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Un polype dans la vessie : est-ce un cancer ?

En ce mois de mai consacré à la vessie, il nous a semblé important de revenir sur un cancer mal connu, celui de la vessie, qui nécessite une prise en charge dès les premiers symptômes afin de limiter les risques de progression de la maladie. Car, un polype dans la vessie est rarement bénin.

La présence de sang dans les urines (hématurie) est l’un des principaux symptômes qui doivent alerter le patient et l’inciter à consulter rapidement. « Le saignement de la vessie est parfois négligé par les patients. Ils se disent que cela va passer (et souvent cela passe rapidement et spontanément) alors que chez un patient (fumeur de surcroit), c’est un signe évocateur de cancer de vessie qui requiert rapidement un bilan complémentaire pour écarter cette éventualité », explique le Dr Priscilla Léon, urologue à la clinique Pasteur de Royan et membre du comité de cancérologie – sous-comité vessie – de l’AFU. Parmi les autres symptômes possibles associés au cancer de vessie, citons l’envie d’uriner plus fréquente, des infections urinaires à répétition, des urgences et un inconfort mictionnel, une sensation de pesanteur au niveau de la vessie ainsi que tous les signes qui modifient la miction. « Ces symptômes doivent impérativement conduire le patient à consulter au moins son généraliste qui l’adressera si nécessaire après un premier bilan, vers un urologue », prévient la spécialiste.

Comment est posé le diagnostic ?

En cas de suspicion de cancer de vessie, l’imagerie par échographie est proposée. Ensuite, le scanner permet de vérifier la totalité de l’urothélium (qui va du rein à la vessie) et de déceler une éventuelle tumeur urothéliale dans un rein ou un uretère. La cytologie urinaire (analyse des cellules dans les urines) est fréquemment prescrite par l’urologue. En cas de découverte de cellules anormales, elle contredit une imagerie qui serait normale. L’étape suivante est la cystoscopie. Cet examen consiste à introduire, sous anesthésie locale, une caméra dans la vessie afin de déceler des tumeurs plates ou trop petites pour être repérées par l’imagerie et de cartographier la vessie afin de voir le nombre, la taille des polypes, leur situation par rapport aux méats urétéraux (à l’endroit où les reins viennent se vider dans la vessie).

Qu’est-ce qu’un polype ?

« Le terme de polype n’est pas toujours très clair dans l’esprit des patients. Le doute vient de l’appellation elle-même. Lorsque l’on entend polype, on n’entend pas spécifiquement qu’il s’agit d’une tumeur cancéreuse. S’agit-il uniquement d’une excroissance, d’un polype bénin comme dans d’autres organes ou est-ce un cancer ? La question est souvent posée en consultation », fait remarquer le Dr Léon. « La confusion vient du fait que pour d’autres organes comme le colon par exemple, il existe des polypes qui peuvent être bénins ou malins. Dans la vessie lorsque l’on parle de polype, il s’agit dans 99 % des cas d’une tumeur et donc d’un cancer », ajoute la spécialiste. La distinction se fait uniquement sur la gravité de celui-ci. « Les polypes bénins dans la vessie sont très rares. Il se peut en revanche que la tumeur soit superficielle (qu’elle n’envahisse pas le muscle de la vessie), mais cela reste un cancer et nécessite un traitement et un suivi ». Les polypes se développent à partir de la muqueuse (l’urothélium : enveloppe qui se trouve à l’intérieur de la vessie au contact de l’urine). Ils prennent souvent la forme d’une framboise, d’où le terme de polype. Une fois retiré de la vessie, l’analyse anatomo-pathologique du polype détermine le grade de la maladie (par rapport au nombre de cellules anormales) et le stade du cancer (par rapport à la profondeur du polype). Cela va permettre au spécialiste d’expliquer à son patient si le cancer est plutôt superficiel et n’infiltre pas le muscle ou au contraire s’il s’agit d’un cancer agressif infiltrant le muscle. Dans ce deuxième cas, le patient ne relève pas du même traitement ni du même suivi. Quant au pronostic, il sera également différent.

L’importance de la classification pour le traitement et le pronostic

« Dans le cas d’un polype unique, à un stade non avancé et superficiel, le simple fait de le retirer dans son ensemble – on ne retire jamais un bout du polype – suffit à traiter le patient. S’il est plus profond, s’il existe plusieurs polypes ou que le patient a tendance à récidiver, il relève du traitement par chirurgie de résection complétée par l’instillation d’un traitement endovésical (mitomycine, BCG, épirubicine…) dans la vessie afin d’éviter la récidive et la progression », précise le Dr Léon. L’urologue ajoute que 75 % des tumeurs de vessie sont des tumeurs non infiltrant le muscle et de bon pronostic, à la condition que le patient évite le toxique principal représenté par le tabac. Dans les stades infiltrant le muscle, la prise en charge peut aboutir à des chirurgies plus lourdes comme le retrait complet de la vessie qui est le traitement de référence. Lorsque cela est impossible (contre-indication à une chirurgie lourde) et/ou afin de préserver l’organe, le spécialiste opte pour un traitement trimodal avec résection maximaliste du polype, suivie de chimiothérapie et de séances de rayons (radiothérapie) sur la vessie. Pour les patients métastatiques, la chirurgie cède sa place à des traitements à base de chimiothérapie. L’immunothérapie est également devenue très importante dans la prise en charge des patients ayant une tumeur de vessie infiltrant le muscle, et cette immunothérapie améliore le pronostic. « Dans le cancer de vessie, on passe donc de traitements en apparence superficiels avec le simple retrait du polype par endoscopie réalisée par les voies naturelles et une sortie d’hospitalisation le jour même, à l’ablation complète de la vessie représentant une chirurgie lourde avec un séjour hospitalier beaucoup plus long et des suites qui peuvent être plus lourdes d’un point de vue digestif ou urinaire », explique le Dr Léon.

Le suivi pour éviter la récidive

Les polypes de vessie ont tendance à récidiver, notamment chez les fumeurs. Il est donc important pour les patients de comprendre qu’après résection d’un ou plusieurs polypes, et même lorsqu’ils ont échappé aux instillations, ils sont guéris à un instant T, mais que la maladie peut récidiver. « Dans la mesure où les patients n’associent pas spontanément le polype à un cancer, cela peut entraîner des conséquences sur leur adhésion au traitement », prévient Le Dr Léon. En conséquence, le suivi des patients traités pour un polype de vessie ne doit pas être négligé. Il s’étale sur plusieurs années et comprend des endoscopies régulières pour surveiller la récidive et ce, même dans le cas de tout petits polypes. Pour le Dr Léon, « l’urologue occupe un rôle important dans l’éducation de son patient en lui expliquant qu’il doit éviter tout ce qui peut accentuer le risque de récidive comme la consommation de tabac et s’assurer qu’il fasse sérieusement son suivi ». Car, à l’exception des tumeurs infiltrant le muscle, le pronostic de cancer de vessie reste relativement bon avec un taux de survie autour de 85 % à 5 ans.

Vanessa Avrillon

09-05-2022

Crédit photo : AdobeStock

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