Un kyste au rein : bénin ou malin ?
Passés 50 ans, un individu sur trois développe des kystes dans les reins. Cette fréquence est en adéquation avec le vieillissement physiologique normal de l’organisme. Le plus souvent bénins, les kystes rénaux ne requièrent aucune intervention. Quelques exceptions dérogent à la règle. Explication avec le Pr Pierre Bigot, chef du service d’urologie du CHU d’Angers.
Dans la plupart des cas, un kyste dans un rein ne provoque aucune douleur ni gêne. Sa découverte fortuite se fait à l’occasion d’un examen d’imagerie (échographie ou scanner) réalisé pour une autre cause.
Les trois catégories de kystes
« Il existe trois catégories de kystes rénaux, détaille le Pr Bigot, le Kyste bénin, le kyste malin et la polykystose rénale ». Le kyste bénin, le plus fréquent, se présente sous la forme d’un petit ballon rempli d’eau. Il n’est pas cancéreux et ne peux se transformer en tumeur maligne. La deuxième catégorie concerne les kystes malins. Ce sont des formes particulières de cancers à l’aspect kystique. « Habituellement, les cancers du rein se caractérisent par la présence d’une boule pleine (tumeur cancéreuse) alors qu’un kyste est une membrane constituée d’eau, précise le spécialiste du CHU d’Angers. Bien que cela soit rare, il arrive que l’on diagnostique une tumeur kystique dans un rein ». Enfin, on retrouve la troisième typologie de kystes dans la maladie polykystique. Il s’agit d’une affection génétique atteignant les reins et le foie se traduisant par une production massive de kystes dans les reins. « Ils vont proliférer et remplacer le parenchyme rénal jusqu’à empêcher le fonctionnement normal de l’organe. C’est une maladie génétique familiale très rare qui conduit à l’insuffisance rénale terminale, à la dialyse et parfois à la greffe ».
Comment diagnostiquer et différencier les kystes ?
Les kystes rénaux sont visibles à l’échographie et au scanner. Découverts au détour d’une exploration réalisée pour une autre pathologie, leur typologie est déterminée par le radiologue. Le spécialiste se base sur une classification radiologique (la classification de Bosniak) pour différencier un kyste bénin d’un kyste malin. Le kyste repéré dans le rein est classé sur une échelle allant de 1 à 4. Lorsqu’il s’agit d’un kyste 1 ou 2, sa paroi est très fine et ne comporte ni végétation ni excroissance. C’est une membrane simple composée d’eau, totalement bénigne et qui ne peut se transformer en cancer. Sa détection ne s’accompagne d’aucune intervention ni suivi particulier. Du fait de sa composition aquatique, le kyste bénin n’entraine pas de dysfonctionnement rénal et ne comprime pas les organes de voisinage. « De façon exceptionnelle, des kystes bénins peuvent être vraiment très volumineux (jusqu’à 15 à 20 cm), avec un poids important associé au volume et une contenance pouvant atteindre jusqu’à 1 litre d’eau. Cela équivaut à porter une poche à l’intérieur de soi. Le patient en ressent alors la présence dans le rein, explique le Pr Bigot. Bien que très rares, ces kystes entrainent des douleurs lombaires, une gêne dans le dos. Dans ce cas, le chirurgien retire sous coelioscopie la membrane qui sécrète l’eau. C’est une intervention très rapide qui s’effectue en ambulatoire et n’abime pas du tout le rein ». Pour les patients se plaignant de douleurs dorsales ou de gêne alors que les kystes sont petits (4 à 5 cm), si aucune autre cause ne permet de déterminer l’origine des douleurs, la chirurgie est parfois proposée. La classification de Bosniak intègre les kystes classifiés 2F, pour lesquels un doute subsiste quant à leur malignité, mais pour lesquels l’exérèse n’est pas conseillée automatiquement. Leur diagnostic s’accompagne d’examens d’imagerie complémentaires ainsi que d’un suivi évolutif. « En revanche, lorsqu’il s’agit d’un kyste 3 ou 4, la probabilité qu’il s’agisse d’une tumeur kystique cancéreuse est importante », prévient le chef de service du CHU d’Angers. Les cellules tumorales ne circulent pas dans le contenu mais dans la paroi des kystes, il est dès lors nécessaire d’extraire chirurgicalement la membrane qui sécrète le liquide ». L’intervention – appelée néphrectomie partielle – reste un acte délicat pour le chirurgien qui doit inciser le rein pour extraire le kyste souvent localisé simultanément à l’intérieur et à l’extérieur de l’organe. Les formes kystiques de cancer du rein sont rares, d’évolution lente et décrites comme moins agressives que les tumeurs pleines du rein. Lorsque cela est possible, afin de ne pas risquer d’endommager l’organe, le chirurgien suggère d’éviter l’extraction des tumeurs kystiques et de surveiller les petites tumeurs kystiques qui peuvent ne jamais évoluer.
La maladie polykystique
Rare avant l’âge adulte, la maladie polykystique est une maladie néphrologique génétique qui, à ce jour, ne bénéficie d’aucun traitement curatif. Elle se caractérise par l’apparition bilatérale de kystes associée à des malformations rénales. Les antécédents familiaux favorisent un dépistage précoce. Lorsqu’une forme familiale n’est pas déterminée et en présence d’arguments cliniques comme la prolifération de plusieurs kystes sur les reins, une recherche sur de mutations génétiques est conseillée. Parfois lorsque le rein kystique est trop volumineux (la polykystose peut provoquer des reins énormes), il est retiré. 40 à 50 % des patients atteints de polykystose souffrent d’insuffisance rénale, ce qui les conduit à la dialyse, voire à la greffe de rein.
Vanessa Avrillon
03-10-2022