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Cystite récidivante : du dépistage à la prise en charge optimale

La définition de la cystite récidivante varie selon les sociétés savantes. Cependant, dès lors qu’une patiente présente des épisodes infectieux à répétition, sur la base de trois à quatre par an, il est possible de parler de cystite récidivante. Le mécanisme à l’origine de l’épisode infectieux sera recherché et traité. La prise en charge s’articule autour de la mise en exergue des symptômes, d’un bilan urologique minimal, d’une éventuelle antibiothérapie et de conseils d’hygiéno-diététique.

Définition des symptômes

La première étape de la prise en charge consiste à comprendre le contexte de vie de la patiente : ses antécédents, ses facteurs de risques, sa profession… Pour s’assurer d’un diagnostic juste, le spécialiste engage sa patiente à bien spécifier la symptomatologie. La présence de brulures urétrales per-mictionnelles associées à un cortège de signes évocateurs comme la pollakiurie, l’urgenturie, l’hématurie, la pyurie, la pesanteur pelvienne, la douleur et l’inconfort sont en faveur d’un diagnostic d’infection urinaire d’origine bactérienne. Le tout, élément fondamental, dans un contexte aigu. Car, par définition, une infection urinaire est un événement aigu. Dès lors que les symptômes apparaissent de façon chronique et persistante, la pathologie d’ordre infectieux peut être écartée. En présence d’une vessie pathologique, la symptomatologie est identique, mais les symptômes s’imbriquent différemment. Dans le cas d’une hyperactivité vésicale, l’urgenturie et la pollakiurie sont les deux principaux signes ressentis ; dans la cystite bactérienne, ce sont les brulures urétrales per-mictionnelles et dans le syndrome douloureux vésical chronique, l’élément évocateur est la douleur. Ce panel de possibilités justifie de la nécessité comprendre les symptômes de la patiente et la manières dont ils s’articulent entre eux. Ce, afin d’éviter de porter trop facilement le diagnostic d’infection urinaire récidivante d’origine bactérienne et de traiter la patiente à tort par antibiothérapie pour un symptôme qui ne répondrait pas efficacement au traitement. Une symptomatologie chronique est assez peu en faveur d’un événement infectieux. L’éventuelle présence de fièvre doit être signalée ; la notion de fièvre étant en faveur d’une infection du haut appareil urinaire. Dans le cas d’une infection urinaire fébrile, le niveau de gravité diffère et avec lui la prise en charge. La cystite et la pyélonéphrite récidivantes ont chacune leur thérapeutique distincte.

 

Le bilan diagnostique initial

Catalogue mictionnel, débitmétrie, résidu post-mictionnel et examen clinique constituent le bilan initial minimal à réaliser. Le catalogue mictionnel est indispensable, car il met en évidence la présence d’une éventuelle pathologie fonctionnelle de l’arbre urinaire, notamment si les volumes urinés sur 24 heures sont insuffisants par manque d’hydratation. A contrario, il peut y avoir des volumes suffisants mais associés à une hyposensibilité vésicale pouvant être source de forte répression vésicale ou des intervalles mictionnels prolongés et ainsi augmenter le risque infectieux. Le catalogue mictionnel contribue à déceler ces pathologies et met en évidence le fonctionnement vésical de la patiente. La débitmétrie permet de voir si l’on est en présence d’une évacuation des urines physiologiques et la mesure du résidu post mictionnel détermine si la vidange vésicale se fait de manière complète. Enfin, l’examen clinique est indispensable pour rechercher une pathologie plutôt d’ordre anatomique (obstacle à l’écoulement des urines, éventuel prolapsus sévère, possible sténose du méat urétral…). L’ensemble des pathologies anatomiques du bas appareil urinaire sont de potentielles sources d’infection. Une fois ces examens réalisés, le bilan diagnostic initial est complet. La cystoscopie sera uniquement recommandée en cas de suspicion d’une autre pathologie (tumeur de vessie, hyperactivité vésicale secondaire…).

La prise en charge

La prescription dépend des résultats du bilan. En traitant la cause, le problème d’infection urinaire – symptôme d’un dysfonctionnement fonctionnel ou anatomique de l’arbre urinaire – sera également solutionné. Il est généralement question de désordres fonctionnels assez simples à prendre en charge pour les urologues, notamment en proposant une rééducation mictionnelle à l’aide du catalogue mictionnel. Si les explorations n’ont pas permis de mettre en évidence la cause, que la cause ne peut être traitée, que la patiente n’est pas opérable, ou en cas d’échec dans la prise en charge, il existe malgré tout plusieurs possibilités thérapeutiques. En premier lieu l’antibioprophylaxie au long cours, mais dont l’indication devrait rester exceptionnelle. La recommandation repose sur la prescription de Fosfomycine trométamol (monuril) sur la base d’un sachet par semaine avec une réévaluation de la patiente tous les six mois. S’il s’agit de cystites post-coïtal, le traitement doit être pris au décours du rapport sexuel sans excéder une prise par semaine. Le triméthoprime seul (dont le nom commercial est le Delprim) est désormais autorisé. Il s’agit de la forme solitaire du Bactrim (sans la partie sulfamidée) qui peut être utilisée en dose quotidienne pour éviter les infections urinaires. La Nitrofurantoïne a été bannie dans cette indication en France alors qu’elle est encore utilisée par nos collègues anglosaxons. L’indication de l’antibioprophylaxie doit être réévaluée tous les six mois ou régulièrement car les facteurs favorisant l’infection sont susceptibles d’évoluer.

 

L’importance des règles hygiéno-diététiques

Dans la cystite récidivante, l’instauration de règles hygiéno-diététiques est proposée d’emblée alors même qu’il n’existe aucune preuve formelle de leur efficacité. Il faut adapter le discours à chaque patiente et en cela, le catalogue mictionnel est indispensable aussi bien à but diagnostique que thérapeutique. Les mesures habituellement proposées comme le fait de s’essuyer d’avant en arrière, de porter des sous-vêtements en coton plutôt que synthétiques… sont des conseils de bon sens mais il n’existe pas à l’heure actuelle de littérature confirmant ces assertions. Ces mesures, en outre, sont parfois culpabilisantes pour les patientes alors même qu’elles ne régleront pas la problématique. La seule consigne ayant prouvé son efficacité est celle d’augmenter ses apports hydriques en absorbant 1,5 L d’eau supplémentaire par rapport à la quantité d’eau consommée habituellement. L‘augmentation de l’apport hydrique limite les infections urinaires mais ne règle que rarement la cause sauf hypodiurèse majeure. Proposer d’uriner plus fréquemment ou recommander aux femmes sujettes aux cystites post-coïtal l’éviction des spermicides sont des conseils toujours utiles. Parmi les alternatives à l’antibiothérapie, l’utilisation d’une œstrogénothérapie locale chez les patientes post ménopausées peut s’avérer efficace. Les recherches se poursuivent sur l’utilisation de la vaccination par souches bactériennes. Certains types de vaccins, que les anglo-saxons appellent plutôt « immunoactive prophylaxis », sont déjà sur le marché dans certains pays. Le principe repose sur la stimulation répétée du système immunitaire par des souches bactériennes souvent rencontrées dans le cadre de cystites. Les essais contrôlés et randomisés ont démontré l’efficacité de cette stratégie thérapeutique qui n’est pas encore disponible en France. D’autres options thérapeutiques plus anecdotiques ont été étudiées comme le D-mannose qui réduirait le taux d’infections urinaires. Les instillations d’acide hyaluronique ou de glycosaminoglycane n’ont à leur tour pas encore démontré parfaitement leur efficacité dans des essais de haut niveau de preuve, tout comme la compétition bactérienne, la transplantation de microbiote fécal ou la phagothérapie dont l’efficacité restent à étayer.

 

Vanessa Avrillon avec le Dr Maxime Vallée, Maître de conférences des Universités, Praticien Hospitalier, Service de chirurgie urologique et de transplantations rénales, CHU de Poitiers.

07-02-2023

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