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Cancer de la prostate : la maladie aux deux visages

Le 17 septembre prochain, à l’initiative de l’Association Française d’Urologie et de son président, plus de 300 personnes s’élanceront dans l’ascension du Mont Ventoux à vélo. Objectif de cette grande manifestation populaire : sensibiliser l’opinion publique à l’importance du dépistage du cancer de prostate qui tue un homme toutes les heures en France.

 

Urofrance : Le cancer de prostate est perçu comme une maladie peu évolutive et curable. Cet a priori doit-il être nuancé ?
Pr. Georges Fournier, Président de l’Association Française d’Urologie : La particularité du cancer de prostate réside dans sa survenue qui commence à partir de 50 ans. Concernant son incidence, il s’agit du premier cancer masculin et en termes de mortalité, c’est le troisième cancer après celui du poumon et du côlon. Un homme sur sept environ développera un cancer de prostate au cours de son existence. Au niveau national, cela correspond à 50 000 nouveaux cas et 8100 morts par an. Soit un mort toutes les heures. C’est donc une maladie qui tue. Diagnostiqué trop tard, le cancer de prostate peut se transformer en cancer métastatique, dont on peut certes réduire la vitesse d’évolution avec un traitement hormonal, mais qui est fatal à plus ou moins long terme. A contrario, un cancer précoce localisé dépisté tôt est souvent de bon pronostic, avec plus de 95 % de guérison. Il est erroné de dire qu’un cancer de prostate évolue peu. C’est une maladie à deux visages. Son pronostic dépend du type d’adénocarcinome détecté. Dans un cas, le cancer de la prostate sera peu évolutif sur 10 à 15 ans, voire d’avantage (environ 50 % des cancers de la prostate), ce qui conduit à simplement le surveiller quand il est détecté tôt. Dans l’autre cas, le cancer évolue plus rapidement et peut entrainer la survenue de métastases et le décès s’il n’est pas traité immédiatement au stade précoce. On parle ici de cancer moyennement ou peu différenciés (50 % des cas).

 

Urofrance : On parle d’un cancer qui concerne uniquement les hommes âgés. Les hommes plus jeunes sont-ils épargnés ?
Pr. Georges Fournier : Il est vrai que l’incidence augmente avec l’âge. C’est un cancer de l’homme vieillissant. La maladie est rare avant 50 ans et la moyenne d’âge des diagnostics est de 67 ans. D’où la nécessité de dépister dès 50 ans. Une idée fausse est que le cancer de la prostate entraine des symptômes mictionnels qui vont alerter le patient. Or, au début de la maladie, il ne ressent aucun symptôme. Lorsque les troubles mictionnels existent, cela n’indique pas la présence d’un cancer de la prostate, mais souvent celle d’un adénome. À l’inverse, ne pas avoir de symptômes ne signifie pas que tout va bien. Le cancer de prostate est sournois, totalement silencieux, à l’exception des stades évolués (avec métastases osseuses).

 

Urofrance : On comprend facilement l’intérêt du dépistage précoce…
Pr. Georges Fournier : Avec le dosage de PSA (Prostate Specific Antigen ou antigène spécifique de la prostate) et le toucher rectal tous les 2 ans, on détecte tous les types de cancers de prostate. Plus de 80 % d’entre eux sont diagnostiqués alors qu’ils sont encore localisés à l’organe. Les protocoles de dépistage ont beaucoup évolué ces dernières années et les biopsies de prostate ne sont plus systématiques. C’est une avancée majeure car, elles peuvent être source d’inconfort et d’infection. Lorsque le PSA est augmenté, l’IRM de la prostate est faite en première intention. Si l’IRM est normale, dans la plupart des cas, la biopsie n’est pas prescrite. A l’inverse, si l’IRM est douteuse, l’examen va permettre de guider la biopsie. C’est ce que l’on appelle la biopsie ciblée, qui vise la partie atteinte de la prostate. Il est aujourd’hui possible de proposer un parcours de dépistage nuancé et personnalisé (date de début du dosage du PSA, fréquence du dépistage…) en fonction des résultats des différents examens qui sont réalisés et des caractéristiques cliniques du patient (âge, antécédents familiaux…).

 

Urofrance : Le dépistage a-t-il permis de faire évoluer également la thérapeutique ?
Pr. Georges Fournier : Pendant longtemps, le principal reproche qui était fait au dépistage était d’entrainer un risque de surtraiter les patients. Contrairement à ce qui se faisait il a une dizaine d’années, tous les cancers de prostate ne sont désormais plus traités. Certains bénéficient simplement d’un protocole de surveillance. Cette surveillance active qui a modifié les pratiques en profondeur évite le surtraitement inutile. Par exemple, nous ne traitons pas les cancers bien différenciés, peu agressifs et peu évolutifs. Au cours du suivi, des contrôles sont proposés au patient. Ils donnent une idée très précise de l’évolutivité de la maladie. Si la thérapeutique n’est pas toujours nécessaire, le dépistage en revanche l’est toujours.

 

Urofrance : À travers cette ascension du Mont Ventoux à vélo le 17 septembre, l’AFU souhaite éveiller les consciences. Quel retentissement espérez-vous ?
Pr. Georges Fournier : Il existe peu d’information destinée au grand public sur la gravité du cancer de la prostate et il est important d’effacer de nombreuses idées fausses ou anciennes. Le postulat de départ a été celui de nous adresser directement aux hommes concernés et à leurs familles afin de les renseigner sur l’importance du dépistage du cancer de prostate. D’où l’idée de ce grand événement auquel participeront des personnalités médiatiques, des médecins, mais aussi des patients et le grand public en général. On sait que lorsqu’un diabète ou une maladie cardio-vasculaire sont diagnostiqués tôt, on en prévient les complications et les conséquences et cela réduit la mortalité. C’est du bon sens. Il faut en faire de même pour le cancer de prostate.

 

Urofrance : Pourquoi avoir fait appel à Bernard Hinault et quelle est la symbolique de l’évènement ?
Pr. Georges Fournier : Bernard Hinault est une personnalité célèbre, très sympathique et entière. Nous allons grimper le Mont Ventoux aux côtés d’un grand sportif qui a remporté cinq fois le Tour de France et a été champion du monde sur route. Il n’est pas directement concerné par le cancer de prostate mais il est concerné par l’idée de défendre une cause pour le bien collectif. Puisqu’il est nécessaire d’informer le grand public, il fallait l’attirer avec un événement dont il se sent proche. Le vélo est un sport très répandu chez les hommes de plus de 50 ans. Et la prostate concerne les hommes de plus de 50 ans. Le vélo était donc une accroche évidente, un bon support. Certains grimperont le Ventoux avec des vélos traditionnels et d’autres avec des vélos à assistance électrique. En tout, les 300 participants parcourront 55 km. C’est déjà un succès car nous avons clôturé les inscriptions et nous recevons encore des demandes.

 

Urofrance : À quoi seront consacrés les fonds récoltés ?
Pr. Georges Fournier : Les 35 euros d’inscription sont intégralement reversés au fonds de dotation de l’AFU. Ce fonds a été créé pour accompagner des projets de recherche en urologie. J’ai proposé de consacrer les sommes rassemblées à l’occasion de cette course pour entreprendre un projet de recherche sur le dépistage personnalisé du cancer de prostate. Cela ne suffira pas bien entendu, mais contribuera à la mise en route de ce projet de recherche essentiel.

 

Propos recueillis par Vanessa Avrillon

13-09-2022

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