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Femmes fontaines, entre mystère, extase et explications

Le mythe de la femme fontaine n’en est pas un. Des explications existent sur l’expulsion possible par l’urètre d’une quantité variable de liquide au moment d’une forte excitation sexuelle. On parle d’éjaculation féminine, et même de prostate féminine…

 

L’éjaculation féminine irrigue l’histoire et la littérature. Liquor vitae, flux de joie… ce fluide intrigue autant qu’il fascine depuis l’Antiquité. Hippocrate, pragmatique, évoque l’essence féminine qui se mêle à celle de l’homme dans un seul but : la reproduction ; en Inde, le Kama Sutra prend aussi position sur le sujet : « L’émission de la semence de l’homme a lieu à la fin du coït, alors que la semence de la femme coule continuellement. » Le tantra, pratique érotique et sacrée, fait plus qu’effleurer les bienfaits de cette émission de fluide sexuel, encourageant les hommes à exciter les femmes avec deux doigts sur une zone érogène du yoni, autrement dit le vagin. Au Japon, on pousse le raffinement jusqu’à boire ce liquide comme un thé aux vertus assainissantes, en attestent les vases du XVIᵉ siècle conçus pour ce qui relève du rituel.

On pourrait multiplier à l’envi les marques d’attention et de vénération portées à l’éjaculation féminine. Elle est pourtant source aujourd’hui encore d’interrogations pour les femmes (et les hommes) qui découvrent cette capacité finalement très banale, nous dit Charlotte Methorst, membre du comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’Association française d’urologie. Entre 40 % et 55 % des femmes, selon des études récentes, émettraient de quelques gouttes à plus de 150 ml d’un liquide intime lors d’un rapport ou d’une stimulation sexuelle. Reste que la femme fontaine, dans ce qu’elle a de symbolique, mais aussi de conceptuel, s’est longtemps dérobée à toute explication scientifique.


G, comme gâchette

Si les premiers travaux de recherche remontent au 17ème siècle, il faut toutefois attendre le milieu du 20ème siècle pour commencer à cerner un peu mieux les mécanismes de l’éjaculation féminine. En 1950, le gynécologue allemand Ernst Gräfenberg identifie une zone érogène sur la face antérieure du vagin, côté pubis, particulièrement sensible aux caresses ou à la pénétration, et dont la stimulation va permettre l’émission par l’urètre d’un liquide glaireux produit par les glandes péri-urétrales dites de Skène. Mais, ce n’est que trois décennies plus tard qu’apparaîtra la notion de Point G. On la doit à Franck Addiego, médecin américain qui mentionne « the Gräfenberg spot » dans une publication scientifique de 1981 : « Female ejaculation : A case study ». « Ce néologisme correspond à une gâchette qu’est le complexe clitorido-urétro-prostato-vaginal », complète l’urologue.


Juste une mise au point

Certains scientifiques vont remettre en question l’existence anatomique d’un point G. C’est le cas de l’américain Terrence Michael Hines, dans son étude « The G-spot : a modern gynecologic myth’in American Journal of Obstetrics Gynecology » parue en 2002. Des modèles d’IRM et d’échographie publiés en 2009 par Pierre Foldes, urologue et Odile Buisson, gynécologue, ont permis de resserrer un peu la focale, montrant que « le clitoris était éminemment dynamique lors de l’excitation et de l’orgasme », rapporte Charlotte Methorst. Ils ne parlent pour autant pas de structure anatomique, mais d’une fonction clitoro-urétro-vaginale. Irwin Goldstein, spécialiste de médecine sexuelle américain, trouvant l’appellation de point G trop restrictive, ira jusqu’à appeler la communauté scientifique, en avril 2022, à parler désormais de zone G. La géographie du plaisir féminin serait-elle si difficile à établir ?


Une histoire d’eau

Si l’éjaculation féminine est fréquente, « la majorité des femmes ne connaît pas la nature du liquide émis », souligne la membre du comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’AFU. Alberto Rubio-Casillas, biologiste mexicain, a identifié en 2011, non pas un, mais deux liquides distincts : le premier – transparent et contenant de l’urée et de la créatinine ; le second plus trouble et plus épais, et contenant du PSA, un antigène spécifique de la prostate. « Ce PSA est produit par les glandes prostatiques féminines le long de l’urètre. Le premier liquide, en revanche, est de l’urine », précise Charlotte Methorst.

Une étude française de 2014 sur des femmes fontaines, basée sur des échographies et des dosages biochimiques, et réalisée par Samuel Salama, gynécologue et Pierre Desvaux, sexologue, conforte cette découverte. Les chercheurs ont enregistré un remplissage de la vessie au moment de l’excitation par un liquide comprenant de l’urée et de la créatinine. « C’est donc majoritairement de l’urine, avec quelques éléments spécifiques, comme un léger changement de pH, indiquant l’existence d’une prostate féminine », résume l’urologue qui précise : « Cette éjaculation n’a toutefois rien à voir avec une possible incontinence lors de l’acte sexuel ».


Un phénomène plutôt apprécié

Même si certaines femmes peuvent ressentir un peu de honte voire de la crainte lorsqu’elles prennent conscience de ce pouvoir d’éjaculation, Charlotte Methorst tient à les rassurer : « L’éjaculation féminine n’est pas un phénomène pathologique, et ne nécessite aucun traitement. Il s’agit d’une composante normale de la sexualité féminine. » Un travail universitaire mené en France auprès de 1 700 femmes et 1 300 partenaires a d’ailleurs montré que près de 90 % des femmes bien informées sur ces réactions physiologiques avaient un ressenti positif, tout comme leur partenaire. Elles décrivent souvent une vie sexuelle plus épanouie, avec des rapports et des orgasmes plus fréquents. Et, ajoute Charlotte Methorst, « c’est même une situation très recherchée par les hommes. » Quoi de  mieux qu’une sexualité fluide, avec des partenaires détendus et en confiance !

 

Pierre Derrouch

Les petits secrets de l’éjaculation féminine

L’éjaculation féminine peut survenir à la suite d’une stimulation interne digitale, une pénétration vaginale de la verge du partenaire ou encore une stimulation clitoridienne externe par massage. Information importante, l’éjaculation féminine – contrairement à celle masculine – n’est pas systématiquement liée à l’orgasme, bien qu’elle accompagne souvent un plaisir intense.

Cet article a été écrit à partir d’une présentation scientifique du Dr Charlotte Methorst, lors du 118ème Congrès français d’urologie qui s’est déroulé du 20 au 23 novembre 2024.

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