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Patients et médecins s’allient contre le cancer de vessie

Parce que le cancer de vessie concerne chaque année plus de 13 000 nouveaux patients en France et en tue près de 5 000, l’Association Française d’Urologie et l’Association Cancer Vessie France organisent le 24 mai 2023 un webinaire destiné aux patients et à leurs proches. Au cours de cette journée, seront exposés les traitements, les moyens de prévention de la maladie et l’état d’avancement des progrès thérapeutiques. Pour en savoir plus, nous avons donné la parole au Pr Yann Neuzillet et au Dr Benjamin Pradère, tous deux spécialistes du cancer de vessie.

 

Urofrance : Pouvez-vous nous rappeler les chiffres les plus marquants du cancer de vessie en France ?

Pr Yann Neuzillet et Dr Benjamin Pradère : 13 000 nouveaux cas de cancer de vessie sont diagnostiqués chaque année en France. Parmi ces cas, 25 % sont des cancers infiltrant le muscle et/ou métastatiques et 75 % sont non infiltrants. L’AFU a pu exploiter les données du contingentement du BCG Médac durant l’année où ce produit était en situation de pénurie. L’analyse montre que les chiffres sont sous-estimés. Il y aurait plutôt 20 000 nouveaux cas par an. L’âge moyen de développement de la maladie est de 65 ans. C’est un cancer qui survient après une vingtaine d’années d’exposition au tabac et il est rare de le développer avant 40 ans. Il s’agit d’un cancer plutôt masculin (1 femme pour 3 hommes), mais l’incidence chez la femme a tendance à augmenter du fait de la consommation féminine de tabac. Après le cancer de la prostate, c’est le deuxième cancer urologique en termes de mortalité. Il est souvent agressif. 50 % des tumeurs infiltrantes conduisent à un décès. Et ce, malgré les progrès de la chirurgie, de la chimiothérapie, de la radiothérapie et des immunothérapies. Les maladies infiltrantes restent des maladies graves. C’est pourquoi il est important de diagnostiquer un cancer de vessie tôt et avant qu’il ne devienne infiltrant.

 

Urofrance : D’où est venue l’idée d’associer Cancer Vessie France à une société scientifique comme l’AFU ?

Pr Yann Neuzillet et Dr Benjamin Pradère : Le mois du cancer de vessie a toujours été organisé en partenariat avec l’association Cancer vessie France, fondée et présidée au départ par Frédéric Merlier et qui est désormais présidée par Lori Cirefice. Le souhait étant pour les patients de garantir la caution scientifique à même de valider les propos tenus dans le cadre de la campagne d’information et de mobilisation. Quant à la société savante qu’est l’AFU, la relation avec une association de patients permet de s’adresser plus efficacement au public concerné par la maladie. L’intérêt de la synergie patients/soignants avait déjà été démontré lors de la collaboration entre les urologues et l’association A.R.Tu.R, spécialisée dans la recherche sur les tumeurs du rein. Il est toujours intéressant d’apporter le crédit scientifique à des associations de patients. Informer sans apeurer reste un exercice délicat. Le webinaire que nous organisons le 24 mai sera animé par des médecins mais sera destiné aux patients et à leurs proches.

 

Urofrance : Comment peut-on améliorer la prévention contre ce cancer ?

Pr Yann Neuzillet et Dr Benjamin Pradère : Tout d’abord en évitant les conduites à risque. Le tabac est le premier facteur de risques. Nous n’avons pas de données concernant les dangers de la cigarette électronique. Nous savons qu’elle ne modifie pas drastiquement le risque de cancer du poumon. Les carcinogènes inhalés ne sont pas les mêmes que dans le tabac mais dire qu’en passant à la cigarette électronique on évite le cancer de vessie est erroné. Et on ne connaît pas les effets des autres produits chauffés et inhalés avec la cigarette électronique. De plus, chez les jeunes, elle est une porte d’entrée vers le tabac. D’autres substances sont également dangereuses. Même si cela est de moins en moins fréquent, l’exposition aux amines aromatiques est l’une des principales causes du cancer de vessie. On les trouve dans le processus de tannage du cuir mais aussi dans les teintures pour le cuir, les huiles de coupe de métal (découpe avec huile à haute pression), l’industrie du pneu et des hydrocarbures. Le cancer de vessie a été reconnu comme maladie professionnelle pour les professions concernées. Le dépistage par cytologie urinaire est recommandé pour les salariés des professions à risques et ce, 20 ans après le début de l’exposition aux agents dangereux. Les postes de travail ont été adaptés afin de ne pas exposer les salariés aux dangers de ces agents. À terme, le tabac sera donc la seule substance dangereuse. L’inflammation chronique de vessie peut être également un facteur de risques, mais cela concerne essentiellement les patients paraplégiques ou les patients sondés.

 

Urofrance : Quels sont les signes évocateurs du cancer de vessie ?

Pr Yann Neuzillet et Dr Benjamin Pradère : Repérer du sang dans ses urines est anormal et ne doit pas être sous-estimé. Si le médecin prescrit un contrôle par ECBU pour éliminer le diagnostic d’infection urinaire, il doit rester vigilant car il y a toujours une probabilité que ce symptôme révèle un cancer. L’hématurie doit être un signe d’alarme ouvrant l’opportunité de diagnostic précoce. Le saignement peut apparaître tant pour une grosse tumeur que pour une tumeur de petite taille. Il est également possible qu’une tumeur ne saigne pas. Ce sont finalement celles-ci qui risquent le plus d’être diagnostiquées avec retard. D’autres symptômes apparentés à ceux de la cystite comme l’irritation vésicale, des envies fréquentes d’uriner, une urgence à uriner doivent également alerter. Dans ces cas-là, l’infection urinaire sera d’abord éliminée. Enfin, c’est un cancer qui peut être totalement asymptomatique. La maladie est alors décelée au décours d’un examen réalisé pour une autre pathologie. Le diagnostic précoce est essentiel car il est possible d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Plus le cancer est pris tôt, plus facilement il sera traité. Diagnostic précoce et taux de guérison sont étroitement liés car c’est un cancer qui évolue vite. L’hématurie chez la femme est souvent négligée car imputée aux règles ou à une infection urinaire. Conséquence, les femmes sont diagnostiquées plus tardivement que les hommes et les cancers infiltrant d’emblée sont plus fréquents en raison de cette errance diagnostique. Il y a beaucoup d’histoires de perte de temps dans le diagnostic que nous devons déconstruire avec un message clair : si l’on saigne, ce n’est pas normal. À défaut d’avoir une campagne nationale comme celle du cancer du côlon avec une coloscopie conseillée tous les 5 ans, la démarche de dépistage doit être individuelle.

 

Urofrance : Si le patient repère du sang dans ses urines, quels sont les examens qui lui seront probablement prescrits ?

Pr Yann Neuzillet et Dr Benjamin Pradère : Le chemin type passe avant tout par l’ECBU pour éliminer un diagnostic d’infection. Vient ensuite l’imagerie simple de type échographie pour rechercher une tumeur évidente de plus de 1 cm et/ou une tumeur du rein ou du haut appareil. Si rien n’est détecté avec ces examens, la troisième étape est la fibroscopie vésicale, examen de référence pour la vessie. Il n’existe pas d’outil non invasif autre que la fibroscopie pour détecter un polype dans la vessie. Elle est associée à la cytologie urinaire. Scanner et uro-IRM permettent d’avoir une vision des voies urinaires supérieures (reins et uretères). Mais l’IRM peut être difficile d’accès et le scanner est irradiant. De plus, la résolution de l’image, même avec l’IRM, ne permet pas de déceler de très petites tumeurs. La fibroscopie faite pas l’urologue est donc l’élément essentiel du diagnostic. Dans le cas où la tumeur est détectée à l’échographie, la prise en charge par résection se fait dans la foulée de l’examen.

 

Urofrance : Quels sont les traitements actuellement recommandés, leurs effets secondaires mais aussi les progrès rendus possibles par la recherche scientifique ?

Pr Yann Neuzillet et Dr Benjamin Pradère : La première étape de la prise en charge, quel que soit le stade du cancer, est la résection afin de retirer un maximum de la tumeur, l’analyser et avoir la preuve du cancer. Une fois la résection effectuée, si le cancer est peu agressif et non infiltrant, la prise en charge est celle de la surveillance avec éventuellement une instillation de chimiothérapie endo-vésicale ou de BCG. L’instillation de BCG ne tue pas la tumeur, mais prévient la récidive. Si en revanche la tumeur est plus agressive ou de haut grade (T1 qui dépasse la limite de la muqueuse sans atteindre le muscle), on effectue obligatoirement une résection dite « de second look » pour s’assurer que la tumeur a été retirée au maximum et vérifier qu’il n’en reste pas dans les cicatrices, suivie d’une instillation de BCG d’induction et d’entretien (rappels). Le 3ème niveau de traitement concerne les tumeurs infiltrant le muscle. La prise en charge comprend un bilan d’extension pour vérifier que le cancer ne s’est pas étendu hors de la vessie. Si le cancer est localisé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de métastases, le patient est traité avec, selon chaque situation individuelle, de la chimiothérapie associée à la chirurgie et parfois associée à l’immunothérapie. La chirurgie restant la pierre angulaire de la prise en charge. Si le cancer est métastatique, le patient est traité par chimiothérapie suivie d’une immunothérapie d’entretien. Quel que soit le type de cancer, la prise en charge est très personnalisée avec une thérapeutique adaptée et sur-mesure pour répondre au mieux aux besoins de soins des patients. En termes d’effets secondaires, plus la maladie est agressive, plus les traitements s’accompagnent d’effets indésirables avec des conséquences lourdes sur la vie des patients. D’où l’intérêt d’un diagnostic précoce. Il est important de préciser qu’après une vingtaine d’années de stagnation dans l’évolution des traitements du cancer de vessie, d’importants progrès ont récemment vu le jour dans la prise en charge thérapeutique de cette maladie.

Propos recueillis par Vanessa Avrillon

12-05-2023

Crédit photo : AdobeStock_249286655

Le mois de mai est le mois du cancer de la vessie. Pour accéder aux informations concernant le webinaire du 24 mai 2023 destiné aux patients et organisé par l’AFU et l’association Cancer Vessie France, cliquer ici

 

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