L’épidémie actuelle de COVID-19 a des conséquences multiples sur la prise en charge des patients atteints de cancers de l’appareil urinaire et génital masculin. En effet, les ressources humaines, médicales et paramédicales, mais également matérielles des structures de soins sont orientées prioritairement vers la prise en charge des patients infectés. Par ailleurs les procédures de confinement de la population conduisent à restreindre les déplacements pour consultation ou réalisation d’examens et de traitements médicaux ou chirurgicaux en établissements de santé. Le principe de base est d’éviter, autant que possible, tout contact des patients suspects ou porteurs de cancers avec des sujets infectés par le COVID-19. Pendant la période durant laquelle les lits doivent être libérés pour accueillir l’afflux éventuel de patients COVID-19 positifs, l’admission de patients dans les services d’urologie, oncologie ou radiothérapie doit être évitée. Toute mesure permettant la prise en charge des patients à domicile doit être encouragée. Cela inclut la télémédecine et les appels téléphoniques pour effectuer les consultations.
Les urgences urologiques sont prioritaires, mais également le traitement des cancers à haut risque. Dans la majorité des établissements les ressources humaines et matérielles ne sont pas suffisantes pour effectuer une prise en charge habituelle des cancers et une priorisation doit être effectuée parmi les examens diagnostiques et les traitements. Les cancers les plus menaçants pour le pronostic, à moyen et court termes, doivent être pris en charge en priorité.
Le Comité de Cancérologie de l’AFU a établi des recommandations pour distinguer, en cette période de crise sanitaire, les cancers nécessitant un traitement urgent de ceux, moins évolutifs dont la prise en charge peut être différée. Ce document constitue une aide pour la pratique des onco-urologues. L’urologue et les membres de la RCP restent néanmoins les décideurs responsables du traitement pour chaque patient donné, en prenant en compte la pathologie, mais également l’âge, les comorbidités, et les ressources disponibles dans l’établissement de santé concerné ou son environnement. Il s’agit par exemple de l’accès au bloc opératoire, des lits ouverts, de la disponibilité des anesthésistes et des plateaux techniques (radiothérapie, radiologie interventionnelle, chimiothérapie, immunothérapie). Cet article ne constitue pas, par conséquent, une recommandation fondée sur l’evidence based medicine , mais plutôt un recueil de conseils d’experts pour une prise en charge optimisée.
Le traitement des patients potentiellement infectés par le COVID-19 par les personnels médicaux et paramédicaux doit conduire à appliquer les mesures de protection en cours de traitement, qui seront rappelées.
Ces recommandations représentent un avis d’expert qui se veut pragmatique en cette période de crise sanitaire. Elles doivent être interprétées en fonction de beaucoup d’autres paramètres qui sont propres au patient et à l’institution : âge, comorbidités, intensité de l’épidémie, ressources humaines et matérielles disponibles.
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| Protection des personnels |
La protection des personnels soignants est primordiale. Les patients recevant des soins doivent être équipés de masque FFP1. La Société française de microbiologie considère que la virémie est inexistante [1]. La virémie n’est observée qu’en cas de forme pulmonaire évoluée. La présence de coronavirus dans les selles est en revanche rapportée [2].
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| Réunions de concertation pluridisciplinaires |
Les réunions de concertations pluridisciplinaires ont fait l’objet de recommandation par l’INCa [3]. Il est essentiel de maintenir le caractère collégial pluridisciplinaire des discussions de dossiers et des prises de décision, favoriser les réunions dématérialisées mobilisant le minimum de médecins et respectant les consignes sanitaires nationales, privilégier les cas complexes et enregistrer les cas standard. Il est essentiel de maintenir une traçabilité des recommandations de la RCP, y compris les décisions de report de traitements et les déprogrammations de patients.
Le suivi des patients doit se faire de façon préférentielle par téléconsultation pour éviter leurs déplacements. Il est souhaitable de rapprocher la surveillance des patients ayant un cancer avancé pour éviter au maximum la nécessité de recours aux hospitalisations non-programmées et les passages aux services des urgences.
Ils seront suspendus après information auprès du promoteur de l’étude pour connaître les ajustements, amendements ou mesures particulières qui seront prises.
Bien qu’ils n’aient pas encore fait l’objet d’un travail spécifique dans cette indication, il est recommandé d’appliquer rigoureusement les principes de la réhabilitation améliorée afin de minimiser le risque de complications post-opératoires et la durée du séjour hospitalier.
D’un point de vue technique en cas d’intervention par laparoscopie il est préférable d’exsuffler le CO2 intrapéritonéal par aspiration plutôt que par ouverture des trocarts chez tous les patients.
L’utilité de la biopsie d’une tumeur rénale doit être fortement argumentée dans cette période de restriction d’accès à la radiologie interventionnelle.
Le bilan d’extension des tumeurs rénales doit toujours répondre aux recommandations 2018–2020 du CCAFU avant une présentation en RCP pour une prise de décision thérapeutique.
Le temps d’occupation des salles d’intervention peut être une préoccupation. L’opérateur devra donc choisir la voie d’abord pour néphrectomie en fonction du rapport occupation de salle/durée d’hospitalisation.
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Cancer du rein localisé et localement avancé |
Les cancers du rein localisés et localement avancés sont un groupe très hétérogène au sein duquel plusieurs situations qui peuvent être prises en compte dans la situation actuelle [4] (Tableau 1) :
• | les tumeurs du rein de moins de 4 cm (cT1a) : quelle que soit leur nature histologique, de nombreuses séries rétrospectives et des essais prospectifs de surveillance avec un recul important ont montré que la grande majorité d’entre elles augmentaient très lentement de volume et avaient un risque métastatique dans l’année très faible. On peut donc recommander de différer leur traitement et de laisser les patients initialement sous surveillance trimestrielle ou semestrielle [ 5] ; |
• | les tumeurs kystiques (les kystes Bosniak III et IV) ont un faible potentiel de métastatique et peuvent elles-aussi être surveillées (de façon semestrielle ou annuelle) en attendant d’être traitées dans des conditions optimales [ 6] ; |
• | la littérature est moins fournie pour les tumeurs cT1b-T2. Les séries sont rétrospectives avec des petites cohortes ; cependant, lorsqu’elles sont surveillées, il semble que le taux de progression soit faible (4 mm par an) et que l’évolution métastatique soit peu fréquente. On peut donc là aussi différer le traitement en proposant une surveillance trimestrielle initiale [ 7, 8] ; |
• | il n’y a pratiquement pas de données validées sur la surveillance des tumeurs localement avancées. Leur pronostic est péjoratif, même lorsqu’elles sont opérées rapidement, particulièrement en cas de thrombus veineux [ 9]. Il est donc recommandé d’opérer ces tumeurs en priorité ; |
• | concernant la néphrectomie cytoréductrice, les essais Carmena et Surtime indiquent que le traitement médical seul n’est pas inférieur à la néphrectomie associée au traitement médical et que la néphrectomie différée n’est pas associée à une moins bonne survie [ 10, 11]. Ces données concernent les patients de risque intermédiaire et péjoratif. Il n’y a pas de données autres que rétrospective pour les patients de bon pronostic. Tous ces éléments incitent à prioriser : soit la surveillance en cas de faible volume tumoral, soit le traitement médical premier et la discussion secondaire de la chirurgie en fonction de l’évolutions du patient et de l’épidémie ; |
• | enfin, il y a très peu de données sur l’impact que peut avoir le délai entre le diagnostic et la chirurgie d’une tumeur du rein.
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Cancer du rein métastatique |
Il est essentiel de maintenir les mesures de prévention des complications thérapeutiques et les soins de supports qui seront adaptés aux contraintes du confinement (activité physique, nutrition…).
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Cancers urothéliaux (vessie et voie excrétrice supérieure) |
La prise en charge des cancers de la vessie et des tumeurs de la voie excrétrice supérieure (TVES) pose trois problèmes spécifiques distincts dans le contexte de pandémie de COVID-19 : le degré d’urgence des interventions d’exérèse (résection endoscopique de tumeur de vessie – RTUV, cystectomie totale – CT, urétéroscopie souple – URS et néphro-urétérectomie totale – NUT), le risque de contamination du chirurgien urologue au cours de ces interventions, et l’organisation pratique des instillations endovésicales pour le traitement adjuvant des tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle (TVNIM).
Il est entendu que les complications obstructives des voies urinaires mettant en péril le pronostic du patient pour des raisons infectieuses (pyélonéphrite sur obstacle) ou métaboliques (insuffisance rénale aiguë obstructive) sont du ressort des urgences vitales pour lesquelles l’accès immédiat au bloc opératoire doit s’imposer.
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| Degré d’urgence des interventions pour les cancers de la vessie et des voies urinaires supérieures |
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Résection endoscopique de tumeur de vessie (RTUV) et fibroscopie vésicale |
La RTUV constitue la pierre angulaire de la prise en charge des TVNIM car elle en fait à la fois le diagnostic histologique, la stadification pathologique et le premier temps du traitement local. Il n’y a pas d’alternative à la RTUV dans la prise en charge des TVNIM [12] (Tableau 2). Son degré d’urgence dépend du pronostic attendu du cancer de la vessie. Ce pronostic peut être prédit selon des critères cliniques aux pathologiques validés que sont :
• | le caractère initial ou récidivant de la tumeur et la vitesse de sa récidive (<1 an vs.≥1 an) ;
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• | la multifocalité tumorale (<8 lésions vs. ≥8 lésions) ;
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• | la taille tumorale (<3cm vs.≥3cm) ;
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• | la présence de carcinome in situ (CIS) présumé à la fibroscopie ou de part une cytologie urinaire positive de haut grade ;
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• | le haut grade tumoral (OMS 2016)/Grade 3 (OMS 1973) présumé sur une cytologie urinaire positive de haut grade sur les antécédents de TVNIM du patient.
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Pour le diagnostic initial d’une tumeur de vessie, il est possible de distinguer :
• | les tumeurs de faible risque de progression (tumeur de petite taille, non multifocale, présumée de bas grade et sans CIS d’après le résultat de la cytologie urinaire) dont le pronostic autorise, dans le contexte de réduction d’accès au bloc opératoire, un report de la RTUV dans les trois mois. Pour ces tumeurs où une instillation endovésicale post-opératoire précoce de chimiothérapie est indiquée conformément aux recommandations, il est légitime de surseoir si les conditions exceptionnelles d’organisation des soins liés à la pénurie de soignant entraîne un report de l’instillation au-delà de la 6e heure postopératoire. La réalisation de ces interventions en chirurgie ambulatoire doit être privilégiée de manière à libérer des lits hospitaliers ;
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• | les autres tumeurs doivent faire l’objet d’une RTUV d’autant plus rapide que les critères de mauvais pronostic sont nombreux.
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Pour le traitement d’une récidive de tumeur de vessie, il est possible de distinguer :
• | les tumeurs de faible risque de progression (récidive≥1 an, non multifocale, présumée de bas grade et sans CIS d’après le résultat de la cytologie urinaire) dont le pronostic autorise, dans le contexte de réduction d’accès au bloc opératoire, un report de la RTUV dans les trois mois ;
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• | les autres tumeurs doivent faire l’objet d’une RTUV d’autant plus rapide que les critères de mauvais pronostic sont nombreux.
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Pour les fibroscopies de suivi d’une TVNIM, selon l’évaluation du risque de diagnostiquer une récidive par les mêmes critères, il est possible de distinguer :
• | le suivi des tumeurs de faible risque de récidive (dernière récidive≥1 an, TVNIM non multifocale, présumée de bas grade et sans CIS d’après le résultat de la cytologie urinaire) autorise, dans le contexte de confinement, un report de la fibroscopie dans les trois mois ;
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• | le suivi des autres tumeurs doit faire l’objet d’une fibroscopie conformément aux recommandations [ 12], d’autant plus strictement que les critères de mauvais pronostic sont nombreux. |
Cet examen est habituellement réalisé en unité de soins externes sous anesthésie locale. En l’état actuel des connaissances, il n’expose pas en soi à un risque de contamination par coronavirus. Le risque de complication infectieuse grave associée à la pratique d’une uréthro-cystoscopie au fibroscope souple est<0,5 % lorsque la stérilité des urines est contrôlée avant l’exploration endoscopique [13].
La CT et le traitement de référence des tumeurs de vessie infiltrant le muscle (TVIM) et des TVNIM en échec de BCG thérapie ou présentant des critères de très haut risque de progression métastatique (pT1 haut grade+CIS, multifocal et/ou>3cm et/ou avec embole lympho-vasculaire et/ou de siège prostatique (pT4a) et/ou de formes histologiques agressives). Une chimiothérapie néoadjuvante par MVAC intensifiée (dose dense, avec G-CSF) est recommandée pour les patients qui sont éligibles. L’alternative à la CT est le traitement trigmdale (RTUV extensive+radiochimiothérapie concomitante) pour les tumeurs unifocale, de stade cT2 maximum, sans CIS, sans hydronéphrose et réséquée intégralement) [12].
Le délai de réalisation de la CT fait l’objet de recommandations et doit être<3 mois (90jours) après le diagnostic. Lorsqu’une chimiothérapie néoadjuvante a été effectuée, la CT doit être réalisée dans les 12 semaines post-chimiothérapie. Le retard au traitement chirurgical a été associé à une augmentation du risque de dissémination ganglionnaire (pN+) [14] et diminution de la survie sans progression métastatique et de la survie globale des patients [15].
La CT doit donc être réalisée dans les délais recommandés. La prescription d’une chimiothérapie néoadjuvante suboptimale (combinaison sans cisplatine) ne doit pas être proposée pour permettre d’accroître le délai car cette stratégie thérapeutique est associée à des résultats carcinologiques péjoratifs. Le rapport bénéfice/risque de la chimiothérapie néoadjuvante, notamment du fait de son caractère aplasiant et du risque infectieux secondaire, doit par ailleurs être réévalué dans le contexte de pénurie du lit de soins intensifs liés à la pandémie de COVID-19. La CT d’emblée doit être privilégiée dans ce contexte.
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Urétéroscopie diagnostique (URS) |
L’URS est indiquée dans trois situations [16] :
• | cytologie urinaire sans lésion objectivée en cystoscopie et imagerie ;
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• | doute en imagerie sur une lésion bénigne ;
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• | traitement conservateur envisagé (tumeur de bas risque).
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Pour les deux premières situations, les alternatives diagnostiques employant l’imagerie peuvent être étudiées. En fonction, dans le contexte de réduction d’accès au bloc opératoire, un report de trois mois est acceptable [4].
Dans la situation où le traitement conservateur est envisagé, l’URS ne doit pas être différée si le patient présente une indication impérative (rein unique fonctionnel, insuffisance rénale chronique sévère).
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Néphro-urétérectomie totale (NUT) |
La NUT avec excision d’une collerette vésicale périméatique est le traitement de référence des TVES [16]. Le rapport bénéfice/risque de la chimiothérapie néoadjuvante, notamment du fait de son caractère aplasiant et du risque infectieux secondaire, doit être évalué dans le contexte de pénurie du lit de soins intensifs liée à la pandémie de COVID-19. La NUT d’emblée doit être privilégiée dans ce contexte.
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Risque de contamination du chirurgien urologue au cours de ces interventions |
L’analyse des urines faites chez des patients atteints du COVID-19 a montré qu’il n’y a pas d’excrétion urinaire du coronavirus [2]. En revanche, le coronavirus a été retrouvé dans les prélèvements de selles. La possibilité de contagiosité des flatulences n’a pas été déterminée. Par précaution et par analogie à la prévention à observer par les soignants lors des soins à risque de contamination [17], le port d’un masque FFP2 se justifie durant la RTUV chez un patient suspect d’être atteint du COVID-19. La même précaution doit être prise lorsque l’anus est accessible dans le champ opératoire lors des CT.
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Organisation pratique des instillations endovésicales pour le traitement adjuvant des tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle |
L’intérêt thérapeutique des instillations endovésicales adjuvantes à la RTUV pour le traitement des TVNIM est établi [12]. Le rapport bénéfice/risque de ces instillations doit être évalué par l’urologue individuellement pour chaque patient. II peut être remis en question si le risque de contamination par COVID-19 lié à la rupture du confinement des patients est significatif. Les établissements hospitaliers dans l’obligation d’informer le public des gestes barrières pour réduire la transmission du COVID-19. Les urologues en charge de l’organisation des instillations doivent veiller à ce que les conditions d’accueil des patients soient compatibles avec le strict respect de ces mesures de protection. Le côtoiement des patients et la durée de leur séjour au sein de la structure de soins doivent être réduits au strict minimum.
La survenue d’une fièvre post-instillations de BCG doit conduire, conformément aux recommandations de bonne pratique, à [18] :
• | une simple surveillance en cas de syndrome grippal<48h, sans signe respiratoire, avec une température<38,5°C ;
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• | un traitement antalgique et antipyrétique par paracétamol en cas de température≥38,5°C durant moins de 48h ou≥39,5°C durant moins de 12h ;
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• | une hospitalisation pour antibiothérapie probabiliste par fluoroquinolone et surveillance clinique après avoir réalisé un ECBU et des hémocultures, un dosage de transaminases hépatique et numération formule sanguine et plaquettaire dans les cas plus sévères.
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Dans le contexte de pandémie de COVID-19, la recherche du virus sur prélèvements nasopharyngés doit être réalisée chez ces patients. Le recours à une corticothérapie justifiera l’avis spécialisé de l’infectiologue en fonction du résultat du test diagnostique.
Pour la prise en charge du syndrome irritatif secondaire aux instillations de BCG ou de chimiothérapie, le traitement antispasmodique et anticholinergique est indiqué dans les 48 premières heures. Au-delà, un traitement per os par ofloxacine 200mg×2/jour est recommandé. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne doivent être prescrits qu’après appréciation du risque d’infection par COVID-19 (sujets contacts, symptômes, etc.).
La prescription d’ofloxacine 6h et 18h après la première miction suivant l’instillation présente l’intérêt de réduire le risque d’effets indésirables sévères de la BCG-thérapie qui pourrait porter à confusion avec le diagnostic d’infection par COVID-19.
La prise en charge diagnostique n’est pas modifiée en cas d’augmentation du PSA, avec toucher rectal et demande d’IRM multiparamétrique. C’est la disponibilité des IRM, qui conditionnera la date de réalisation des biopsies de la prostate. Le délai risque d’être augmenté par la mobilisation des ressources de radiologie pour la prise en charge des patients COVID-19. En cas de suspicion de cancer de la prostate à haut risque ou métastatique (T3/4, PSA, imagerie) les biopsies de la prostate doivent être réalisées sans délai, sans IRM préalable.
Dans certains cas une complication est révélatrice de cancer de la prostate et nécessite une prise en charge spécifique :
• | en cas de suspicion de compression médullaire secondaire à un cancer de la prostate métastatique, les examens d’imagerie spécifiques et les biopsies prostatiques seront effectués en urgence afin de ne pas retarder le traitement hormonal simultanément au traitement symptomatique ;
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• | en cas d’insuffisance rénale obstructive secondaire à un cancer de la prostate localement avancé des biopsies en urgence seront effectuées avant traitement hormonal parallèlement à la prise en charge symptomatique.
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Les IRM et les biopsies effectuées dans le cadre de la surveillance active doivent être différées.
Chez les patients COVID-19 ou suspect de COVID-19, les biopsies doivent être reportées, respectivement, jusqu’à guérison ou élimination de l’infection.
En cas de patient non-suspect de COVID-19, il faut cependant tenir compte de la présence potentielle de coronavirus dans les selles. Les adaptations sont mineures et calquées sur les recommandations de la Société française d’endoscopie digestive pour la réalisation des endoscopies digestives : porter des vêtements dédiés, une sur-blouse, une protection de la chevelure, des sur-chaussures, un masque (FPP1), des lunettes de protection, une double paire de gants et utiliser les poubelles jaunes pour le matériel jetable (DASRI) [19]. Les décontaminations, tant des endoscopes que des surfaces n’ont pas à être modifiées.
En période de contingentement sanitaire, il est important d’adapter la prise en charge des patients porteurs d’un cancer de la prostate au risque de décès spécifique par cancer (Tableau 3). L’impact du retard de prise en charge lié aux conditions sanitaires doit également être analysé. Les formes localisées les plus à risque correspondent aux tumeurs indifférenciées chez les patients jeunes [20]. Le risque de récidive après traitement local peut être évalué par plusieurs classifications et nomogrammes. La plus fréquemment utilisée en urologie est celle établie par d’Amico [21]. Les patients qui présentent des formes localisées de risque faible et intermédiaire peuvent être pris en charge de façon décalée sans impact majeur [22]. Il semble qu’une prise en charge retardée de deux mois pour les formes localisées de risque intermédiaire et élevé soit sans impact significatif sur le résultat carcinologique [4]. Les formes à haut risque des patients candidats à la radiothérapie peuvent être gérées par la mise en place d’une suppression androgénique neo-adjuvante comme le suggère les recommandations actuelles de la Société Française de Radiothérapie et d’Oncologie (SFRO). Une attitude similaire pourrait être discutée chez des patients candidats à la chirurgie ; son impact bénéfique sur la survie n’a pas été démontré, cette attitude ne peut faire l’objet d’une recommandation [23].
La surveillance active doit continuer à être privilégiée.
Le report des biopsies de confirmation et de suivi doit être discuté pour chaque patient.
Le traitement peut être différé d’au moins 2 mois.
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| Haut risque et cancer localement avancé |
Radiothérapie : l’hormonothérapie n’est pas à différer, les modalités de radiothérapie seront conformes aux recommandations de la SFRO.
Prostatectomie et curage ganglionnaire : en cas d’impossibilité de réalisation dans les 2 mois, on doit discuter une orientation vers une hormono-radiothérapie. On pourrait également discuter une hormonothérapie d’attente avant prostatectomie (sans recommandation pour cela).
Il est essentiel de maintenir les mesures de préventions des complications thérapeutiques et les soins de supports qui seront adaptés aux contraintes du confinement (activité physique, nutrition, …).
Le suivi des patients doit se faire de façon préférentielle par téléconsultation pour éviter leurs déplacements. Il est souhaitable de rapprocher la surveillance des patients ayant un cancer avancé pour éviter au maximum la nécessité de recours aux hospitalisations non-programmées et les passages aux services des urgences.
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| Cancer de la prostate métastatique sensible à la castration |
Hormonothérapie par agoniste ou antagoniste de la GnRH d’emblée associée à une hormonothérapie de deuxième génération (HTNG). Dans ce cas utiliser l’apalutamide ou l’enzalutamide (ATU) plutôt que l’acétate d’abiratérone (du fait de la nécessité d’y associer une corticothérapie contre indiquée en cas de COVID-19). Eviter la chimiothérapie par docetaxel pour éviter les déplacements hospitaliers et la baisse potentielle de l’immunité.
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| Cancer de la prostate résistant à la castration |
Pour les patients non pré-traités par HTNG, il est recommandé de privilégier une HTNG par enzalutamide plutôt que le docétaxel afin de préserver l’immunité et de limiter les déplacements des patients. L’acétate d’abiratérone n’est pas recommandé du fait de son association aux corticoïdes.
En cas d’indication à une chimiothérapie, il est important de pondérer l’emploi de celle-ci avec le risque infectieux, de discuter une réduction du nombre de cycles et de doses, d’utiliser de façon systématique du G-CSF et de limiter l’exposition aux corticoïdes.
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| Cancer de la prostate en récidive après traitement local |
Les traitements de rattrapage après traitement local ne s’inscrivent pas dans le cadre de l’urgence et peuvent être différés.
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| Cancer des organes génitaux externes |
Les tumeurs du testicule peuvent faire l’objet d’un retard diagnostique de la part du patient comme de son médecin [24]. Un éventuel retard au traitement ne peut être justifié [25] (Tableau 4). L’argument du recours possible à une chimiothérapie adjuvante (cisplatine) en cas de retard à l’orchidectomie est inacceptable. L’orchidectomie reste donc une urgence chirurgicale (dans la semaine) [4].
Les tumeurs du pénis sont rares et font l’objet d’un retard diagnostique important [26]. Ce retard, au-delà de trois mois diminue la possibilité d’un traitement conservateur et la récupération de la fonction sexuelle [27]. Il ne semble pas que ce report à 3 mois ait d’impact sur la survie globale à 5 ans ou la survie sans récidive [27] (au prix d’un geste plus large). Au-delà de 6 mois de report, la survie globale était réduite dès 2 ans [27]. Un retard de 3 mois pour la prise en charge ganglionnaire diminue très significativement la survie spécifique à 5 ans (39,5 % contre 64,1 % en l’absence de délai) [28] (Tableau 5).
Ces données étant de faible niveau de preuve, en particulier concernant le testicule, les propositions suivantes seront un avis d’expert faisant appel au bon sens. Chaque situation clinique devra faire discuter la balance bénéfice risque de l’éventuel retard imposé en tenant compte de nombreux paramètres propres au patient et à l’institution : âge, comorbidités, niveau de l’épidémie, ressources humaines et matérielles disponibles.
Les délais de prise en charges des cancers de l’appareil urogénital doivent être réduits au minimum pour les cancers de mauvais pronostic afin de ne pas risquer une perte de chance de guérison pour le patient. La décision de reporter ou non le traitement initialement choisi dépends des caractéristiques de la maladie, des comorbidités du patient et de la possibilité d’accès à un plateau technique médicochirurgical adapté. Une décision collégiale dans le cadre de la RCP est essentielle dans les cas difficiles. L’impact de ces contraintes sur les patients dépendra essentiellement de la durée de la crise sanitaire, qui à ce jour n’est pas prévisible. Dans tous les cas l’accompagnement du patient est essentiel par le biais d’une information claire et compréhensible de la stratégie diagnostique et thérapeutique entreprise.
Arnaud Méjean ; Karim Bensalah ; Thibaut Murez ; Morgan Roupret ; François Rozet ; Laurence Albiges ; François Audenet ; David Azria ; Jean-Baptiste Beauval ; Jean-Christophe Bernhard ; Philippe Beuzeboc ; Pierre Bigot ; Thomas Bodin ; Romain Boissier ; Serge Brunelle ; Laurent Brureau ; Philippe Camparo ; Eva Comperat ; Luc Cormier ; Jean-Michel Correas ; Ludovic Ferretti ; Aude Fléchon ; Gaëlle Fromont-Hankard ; Pierre Gimel ; Christophe Hennequin ; Jean-François Hetet ; Nadine Houédé ; Stéphane Larré ; Jean-Alexandre Long ; Alexandra Masson-Lecomte ; Romain Mathieu ; Pierre Mongiat-Artus ; Nicolas Morel Journel ; Yann Neuzillet ; François-Xavier Nouhaud ; Idir Ouzaid ; Adil Ouzzane ; Géraldine Pignot ; Guillaume Ploussard ; Raphaele Renard-Penna ; Nathalie Rioux-Leclercq ; Laurence Rocher ; Mathieu Roumiguié ; Pierre-Henri Savoie ; Philippe Sebe ; Evanguelos Xylinas.
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Déclaration de liens d’intérêts |
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.