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Vous avez souvent envie de faire pipi ? Et si c’était une hyperactivité vésicale ?
Vous urinez très souvent dans la journée et en petites quantités ? Vous avez des envies pressantes et irrépressibles sans avoir beaucoup bu ? Votre sommeil est perturbé parce que vous devez vous lever plusieurs fois par nuit pour aller aux toilettes ? Ces symptômes peuvent être le signe d’une hyperactivité vésicale, un trouble souvent méconnu qui entraîne des répercussions importantes sur le quotidien.
L’hyperactivité vésicale, ou plus précisément le syndrome clinique d’hyperactivité vésicale, touche 15 % de la population, hommes et femmes confondus. Elle est plus fréquente après 50 ans et peut avoir un impact important sur la vie sociale, professionnelle et intime. Certaines personnes hésitent à fréquenter des lieux publics, comme le cinéma ou les supermarchés, par crainte d’avoir des envies pressantes. D’autres redoutent de participer à des réunions longues ou évitent des activités comme le ski, faute d’accès facile aux toilettes.
Il s’agit ici d’hyperactivité vésicale non neurologique, à ne pas confondre avec celle d’origine neurologique, qui résulte de maladies comme la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson ou les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Contrairement à certaines idées reçues, l’hyperactivité vésicale n’implique pas toujours une incontinence urinaire, bien que les deux puissent être associées.
Mais pourquoi la vessie devient-elle aussi réactive ?
La vessie contient un muscle appelé détrusor, chargé d’assurer le stockage et l’évacuation de l’urine. À l’état normal, ce muscle qui tire son nom d’un verbe latin signifiant « chasser, expulser » se contracte de manière contrôlée lors de la miction. En cas d’hyperactivité vésicale, on observe une augmentation des contractions spontanées, causée par un renforcement des connexions entre les cellules musculaires et une modification des canaux ioniques (passages permettant les échanges de calcium et de potassium, essentiels à la contraction). Ces changements rendent la vessie plus réactive aux stimuli et déclenchent des envies impérieuses d’uriner, même lorsque la vessie n’est que partiellement remplie.
On parle de pollakiurie pour des envies fréquentes d’uriner, huit fois par jour ou plus ; d’urgenturie pour des besoins urgents et difficiles à réprimer ; de nycturie pour des réveils nocturnes répétés afin d’uriner ; d’incontinence d’urgence pour des fuites urinaires involontaires associées à une envie pressante (à distinguer d’une incontinence urinaire d’effort).
Quels sont les mécanismes sous-jacents ?
L’hyperactivité vésicale non neurologique résulte d’un ensemble de mécanismes musculaires, nerveux, hormonaux et inflammatoires :
- Les changements hormonaux et le vieillissement musculaire : la diminution des hormones sexuelles (œstrogènes chez la femme, testostérone chez l’homme) liée à l’âge et la perte progressive du tonus musculaire favorisent l’apparition des symptômes.
- L’affaiblissement du plancher pelvien : le vieillissement, la grossesse et les variations hormonales altèrent la tonicité du plancher pelvien, ce qui diminue le contrôle de la vessie. Une toux chronique ou des activités physiques intenses, telles que l’haltérophilie et la course à pied, peuvent également fragiliser cette zone et aggraver les symptômes.
- Les troubles de la prostate chez l’homme : l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), fréquente après 50 ans, peut comprimer l’urètre et gêner l’évacuation complète de l’urine. Cette vidange incomplète oblige la vessie à se contracter plus fréquemment, augmentant ainsi le nombre de mictions.
- Des facteurs environnementaux et comportementaux : certaines habitudes peuvent favoriser l’hyperactivité vésicale. La consommation excessive de caféine, d’alcool ou d’agrumes irrite la vessie et peut accentuer les symptômes. Une hydratation inadaptée, qu’elle soit insuffisante (moins de 1 litre par jour) ou excessive (plus de 3 litres), a également un impact. L’eau, le café, le thé, les tisanes, les jus de fruits et les soupes comptent parmi ces apports hydriques. L’habitude de se retenir trop longtemps d’uriner peut aussi perturber les réflexes vésicaux, tandis que des infections urinaires répétées fragilisent la vessie et aggravent les troubles. Le surpoids exerce également une pression supplémentaire sur la vessie, augmentant les envies d’uriner.
- Le rôle du stress et de l’anxiété : le stress, l’anxiété et la dépression jouent un rôle important. L’hyperactivité vésicale peut aussi être renforcée par un mécanisme psychologique : plus une personne anticipe une envie pressante, plus celle-ci se manifeste rapidement.
Les étapes de la consultation
Le diagnostic repose sur un entretien médical détaillé réalisé par un urologue. Il vise à évaluer la fréquence des symptômes, leurs conséquences sur la qualité de vie, les habitudes de vie et les antécédents médicaux (diabète, chirurgie pelvienne, infections urinaires…).
L’examen clinique comprend une palpation abdominale, une évaluation périnéale (recherche d’un prolapsus chez la femme et contrôle de la prostate chez l’homme), ainsi qu’une analyse de la mobilité et de l’état cognitif.
Pour objectiver ces troubles, c’est-à-dire pour confirmer ou quantifier un trouble, plusieurs outils sont utilisés dont le calendrier mictionnel. Il permet d’évaluer la fréquence des mictions, les volumes urinaires et la présence éventuelle de fuites. Des questionnaires validés en français, comme l’ICIQ, le KHQ et l’I-QOL, aident à mesurer l’impact des symptômes et à suivre l’évolution sous traitement.
Selon les cas, des examens complémentaires peuvent être réalisés : une analyse d’urine pour exclure une infection ; une échographie vésicale pour évaluer le volume résiduel d’urine après la miction ; une cystoscopie ou une cytologie urinaire en cas de suspicion de tumeur ou de cystite interstitielle ; un bilan urodynamique pour analyser le fonctionnement de la vessie et de l’urètre en cas de symptômes complexes.
Les traitements possibles
La prise en charge de l’hyperactivité vésicale repose sur une approche graduelle, allant des mesures hygiéno-diététiques aux traitements médicamenteux et, en dernier recours, aux solutions invasives.
Les premières mesures visent à limiter les facteurs aggravants : réduire la consommation d’irritants (caféine, alcool, agrumes), pratiquer des exercices pour renforcer le plancher pelvien et espacer progressivement les mictions pour améliorer la capacité de la vessie.
Si ces ajustements ne suffisent pas, des traitements médicamenteux peuvent être proposés. Les anticholinergiques limitent les contractions involontaires de la vessie, tandis que les bêta-3 agonistes favorisent son relâchement en augmentant sa capacité de stockage. Chez les femmes ménopausées, des œstrogènes locaux améliorent la tonicité vésicale. Pour les hommes souffrant d’hypertrophie bénigne de la prostate, les alpha-bloquants facilitent l’évacuation de l’urine.
Si les traitements classiques ne donnent pas satisfaction, des solutions plus invasives peuvent être proposées. Les injections de toxine botulique permettent de calmer les contractions excessives de la vessie. La neuromodulation sacrée, quant à elle, stimule les nerfs qui contrôlent la vessie grâce à un dispositif implanté sous la peau.
Une pathologie encore sous-diagnostiquée
Trop souvent perçue comme une fatalité liée à l’âge, l’hyperactivité vésicale est pourtant un trouble qui peut être pris en charge efficacement. Une meilleure sensibilisation des patients et des professionnels de santé permettrait d’améliorer le diagnostic et d’optimiser le traitement.
Pierre Derrouch
Ce qu’il faut retenir
Vous ressentez :
- Des envies fréquentes d’uriner, huit fois par jour ou plus (pollakiurie).
- Des besoins urgents et difficiles à réprimer (urgenturie).
- Des réveils nocturnes répétés pour uriner (nycturie).
- Des fuites urinaires involontaires associées à une envie pressante (incontinence d’urgence).
Ne négligez pas ces signaux d’alerte. Parlez-en sans tarder à votre médecin pour vérifier qu’il s’agit bien d’une hyperactivité vésicale et définir la prise en charge adaptée. Dit autrement, pour une fois, prenez votre vessie pour une lanterne.
Article rédigé à partir du Rapport annuel du congrès 2020 de l’AFU, par le Pr Véronique Phé et le Pr Xavier Gamé.