Une tumeur de la vessie est diagnostiquée ou traitée dans le monde chez 2,7 millions de personnes chaque année. Dans la majorité des cas en France, ce sont des tumeurs urothéliales qui apparaissent le plus souvent après 60ans [1]. En France, cette maladie occupe la septième place en nombre de nouveaux cas annuels, tous cancers confondus, et constitue le deuxième cancer urologique après celui de la prostate [1, 2]. Au moment du diagnostic, 75 à 85 % des tumeurs de la vessie sont des tumeurs n’infiltrant pas le muscle vésical (TVNIM). Au sein de cette entité, 60 à 70 % des lésions récidiveront la première année et 10 à 20 % progresseront vers des tumeurs invasives (TVIM) et/ou métastatiques [2, 3]. La résection endoscopique exhaustive de la tumeur vésicale demeure la première étape tant pour établir le diagnostic anatomopathologique de la lésion que pour la traiter. Après résection des lésions vésicales, l’objectif est de diminuer la fréquence des récidives, de traiter une éventuelle lésion résiduelle et, en cas de récidive, de limiter la progression tumorale [2, 3]. Différents agents, comme le BCG (immunothérapie) et la mitomycine C (chimiothérapie) sont ainsi utilisés en France par voie endovésicale [2, 4, 5].
En 2008, une enquête de pratique sur les modalités de réalisation des instillations endovésicales de BCG et de mitomycine C par les urologues français a été réalisée par l’Association française d’urologie (AFU) [4]. Les principaux points d’analyse de cette enquête étaient les modalités de réalisation des instillations endovésicales et la prévention de leurs effets indésirables (EI). À la lecture des résultats, il apparaît une très grande hétérogénéité des pratiques pour la réalisation de ces instillations [4]. En fait, la réalisation du protocole optimal était souvent limitée par la survenue d’EI, notamment avec le BCG. Le diagnostic et la prise en charge des EI de la BCG thérapie, parfois méconnue des urologues [6], font l’objet d’un autre manuscrit du groupe vessie du comité de cancérologie de l’AFU (CC-AFU vessie) [7]. La meilleure façon d’éviter ces EI est intimement liée aux conditions de réalisation de ces instillations et à la connaissance des règles basiques de leur prévention.
Par conséquent, après cette enquête de pratique, une actualisation des recommandations par le CC-AFU vessie était souhaitable, vivement demandée par le comité de pratiques professionnelles (CPP). Le but de cet article était donc de proposer des recommandations actualisées pour la bonne pratique des instillations endovésicales de BCG et de mitomycine C.
Les urologues réunis au sein du CC-AFU vessie ont été désignés pour effectuer ce travail avec l’aide méthodologique de la commission des recommandations de bonnes pratiques du CPP. Les membres de ce groupe étaient Morgan Rouprêt, Yann Neuzillet, Stéphane Larré, Géraldine Pignot et Christian Pfister (membres du CC-AFU vessie), Michel Soulié (représentant du CC-AFU), Pierre Mongiat-Artus (comité des pratiques professionnelles), Emmanuel Chartier-Kastler (conseil scientifique), Xavier Rebillard (commission risque urologie) et Patrick Coloby (président de l’AFU).
Les documents de référence sélectionnés par le groupe de travail ont été répertoriés dans le Tableau 1.
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| Analyse de la littérature scientifique référencée et niveau de preuve |
Les documents de référence sélectionnés ont été complétés par une revue de la littérature. Les données sur les conditions de réalisation des instillations endovésicales de BCG et de mitomycine ont été explorées dans Medline® (www.ncbi.nlm.nih.gov/) et Embase (www.embase.com//) en utilisant les mots clés MeSH suivants ou une combinaison de ces mots clés : « bladder », « NMIBC », « BCG », « mitomycin », « complication », « toxicity », « adverse events », « prevention » et « treatment ». Les articles obtenus ont ensuite été sélectionnés par le groupe de travail en fonction de la combinaison des critères suivants : pertinence de la méthodologie, objectifs des recommandations, langue de publication (anglais/français), pertinence par rapport au sujet traité et date de publication. Chaque article sélectionné a été analysé selon les principes de lecture critique pour en apprécier la qualité méthodologique et affecter un niveau de preuve. Le barème utilisé pour attribuer des niveaux de preuve à chaque recommandation est celui adapté du score de Sackett et publié par l’HAS en 2000 dans « le guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations » (Annexe 1).
La cible essentielle est représentée par l’ensemble des chirurgiens urologues. Toutefois, ces recommandations s’adressent aussi à tout autre médecin susceptible de participer à la prise en charge des patients recevant des instillations endovésicales ainsi qu’à tous les intervenants (secrétaires, soignants, médecin généraliste, urgentiste) impliqués dans l’organisation et la continuité des soins de cet acte.
Tout patient pour qui la réalisation d’instillations endovésicales a été indiquée.
Établir des recommandations pour l’urologue et les soignants afin d’optimiser la réalisation des instillations endovésicales de BCG ou de mitomycine C avec, à la fois, une meilleure efficacité thérapeutique et une moindre morbidité.
Un groupe de lecture a également été constitué, composé de tous les membres du CC-AFU et des membres du conseil scientifique de l’AFU et du CPP. Les membres du groupe ont formulé leur avis. L’ensemble des avis du groupe de lecture a été transmis au groupe de travail. Ces avis ont été discutés et pris en compte autant que possible dans la rédaction des recommandations.
Les présentes recommandations ont été financées par l’AFU. Le comité d’éthique et de déontologie de l’AFU a expressément demandé aux experts ayant participé à l’élaboration de ce manuscrit les déclarations des éventuels conflits d’intérêts.
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| Diffusion et gestion des risques |
Une version adaptée de ce texte est téléchargeable sur le site de l’AFU (www.urofrance.org/) et celui de l’Organisme agréé d’accréditation AFU (OA-Accr-AFU) (www.accreditation-des-medecins.fr/). Ces recommandations ont été présentées publiquement et discutées lors de la journée Urorisq (gestion des risques et accréditation en chirurgie urologique) de mars 2012. La gestion inadaptée des effets secondaires des instillations endovésicales de BCG est l’une des situations à risque retenue dans le référentiel risque urologie par l’OA-Accr-AFU. L’accréditation des médecins est un engagement volontaire de gestion des risques médicaux en établissement de santé qui fait partie d’un dispositif global de qualité et de sécurité des soins et d’amélioration des pratiques. Le programme de réduction des risques de l’urologie comprend la déclaration d’évènements porteurs de risque (EPR) avec leur analyse, la mise en œuvre de recommandations et les activités d’amélioration de la sécurité des pratiques. Participant ainsi à l’amélioration des pratiques, l’accréditation a valeur d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) pour l’urologue engagé dans ce processus, et s’intègre au sein du dispositif de développement professionnel continu (DPC) à venir.
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| Schéma posologique, indication et contre-indications |
En utilisant six principaux paramètres clinicopathologiques (grade, stade, taille de la tumeur, taux antérieur de récidive, présence de carcinome in situ concomitant et nombre de tumeurs), il est possible de calculer la probabilité de récidive et de progression d’une TVNIM selon les tableaux de risque élaborés par l’EORTC [3, 8, 9]. Ainsi, il est classique de différencier les TVNIM en fonction du risque de récidive et de progression : faible, intermédiaire et élevé Tableau 2 [2]. Les indications des instillations en fonction des groupes à risque TVNIM sont rappelées dans le (Tableau 3)(niveau de preuve 2). La prévention des EI passe par le respect et la connaissance des indications et des contre-indications de chacun des produits.
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Instillation postopératoire précoce (IPOP) de mitomycine C |
Après la résection trans uréthrale de la vessie (RTUV), une instillation postopératoire précoce (IPOP) de mitomycine C est recommandée, en respectant systématiquement ses contre-indications (l’hématurie et la perforation vésicale). Elle est réalisée si possible dans les six premières heures ou, au plus tard, dans les 24heures qui suivent la RTUV. L’IPOP après RTUV diminuerait le risque de récidive tumorale de 12 à 39 %, que la lésion soit uni- ou multifocale (niveau de preuve 2) [3, 10]. Elle est réalisée si possible dans les six premières heures ou, au plus tard, dans les 24heures qui suivent la résection. L’IPOP après RTUV diminuerait le risque de récidive tumorale de 12 à 39 %, que la lésion soit uni- ou multifocale [3].
L’IPOP doit être proscrite en cas d’hématurie macroscopique et/ou de perforation vésicale (niveau de preuve 2).
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Instillations de mitomycine C hors instillation postopératoire précoce |
Le traitement actuellement classique est de six à huit instillations hebdomadaires de 40mg d’Amétycine©, suivies ou non d’instillations mensuelles [2, 3] (niveau de preuve 2).
Il n’existe pas de contre-indication formelle à la mitomycine C si ce n’est de respecter le délai de cicatrisation vésicale de quatre semaines en cas de résection profonde ou de perforation pendant l’acte endoscopique [2, 3]. Des manifestations systémiques peuvent survenir après instillation de cet antibiotique cytotoxique antitumoral (notamment éruption de la peau, des mains et des organes génitaux externes, prurit) pouvant conduire à une contre-indication temporaire ou définitive de l’utilisation du produit.
Le traitement d’induction par le BCG est débuté dans un délai de quatre semaines au moins après la dernière résection tumorale [11, 12]. Le traitement d’attaque est de six instillations hebdomadaires de 81mg d’Immucyst®, complété par une à trois instillations hebdomadaires après six semaines d’arrêt [2, 3, 13] (niveau de preuve 2). Un traitement d’entretien doit être proposé sur une durée totale de trois années selon la tolérance au traitement [3, 14, 15]. L’action du BCG contre le risque de progression tumorale a été plus importante lorsque les patients avaient bénéficié d’un traitement d’entretien après l’induction. Néanmoins, les mêmes patients sont susceptibles de présenter davantage d’effets indésirables sévères.
Il existe quatre contre-indications définitives à l’utilisation du BCG [5, 16] :
• | déficit immunitaire inné ou acquis ;
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• | tuberculose active ;
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• | antécédent de réaction systémique au BCG ;
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• | antécédent de radiothérapie de l’aire vésicale.
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Elles doivent être scrupuleusement respectées et systématiquement identifiées avant de débuter un schéma d’instillation.
Les contre-indications du BCG sont liées soit à la prise d’un traitement antagoniste de ses mécanismes d’action (antibiotiques, immunosuppresseurs) qui diminuerait l’efficacité du BCG, soit à l’altération de la barrière urine/sang (traumatismes, résection supérieure à 15jours, cystites) et/ou à la dysfonction de la réponse immunitaire (déficits de l’immunité cellulaire, déficits combinés, défauts de la phagocytose, hypersensibilité) qui augmenterait le risque d’EI grave [5, 16]. Des EPR liés à un non-respect de ces contre-indications ont été rapportés chez des patients recevant un traitement immunosuppresseur en raison de transplantation d’organes ou de maladies inflammatoires chroniques et chez des patients ayant des antécédents d’irradiation de l’aire vésicale sans cystite radique sans qu’aucun EI grave ne se soit pourtant déclaré [17, 18]. Néanmoins, ces situations rares ont été insuffisamment étudiées à ce jour pour faire évoluer les contre-indications au BCG.
Des manifestations locales ou systémiques peuvent survenir au cours des instillations de BCG pouvant conduire à une contre-indication temporaire ou définitive à l’utilisation du produit [7, 19, 20, 21, 22]. Il faut donc impérativement savoir reconnaître ces EI pour en évaluer la gravité et prendre ainsi la décision adaptée pour la poursuite ou non de ces instillations et pour la prise en charge des EI. Les classifications des EI de la BCG thérapie qui ont été rapportées sont fondées sur la clinique. Saint et al. [23] ont classé les EI de la BCG thérapie selon trois critères : son type, sa sévérité et sa durée. Cette classification a ainsi défini quatre groupes (I, II, III, IV) et deux sous-groupes en fonction du caractère général (A) ou locorégional (B) de l’EI observé (Tableau 4). La gestion des EI du BCG a été détaillée spécifiquement dans un autre article du CC-AFU [7].
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| Réalisation pratique des instillations endovésicales |
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Information du patient et mise en condition |
Une information préalable aux instillations doit être délivrée en consultation par l’urologue qui les réalise. Elle doit préciser l’objectif, les modalités de réalisation, les complications éventuelles des instillations. Elle précisera le délai et le calendrier choisi pour le rythme, la fréquence et la durée de ces instillations ainsi que l’agent pharmacologique qui aura été choisi entre le BCG et la mitomycine C. Cette information orale est complétée par la remise de supports écrits au patient (fiche d’information AFU, livret d’information pour protocole personnalisé de soins) en fin de consultation pour lui permettre de s’y reporter, de suivre le bon déroulement du traitement et d’en discuter éventuellement avec son entourage. Cette information doit permettre au patient de recevoir le traitement en toute connaissance de cause (c’est-à-dire d’accepter ou de refuser cette proposition de recevoir des instillations endovésicales). Le patient doit être prévenu par son urologue qu’il faudra peut-être déroger au calendrier d’instillation initialement prévu et l’adapter continuellement en fonction des EI du traitement, dans l’unique but d’arriver au terme des instillations prévues afin d’éviter une perte de chance en termes de contrôle carcinologique [12, 24, 25].
Par ailleurs, il est souhaitable de communiquer au patient des numéros de téléphone d’urgence de l’établissement afin qu’il puisse, pendant toute la durée de son traitement, joindre un urologue ou un médecin compétent et ce 24h/24.
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Anamnèse et examen clinique |
Avant de débuter des instillations endovésicales, il faut systématiquement interroger et examiner le patient et notamment sur le plan urologique pour s’assurer de l’absence de symptômes et de signes contre-indiquant temporairement une instillation (exemple : orchite, prostatite…) (niveau de preuve 3).
Avant de débuter l’administration de BCG, les examens biologiques suivants pourraient s’avérer utiles : numération formule sanguine, ionogramme sanguin, bilan hépatique, radiographie de thorax de face datant de moins de six mois (niveau de preuve 4).
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Information du médecin traitant référent |
Le médecin référent du patient doit être spécifiquement alerté par l’urologue du début des instillations et doit être prévenu des principaux signes d’alertes (EI les plus fréquents et signes cliniques spécifiques) qui pourraient conduire le médecin à ré-adresser le patient à l’urologue en urgence.
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Conditions de réalisation |
Avant de débuter la première instillation de BCG, il est recommandé de respecter un délai de quatre semaines après la résection de tumeur de la vessie mais également après tout autre geste invasif urologique (biopsie de prostate par exemple) (niveau de preuve 4).
Il est conseillé au patient de réduire sa consommation de boisson dans les huit heures précédant l’instillation (niveau de preuve 3).
Avant chaque instillation, il est fortement recommandé de s’informer sur la tolérance de l’instillation précédente par un interrogatoire oral du patient (niveau de preuve 4) et de valider systématiquement une « check-list » simple, permettant d’éliminer les principaux EI rencontrés avec le BCG : fièvre, hématurie, troubles mictionnels et signes de cystite, douleur génitale, arthralgie, allergie, dermite. Dans la très grande majorité des cas, les EI rencontrés au cours des instillations par BCG correspondent à des effets secondaires mineurs ne nécessitant pas une interruption définitive du traitement [3, 11, 20]. Cette check-list correspond donc aux principaux EI rencontrés au cours des instillations, contre-indiquant temporairement le BCG et nécessitant d’adapter le schéma posologique : il ne faut pas hésiter à reporter d’une semaine au moins l’instillation en cas de contre-indication temporaire et à surseoir aux instillations jusqu’à résolution complète en cas d’infection urinaire.
Il faut systématiquement vérifier que l’ECBU réalisé, dans l’idéal, moins de 36heures avant l’instillation de BCG, n’objective pas d’infection urinaire (niveau de preuve 2). Il faut surseoir aux instillations jusqu’à la résolution complète de ladite infection en cas d’infection urinaire.
L’administration du BCG par voie endovésicale doit être effectuée dans un établissement de santé public ou privé présentant les conditions requises pour la mise en œuvre d’endoscopie des voies urinaires. Il est donc difficilement envisageable de réaliser des instillations endovésicales dans un cabinet médical qui serait seulement dédié à la consultation (niveau de preuve 4).
D’un point de vue organisationnel, l’instillation endovésicale est un acte médical qui pourrait être délégué. D’après l’enquête de pratique, les instillations sont réalisées dans la majorité des cas par l’urologue lui-même mais parfois aussi par une infirmière [4]. Cela est envisageable à condition que le personnel infirmier qui s’y consacre soit un personnel paramédical dédié et formé spécifiquement à la gestion des instillations (niveau de preuve 4).
Un protocole de « coopération interprofessionnelle » pour la réalisation des instillations endovésicales est d’ailleurs sur le point de se concrétiser. Il doit permettre d’encadrer la pratique des infirmièr(e)s qui réalisent ces instillations. Une grande attention doit être portée aux remplacements (congés, absence) des personnels attachés à l’organisation et la réalisation de ces pratiques d’instillations pour limiter les risques de méconnaissance des règles d’usage.
Une dose d’Immucyst® consiste en l’instillation vésicale de 81mg de bactéries BCG lyophilisées (poids sec). Chaque dose (un flacon reconstitué) est diluée dans 50mL de soluté physiologique stérile sans conservateur. La reconstitution du produit nécessite de porter un masque, des gants et des lunettes. Il faut préparer le produit dans un lieu distant de celui où sont préparées ou pratiquées les chimiothérapies injectables. Il faut interdire la préparation aux personnels immunodéprimés et aux femmes enceintes. Les règles d’asepsie doivent être strictement suivies. Il faudra éliminer les déchets dans le circuit infectieux dédié.
Les patients recevant le BCG ne doivent pas être traités à proximité des patients présentant un déficit immunitaire connu. Une sonde urétrale est mise en place dans la vessie dans des conditions d’asepsie stricte.
On procède au drainage de la vessie, puis on instille lentement la suspension de 50mL d’Immucyst®, au mieux par gravité, puis on retire la sonde. Le patient doit retenir cette suspension aussi longtemps que possible, au minimum deux heures. Lors des 15 premières minutes suivant l’instillation, il est conseillé que le patient reste allongé. Il lui est ensuite permis de se lever.
En cas de traumatisme au moment du passage de la sonde, il faut surseoir à l’instillation et la reprogrammer.
En cas de traumatisme mis en évidence après la réalisation de l’instillation, il faut faire uriner le patient puis rincer la vessie au sérum physiologique. Il faut systématiquement instaurer un traitement actif par fluoroquinolones (sauf contre-indications) à la posologie de 200mg deux fois par jour pour huit jours (niveau de preuve 3).
Au terme de la période de deux heures, tous les patients doivent uriner en position assise pour éviter la dispersion des urines, pour des raisons de sécurité de l’environnement. La neutralisation des urines par 200 mL d’eau de Javel dans les toilettes n’est pas nécessaire.
Il est souhaitable que le patient urine assis, à chaque miction, pendant les six heures qui suivent l’instillation. En l’absence de contre-indication médicale spécifique, on recommandera aux patients d’assurer une hyperhydratation commencée deux heures après chaque instillation et poursuivie pendant 48heures (niveau de preuve 4).
Il faut que le patient recense et note tous les évènements survenant pendant le traitement.
Il faut rappeler au patient le numéro de téléphone à composer en cas d’urgence, tout en programmant la prochaine instillation et remettre l’ordonnance pour le prochain ECBU.
Toutes les règles de bonne pratique pour les instillations du BCG sont résumées dans le poster de l’AFU qui a été envoyé à chaque membre de l’association et est présenté en Annexe 2.
Outre les éléments déjà mentionnés pour le BCG, et notamment la réalisation dans un établissement de santé public ou privé présentant les conditions requises pour la mise en œuvre d’endoscopie des voies urinaires et la vérification systématique de la stérilité des urines à l’ECBU, il existe quelques spécificités propres à la mitomycine C listées ci-après, valables tant pour l’IPOP que pour le traitement d’attaque.
Les conditions dans lesquelles sont réalisées ces instillations sont essentielles car la mitomycine C peut être facilement inactivée. Son efficacité dépend de son mode d’utilisation. Il est recommandé de prévoir :
• | une réduction de la diurèse huit heures avant l’instillation ;
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• | une alcalinisation des urines par du bicarbonate de sodium.
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La préparation doit être obligatoirement réalisée par un personnel spécialisé et entraîné, ayant une connaissance des médicaments utilisés, dans des conditions assurant la protection de l’environnement et surtout la protection du personnel qui les manipule [4, 26]. Elle nécessite un local de préparation réservé à cet usage. Les principales précautions d’usage liées à la préparation de la mitomycine C sont rapportées dans le Tableau 5. Si le respect du système clos est assuré pendant la préparation du produit, il n’y a nul besoin de hotte aspirante.
Concernant l’IPOP, les conditions de réalisation sont hétérogènes d’un établissement à l’autre (bloc opératoire, salle de réveil, hospitalisation,…) [4]. Elles nécessitent idéalement d’obéir au moins à un protocole local d’administration établi par les praticiens (niveau de preuve 4).
Malgré la rapidité avec laquelle la mitomycine C s’inactive, il est toutefois recommandé de garder le produit dans la vessie pendant deux heures (niveau de preuve 3).
Pour chaque miction survenant dans les six heures, il est nécessaire de neutraliser les urines par 200mL d’eau de Javel prête à l’emploi (9°chl, soit 2,6 % de chlore actif), avant chaque miction, dans des toilettes dédiées. Les patients doivent également uriner en position assise. La chasse d’eau est actionnée après avoir attendu quelques instants (environ 30 secondes). Cette manipulation sera effectuée pour chacune des mictions survenant durant les six heures qui suivent l’instillation. Cette adjonction devra respecter les règles d’utilisation de l’eau de Javel et en particulier ne pas faire de mélange avec un produit acide (production de chlore).
Les principales recommandations communes aux instillations de BCG et de mitomycine C sont rapportées dans le Tableau 6.
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Prophylaxie systématique des effets indésirables du BCG |
L’utilisation systématique d’un traitement antibiotique prophylactique lors de chaque instillation pour diminuer la fréquence et l’intensité des effets indésirables, et par conséquent pour améliorer l’observance au traitement, a été largement étudiée.
L’administration orale d’un comprimé d’ofloxacine 200mg, six heures après la première miction post-instillation puis une seconde prise dix à 12heures plus tard, permet de diminuer significativement les effets indésirables de classe 2 (modérés) et classe 3 (sévères) sans impact sur la survie sans récidive à 12 mois [27] (niveau de preuve 2). Elle n’est pas recommandée systématiquement mais doit faire partie de l’arsenal thérapeutique de l’urologue [2, 3, 11].
Un traitement antituberculeux prophylactique aurait l’inconvénient de limiter la stimulation de la réaction immunitaire lors de l’instillation et donc de rendre l’action antitumorale inefficace [11, 19, 20, 28, 29].
La réduction de dose semble possible pour réduire la toxicité du BCG au moment du traitement d’entretien (demi ou tiers de dose) [30]. Cela étant, la dose standard doit être maintenue dans la mesure du possible pour les patients à haut risque ou ayant une tumeur multifocale (niveau de preuve 2).
Les instillations endovésicales de BCG ou de mitomycine C correspondent à un traitement fréquemment administré dans la prise en charge des TVNIM. Si ce geste fait partie de la pratique quotidienne, il ne doit nullement être banalisé et doit répondre à des protocoles d’administration et de délivrance rigoureuse dans l’établissement de soin où le patient est traité. Le protocole du patient doit être personnalisé, planifié et la nature de l’acte urologique (instillation endovésicale) expliquée. L’urologue doit interroger le patient avant chaque instillation pour détecter les EI et ne pas hésiter à surseoir au traitement le cas échéant. En respectant ces principes essentiels de précaution, il est légitime de penser que le protocole de traitement ira à son terme, condition sine qua non pour garantir la meilleure sécurité carcinologique possible.
C. Pfister, M. Rouprêt, S. Larré et Y. Neuzillet sont membres du board scientifique du laboratoire Sanofi-Pasteur.
Xavier Rébillard a été orateur pour des symposiums organisés par les laboratoires Janssen, Sanofi, IPSEN, GSK, Ferring ; prise en charge pour participation à un congrès national ou international par Janssen, IPSEN, Sanofi, Recordati et a eu une activité ponctuelle de consultant pour Janssen et Sanofi.
Patrick Coloby a été orateur pour un symposium organisé par le laboratoire Sanofi au congrès japonais d’urologie à Nagoya et a été pris en charge pour ce congrès.
Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Annexe 1. Score de Sackett pour l’analyse de la littérature et la gradation des recommandations adaptées et publiées par l’HAS en 2000.
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CORRESPONDANCE ENTRE L’EVALUATION DE LA LITTERATURE ET LE GRADE DES RECOMMANDATIONS
| Niveau de preuve scientifique fourni par la littérature | Force des recommandations | Texte : Argumentaire | Recommandation | Niveau 1 | | Essais comparatifs randomisés de forte puissance | Grade A | Méta-analyse d’essais comparatifs randomisés | Preuve scientifique établie | Analyse de décision basée sur des études bien menées | | | Niveau 2 | | Essais comparatifs randomisés de faible puissance | Grade B | Études comparatives non randomisées bien menées | Présomption scientifique | Études de cohorte | | | Niveau 3 | | Études cas-témoins | Grade C | Essais comparatifs avec série historique | | | Niveau 4 | Faible niveau de preuve scientifique | Études comparatives comportant des biais importants | | Études rétrospectives | | Séries de cas | | Études épidémiologiques descriptives (transversale, longitudinale) | | | Toute autre publication (case report, avis d’experts etc.) | Accord professionnela | Aucune publication |
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Cette classification a pour but d’expliciter les bases des recommandations. L’absence de niveau de preuve doit inciter à engager des études complémentaires lorsque cela est possible. Cependant, l’absence de niveau de preuve ne signifie pas que les recommandations élaborées ne sont pas pertinentes et utiles (exemple de l’efficacité de la mastectomie dans le cancer du sein, des antibiotiques dans l’angine...).
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[a]
En l’absence de précision, les recommandations proposées correspondront à un accord professionnel.
Annexe 2. Poster de l’Association française d’urologie résumant les bonnes pratiques des instillations endovésicales de BCG disponible sur www.urofrance.org