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La vasectomie sans scalpel : une technique simple et indolore de contraception masculine

La vasectomie est une chirurgie mineure permettant la stérilisation masculine. En coupant les canaux déférents, le chirurgien bloque le transport des spermatozoïdes depuis les testicules. Le Dr Michel Labrecque est professeur émérite du Département de médecine familiale et de médecine d’urgence de l’Université Laval au Québec. Il pratique la vasectomie depuis 1981 et est le premier médecin canadien à pratiquer la vasectomie sans bistouri en 1992. Il nous explique les avantages de cette technique mini-invasive.


Urofrance : La vasectomie comme moyen contraceptif est encore peu répandue en France. Qu’en est-il au Canada ?
Dr Michel Labrecque : Le Canada est l’un des pays dans le monde où le recours à la vasectomie est le plus fréquent. Environ 60 000 vasectomies sont réalisées chaque année pour une population de 38 millions d’habitants. Si le ratio était similaire à celui en France (67 millions d’habitants), vous auriez plus de 100 000 hommes vasectomisés chaque année.
Au Québec, on estime qu’un homme sur trois âgés de 50 ans a été vasectomisé. Tel qu’en témoigne le tableau suivant, c’est de loin le moyen de contraception le plus utilisé chez les couples âgés de 35-49 ans.

La vasectomie est plus populaire que la ligature tubaire au Québec, et ce depuis plusieurs décennies. Il y a actuellement 4 à 5 vasectomies pour une ligature tubaire. Dans le graphique plus bas, le plus grand nombre de vasectomies dans les années 90 s’explique par la répartition démographique du Québec. C’était l’époque où les baby-boomers avaient entre 30 et 40 ans, l’âge où on se fait vasectomiser !

Urofrance : Vous êtes le fervent défenseur d’une technique de vasectomie sans scalpel. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette opération ?
Dr Michel Labrecque : Lors d’une vasectomie, les canaux déférents sont sortis hors du scrotum (l’enveloppe contenant les testicules) puis sont bloqués et coupés, empêchant ainsi le passage des spermatozoïdes mais conservant l’éjaculation.

La vasectomie se fait en trois étapes chirurgicales : 1) l’anesthésie locale, 2) l’isolement et l’exposition du canal hors du scrotum et 3) l’occlusion du canal

L’anesthésie
Deux techniques d’anesthésie locale ont fait leurs preuves. La technique avec mini- aiguille (aiguille # 30) et la technique avec injecteur à pression (Madajet), dites sans aiguille. Personnellement j’utilise la technique avec mini-aiguille qui s’avère plus pratique et rapide d’exécution dans notre contexte de soin. Avec l’une ou l’autre technique bien exécutée, la douleur médiane est de l’ordre de 1 sur 10 pendant l’anesthésie et de 0 sur 10 pendant la chirurgie.

 

L’isolement et l’exposition du canal hors du scrotum

En 1974, le Dr Shunqiang Li a « révolutionné » l’approche chirurgicale en développant en Chine la « vasectomie sans bistouri », une approche novatrice pour exposer le canal hors du scrotum. Cette technique a été introduite aux États-Unis en 1985 et a depuis été utilisée sur des millions d’hommes sur tous les continents.

La technique nécessite deux instruments spéciaux, une pince à anneau et une pince à dissection. Le canal est fixé à la peau sur le raphé médian dans le tiers supérieur du scrotum avec la pince à anneau. Puis, la peau est percée et le canal est exposé d’un seul trait à l’aide de la pince à dissection ouverte d’environ 5 mm. La technique ne nécessite qu’une seule ouverture et aucune suture cutanée n’est nécessaire.

Il faut bien comprendre que la « vasectomie sans bistouri » ne consiste qu’à isoler et exposer le canal hors du scrotum. À ce titre, le terme « vasectomie sans bistouri » est inapproprié. Vasectomie signifie littéralement excision /ablation du canal déférent. C’est l’occlusion du canal qui est la « vasectomie » à proprement parler. On devrait donc parler de la « technique sans bistouri » pour isoler et exposer le canal déférent hors du scrotum.

 

Occlusion du canal

Il existe de nombreuses techniques, souvent combinées, pour empêcher le passage des spermatozoïdes dans le canal déférent dont les ligatures avec fil ou agrafes métalliques sur le canal, la cautérisation de la muqueuse, la cautérisation du canal lui-même, l’excision d’un segment du canal, l’interposition du fascia sur un des segments du canal et le repli du canal sur lui-même. C’est la technique d’occlusion du canal qui détermine l’efficacité occlusive et contraceptive de la vasectomie. Et les différences sont importantes. Ainsi la technique « classique » où l’on met deux ligatures sur le canal et on excise le court segment entre les ligatures est associée à des taux d’échecs de l’occlusion inacceptables, de l’ordre de 8 % à 13 % tel que montré dans de nombreuses études. Par ailleurs, la combinaison de la cautérisation de la muqueuse du canal combiné à l’interposition du fascia montre des taux d’échec de l’ordre de 0 à 0,5 %.

Urofrance : Quels sont les bénéfices pour le patient par rapport à la technique conventionnelle de vasectomie ?
Dr Michel Labrecque : Si l’on parle strictement de la « technique sans bistouri » pour isoler et exposer le canal, les études ont montré qu’elle diminue le risque de complications chirurgicales, soit les saignements et les infections, comparativement à la technique conventionnelle avec double ouverture cutanée avec bistouri, ouvertures plus larges, insertion de pince à l’intérieur du scrotum et sutures cutanées.
Le risque d’hématome et d’infection est nettement sous les 1 % dans ma pratique avec la technique sans bistouri. De plus, lorsqu’on maitrise bien la technique le canal peut être exposé en moins de 1 minute.
Par ailleurs comme mentionné plus haut, plusieurs études indiquent que l’efficacité de la vasectomie varie de façon importante selon la technique d’occlusion utilisée par le médecin. Et j’insiste, la « vasectomie (technique) sans bistouri » n’a rien à voir avec l’efficacité de la vasectomie.

Urofrance : Elle devrait donc être largement proposée. Est-ce le cas au Canada ?
Dr Michel Labrecque : La technique sans bistouri est la technique recommandée dans les Guides de pratique canadien et américain sur la vasectomie. C’est la technique qui est effectivement enseignée et pratiquée par la majorité des médecins canadiens qui font des vasectomies.

Urofrance : Pouvez-vous nous confirmer que la vasectomie sans scalpel – au même titre que la vasectomie conventionnelle -, n’a aucun impact sur la vie sexuelle des patients opérés ?
Dr Michel Labrecque : Effectivement la vasectomie n’a pas d’impact sur la vie sexuelle. En fait, ce n’est pas tout à fait vrai… Les études ont montré que la libido est augmentée dans les couples où l’homme est vasectomisé. Plusieurs études ont montré que les niveaux de testostérone ne sont pas influencés par la vasectomie. L’éjaculation demeure semblable comme les spermatozoïdes ne représentent que 2-3 % de l’éjaculat.

Urofrance : Cette chirurgie est-elle irréversible ?
Dr Michel Labrecque : Oui et non… On doit considérer la stérilité obtenue par la vasectomie comme permanente. Il existe bien une intervention chirurgicale, la vaso-vasostomie, qui permet de retrouver la fertilité. Cependant cette opération délicate réalisée sous anesthésie générale ou péridurale avec microscope nécessite de 2 à 3 heures de travail et les taux de grossesse après la chirurgie sont de l’ordre de seulement 50 %. Les taux de grossesse peuvent être encore plus faibles si la vaso-vasostomie est réalisée plusieurs années après la vasectomie.

Propos recueillis par Vanessa Avrillon
29-08-2022

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