Complications et erreurs médicales ne sont pas synonymes !
Qu’elles soient médicales ou chirurgicales, la possibilité de survenue de complications est inéluctable dès lors qu’une intervention est effectuée sur le corps humain. Ainsi, la probabilité de survenue d’un effet indésirable associé à un soin existe toujours.
Autant le savoir, aucun acte médical ni traitement n’échappe à la règle. Parallèlement à l’arrivée de nouvelles technologies chirurgicales, le nombre de complications faisant suite à des actes d’urologie reste stable. Parmi les différentes spécialités chirurgicales, l’urologie est moins à risque de litiges ou de plaintes que d’autres. Cependant, qu’il s’agisse de chirurgie du cancer, d’une intervention sur des calculs ou de maladies fonctionnelles, toutes les pathologies urologiques comportent des probabilités de survenue d’aléas thérapeutiques.
Les complications « fréquentes »
Dans les chirurgies urologiques du rein, de la prostate, de la vessie, des organes génitaux, de la lithiase, on peut s’attendre à des complications non exceptionnelles mais le plus souvent mineures. « Ce sont des domaines d’intervention très différents. Il n’est donc pas envisageable de décrire de façon uniforme l’ensemble des risques », fait remarquer le Pr Jacques Irani, chef du service d’urologie de l’hôpital Bicêtre. Parmi les complications les plus fréquentes, communes à toutes les spécialités et très transversales, il y a l’infection. « Dès lors que l’on travaille sur l’appareil urinaire, si les urines sont infectées, le risque d’avoir un problème infectieux du site opératoire est important et inversement, le site opératoire infecté peut contaminer le système urinaire. On peut citer par ailleurs les risques hémorragiques pendant l’intervention ou en post-opératoire et les plaies de l’uretère et des cavités du rein lors du traitement des calculs », ajoute le spécialiste.
Des garde-fous pour éviter la complication
Quelle que soit la qualité de l’opérateur, de son environnement chirurgical, de l’équipe avec laquelle il travaille, il y a toujours un risque de complication. Pour le Professeur de l’hôpital Bicêtre, « cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire d’un point de vue de la prévention de ces complications ». Les professionnels de santé s’attachent à réduire au maximum les situations susceptibles de favoriser un aléa thérapeutique en agissant en amont pour limiter les risques. Soyons rassurés en effet, tout un dispositif comprenant un ensemble de protocoles est prévu pour maîtriser et sécuriser l’environnement et l’état dans lequel le patient se présente lors d’une intervention. Au bloc opératoire par exemple, la prévention des risques s’inspire de ce qui se fait dans l’aéronautique depuis des dizaines d’années déjà. Les pilotes sont formés à la gestion des risques et aux méthodes d’évitement de ceux-ci. « En médecine, ces barrières de sécurité passent par la formation des équipes, la bonne constitution du dossier du patient, un travail pluridisciplinaire efficace impliquant chaque membre de l’équipe », détaille le chef de service. Créée sur le modèle utilisé en aéronautique, la check-list de bloc opératoire est un garde-fou essentiel pour pallier les aléas thérapeutiques. Le Pr Irani insiste : « si un avion ne décolle pas tant que la check-list est incomplète, une intervention chirurgicale ne devrait pas débuter tant que ce précieux document ne soit parfaitement compilé ».
L’importance de la communication
La communication entre le patient et son médecin en per-opératoire et en post-opératoire occupe une place très importante dans la gestion des risques. Des séquelles donnent parfois lieu à des litiges et la majorité des plaintes émergent en post-opératoire, à distance de la chirurgie. « Le patient se rend compte plusieurs mois après l’intervention que quelque chose d’anormal se produit et que cela pourrait être une séquelle opératoire », précise le Pr Irani. Le litige est le plus souvent en rapport avec un problème de communication entre le patient et son chirurgien pendant la période précédant l’intervention. Les risques de la procédure chirurgicale n’ont pas été correctement mentionnés par le médecin ou compris par le patient qui doit toujours être informé en amont des aléas possibles. « L’exemple typique est celui de la prostatectomie radicale pour cancer de prostate, décrit le Pr Irani. Les risques de certains effets secondaires sont inéluctables en particulier l’incontinence ou la dysfonction érectile. Si le patient n’a pas été briefé en pré-opératoire et qu’il présente ces signes en post-opératoire, il va penser que la complication est en rapport avec une erreur du médecin et il va porter plainte ». La difficulté pour le praticien réside dans la capacité à informer précisément son patient de l’ensemble des risques (des plus fréquents du moins), mais sans l’effrayer et sans diluer le message avec une liste interminable des complications les plus rares. Si un malade réclame des statistiques, le spécialiste a la capacité d’en fournir. Il y a une différence de probabilité conséquente entre une complication qui survient dans 50 % des cas et une complication qui survient dans 1 % des cas. Lorsque la complication est fréquente, il est important que le patient s’y prépare.
La gestion de la complication
Dans leur majorité, les complications sont accessibles à une gestion efficace. L’infection par exemple, – bien que l’on soit de plus en plus souvent en présence de germes multirésistants -, est théoriquement facile à traiter. Le Pr Irani reconnaît tout de même que dans de rares cas, sur des terrains particuliers comme celui de patients fragiles, âgés, avec des comorbidités ou des maladies à des stades avancés, les complications peuvent être graves voire létales. La complication est gérée sur le plan médical par l’urologue mais ce dernier peut faire appel dans des cas complexes à des collègues spécialistes (spécialiste de la douleur, cardiologue, neurologue, infectiologue etc…). À charge pour l’urologue d’expliquer au patient de façon claire et loyale, les éléments qui ont conduit à l’aléa thérapeutique et les différentes solutions de prise en charge, les chances de récupération et la durée prévisible de celle-ci. Pour cela, le dossier du patient est une pièce essentielle. Y sont consignées toutes les informations relatives au suivi du malade permettant de retracer l’historique et de remonter à la source éventuelle du problème.
Erreur ou complication ?
« Il ne faut pas confondre erreur médicale et complication », nous explique le Pr Irani. « Suite à la prise d’un comprimé par exemple, quelques personnes feront une complication contrairement à la majorité. C’est le même comprimé, mais les effets peuvent différer d’une personne à l’autre sans qu’il ne s’agisse d’une erreur médicale : c’est une question de biodiversité, les corps humains ne supportent pas de la même façon les traitements ou les interventions et certaines choses ne sont pas maîtrisables ». Dans les complications, la responsabilité de l’opérateur est possible mais la plupart du temps elle n’est pas en cause. Si des erreurs existent, elles sont l’exception qui confirme la règle. « Les véritables erreurs sont extrêmement rares lorsque l’ensemble des barrières de sécurité ont été correctement instaurées pour éviter d’exposer le patient à des risques de complications », conclut le Pr Irani.
Vanessa Avrillon
24/11/2022