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Cancer du testicule : Messieurs palpez-vous !
Le cancer du testicule est rare, mais il mérite une attention particulière car, partout dans le monde, son incidence augmente. Il touche une population jeune dont il affecte la fertilité et parfois l’image de soi. Le dépistage par l’autopalpation s’avère être un moyen efficace de prévention.
Les derniers chiffres de Santé Publique France datent de 2018, mais ils donnent une indication concernant la fréquence de ce cancer qui a touché 2769 hommes cette année-là. Parmi les malades, 98 % étaient atteints de tumeurs dites germinales, qui se développent dans la partie du testicule intervenant dans le processus de fertilité. Partout, l’incidence de ce cancer est en augmentation avec des disparités selon les pays. Le mode de vie, l’âge de la population, les facteurs environnementaux ont un impact sur le développement de la maladie qui touche presque toujours des patients jeunes, en pleine construction de leur vie personnelle, professionnelle et familiale. Dans l’ensemble, et après plusieurs étapes thérapeutiques, c’est un cancer de bon pronostic. Mais il y a tout de même un faible pourcentage de décès (3% en France).
Facteurs de risques et diagnostic
« Le dépistage de cette maladie dont on parle peu est primordial, alerte le Dr Thibaut Murez, chirurgien urologue au CHU de Montpellier et responsable du comité Organes génitaux externes de l’AFU. Le cancer du testicule touche des patients très jeunes, la plupart du temps âgés entre 20 et 40 ans, pour lesquels la prise de conscience du danger n’est pas toujours évidente ». Parmi les facteurs de risques connus, on retrouve l’hérédité au travers du lien de sang masculin. Le risque relatif se dilue avec l’intensité du partage génétique (x 67 pour des vrais jumeaux, x 37 pour des faux jumeaux, x 8-10 pour des frères et x 4-6 pour un père et son fils). Les antécédents personnels (atrophie testiculaire, cryptorchidie, ectopie, syndrome de Dysgénésie testiculaire) que l’on repère dès l’enfance, incitent aussi à la prudence. Mais la plupart du temps, le cancer est détecté de façon fortuite avec l’apparition de douleurs d’autres causes ou d’une infection qui conduisent le patient à consulter. Les bilans d’infertilité et les examens qui y sont associés font également surgir le diagnostic de façon inattendue. En l’absence de dépistage organisé, la découverte de la maladie peut succéder à l’apparition d’autres symptômes. Dans ce cas, le cancer pris tardivement est plus avancé. « Le réflexe diagnostic du cancer de testicule n’est pas toujours évident. Cela entraine une perte de temps avant l’identification de la maladie. Une petite boule dans un testicule peut être une infection, une tumeur bénigne, un hématome… Certains patients n’auront pas d’emblée un diagnostic sûr », regrette le Dr Murez. L’examen diagnostic repose sur la clinique (autopalpation), l’imagerie standard (échographie, scanner) et la biologie (recherche des trois principaux marqueurs sanguins qui s’élèvent dans ce cancer lorsqu’il est déjà avancé). En cas de suspicion de cancer, il est nécessaire de vérifier le fonctionnement testiculaire de base (fertilité, production hormonale).
Doser la prise en charge
« La prise en charge du cancer du testicule est une question d’équilibre », fait remarquer le spécialiste. D’un côté il faut garantir le succès de guérison face au cancer. Car, s’ils guérissent, les patients conservent une bonne espérance de vie. De l’autre côté, il faut tenter de conserver une bonne image corporelle et la fertilité ». L’objectif du corps médical est avant tout bien sûr de garantir la survie des patients, mais aussi de leur permettre d’avoir des enfants, de limiter l’impact social de la maladie, de prolonger l’espérance de vie sans maladie et de limiter les traitements chroniques. « La prise en charge se fait à différents niveaux en fonction du stade de la maladie. La majorité des malades (73 %) sont diagnostiqués au stade 1, c’est-à-dire que la maladie est localisée au testicule. Le pronostic est encore bon pour ces patients, explique le Dr Murez. 27 % des malades sont en stade métastatique et vont nécessiter un traitement plus lourd ». Avant toute démarche d’ordre thérapeutique, les patients se voient proposer la conservation de leur sperme au cas où leur fertilité serait impactée par les traitements. La prise en charge débute ensuite avec la chirurgie qui consiste à retirer le testicule malade par une petite incision en bas de l’abdomen. Le chirurgien récupère la totalité du cordon du testicule et place, si le patient en a exprimé le souhait, une prothèse testiculaire. Cette intervention est facile, réalisée en ambulatoire, la cicatrisation est rapide et engendre peu de douleurs. Le patient reprend rapidement sa vie courante. Une vigilance est maintenue concernant la production de testostérone avec, si nécessaire, un traitement de substitution. Quand le cancer est plus avancé – il s’étend en remontant le circuit de lymphe qui va des testicules vers l’abdomen plus que par le sang vers les autres organes – et que le patient présente des métastases, la maladie fait intervenir d’autres spécialistes (oncologue, radiothérapeute). La chirurgie est alors suivie d’une chimiothérapie associée éventuellement à une radiothérapie. Pour les patients ayant eu un cancer du testicule, le risque de développer un deuxième cancer dans l’autre testicule est de 3 à 5 % à l’échelle de la vie. Le Dr Murez insiste encore : « l’autopalpation à deux mains est le meilleur rempart contre le cancer du testicule. Les hommes doivent apprendre à vérifier par eux-mêmes que leurs testicules ne présentent pas d’anomalie dans leur régularité ou leur consistance ». Ainsi, peut-être, parviendrons-nous à réduire l’incidence de ce cancer à l’impact physique et psychologique important.
Vanessa Avrillon
10-11-2023
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