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Le tabac : un tueur redoutable

En faisant 8 millions de morts chaque année dans le monde, dont 1,2 million de fumeurs passifs, le tabac continue silencieusement de tuer. Cancers, mais aussi maladies respiratoires ou cardio-vasculaires, les pathologies liées à sa consommation sont multiples. Dans l’indifférence ou avec la complicité de certains, la cigarette demeure un fléau difficile à combattre.

 

Avec 75 000 décès par an en France (13 % des décès), soit 200 morts par jour et une moyenne de 30 à 50 % des fumeurs chroniques qui décèdent d’une affection liée au tabac, celui-ci représente la première cause de décès évitable. Le cancer tue chaque année 45 000 fumeurs, les maladies cardio-vasculaires en tuent 18 000. En 2019, la France compte 12 à 14 millions de fumeurs avec un âge moyen de début de consommation estimé à 15 ans. Fumer un paquet de cigarettes par jour équivaut à fumer quotidiennement pendant 2 heures et 25 jours par an 24 heures sur 24. Avec une moyenne de 3000 à 3 500 morts chaque année sur les routes françaises et des campagnes d’information choc sur les dangers de la route, il est légitime de s’interroger sur la passivité des pouvoirs publics en matière de prévention des risques liés au tabac.

 

La toxicité méconnue des additifs

« Dans le tabac, la toxicité vient de la combustion, de la fumée, nous explique le Pr Eric Lechevallier, chef du service d’urologie et de transplantation à l’APHM. Sont présentes dans la fumée de tabac 5000 substances, dont 50 sont cancérigènes. Ces 50 cancérigènes sont essentiellement des goudrons, des nitrosamines et des hydrocarbures aromatiques polycycliques, carcinogènes classiques que l’on retrouve notamment dans le cancer de vessie. Quand on fume une cigarette, c’est comme si l’on respirait la fumée d’un pneu qui brule ! ». Parmi les 5000 substances, la nicotine ne serait pas la plus dangereuse. Il s’agit en effet d’un alcaloïde dont la toxicité exacte n’est pas définie. La nicotine incorporée dans la cigarette jouerait un rôle neurologique dans la dépendance, aurait un effet antidépresseur ou coupe faim et potentialiserait l’effet cancérigène. En revanche, les additifs présents dans la composition des cigarettes seraient de plus en plus cancérigènes (polonium, arsenic, mercure…). « Chez les fumeurs, pour la même quantité consommée, les cancers sont plus fréquents aujourd’hui qu’il y a 10 ans », alerte le Professeur de l’APHM.

 

Les idées reçues

Contrairement aux idées reçues, les filtres n’ont aucun effet protecteur contre la toxicité. « Ils ont été conçus par les cigarettiers pour accroître la consommation en donnant bonne conscience aux fumeurs », nous précise le Pr Lechevallier. Ils contiennent des microparticules de plastique qui sont inhalées à chaque bouffée et sont micro-perforés pour que le fumeur aspire plus. « Au-delà de leur rôle destructeur pour les fumeurs, les filtres sont délétères pour l’environnement, ajoute le spécialiste marseillais. En France, 30 à 40 milliards de cigarettes sont vendues chaque année. Presque autant de mégots pleins de nicotine et de produits de combustion finissent dans nos poubelles, mais aussi dans la nature ». Sur le territoire français, cela représente 350 tonnes de mégots par an (40 % des déchets de la méditerranée), dont l’élimination prend 1 à 3 ans. En 2022, l’OMS déclarait que l’industrie du tabac était : « l’un des plus gros pollueurs que nous connaissons » et le tabac « un poison pour notre planète ».

 

Les maladies associées au tabac

Le tabac est à l’origine de plus de 25 maladies dont 30 % de la totalité des cancers. On considère que la consommation de tabac est responsable de 29 % des cancers de l’homme et 9 % des cancers de la femme. Sans distinction de sexe, il représente le 1er risque de cancer du poumon. Selon les chiffres de l’INca, chaque année, le tabac est responsable de 68 000 nouveaux cas de cancers. Il provoque 17 types de cancers différents. Parmi les 5 types de cancers les plus impactés par le tabac (responsable de plus de 50 % de ces cancers), on retrouve le cancer de vessie. « Les produits de dégradation de la fumée hautement carcinogènes, passent dans l’urine et sont stockés dans la vessie. Ils vont entrainer des lésions des cellules vésicales », explique le Pr Lechevallier. Le risque de développer un cancer de vessie dépend de l’intensité du tabagisme, de son ancienneté et de l’âge de début de consommation de tabac. Les cancers de vessie chez la femme sont plus fréquents et plus agressifs. Les fumeurs atteints d’un cancer de vessie sont plus jeunes que les malades non-fumeurs (4 ans de moins) et développent des tumeurs plus agressives. Quant aux traitements, ils sont plus difficiles, moins efficaces et moins bien tolérés chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. « Avec l’arrêt du tabac, idéalement, 7 000 cancers de vessie par an et 2000 décès dus à ce même cancer pourraient être évités en France », estime le chef de service de l’APHM. Au-delà de la vessie, les 4 autres cancers les plus dépendants du tabac sont les cancers de la bouche (langue, gencives…), ORL, poumon et œsophage. Le tabac augmente également le risque de cancer du rein de 40 %. Il s’agit du 6ème cancer le plus fréquent en France avec 13 000 nouveaux cas de cancer rénal chaque année. Il dépend de la quantité de cigarettes fumées et le risque de développer un cancer rénal est dédoublé à plus de 20 cigarettes par jour. Concernant le cancer de la prostate, le tabac ne semble pas être un facteur augmentant le risque. Cependant, sa consommation rendrait le cancer de prostate plus agressif chez les fumeurs avec une mortalité spécifique augmentée de 20 à 30 %. Le tabac est également responsable d’autres formes de cancers comme celui du foie, du colon, du pancréas, de l’estomac, ou du sein. Quel que soit le type de cancer, les patients fumeurs subissent une maladie plus agressive et leur taux de mortalité est augmenté de 40 %. Au-delà du risque de cancer, de nombreuses autres affections sont liées à la consommation de tabac. Parmi les pathologies respiratoires, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie pulmonaire chronique courante chez les fumeurs. L’infarctus, mais aussi la tuberculose, les dysfonctions érectiles, les troubles de la fertilité (hypofertilité) sont associés au tabagisme qui augmenterait également l’incontinence urinaire chez la femme.

 

Les femmes toujours plus touchées

La mortalité due aux cancers par tabagisme chez la femme a été multipliée par deux entre 2000 et 2014. En 2020, 34 % des cancers des femmes étaient liés au tabac et le cancer du poumon a fait un bond significatif ces dernières années. On parle de pandémie mondiale du cancer du poumon chez la femme en 2020. « Ces évolutions sont la conséquence de la mise sur le marché dans les années ‘70 de cigarettes mentholées, blondes, longues et fines, équipées de filtres ou dites « légères », présentées comme étant moins nocives. Or, contrairement aux goudrons, la nicotine n’étant pas l’élément le plus dangereux dans la cigarette, la publicité était purement mensongère. Le risque existe quel que soit le tabac brûlé », nous explique le Pr Lechevallier. Les campagnes de désinformation menées par les cigarettiers ont entrainé une surconsommation du tabac chez les femmes. Le lien entre cancer du sein et tabagisme est désormais également acquis et entre 2002 et 2015. La mortalité par infarctus chez la femme a été multipliée par deux.

 

Les bénéfices du sevrage

« L’arrêt du tabac est toujours bénéfique, même s’il survient après le diagnostic de cancer », encourage le professeur marseillais. « Le patient développera un cancer moins agressif, réduira ses risques de récidive ou de deuxième cancer, bénéficiera d’un meilleur taux de survie, et tolérera mieux les traitements ». En cas d’intervention chirurgicale, les complications sont plus fréquentes chez les fumeurs. Pour amoindrir les risques, il est conseillé d’arrêter de fumer 6 à 8 semaines avant une chirurgie. Et si l’arrêt total de la consommation de tabac est impossible, une diminution de celle-ci est toujours intéressante, même si le risque de maladie n’est jamais réduit à zéro.

 

Sommes-nous égaux face au risque de cancer lié au tabac ?

« Nous ne sommes pas égaux face au risque de maladie, nous explique le Pr Lechevallier. Chacun de nous est porteur d’enzymes de détoxification qui ont des activités différentes en fonction des individus ». Ainsi, certains fumeurs bénéficient d’enzymes très efficaces et seront en partie protégés du cancer alors que chez d’autres, ces enzymes de détoxification fonctionnent moins bien. Quoiqu’il en soit, les enfants sont les premières victimes du tabagisme. Malgré les campagnes de sensibilisation, l’on compte encore 16 % de fumeuses au 3ème trimestre de grossesse. Cette consommation entraine chez le bébé à naître un risque de faible poids de naissance (hypotrophie fœtale) et de prématurité. Par la suite, le tabagisme passif augmente les risques de mort subite du nourrisson, de pathologies respiratoires et d’infections ORL.

 

Cigarette électronique : la solution ?

« Le recul vis-à-vis de la cigarette électronique est encore insuffisant pour affirmer qu’elle est moins dangereuse. Nous ne disposons que de très peu d’études », prévient le Pr Lechevallier. « Nous connaissons la composition du produit inhalé qui ne contient pas de goudron. Ce qui est déjà positif. Mais le fumeur aspire de la vapeur d’eau avec du glycérol dont on connait mal la toxicité. Cela paraît tout de même moins toxique que les goudrons de la combustion de la cigarette. On a l’impression que le risque de cancer est amoindri, mais rien n’est sûr. On peut s’attendre à ce que les effets apparaissent plus tard ». Point positif s’il en est, la cigarette électronique aide au sevrage.

 

Vanessa Avrillon
27-02-2023

 

Crédit photo : AdobeStock_116602351

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