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Recommandations de bonnes pratiques cliniques : diagnostic et traitement des uréthrites aiguës non compliquées de l’homme, par le comité d’infectiologie de l’Association française d’urologie (CIAFU)

Auteurs : G. Cariou, A. Sotto, H. Bugel, L. Escaravage, J.-P. Mignard, A. Hoznek, L. Bernard, J.-P. Boiteux, M. Thibault, C.-J. Soussy, P. Coloby, F. Bruyère Référence : Prog Urol, 2010, 20, 3, 184-187 Mots clés : Chlamydiae trachomatis, Infection, Neisseria gonorrhoeae, Uréthrite aiguë

L'évolution de la résistance du gonocoque aux quinolones ainsi que sa diminution de sensibilité aux céphalosporines imposent d'actualiser la prise en charge des uréthrites non compliquées. Nous présentons ici les recommandations de prise en charge de l'uréthrite aiguë par le comité d'infectiologie de l'Association française d'urologie.

Méthodologie

Promoteur

Le comité d’infectiologie de l’Association française d’urologie (CIAFU) a été désigné pour réaliser ce travail avec l’aide méthodologique de la commission des recommandations de bonnes pratiques cliniques du comité des pratiques professionnelles (CPP).
Le CIAFU est un groupe de travail multidisciplinaire. Les membres de ce groupe de travail étaient Jean-Michel Benoit (médecin généraliste), Louis Bernard (infectiologue), Jean-Paul Boiteux (urologue), Franck Bruyère (urologue), Hubert Bugel (urologue), Gérard Cariou (urologue), Patrick Coloby (urologue), Laurence Escaravage (anesthésiste), Andras Hoznek (urologue), Jean-Pierre Mignard (urologue), Albert Sotto (infectiologue), Claude-James Soussy (microbiologiste), Michel Thibault (microbiologiste).
Les membres de la commission des recommandations de bonnes pratiques cliniques étaient : Jacques Irani (urologue), Jean-Dominique Doublet (urologue) et Xavier Rébillard (urologue).

Analyse de la littérature et niveau de preuve

Les documents de référence sélectionnés ont été complétés par une revue de la littérature réalisée par les membres des groupes de travail. Chaque article sélectionné a été analysé selon les principes de lecture critique pour en apprécier la qualité méthodologique et affecter un niveau de preuve.
L’ensemble des recommandations données dans ce document a été assorti d’une lettre correspondant à un niveau de recommandation et d’un chiffre correspondant à un niveau de preuve adaptés des recommandations de la société américaine de maladies infectieuses (IDSA) et définis dans l’encadré 1 [4] :

Grade de la recommandation  
A Il est fortement recommandé de faire
B Il est recommandé de faire
C Il est possible de faire ou de ne pas faire
D Il est recommandé de ne pas faire
E Il est fortement recommandé de ne pas faire
 
Niveau de preuve  
I (A) Au moins un essai randomisé de bonne qualité
II (B) Au moins un essai non randomisé, ou une étude de cohorte, ou une étude cas/témoins, ou étude multicentrique, ou une série historique ou au moins des résultats indiscutables d’études non contrôlées
III (C) Opinion d’expert, résultats d’une expérience clinique, étude descriptive ou résultats d’un consensus de professionnels

Cible professionnelle

La cible essentielle est représentée par l’ensemble des chirurgiens urologues.
Mais ces recommandations s’adressent aussi aux dermatologues-vénérologues.

Patients concernés

Tous les hommes adultes pris en charge pour suspicion d’uréthrites.

Objectifs

Ces recommandations doivent permettre de répondre aux questions cliniques suivantes :

  • quels sont les examens complémentaires à réaliser devant une suspicion ?
  • quels traitements antibiotiques instituer en fonction du terrain ?
  • quelle dose d’antibiotique administrer ?
  • quel suivi réaliser ?

Groupe de lecture

Un groupe multidisciplinaire équilibré a également été constitué comportant 36 lecteurs. Il comportait des chirurgiens urologues, des dermatologues-vénérologues, des médecins généralistes, des médecins urgentistes, des médecins infectiologues et des microbiologistes. Les membres du groupe de lecture ont formulé leur avis à l’aide d’une grille de relecture avec une cotation de 1 à 9 et des commentaires. Les lecteurs devaient, le cas échéant, fournir les références bibliographiques ad hoc argumentant leurs critiques. L’ensemble des avis du groupe de lecture a été transmis au groupe de travail. Ces avis ont été discutés lors d’une réunion rassemblant le groupe de travail et pris en compte autant que possible dans la rédaction des recommandations.

Financement-indépendance

Ces recommandations ont été financées par l’AFU.
Le comité d’éthique et de déontologie de l’AFU a demandé aux experts ayant participé à l’élaboration de ces recommandations les déclarations des éventuels conflits d’intérêts.

Diffusion

Le texte court des recommandations est téléchargeable sur le site de l’AFU (https://www.urofrance.org/).
Ces recommandations ont été présentées publiquement et discutées lors du 102e congrès français d’urologie en novembre 2008.

Principes généraux

Définition

L’uréthrite est une inflammation de l’urèthre et des glandes périuréthrales, le plus souvent d’origine infectieuse et sexuellement transmissible.
Elle nécessite une information au patient et un traitement rapide en raison de la contagiosité et du risque de complications.

Epidémiologie

Chlamydia trachomatis est la première cause d’infection sexuellement transmissible bactérienne dans les pays industrialisés . La prévalence du portage asymptomatique de C. trachomatis a été évaluée à environ 10 % dans certaines populations d’adultes de moins de 25 ans .
Pour Neisseria gonorrhoeae, le nombre de souches isolées en France a augmenté de 50 % entre 2005 et 2006 .

Germes pathogènes

Les pathogènes incluent N. gonorrhoeae, C. trachomatis, Mycoplasma genitalium et Trichomonas vaginalis. Ureaplasma urealyticum, dont la pathogénicité est discutée, est une cause plus rare d’uréthrite.
C. trachomatis et N. gonorrhoeae peuvent se compliquer d’une épididymite chez l’homme, une endocervicite, endométrite ou salpingite chez la femme.

Signes cliniques

L’incubation est de deux à cinq jours pour N. gonorrhoeae, de dix à 15 jours (extrêmes 3 à 60 jours) pour C. trachomatis.
Les symptômes se manifestent dans 50 % des cas par un écoulement uréthral purulent ou séreux, voire hémorragique, avec brûlures mictionnelles. Ils sont habituellement plus marqués dans les uréthrites gonococciques.
En l’absence d’écoulement, les symptômes sont : un prurit canalaire, des brûlures mictionnelles, une dysurie, une pollakiurie. Rappelons la fréquence des portages asymptomatiques, surtout pour C. trachomatis.
Des localisations pharyngées ou anorectales peuvent être associées.

Diagnostic

Toute suspicion d’uréthrite doit être confirmée biologiquement : un prélèvement bactériologique avant traitement est indispensable (A-II).
En présence d’un écoulement, il faut prélever à l’écouvillon (sans désinfection préalable et chez un patient qui n’a pas uriné depuis au moins deux heures) ; en l’absence d’écoulement, il faut recueillir le premier jet urinaire (inférieur à 10ml). Le prélèvement uréthral à la curette ne doit plus être pratiqué (E-I) :

  • N. gonorrhoeae : examen direct et coloration de Gram à partir d’un prélèvement de pus à l’écouvillon au laboratoire. L’antibiogramme est indispensable du fait des résistances [ (A-II) ;
  • C. trachomatis : l’examen de référence est la PCR en temps réel sur le premier jet d’urine. Chez la femme, l’auto écouvillonnage vulvovaginal avec milieu de transport adapté est possible et paraît mieux accepté. La sérologie est inutile pour le diagnostic  ;
  • U. urealyticum : culture sur milieu spécial à partir d’un écouvillon uréthral. Le diagnostic ne sera retenu qu’au-delà de 104 bactéries/ml après culture du germe ;
  • M. genitalium : le diagnostic est effectué uniquement par PCR en temps réel  ;
  • T. vaginalis : examen direct à l’état frais d’un prélèvement uréthral ou du culot de centrifugation du premier jet urinaire.

Traitement

Les traitements probabilistes des uréthrites non compliquées sont monodoses, permettant d’interrompre rapidement la contagiosité, de favoriser l’observance thérapeutique et de limiter la pression antibiotique, facteur de résistance (A-I) :

  • uréthrite gonococcique  :

    • une injection unique par voie i.m. de 500mg de ceftriaxone (aucune souche résistante en France à ce jour, bonne diffusion pharyngée),
    • ou une prise orale unique de 400mg de céfixime, en cas de refus ou d’impossibilité d’administrer un traitement par voie parentérale ; son niveau de bactéricidie est moins élevé et sa biodisponibilité variable,
    • En cas d’allergie aux bêtalactamines :

      • une injection unique de 2g de spectinomycine ; sa mauvaise diffusion pharyngée n’en fait pas un traitement de première intention,

      • ou une prise orale 500mg de ciprofloxacine. Du fait de l’augmentation des résistances aux fluoroquinolones (40 % en 2007), ce traitement ne sera proposé que sous contrôle de l’antibiogramme.
        Un traitement anti-Chlamydia sera systématiquement associé (A-I).

  • uréthrite à C. trachomatis [4-11] :

    • azithromycine : 1g en monodose p.o,
    • ou doxycycline : 200mg/jour en deux prises p.o. pendant sept jours ;
  • uréthrite à M. genitalium : le traitement actuellement recommandé est l’azythromycine 250 à 500mg/j pendant cinq jours ou en cas d’échec la moxifloxacine 400mg/j pendant dix jours [12-13] (A-I) ;
  • uréthrite à U. urealyticum : érythromycine : 500mg×4/j pendant sept à 14 jours ou doxycycline (10 % de souches résistantes) 200mg/j pendant la même durée (A-I) ;
  • uréthrite à T. vaginalis : une prise orale de 2g de nitro-imidazolé, éventuellement répétée dix à 30 jours plus tard (B-II).

Mesures adjuvantes

Dépister et traiter le(s) partenaire(s), rechercher d’autres infections sexuellement transmissibles : sérologies VIH, VHB, syphilis, en tenant compte des délais de séroconversion. Rechercher de condylomes. Les mesures de prévention incluent les rapports protégés pendant sept jours en cas de dose unique, ou jusqu’à la fin du traitement en plusieurs prises, et jusqu’à la disparition des symptômes. Proposer la vaccination contre l’hépatite B chez les non-immunisés (B-II).

Consultation de suivi

À j3, si les symptômes persistent, le patient doit être informé qu’il doit impérativement revenir en consultation si les symptômes persistent au troisième jour, pour adapter le traitement aux résultats de l’antibiogramme, si nécessaire (B-III).
À j7, systématiquement : pour vérifier la guérison clinique, effectuer un contrôle microbiologique de guérison, notamment en cas de localisation pharyngée avec un traitement autre que la ceftriaxone ; donner les résultats des sérologies(B-III).

Conflit d’intérêt

Les experts ont déclaré une indépendance totale vis-à-vis de l’industrie du médicament.

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