Insuffisance cardiaque associée au traitement médical de l’hyperplasie bénigne de la prostate
Le traitement médicamenteux de l’hyperplasie bénigne de la prostate soulève des questions pour les patients qui présentent un risque d’insuffisance cardiaque. Le Dr Pradère, membre du comité des troubles mictionnels de l’homme à l’AFU, nous en dit d’avantage.
L’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) correspond au gonflement de la prostate. Souvent liée à l’âge elle est responsable de symptômes urinaires comme des envies fréquentes d’uriner pouvant réveiller la nuit. Son traitement médicamenteux repose sur les alpha bloquants (AB) et les inhibiteurs de la 5-alpha réductase (5-ARI). Les AB agissent sur les fibres musculaires lisses mais également sur les artères tandis que les 5ARI ont une action sur les récepteurs de la testostérone. Ces médicaments sont prescrits depuis de nombreuses années cependant leur utilisation semble soulever des problèmes pour les patients qui présentent un risque d’insuffisance cardiaque. Ce risque est connu ainsi que d’autres nombreux effets secondaires associés au traitement médicamenteux de l’HBP. En effet, lors d’études évaluant les AB comme traitement de l’hypertension artérielle il avait été mis en évidence un risque accru d’insuffisance cardiaque avec l’usage des alpha bloquants. Le traitement de l’HBP par inhibiteurs de la 5-alpha réductase présente quant à lui un effet anti-androgène, c’est-à-dire qu’il bloque la production de l’hormone mâle, la testostérone. Cette baisse de la testostérone peut favoriser le syndrome métabolique qui se caractérise souvent par une prise de poids et une élévation de la tension artérielle voire un diabète. Ces facteurs sont connus pour augmenter le risque cardio-vasculaire.
Une étude (1) publiée en mai 2021 dans The Journal of Urology, apporte de nouveaux éléments de compréhension de la relation entre ces traitements de l’HBP et le risque de maladie cardiaque. « Elle incite surtout l’urologue à délivrer à ses patients l’information quant aux risques potentiels de ces médicaments et à proposer une alternative thérapeutique mini-invasive à des patients sélectionnés », explique le Dr Benjamin Pradère. Cette étude basée sur 10 ans a porté sur 175 000 hommes de plus de 66 ans, atteints d’HBP et sans antécédent d’insuffisance cardiaque. Sur cette population, 70 000 étaient sans traitement, 8 000 traités par 5ARI seul, 55 000 par AB seul et 41 500 par les deux en association. L’étude retrouve une augmentation des nouveaux diagnostics d’insuffisance cardiaque chez les hommes traités médicalement pour une HBP. Les deux traitements présentaient une relation avec le risque d’insuffisance cardiaque, avec un risque plus élevé pour les hommes exposés aux AB (seuls ou en combinaison). De même, la durée prolongée de l’exposition aux AB est associée à un risque accru d’insuffisance cardiaque.
Cependant, le Dr Pradère modère en mettant en avant le manque de robustesse de l’étude malgré le nombre élevé de patients. En effet il précise que « l’étude a été réalisée à partir d’une base de données administrative, c’est-à-dire non remplie par des médecins, ce qui implique de nombreux biais. La précision du suivi des patients était également limitée ». En outre, cette étude ne doit pas remettre en cause le traitement et la prescription médicamenteuse des patients atteints d’HBP. « Une information claire et complète doit être délivrée lors de la prescription d’un traitement médical de l’HBP, en particulier chez les patients à risque d’insuffisance cardiaque. Pour ces patients, le praticien pourra proposer une alternative avec une des nouvelles thérapies mini-invasives », conclut le Dr Pradère.
Référence :
(1) Cardiac Failure Associated with Medical Therapy of Benign Prostatic Hyperplasia: A Population Based Study, Avril Lusty, D. Robert Siemens, Mina Tohidi, Marlo Whitehead, Joan Tranmer, and J. Curtis Nickel, Journal of Urology May 2021.https://doi.org/10.1097/JU.0000000000001561