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AVANCÉES THÉRAPEUTIQUES : LE POINT DE VUE DES PATIENTS

Cancer Vessie France est une association loi 1901 née de la volonté de ses fondateurs de rompre l’isolement des patients atteints de cancer de la vessie. Elle est aujourd’hui un partenaire privilégié du corps médical qui prend en charge ces patients, mais aussi de l’industrie pharmaceutique avec laquelle elle collabore pour encourager la recherche. Pour en savoir plus, nous avons donné la parole à Lori Cirefice, présidente et Pascale Dansart, secrétaire générale de Cancer Vessie France.

 

UroFrance : Pouvez-vous nous présenter Cancer Vessie France ?

Lori Cirefice et Pascale Dansart : L’association a été fondée en 2017 à l’initiative de deux patients qui cherchaient à échanger sur leur vécu avec d’autres malades. Notre communauté est composée d’environ 700 personnes, patients et aidants. Nos adhérents sont en France, mais aussi au Québec, en Belgique, en Suisse et dans certains pays d’Afrique francophone.

 

UroFrance : Comment définissez-vous les missions de l’association Cancer Vessie France ?

Lori Cirefice et Pascale Dansart : Au moment du diagnostic, les patients et leurs proches sont dans une grande anxiété et ne posent pas toujours les questions adéquates à leur médecin en raison du choc de l’annonce. La première mission de l’association est d’être un groupe de soutien pour les patients et leurs aidants. Il arrive qu’ils souhaitent échanger avec d’autres patients et aidants pour calmer leur anxiété. De plus, ils cherchent à confirmer l’information qu’ils reçoivent du corps médical et sont souvent rassurés quand nous leur transmettons les fiches infos patients de l’AFU. Nous pouvons potentialiser, reformuler l’information si elle est trop technique. Savoir que d’autres personnes sont passées par les mêmes étapes est rassurant. Nous sommes très vigilants aussi sur les échanges du groupe concernant les médecines douces ou parallèles. Nous ne pouvons pas laisser n’importe quelle information circuler.

La deuxième mission de l’association est de faire connaître la maladie auprès du grand public. C’est un cancer souvent silencieux dans ses premières phases, intime et encore tabou. Beaucoup de jeunes ignorent par exemple le lien entre tabagisme et cancer de vessie. Or, 50 % des cancers de vessie sont liés à la cigarette. À l’occasion du mois de sensibilisation au cancer de la vessie qui se déroule chaque année en mai, nous organisons des manifestations de sensibilisation à la maladie, communiquons sur les réseaux sociaux de manière privilégiée avec l’AFU et en partenariat avec notre coalition internationale (World Bladder Cancer Patient Coalition). L’idée est d’augmenter la portée des connaissances sur cette maladie, notamment sur les signes qui doivent alerter et inciter à une consultation médicale. Voir du sang dans ses urines par exemple, n’est pas anodin, il faut en parler à un professionnel. Un autre pan de notre action consiste à militer en faveur de la disponibilité des traitements. Nous suivons les programmes de recherche et partageons les progrès de la science avec nos membres, notamment au travers de notre magazine annuel La Petite Goutte. Nous disposons également d’un comité scientifique. Nous avons à cœur de nous assurer que nos patients aient accès à une information générale fiable. Nous ne donnons aucun avis sur la qualité d’une chirurgie, d’un médecin ou d’un centre. Mais il nous arrive d’encourager un patient à demander un second avis si nous le sentons démuni pour prendre une décision.

En 2023, l’objectif est prioritairement d’augmenter la portée de nos actions et de poursuivre les collaborations que nous avons entreprises avec différentes institutions comme l’AFU, des centres d’urologie et des chercheurs.

 

Urofrance : Comment les patients perçoivent-ils le dynamisme de la recherche sur le cancer de la vessie ?

Lori Cirefice et Pascale Dansart : La recherche est très dynamique dans le domaine du cancer de la vessie. Cependant, elle peut paraître un peu floue pour les patients à l’exception de ceux qui sont dans le groupe depuis longtemps et qui connaissent les programmes de recherche. Nous ne savons pas si nos adhérents ont la capacité d’en mesurer le dynamisme. En tant que représentantes de l’association, nous assistons aux congrès et recevons les communications scientifiques. Le contenu est parfois difficile à comprendre et interpréter. Nous le retranscrivons au mieux pour nos adhérents. Cela dit, les patients présentant un cancer non infiltrant le muscle (soit la majorité des patients), sont souvent peu informés des recherches en cours ou n’en perçoivent pas la portée. Les plus à même d’être informés sont les patients dont le cancer de vessie est métastatique et déjà avancé. Ce sont ces malades qui ont le plus de possibilités d’être inclus dans des essais cliniques lorsqu’ils sont en situation de récidive après une chimiothérapie et une immunothérapie. Malheureusement, la plupart du temps, les patients métastatiques ayant participé à un essai clinique, ne vivent pas suffisamment longtemps pour obtenir des retours concrets sur leur participation à l’étude, en connaître les résultats ou sa transformation en nouveauté thérapeutique. Pour encourager les malades inquiets à l’idée de participer à un programme de recherche, nous avons publié le témoignage d’un patient inclus dans un essai clinique afin qu’il raconte son expérience et son ressenti. Nous fournissons des informations très générales ainsi que les outils pour aider les malades à prendre leur décision et à se lancer dans un essai. Concernant les cancers non infiltrants, les patients dont la tumeur est devenue réfractaire au BCG ou qui sont « interdits » de BCG suite à des complications, nous interrogent souvent sur l’éventualité d’alternatives au BCG. Une autre question qui revient fréquemment est celle de la récidive car le cancer de vessie est l’un des cancers les plus récidivants. La majorité des patients sont intéressés par la recherche si elle les concerne à court terme et qu’elle peut leur apporter un bénéfice direct. Par exemple, les études sur les tests urinaires ont un véritable intérêt pour les malades. À terme, ces tests pourraient éviter le geste invasif qu’est la cystoscopie et contribuer à repérer précocement les récidives. Les cystoscopies de contrôle sont des examens fréquents et parfois douloureux, qui entrainent de l’anxiété, parfois des effets secondaires et requièrent des patients qu’ils se déplacent régulièrement à l’hôpital. Si une analyse d’urine réalisée dans un laboratoire proche du domicile pouvait remplacer la cystoscopie, ce serait une grande avancée qui simplifierait le parcours de soin généralement long dans le cancer de vessie. La recherche sur les cancers non récidivants doit donc également avancer car elle concerne 75 à 80 % des patients et représente un réel espoir. Les études sur le dépistage, les biomarqueurs, la nature des tumeurs, leur agressivité, sont des sujets qui intéressent les malades. De même que tout ce qui a trait à la gestion de la douleur, à la prise en compte de leur qualité de vie ou encore à la recherche sur les cancers d’origine professionnelle. Pour rapprocher les patients du milieu de la recherche, nous pensons qu’un effort de communication est nécessaire au niveau des programmes pour qu’ils se rendent accessibles à ceux qui en attendent un retour. Il faudrait des messages et des supports de communication adaptés avec des infographies, des vidéos, des supports visuels pour être compris de tous. Cela demande un grand talent pédagogique de la part des scientifiques !

Nous sommes disposés à soutenir la recherche, mais nous devons être considérés comme des partenaires à part entière et non simplement comme un vivier de patients facilement accessible pour participer à des études. Pour intéresser les patients, il faut que l’échange avec le monde de la recherche soit équitable. Et que les responsables associatifs que nous sommes puissent garantir à nos patients le respect des bonnes pratiques de la recherche (consentement éclairé, lisibilité des documents, citation dans les articles scientifiques de la contribution de l’association, information sur les résultats, protection des données médicales et personnelles sensibles). Nous avons donc besoin d’être épaulés pour discerner, parmi les multiples sollicitations dont nous faisons l’objet, ce qui relève de la recherche fondamentale ou clinique bien encadrée, ou de pratiques moins « recommandables ».

 

Urofrance : Y a-t-il une hétérogénéité d’accès aux nouveaux traitements sur le territoire français ? Si oui, comment les patients la contournent-ils ?

Lori Cirefice et Pascale Dansart : L’accès à une première consultation peut être compliqué si le patient réside dans un désert médical ou une zone sous dotée. Il va d’abord obtenir un rendez-vous dans un centre de proximité avant d’accéder à un centre de référence. Les délais varient selon les régions. Concernant les examens, les patients attendent entre deux semaines et deux mois pour une cystoscopie. Mais dans l’ensemble, l’accès aux soins est relativement facile. En France, nous avons la chance d’avoir un système de taxi médical qui fonctionne très bien, tout est pris en charge par l’assurance maladie. Comparé à d’autres pays, à partir du moment où le patient est dans le système et bien suivi par son médecin traitant, il n’y a globalement pas de problèmes. L’acte médical en lui-même est accessible mais c’est l’accessibilité à une prise en charge post traitement qui est plus compliquée. Le retour à domicile après une chimiothérapie, une instillation de BCG, ou une ablation de la vessie, peut être problématique pour des patients isolés, âgés… Il manque des infirmières en pratique avancée. Selon les régions, les soins à domicile ne s’organisent pas toujours facilement. Le patient est renvoyé vers son médecin traitant qui n’est pas toujours disponible ou ne souhaite pas prendre le relai de l’hôpital. Les malades se sentent un peu abandonnés, notamment le weekend et l’association reçoit alors beaucoup de messages inquiets et nombre d’entre eux sont justifiés. D’autre part, il n’existe pas une liste officielle de centres de référence. Un maillage officiel qui permettrait de s’adresser au centre adapté le plus proche de son domicile serait un atout indéniable. La prise en charge du cancer de vessie, notamment en cas de situations médicales complexes, de cancers rares, de complications, dépasse souvent les compétences des petites structures locales. Toutes n’ont pas la maîtrise des chirurgies dont seuls les grands centres disposent. Certains actes chirurgicaux demandent une réelle expertise. Il y a sans doute une inégalité géographique à ce niveau là. La prise d’un second avis spécialisé est également fréquemment souhaitée par les patients et n’est pas toujours simple. En attendant ce deuxième avis, la maladie avance alors qu’il ne faudrait pas perdre de temps. Finalement, l’accès à un second avis pose plus de problèmes que l’accès aux nouveaux traitements qui ne semble pas être un sujet de débat. Il serait opportun de mieux organiser le maillage territorial à ce niveau là et définir les complémentarités souhaitables entre médecine de ville et centres de référence, en respectant chacun.

Propos recueillis par Vanessa Avrillon

Le mois de mai est le mois du cancer de la vessie. Pour accéder aux informations concernant le webinaire du 24 mai 2023 destiné aux patients et organisé par l’AFU et l’association Cancer Vessie France, cliquer ici.

En savoir plus : https://www.cancer-vessie.fr/

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