Faire reconnaître un cancer de la vessie comme maladie professionnelle ouvre droit à une prise en charge spécifique et à des indemnisations adaptées. Ce guide présente les démarches permettant d’établir le lien entre la maladie et une exposition professionnelle.
Chaque année en France, environ 20 000 nouveaux cas de cancer de la vessie sont diagnostiqués. Certains sont liés à des expositions à des substances cancérogènes dans le cadre du travail, comme les amines aromatiques (notamment la benzidine dans l’industrie textile et chimique) ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) présents dans les fumées de fonderie. Ces substances ont été largement utilisées dans la chimie, le caoutchouc, le textile et la métallurgie.
Depuis 1995, plusieurs tableaux du régime général de la Sécurité sociale permettent la reconnaissance de ce cancer comme maladie professionnelle : tableau 15 ter (amines aromatiques), tableau 16 bis (HAP issus de goudrons et suies), tableau 60 (trichloréthylène). Ils précisent les conditions médicales, les délais de prise en charge et les activités concernées. Depuis 2008, ce dispositif s’applique aussi au régime agricole. Il reste toutefois peu utilisé, alors qu’il permet une prise en charge renforcée et des prestations spécifiques.
Les expositions professionnelles responsables
Les secteurs les plus exposés sont la métallurgie, la plasturgie, la production d’aluminium, les colorants, l’industrie du caoutchouc, le pressing et la coiffure. Les substances impliquées incluent notamment les fluides d’usinage (parfois chargés en nitrosamines), les vernis ou peintures anticorrosion à base de brai de houille, le trichloréthylène, les huiles de houille, les goudrons, les bitumes, les fumées de combustion et les amines aromatiques. Certaines restent présentes dans des produits importés ou lors d’interventions sur des installations anciennes.
L’inhalation est la voie principale de pénétration dans l’organisme, mais le contact cutané ou le transfert via des mains souillées sont également en cause. Le port d’équipements de protection et la substitution des produits à risque sont des mesures essentielles.
Des symptômes doivent alerter, surtout en cas d’exposition professionnelle : douleurs à la miction, sang dans les urines (hématurie), envies pressantes, infections urinaires répétées. Il faut consulter rapidement son médecin traitant ou un urologue, un retard de diagnostic pouvant avoir de lourdes conséquences.
Les conditions de reconnaissance
La reconnaissance automatique repose sur trois critères cumulatifs : un diagnostic confirmé par examen anatomopathologique ; un emploi exercé figurant dans l’un des tableaux de maladies professionnelles ; et un délai entre la fin de l’exposition et la constatation de la maladie inférieur à trente ans, avec une durée d’exposition minimale de cinq ans pour les amines aromatiques et de dix ans pour les hydrocarbures aromatiques polycycliques.
Si l’un de ces critères manque, une procédure complémentaire reste possible. Il faut alors prouver que la maladie est liée au travail et qu’elle entraîne une incapacité permanente ≥ 25 % ou un décès. Le dossier est examiné par un comité régional de médecins experts. Cette voie, plus longue, est ouverte à toute personne exposée, même si l’emploi occupé n’est pas listé dans les tableaux, ainsi qu’aux ayants droit en cas de décès.
Rôle de l’urologue et constitution du dossier
La déclaration se fait auprès de la CPAM ou de la MSA, via le formulaire CERFA n°60-3950. Elle doit être accompagnée d’un certificat médical initial, décrivant la maladie et la date de première constatation. Il faut joindre un historique des postes avec les périodes d’exposition et tout document justificatif (fiches de paie, attestations, fiches de sécurité, témoignages).
L’urologue interroge le patient sur son parcours professionnel, identifie les expositions à des substances cancérogènes et les consigne dans le certificat médical, qui constitue une pièce essentielle à la reconnaissance en maladie professionnelle. Le patient peut également être orienté vers une consultation de pathologie professionnelle, généralement organisée en centre hospitalier, afin d’affiner l’évaluation des expositions et de compléter le dossier.
Le délai pour déclarer est de deux ans à compter de la date de reconnaissance médicale du lien avec l’exposition, et non du diagnostic.
Prise en charge et recours
Si la demande est acceptée, tous les soins liés à la maladie sont pris en charge à 100 % : examens de surveillance, chirurgie, traitements intravésicaux, chimiothérapie. En cas d’arrêt de travail, des indemnités journalières majorées sont versées. Une rente viagère peut être attribuée selon le taux d’incapacité et les revenus. En cas de décès, une rente est versée aux ayants droit.
En cas de rejet, un recours est possible devant la commission de recours amiable de la caisse. En cas d’échec, un recours judiciaire peut être introduit devant le tribunal judiciaire. Une assistante sociale ou une association de patients peut aider à constituer un dossier solide.
Pierre Derrouch