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Faire l’amour avec un robot : la réalité de demain ?

Spécialisées dans l’intelligence artificielle, des sociétés se lancent dans le développement et la commercialisation de robots sexuels. Ces compagnons mécaniques à la personnalité programmable représenteraient un espoir pour les patients atteints de troubles de la sexualité. Le Dr Carol Burté andrologue et sexologue, nous éclaire sur ce qui pourrait devenir un jour, un remède contre les pannes sexuelles.

 

Urofrance : Quelles sont les caractéristiques techniques de ces poupées sexuelles et comment fonctionnent-elles ?
Dr Carol Burté : Ce sont des robots humanoïdes et pas des poupées sexuelles. La différence est qu’une poupée sexuelle est inerte et imite vaguement une forme humaine, c’est un sex-toy. Là, ce sont des robots dont l’apparence est proche de celle des êtres humains avec notamment des téguments ressemblant de plus en plus à la peau humaine et ces robots peuvent interagir grâce à l’intelligence artificielle. Les robots humanoïdes d’une manière générale commencent à être utilisés par exemple pour guider les gens dans les foires commerciales ou les congrès. Les robots sexuels sont conçus pour la sexualité mais pas que ça, pour dialoguer aussi, interagir. Le but des fabricants est qu’ils puissent déclencher des émotions. D’où le titre de ma présentation aux JAMS (1) : « Faire l’amour ? avec un robot sexuel », la question que je pose est : est-ce possible ? C’est-à-dire, est ce qu’ils seront autre chose que des sex-toys dont on se sert sans émotion et qu’on range dans un coin ? Ou bien pourrons-nous éprouver des émotions, des sentiments, partager, ressentir, comme s’ils étaient de vraies personnes ? Dans une société où faire l’amour est souvent limité à « faire » (des positions, des pratiques, un « acte » sexuel), est-ce que finalement les robots humanoïdes ne vont pas remettre du sens ?

 

Urofrance : l’apport de l’intelligence artificielle rend ces robots hyper réalistes au point de pouvoir interagir avec l’humain. À terme, ces poupées pourront-elle sociabiliser avec leurs utilisateurs ?
Dr Carol Burté : C’est le but des fabricants en tous cas et ce sera sans doute possible. Nous allons assister à l’émergence d’une catégorie d’individus entre humains et êtres inanimés qui seront de plus en plus intégrés à la société. Par exemple le robot Sophia (2) a obtenu la nationalité saoudienne, ce qui en fait un sujet à part entière dans la société, comme une personne humaine.

 

Urofrance : Pourrions-nous imaginer un attachement affectif ? Peut-on aimer un robot ?
Dr Carol Burté : Des études ont montré qu’un robot humanoïde pouvait être attirant, par ailleurs les travaux sur l’attachement ont montré qu’on pouvait s’attacher à un objet. L’attachement peut se faire envers tout objet procurant des émotions positives. Alors si nous avons des interactions positives avec cet objet et qu’il fait bien l’amour, il paraît évident que c’est possible…

 

Urofrance : À la différence des sex-toys, les robots sexuels permettraient une connexion émotionnelle humain/robot. En quoi sont-ils intéressants pour des patients souffrant de troubles sexuels ?
Dr Carol Burté : Beaucoup de patients souffrant de troubles sexuels n’osent plus faire de rencontres mais le traitement de leurs troubles nécessite justement d’avoir des relations sexuelles, ce qui les met dans une impasse. On peut donc imaginer que les robots puissent être une aide aux thérapies sexologiques dans certains cas parce que ces thérapies impliquent souvent des consignes sur le plan comportemental. D’autres patients peuvent avoir du mal à résoudre leur problème sexuel du fait que leur partenaire ne veut pas s’impliquer dans une prise en charge, ça peut aussi être une bonne indication. Enfin, pour tous ceux qui sont inhibés, cela peut permettre d’oser faire des choses qu’on ne ferait pas avec quelqu’un. Dans tous ces cas on peut imaginer que le robot puisse relayer concrètement les conseils donnés aux patients, les guider et les encourager.

 

Urofrance : Les robots sexuels sont-ils uniquement destinés aux hommes ? Les femmes souffrant de troubles de la sexualité peuvent-elles également avoir accès à ces poupées ?
Dr Carol Burté : Oui bien sûr mais le robot « homme » n’est semble-t-il pas encore très au point.

 

Urofrance : Ces robots destinés à une sexualité artificielle sont relativement onéreux. Peut-on imaginer une démocratisation de ces produits s’ils étaient utilisés dans la sphère médicale pour solutionner des troubles de la sexualité ?
Dr Carol Burté : Lorsque quelque chose de nouveau et sophistiqué arrive sur le marché, c’est toujours cher, on a vu ça pour les télés puis les téléphones et ordinateurs. Petit à petit ça devient de plus en plus abordable. Dès lors qu’on destine quelque chose à un soin médical cela devient très cher au contraire. Par exemple les vacuums destinés à traiter certains troubles érectiles : ce sont des produits très bon marché dans les love shops et très chers sur les sites de matériel médical.
Pour le moment les robots sont chers et peu vendus donc la recherche est limitée. En conséquence malheureusement, tout ce qu’on fantasme quant à leur côté humanoïde, capable de vraies interactions, surtout en matière de sexualité, est encore de la science-fiction. Mais ça pourrait évoluer très vite.

 

Propos recueillis par Vanessa Avrillon
05-09-2022

(1) Journées d’Andrologie et de Médecine Sexuelles (JAMS) organisées par l’AFU le 4/09/2022
(2) Sophia, activée le 19 avril 2015 à Hong-Kong, est une gynoïde saoudienne. Mise au point par Hanson Robotics, une entreprise spécialisée dans la robotique, également basée à Hong Kong. Elle a été conçue pour tout apprendre en s’habituant au comportement des êtres humains. Sophia est également capable de répondre aux questions et a été reçue en entrevue à maintes reprises. En octobre 2017, elle obtient la nationalité saoudienne, faisant d’elle le premier androgynoïde au monde à recevoir la citoyenneté d’un État. Elle est considérée comme l’un des robots les plus intelligents du monde.

 

Crédit photo : AdobeStock_117360338

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