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« Première » transplantation rénale d’un rein de porc à un homme aux États-Unis

La greffe de rein est le traitement de référence pour les patients dont les reins ne fonctionnent plus. Elle est faite le plus souvent à partir de donneurs décédés ou de donneurs vivants, famille ou proche. La technique chirurgicale a peu évolué depuis son introduction mais de grands progrès ont été réalisés sur le plan immunologique pour faire tolérer au corps cette implantation extérieure. Les avancées s’avèrent telles que, pour pallier le fait que le nombre de donneurs soit bien inférieur au nombre de patients ayant besoin d’un nouveau rein, la recherche aux États-Unis se tourne à présent vers des implantations de rein de porc génétiquement modifié. Le Pr Marc-Olivier Timsit, Université de Paris, responsable du Comité de transplantation de l’AFU, revient sur la première transplantation rénale d’un rein de porc à un homme à NYU-Langone.

Une première aux yeux du monde mais une « avant-première » française

« Soyons chauvins et ne nous laissons pas voler la paternité de cette intervention une nouvelle fois par nos collègues américains », commence Marc-Olivier Timsit. Car la première transplantation d’un rein de porc à un humain était bel et bien française : c’est en effet en 1906 que Mathieu Jaboulay, dernier chirurgien-major de l’Hôtel-Dieu de Lyon, transplanta un rein de porc au pli du coude d’une receveuse de 48 ans. Et selon l’urologue, ce cas d’usurpation n’est pas unique… « Ce fut aussi le cas lorsque Joseph Murray transplanta le rein de Ronald Herrick à son frère jumeau en 1954 (ce qui contribua à lui valoir le Nobel en 1990) alors même que Gilberte Renard avait été la première donneuse vivante de l’histoire, opérée par Delinotte à Necker 2 ans plus tôt ».

« Ce qui justifie à chaque fois la primeur attribuée aux Américains, c’est le succès : alors que le transplant de Jaboulay n’excréta de l’urine que quelques minutes, le rein transplanté à New York a fonctionné pendant les 3 jours de l’expérimentation », explique le Pr Timsit, qui reconnaît qu’il s’agit tout de même bien d’un premier succès. « C’est un succès majeur, une première révolutionnaire car c’est la première fois que l’on utilise un rein de porc génétiquement modifié », confirme-t-il.

Le prérequis pour transplanter avec succès un rein de porc à l’homme

Le Pr Timsit rappelle que tous les mammifères – sauf les primates et les hommes – expriment à la surface des cellules de leurs vaisseaux un certain type d’antigènes (Ag) que l’on nommera A, sorte de code barre de reconnaissance des tissus. « Mais chez l’homme et les primates de l’ancien monde, l’enzyme qui produit ces Ag A est non fonctionnelle », précise-t-il. Ces derniers n’expriment donc pas le même Ag que le reste des mammifères, et développent de ce fait des anticorps naturels contre celui-ci. Cela représente un obstacle majeur pour la xénotransplantation, c’est à dire la transplantation d’un organe de mammifère vers l’homme. Ainsi, pour pouvoir transplanter un rein de porc à un humain avec un succès précoce, « il est nécessaire de disposer de porcs transgéniques, dépourvus de l’Ag A notamment », confie l’urologue.

Ces lignées existent désormais aux États-Unis (porc GalSafe développé par Revivicor Inc. ayant obtenu une approbation de la Food and Drug Administration en décembre 2020). Ces porcs, destinés aussi au marché de l’alimentation, ont pu être utilisés comme donneurs et ainsi permettre ce succès chirurgical.

Un grand espoir pour la médecine mais encore de nombreuses limites

« Dans un contexte de pénurie d’organes, pouvoir disposer de reins génétiquement modifiés pour traiter nos patients représente un immense espoir et une véritable révolution médicale », conclut le Pr Timsit, qui ajoute qu’il existe toutefois quelques limites à la transplantation d’un organe animal à l’homme. Ces limites ont déjà été rappelées dans un chapitre du rapport du congrès de l’AFU, intitulé « La transplantation rénale en 2046 » (Timsit et al. Prog Urol. 2016). À savoir, la possibilité d’un risque infectieux mal maîtrisé, mais aussi l’existence de différences physiques entre le rein de porc et le rein humain. Des interrogations nombreuses et importantes donc, mais proportionnelles à l’espoir et au potentiel incroyables que représente cette première mondiale.

Crédit photo : iStock

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