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Santé sexuelle : la préoccupante flambée des infections sexuellement transmissibles

Les infections sexuellement transmissibles (IST) sont en forte hausse en France et en Europe. Parmi elles, trois d’origine bactérienne préoccupent particulièrement les autorités sanitaires : la gonorrhée (infection à Neisseria gonorrhoeae), la syphilis due à la bactérie Treponema Pallidum, et l’infection à Chlamydia trachomatis. Des solutions existent pour mieux se protéger, y compris contre les IST d’origine virale.

 

En 2023, plus de 96 000 cas de gonorrhée ont été enregistrés dans l’Union européenne, soit une augmentation de 31 % en un an, selon le rapport annuel du 10 février 2025 du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Il s’agit du taux le plus élevé enregistré depuis le début de la surveillance en 2009. Le nombre de cas a été multiplié par trois sur les 10 dernières années. Quant à la syphilis, elle a doublé sur cette période. Mais la palme revient à l’infection à Chlamydia trachomatis qui reste l’IST bactérienne la plus fréquente, avec plus de 230 000 cas confirmés signalés en 2023.

Les jeunes sont particulièrement touchés. Chez les femmes, la hausse la plus marquée concerne les 20-24 ans, avec une augmentation de 46 % des cas de gonorrhée en un an. Chez les hommes, la tranche des 25-34 ans atteint un taux de 131 cas pour 100 000 habitants.

Cette progression pourrait s’expliquer par la reprise des interactions sociales après la pandémie du Covid, l’augmentation des partenaires sexuels dans certaines populations, celle de pratiques à risque telles que le chemsex, ainsi qu’une moindre utilisation du préservatif masculin (condom) ou féminin (digue dentaire). Ce mode de protection reste pourtant le moyen le plus efficace et accessible pour éviter d’attraper ou de transmettre une IST. L’ECDC le rappelle, dans un exercice de pédagogie plein de malice : https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/video-dont-give-gonorrhoea-ride

 

Des outils de prévention efficaces contre les IST bactériennes

Ces IST, parfois silencieuses, peuvent entraîner des complications graves si elles ne sont pas détectées et traitées à temps. Des moyens de prévention existent, et chacun peut agir pour mieux se protéger.

Pour casser les chaînes de transmission, le dépistage est important, notamment après un changement de partenaire ou en cas de symptômes. Il est gratuit dans les centres de santé sexuelle et entièrement pris en charge pour les moins de 26 ans dans les laboratoires, sans avance de frais.

La doxycycline constitue une autre piste de prévention de la transmission. Cet antibiotique par voie orale peut être pris après un rapport sexuel non protégé pour réduire les risques de syphilis ou de chlamydia. La Haute Autorité de santé recommande son usage ciblé chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes multipartenaires ou les femmes trans. Ce traitement doit rester encadré pour éviter l’émergence de résistances bactériennes.

 

Des solutions aussi contre les infections virales

La prévention des infections virales repose notamment sur la PrEP, un traitement préventif contre le VIH disponible en comprimé ou en injection, gratuit et accessible sur prescription. Depuis 2021, tout médecin peut l’initier. En pratique, elle est surtout utilisée par des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes vivant en milieu urbain. Selon une étude publiée en mai 2025, 13 500 personnes en ont bénéficié en médecine de ville entre juin 2021 et décembre 2022, près de 89 % sur prescription de généralistes. Les femmes, les jeunes et les habitants des zones rurales restent peu concernés. Des actions ciblées — éducation, santé de proximité, campagnes d’information — sont nécessaires pour mieux les atteindre.

La vaccination contre le papillomavirus humain (HPV), en plus d’être toujours recommandée chez les filles âgées de 11 à 14 ans, est désormais également recommandée chez les garçons du même âge. Elle permet de prévenir plusieurs cancers ano-génitaux, notamment du col de l’utérus et du pénis mais également oro-pharyngés ainsi que les verrues génitales. Le vaccin Gardasil 9, utilisé dans ce cadre, cible neuf génotypes de HPV responsables d’environ 90 % des cancers du col de l’utérus, d’une grande partie des lésions précancéreuses et cancers de la vulve, du vagin et de l’anus. Une campagne de vaccination a été lancée dans les collèges en septembre 2023. Selon les dernières données de pharmacovigilance, la sécurité du vaccin est clairement établie.

 

Le rôle des urologues

En première ligne du diagnostic des IST, les urologues prennent fréquemment en charge la gonorrhée et l’infection à Chlamydia trachomatis, responsables d’urétrites, de prostatites et d’infections épididymo-testiculaires. Ils accompagnent aussi les patients confrontés aux séquelles de ces infections, notamment l’infertilité masculine.

Au-delà du diagnostic et du traitement, les urologues occupent une position privilégiée pour l’information et la prévention. L’intégration systématique de la santé sexuelle dans chaque consultation urologique constitue donc un enjeu de santé publique.

 

Que retenir ?

La progression des IST ces dernières années, notamment chez les jeunes adultes, souligne l’importance de la prévention par l’éducation, du dépistage, de la vaccination et de l’usage du préservatif. La santé sexuelle fait partie de la santé tout court.

IST, ne passez pas à côté

Et les traitements ? Si les IST d’origine bactérienne sont traitées par antibiothérapie, il n’existe pas de traitement curatif du HPV. Dans environ 90 % des cas, cette infection est éliminée naturellement par le système immunitaire, en deux ans. En cas de détection de lésions précancéreuses, des traitements locaux (cryothérapie, laser) ou chirurgicaux seront proposés, selon leur étendue.

Une hausse aussi chez les plus de 50 ans

Si les IST bactériennes restent plus fréquentes chez les jeunes adultes, leur incidence progresse également chez les plus de 50 ans. En France, entre 2021 et 2023, les diagnostics d’infections à Chlamydia trachomatis ont augmenté de 39 % chez les hommes de cette tranche d’âge. Sur la même période, les cas de gonorrhée ont progressé de 82 % chez les hommes et de 75 % chez les femmes, tandis que la syphilis a connu une hausse de plus de 30 %.

Un peu d’histoire

L’histoire a affublé les infections sexuellement transmissibles de sobriquets, parfois évocateurs.

  • Chaude-pisse: Surnom de la gonorrhée, attesté depuis le XVIIe siècle. Le terme fait référence à la sensation de brûlure intense lors de la miction, un des symptômes typiques de cette IST bactérienne ;
  • Chtouille: Terme d’argot apparu au XXe siècle, désignant la gonorrhée de manière familière et moqueuse ;
  • Blennorragie: Autre nom de la gonorrhée, plus technique, encore utilisé dans le vocabulaire médical ;
  • Vérole: Ce mot d’abord associé à la variole est aussi devenue synonyme de syphilis lors d’une épidémie à la fin du XVe siècle, en raison de manifestations cutanées similaires. Pour distinguer les deux maladies, on a parlé de « petite vérole » (variole) et de « grande vérole » (syphilis). Par la suite, le mot « vérole » seul a fini par désigner la syphilis ;
  • Maladie vénérienne: Terme ancien pour désigner une infection sexuellement transmissible. Il vient de Vénus, déesse de l’amour. Aujourd’hui considéré comme vieilli, il a été remplacé dans les usages médicaux par IST.

Sources :

  • Association française d’urologie
  • Haute Autorité de santé
  • Santé publique France

 

Dossier réalisé par Pierre Derrouch, avec le concours de Dr Maxime Vallée, responsable du comité d’infectiologie de l’AFU

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