La vasectomie ne cesse de se développer en France depuis quelques années.
Selon les chiffres de l’Assurance maladie tirés du Système national des données de santé, ce mode de contraception masculine a été multiplié par 15 en 12 ans1 . Une progression qui bénéficie de l’arrivée de matériels non-invasifs et des recommandations de l’AFU en 2023. Mais, y a-t-il d’autres alternatives disponibles ?
Pilule combinée associant œstrogènes et progestatifs, pilule progestative, dispositif intra-utérin hormonal, implant sous la peau du bras qui délivre en petite quantité un progestatif bloquant l’ovulation, patch contraceptif, anneau vaginal, progestatifs injectables, préservatif interne, dispositif intra-utérin en cuivre, cape cervicale, diaphragme, spermicides, ligature des trompes… L’arsenal contraceptif féminin est conséquent. Et chez les hommes ? Le coït interrompu et le préservatif (moyennement efficaces) et la vasectomie (le plus sûr des 3) : 13 à 3, donc. 14 à 4 si on inclut l’abstinence. Comment refaire le match avec un tel déséquilibre ? Pourtant, les hommes souhaitent de plus en plus s’impliquer dans la prise en charge de la contraception, en témoigne le succès grandissant de la vasectomie, bien que relatif. Elle n’est adoptée que par 1,2 % des hommes, c’est dire si elle part de loin, malgré sa forte progression récente.
Un terrain peu fertile
Si un espace de parité pouvait être trouvé, peut-être faudrait-il aller le chercher dans une contraception partagée. Jean-Pierre Graziana le rappelle : « On compte environ 370 000 grossesses non programmées en France. 65 % d’entre elles surviennent en dépit d’une contraception ». Se pose donc la question de l’élargissement du panel de solutions pour les hommes, d’autant souligne l’urologue membre du Comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’Association française d’urologie, qu’existent des freins au développement de la vasectomie : sa réversibilité non garantie. D’autres écueils freinent le développement d’autres modes de contraception masculine : l’absence de financement de la recherche pharmaceutique, une volonté politique insuffisante, et – peut-être – un militantisme masculin en berne pour pousser à la mise au point de nouvelles méthodes contraceptives. Des solutions validées ou à l’étude laissent toutefois entrevoir quelques perspectives.
La piste de la contraception hormonale
Seule contraception de ce type ayant montré une efficacité scientifique reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais pas par la Haute autorité de santé (HAS), l’injection intramusculaire hebdomadaire de 200 mg d’énanthate de testostérone, pendant 18 mois. Le traitement agit par rétrocontrôle sur la production des hormones gonadotropes FSH (hormone folliculo-stimulante) et LH (hormone lutéinisante), réduisant ainsi celle – naturelle – de testostérone intratesticulaire. La diminution de cette dernière affecte les spermatides et perturbe leur maturation, ce qui altère la production et la qualité des spermatozoïdes. Quelques éléments à retenir sur cette contraception masculine ne bénéficiant pas d’AMM : la baisse de spermatozoïdes n’apparaît qu’après 3 mois de traitement, la méthode est efficace avec une limite temporelle, elle est réversible à 85 %, elle s’accompagne des effets secondaires classiques d’une hypertestostéronémie : acné, prise de poids, troubles du métabolisme lipidique… et nécessite un contrôle par spermogramme tous les 3 mois pendant 1 an.
Chaud devant
Autre alternative potentielle, la contraception thermique par remontée testiculaire ou CTRT, dite aussi « Slip Mieusset » du nom de son inventeur, l’andrologue toulousain Roger Mieusset. Cette méthode bénéficie d’un panel d’études cliniques suffisamment robustes pour espérer une validation scientifique, à court ou moyen terme.
Et l’anneau thermique et le slip chauffant, deux autres méthodes de remontée testiculaire inguinale, non validées ? « Ces techniques présentent l’avantage de la réversibilité, répond Jean-Pierre Graziana, avant de tempérer : elles ne sont pas dénuées de contraintes ». En effet, ces dispositifs doivent être portés pendant 15 heures d’affilée, ce qui implique également un spermogramme de contrôle tous les 3 mois, pendant 2 ans, puis tous les 6 mois ; des contre-indications existent comme des antécédents de varicocèle ou d’orchidopexie… L’urologue ajoute : « Si la réversibilité semble effective dans les études princeps, il persiste toujours une crainte sur le risque tératogène secondaire. » Une démarche de certification est en cours pour l’anneau, avec une possible mise sur le marché en 2028.
Et demain ?
On peut aussi mentionner le gel transcutané de testostérone couplé à un gel progestatif. Un essai international multicentrique d’efficacité contraceptive du gel est en cours, les résultats devraient être publiés début 20252. Dans le meilleur des cas, « il ne faut pas espérer de mise sur le marché avant 4 à 5 ans », prévient Jean-Pierre Graziana.
D’autres méthodes sont expérimentés chez l’animal, comme la vasectomie avec une valve actionnée à la demande, l’implant contraceptif, la pilule contraceptive, la contraception non-hormonale avec des antagonistes du récepteur de l’acide rétinoïque…
L’avenir dira si ces voies de recherche sont concluantes. À ce jour, la vasectomie reste la méthode validée la plus fiable. What else ? Rien, mon cher Clooney, rien, pour l’instant…
Pierre Derrouch
Cet article a été écrit à partir d’une présentation scientifique du Dr Jean-Pierre Graziana, lors des Journées d’andrologie et de médecine sexuelle de l’AFU, en septembre 2024.
[1] https://www.ameli.fr/medecin/actualites/sterilisation-masculine-une-etude-epi-phare-montre-le-recours-croissant-la-vasectomie-en-france
[2] https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0010782423001373