs qualifiés de stratégiques (antiviraux, anti-infectieux, antibactérien notamment). Le 31 mars, neuf hôpitaux européens l’Alliance européenne des hôpitaux universitaires, dont l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris alertaient leur gouvernement respectif sur le risque de pénurie pour les soins intensifs. Autant de voyants tirant sur le rouge.
L’urologie est-elle impactée ? Le Pr Yann Neuzillet se veut rassurant : « Pour les médicaments que nous utilisons en urologie, ce n’est pas tant la Chine que le blocage global de l’économie qui risque de créer des tensions d’approvisionnement en abiratérone et en enzalutamide utilisé pour le traitement des cancers de la prostate. » À ce stade, l’agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé qui gère les ruptures et risques de rupture de stock de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ne mentionne pas de pénurie pour ces traitements, pas plus que l’AMA, l’agence européenne du médicament.
1 Le protocole Alban, pour AtezoLizumab in Non-Muscle Invasive Bladder CANcer, repose sur l’administration d’atezolizumab, un anticorps anti-PD-L1, en première ligne dans les TVNIM
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