Accueil > Publications > Recommandations > Evaluation de la fécondation in vitro avec micromanipulation (intracytoplasmic sperm injection [ICSI])
Ajouter à ma sélection Désélectionner

Evaluation de la fécondation in vitro avec micromanipulation (intracytoplasmic sperm injection [ICSI])

Objectifs

La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a observé une nette progression du nombre de cas de fécondation in vitro avec micromanipulation (ICSI) ces dernières années. Elle a saisi la Haute Autorité de santé (HAS), afin d’évaluer la pertinence de cette progression et les conséquences de ce geste technique sur la descendance obtenue, du fait du caractère invasif de la technique et de la levée de la sélection physiologique d’un spermatozoïde fécondant.

Les objectifs de ce travail ont été d’évaluer :

– les indications de l’ICSI ;

– l’efficacité et le rapport coût-efficacité de l’ICSI ;

– les risques de l’ICSI pour la descendance.

Méthode

L’évaluation technologique est basée sur une analyse critique de la littérature et sur l’avis d’experts de groupes de travail et de lecture.

L’évaluation des indications, de l’efficacité, du coût et des risques de l’ICSI a été réalisée à partir d’une recherche de la littérature essentiellement de langue française et anglaise de 1995 à 2006.

Chaque article a été analysé selon les principes de la lecture critique de la littérature de l’Anaes, et a été affecté en fonction de la méthode utilisée par les auteurs, d’un niveau de preuve scientifique qualitatif (haut, intermédiaire, faible).

Les critères retenus de jugement d’efficacité de l’ICSI concernaient toutes les étapes de la fécondation jusqu’à la naissance. En termes de risques, l’ICSI a été comparée à la fécondation in vitro conventionnelle (FIV) et aux grossesses naturelles. Les critères de jugement de risque étaient les fréquences relatives de mortalité, de grossesses multiples, de prématurité, d’hypotrophie, de malformations congénitales majeures, d’anomalies du développement psychomoteur, d’anomalies chromosomiques, épigénétiques et oncologiques, et d’hospitalisation en Unité de soins intensifs (USI).

Le rapport a été ensuite revu et discuté par un groupe de travail multidisciplinaire constitué de 18 experts, et confronté à l’avis d’un groupe de lecture de 16 experts. La composition de ces deux groupes avait été proposée par les sociétés savantes des spécialités sollicitées (andrologie, biologie de la reproduction, économie de la santé, génétique, gynécologie, pédiatrie, radiologie, urologie et virologie) et complétée, selon les besoins spécifiques du sujet, par des experts en épidémiologie, éthique, risque génétique et risque viral. Aucun membre des groupes de travail et de lecture n’a rapporté de conflit d’intérêt.

Evaluation

Littérature analysée

Au total, 1 405 études ont été identifiées et 457 ont été analysées. Parmi ces dernières, 192 études concernaient l’efficacité et le rapport coût-efficacité par indication, ainsi que les risques de l’ICSI (1 rapport d’évaluation technologique, 32 rapports institutionnels ou de registre, 6 recommandations, 6 méta-analyses, 11 revues systématiques, 49 études comparatives, 65 études non comparatives et 22 études épidémiologiques) (Tableau I).

Au total, comme rapporté dans le tableau ci-dessus, 74% de la littérature analysée était de faible niveau de preuve.

Soixante-trois pour-cent de la littérature concernait l’efficacité, et 37 % les risques de l’ICSI, avec respectivement 79,3% et 64,8% de littérature de faible niveau de preuve.

L’analyse de la littérature a été difficile en raison, entre autres, de l’hétérogénéité des critères de jugement, de variations dans les définitions, de durées différentes de suivi et de biais méthodologiques des études comparatives (méthodologie non renseignée, absence ou mauvaise randomisation, comparateur différent d’une étude à l’au-tre, puissance statistique insuffisante généralement à cause d’un faible effectif, absence de critère principal, analyse en sous-groupe, comparaison de taux exprimés avec un dénominateur différent, etc.). Les critères d’efficacité les plus pertinents (taux cumulés et taux de naissances) ont rarement été rapportés.

Tableau I : Répartition des études analysées selon le niveau de preuve.

Données épidémiologiques et d’activité

La prévalence de l’infertilité a été estimée en France en 1989 à 14,1%, et en Europe à 14%. Selon une étude française, dans 20% des cas l’infertilité est masculine, dans 34% des cas féminine, dans 39% des cas mixte, et dans 8% des cas indéterminée. L’ICSI est classiquement réalisée en cas d’infertilité masculine. Les infertilités masculines sont principalement idiopathiques, associées à une varicocèle, secondaires à une infection ou immunitaires. Les causes génétiques sont plus rares ; la fréquence des anomalies génétiques dans les spermatozoïdes de patients présentant des troubles de l’infertilité peut être voisine de celle observée dans la population masculine fertile (10%) ou être jusqu’à 10 fois plus élevée (avis du groupe de travail). D’après les données épidémiologiques et l’avis des experts des groupes de travail et de lecture, il ne paraît pas y avoir de variations importantes, en ce qui concerne les incidences d’infertilité et de pathologies génétiques ces dernières années.

Une augmentation de l’activité de l’ICSI a été rapportée en France (par l’European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE), FIVNAT, l’Agence de biomédecine et l’Assurance maladie), en Europe (par l’ESHRE) et aux États-Unis (par le CDC, Center for Disease Control and Prevention).

En France, l’analyse des données d’activité montre une augmentation du nombre d’ICSI depuis 1998 (+ 3,3% de cycles ICSI entre 1998 et 2000). Cette augmentation se ferait au détriment de la FIV conventionnelle (- 5,6% de cycles FIV). Les données de l’assurance maladie de 2000 et 2001 reflètent la montée en charge de l’activité et du codage des FIV et ICSI (+ 58% en montant et + 53,1% en volume pour les deux actes) (L’ICSI a été inscrite au remboursement à la NABM en février 2000). Une stabilisation du montant des remboursements de l’ICSI, amorcée en 2003, a été confirmée en 2004. Selon les données de l’Agence de la biomédecine de 2002 à 2004, l’augmentation de la réalisation de l’ICSI se poursuit de manière moins marquée, alors que la réalisation de la FIV stagne. L’ICSI représentait 22,3% des fécondations in vitro (FIV+ ICSI) en 1995, 48,5% en 2000, 53% en 2002 (données FIVNAT) et 57% en 2004 (données de l’Agence de la biomédecine).

En termes d’indications, une diminution de la réalisation de l’ICSI dans les indications masculines et une augmentation dans les indications non masculines entre 1997 et 2002 a été rapportée par FIVNAT. Les données FIVNAT de 2002 rapportent une tendance à l’équilibre du taux de réalisation de la FIV et de l’ICSI, dans les indications féminines et masculines. Une augmentation régulière et lente de l’âge des femmes en FIV et ICSI a été constatée.

La réalisation de l’ICSI en contexte de DPI (Diagnostic pré-implantatoire) ou en contexte viral, plus récente, ne représentait en 2004 que respectivement 0,5 et 1,6% du volume d’activité totale de l’ICSI. Selon les experts, aucune variation importante du recours à l’AMP (Assistance médicale à la procréation) en contexte viral n’a été constatée. Le volume d’activité de l’ICSI en contexte de DPI croîtrait de 15 à 20% par an, en raison de l’augmentation du nom-bre de pathologies détectables par DPI, et de la diffusion de l’information aux couples.

Selon les membres du groupe de travail, l’augmentation de la réalisation de l’ICSI ces dernières années semble résulter principalement:

– de l’extension des indications de l’ICSI ;

– du passage plus rapide à l’ICSI en cas de qualité spermatique modérément altérée.

Indications de l’ICSI

L’analyse des données d’activité française a montré entre 1998 et 2002 une efficacité globale de l’ICSI significativement supérieure à la FIV (80,3% contre 78,4% pour la FIV) en termes de taux d’accouchements par grossesse (données FIVNAT exhaustives à 71%). L’estimation du taux moyen de grossesses cliniques par ponction, basée sur les données de 2002 à 2004 de l’Agence de la biomédecine (données exhaustives à plus de 98%), était de 23,7% pour l’ICSI contre 22,3% pour la FIV, différence non significative. L’estimation du taux moyen d’accouchement par ponction était de 18,3% pour l’ICSI et de 16,8% pour la FIV, et celle du taux moyen de naissances vivantes par ponction de 22,1% pour l’ICSI contre 20,4 % pour la FIV, différences non significatives.

Le taux de grossesses cliniques par ponction pour la FIV variait de 24,2 à 25,1%, et pour l’ICSI de 26,1 à 26,6%, différence non significative, selon les données européennes de l’ESHRE de 1998 à 2002, exhaustives à 100%.

Dans le cadre de l’infertilité, l’analyse critique des données de la littérature concernant l’efficacité et le rapport coût-efficacité de l’ICSI a permis de décliner des indications par degré d’altération des paramètres spermatiques, après échec de FIV, et selon l’étiologie de l’infertilité. Pour chaque indication, l’efficacité a été renseignée principalement en taux de fécondations ou en taux de grossesses et rarement en taux de naissances (quel que soit le dénominateur).

Les résultats de l’évaluation de l’efficacité par indication, pour lesquels le taux de fécondations par cycle et/ou le taux de grossesses par cycle ont été renseignés, sont rapportés dans le tableau suivant. Très hétérogène d’une étude à l’autre, le taux de fécondation par cycle variait de 43% pour les absences bilatérales des conduits déférents à 62,5% pour les azoospermies obstructives. Le taux de grossesses par cycle variait de 21,4% pour les échecs de FIV en cas d’infertilité non masculine à 49,5% pour les absences bilatérales des conduits déférents.

Sept études économiques de coût-efficacité et deux modélisations ont été identifiées dans les cas d’oligoasthénotératozoospermie (OATS) sévère (2 études de niveau de preuve intermédiaire) et modérée (1 modélisation), de varicocèle (2 études de niveau de preuve intermédiaire) et d’azoospermie obstructive acquise post-vasectomie (3 études de niveau de preuve intermédiaire et une modélisation).

La synthèse des données d’efficacité réalisée d’après l’analyse de la littérature (Tableau II) et d’après l’avis des membres du groupe de travail ont permis de définir des indications de l’ICSI de première intention et de seconde intention.

– On parle d’indication “en première intention” lorsque l’ICSI est réalisée sans prise en charge initiale, soit qu’il n’existe pas d’alternative, soit qu’il s’agisse d’un échec de FIV ;

– On parle d’indication “en seconde intention” lorsque l’ICSI est réalisée après une prise en charge initiale (médicale, chirurgicale, recueil de sperme, etc.), en cas de persistance d’une mauvaise qualité spermatique ne permettant pas une conception naturelle, par IAC ou par FIV.

La mention “selon avis du groupe de travail” a été utilisée ci-après lorsque les données de la littérature n’ont pas permis de conclure (littérature mentionnée) ou lorsque aucune donnée n’a été identifiée (littérature non mentionnée).

Tableau II : Évaluation de l’efficacité de l’ICSI par indication.

Indications en première intention

Selon les données de la littérature et l’avis des experts des groupes de travail et de lecture

Azoospermies et oligoasthénotératozoospermie (OAT) (18 études dont 13 de faible niveau de preuve) : azoospermies non obstructives (ANO), azoospermies obstructives congénitales par absence bilatérale des canaux déférents (ABCD) et OAT modérée ou sévère.

Il existe une variabilité des pratiques par centre, quant aux critères diagnostiques sur lesquels se fait le choix entre FIV et ICSI dans les infertilités masculines. Dans ce contexte, les experts ont consensuellement proposé que la réalisation de l’ICSI soit indiquée d’emblée pour :

– moins de 500 000 spermatozoïdes progressifs au total après préparation,

– ou plus de 500 000 spermatozoïdes progressifs au total après préparation, en cas de morphologie et/ou de survie anormale.

Selon les membres du groupe de travail, il est recommandé d’utiliser par ordre de préférence décroissante le sperme éjaculé, les spermatozoïdes déférentiels, épididymaires et testiculaires. De plus, la congélation des spermatozoïdes a été recommandée pour éviter des cycles de stimulation voire une ponction ovocytaire inutiles.

Échec total de fécondation et paucifécondation (< 20%) lors de cycles FIV antérieurs (18 études de faible niveau de preuve) : le recours à l’ICSI en cas de paucifécondation est justifié en cas de cause masculine, et à discuter dans les autres cas (anomalies de l’interaction gamétique).

Selon l’avis des experts des groupes de travail et de lecture

Anticorps anti-spermatozoïdes (4 études dont 3 revues systématiques) : Selon les experts, la détection des anticorps anti-spermatozoïdes est réalisée en cas d’observation d’agglutinats. La prise en charge en ICSI est envisageable d’emblée si le taux d’anticorps anti-spermatozoïdes est > 80 % (notamment en fonction de leur localisation et de leur isotype). En-dessous de ce seuil, le choix de prise en charge en AMP, dépend des paramètres spermatiques.

Indications techniques de l’ICSI

L’ICSI est systématique pour des raisons techniques (lorsque la FIV ou l’insémination avec sperme du conjoint (IAC) ne peuvent être réalisées pour des raisons techniques indépendantes de la fertilité) dans les cas suivants :

– disponibilité limitée des paillettes ou altération de la qualité des spermatozoïdes en cas d’autoconservation ou de contexte viral, après décongélation, avec ou sans préparation du sperme et validation virologique ;

– diagnostic pré-implantatoire (DPI) ;

– en contexte viral, si charge la virale séminale VIH-1 est comprise entre 1 000 et 10 000 copies/ml ; cette indication est en cours de révision dans le cadre du projet de révision de l’arrêté du 10 mai 2001.

Indications en seconde intention

Selon les données de la littérature et l’avis des experts des groupes de travail et de lecture

– Azoospermie obstructive acquise post-vasectomie (4 études cliniques de faible niveau de preuve et 4 études économiques) : la chirurgie de réparation avec autoconservation a été recommandée par les experts. L’ICSI est indiquée après échec de la chirurgie, avec respect d’un délai minimum de 6 mois, sauf facteur féminin associé.

– Hypogonadisme hypogonadotrophique (2 études de faible niveau de preuve) : selon les experts, c’est le seul cas où le traitement médical hormonal est efficace. Après traitement, l’ICSI ne sera réalisée qu’en cas de persistance d’une mauvaise qualité du sperme ne permettant pas une conception naturelle, par IAC ou par FIV.

Selon l’avis des experts des groupes de travail et de lecture

– Varicocèle spermatique (1 méta-analyse, 1 revue de la littérature, 2 études économiques) : Selon les experts, le traitement de la varicocèle (chirurgie ou embolisation) doit être réalisé en première intention.

– Azoospermie obstructive acquise des voies séminales (5 études de faible niveau de preuve, toutes étiologies d’obstruction confondues) : selon les experts, un prélèvement chirurgical des spermatozoïdes avec autoconservation et chirurgie correctrice si possible devrait être réalisé en première intention.

Pour ces deux indications, au moins six mois de délai sont à respecter avant d’envisager une AMP. Après traitement, l’ICSI ne sera réalisée qu’en cas de persistance d’une mauvaise qualité du sperme ne permettant pas une conception naturelle ou par IAC ou par FIV. Ce délai pourra être raccourci en cas de facteurs féminins et/ou masculins associés.

– Pathologies de l’éjaculation (1 revue basée sur 220 études de faible niveau de preuve, dont 28 concernant l’ICSI) : Selon les experts, le traitement étiologique (lorsqu’il existe) est à réaliser en première intention. Tout doit être mis en oeuvre pour obtenir un recueil de sperme. En cas d’échec, le recueil chirurgical des spermatozoïdes est réalisé. L’autoconservation des spermatozoïdes est préconisée quelque soit le mode de recueil. L’ICSI n’est alors réalisée qu’en cas de mauvaise qualité du sperme ou de recueil chirurgical de spermatozoïdes ne permettant pas une conception naturelle, par IAC ou par FIV.

Conclusion

D’après les données d’efficacité, basées principalement sur le taux de fécondation, et l’avis d’experts des groupes de travail et de lecture, l’ICSI est majoritairement indiquée en cas d’infertilité masculine et après échec de FIV. Les autres indications, incluant les indications techniques que sont le DPI et le contexte viral, sont minoritaires.

Il n’a pas été possible de conclure quant à la pertinence de l’augmentation d’activité de l’ICSI de ces dernières années, en se basant sur les données épidémiologiques et les données d’activité disponibles. L’hypothèse de l’extension des indications et du passage plus rapide en ICSI dans les azoospermies modérées reste posée.

Risques de l’ICSI pour la descendance

L’analyse des risques est basée sur les données de la littérature et l’avis des experts des groupes de travail et de lecture. Le nombre et le niveau de preuve des études retenues sont indiqués pour chaque résultat entre parenthèses.

Grossesses multiples

Tout comme pour les enfants conçus naturellement, le risque principal des enfants conçus par FIV ou ICSI reste la mortalité et surtout la morbidité associées aux grossesses multiples.

Les données de la littérature, de faible niveau de preuve, n’ont pas permis de conclure quant à une différence de risque de grossesses multiples issues de FIV et d’ICSI.

Les naissances multiples sont associées au transfert de multiples embryons. Les taux moyens de naissances multiples étaient 13,6 fois et 13,4 fois plus élevés respectivement après FIV (41,5%) et après ICSI (42,2%) comparativement à la population générale (3,1%) (3 études de haut niveau de preuve et 8 études de faible niveau de preuve).

Chez les enfants issus de grossesses multiples, les taux de prématurité, d’hypotrophie et de malformations congénitales majeures n’étaient pas significativement différents après FIV et ICSI de ceux après grossesses naturelles (7 études dont 3 études de haut niveau de preuve).

L’augmentation des risques de prématurité et d’hypotrophie après FIV et ICSI, susceptibles d’augmenter le nombre d’hospitalisations en unités de soins intensifs, est principalement associée à une fréquence de grossesses multiples plus importante.

Mortalité et morbidité des grossesses uniques

Les risques de pertes foetales et de fausses couches spontanées sont statistiquement comparables entre FIV et ICSI. Ils sont corrélés à l’âge parental (6 études de faible niveau de preuve).

En termes de morbidité, les données actuelles de faible niveau de preuve n’ont pas permis de conclure quant à une différence de risque entre FIV et ICSI.

Comparativement aux enfants conçus naturellement, les enfants issus d’ICSI présentent une augmentation du risque de prématurité (estimé en moyenne à 9,3% contre 6,4%) et d’hypotrophie (estimé en moyenne à 9% contre 4,7%) (2 études de haut niveau de preuve, 2 études de niveau de preuve intermédiaire et 9 études de faible niveau de preuve).

Comparés aux enfants conçus naturellement, le taux de malformations congénitales majeures était supérieur chez les enfants issus de FIV et d’ICSI (estimé respectivement en moyenne à 5,9% et 3,6%) (4 études de haut niveau de preuve et 4 études de faible niveau de preuve). Ces malformations nécessitant généralement une intervention chirurgicale réparatrice, le nombre d’hospitalisations (notamment en USI) et de traitements chirurgicaux et médicaux était plus important chez les enfants conçus par FIV ou ICSI.

Les études de grande cohorte avec un long suivi à 5 ans n’ont pas rapporté de différences majeures entre les enfants conçus naturellement ou après ICSI quant au développement physique, cognitif et psychologique (7 études dont 3 de haut niveau de preuve).

Risques génétiques, épigénétiques et oncologiques

L’ICSI permet de procréer à des patients infertiles ayant une fréquence accrue d’anomalies chromosomiques (estimée en moyenne à 5,5% contre 0,37% au sein d’une population de donneurs de sperme fertiles et phénotypiquement normaux) (6 études). Ceci peut expliquer la fréquence accrue d’anomalies chromosomiques transmises, observées chez les enfants issus d’ICSI (en moyenne 3% contre 0,37% dans la population générale ; 5 études).

Compte tenu de la haute probabilité de transmission de mutation hétérozygote dans le gène codant le CFTR (responsable de la mucoviscidose), les parents porteurs d’une telle mutation ont la possibilité d’être pris en charge en consultation de génétique (avis d’experts des groupes de travail et de lecture).

D’après les experts, les données de la littérature ne permettent pas de conclure quant au risque d’anomalies chromosomiques de novo.

Compte tenu de leur faible incidence, les données actuelles ne permettent pas de conclure quant à la survenue de perturbations épigénétiques et d’évènements oncologiques (11 études de faible niveau de preuve).

Enfin, aucune étude n’a encore évalué la fertilité des enfants conçus par ICSI (et les effets sur leur descendance), puisque les plus âgés d’entre eux n’ont aujourd’hui que 14-15 ans.

Risques spécifiques de la technique de l’ICSI

Les données actuelles ne nous permettent pas de conclure quant à l’existence de risques spécifiques de l’ICSI liés à la technique elle-même ou à l’utilisation de spermatozoïdes prélevés chirurgicalement (5 études de faible niveau de preuve).

Risques de l’ICSI en contexte viral (VIH, VHC, VHB)

Aucune séroconversion de la mère et de l’enfant n’a été rapportée après lavage et AMP (IAC, FIV ou ICSI). L’association des deux procédures semble donc efficace pour contrôler le risque viral. Hormis le risque de transmission virale, les risques rapportés chez ces couples sont ceux de toutes grossesses issues de technique d’AMP (FIV/ICSI).

Perspectives

De l’évaluation de l’ICSI présentée dans ce rapport, découlent des perspectives concernant la prise en charge du couple infertile, la nécessité d’études complémentaires et la révision de l’arrêté relatif à l’AMP en contexte viral.

Prise en charge du couple infertile

Examens cliniques masculins et féminins

Il serait souhaitable de mettre à jour les recommandations relatives à la prise en charge de l’infertilité en France, notamment en termes de définitions de l’examen clinique spécifique à chaque membre du couple, réalisé avant toute prise en charge en AMP. Ces recommandations devront être établies de manière consensuelle à l’égard de tous les professionnels concernés.

Spermogramme

Il serait souhaitable d’établir un consensus interprofessionnel quant aux définitions en spermiologie, indispensable à la mise en place d’un contrôle de qualité multicentrique des laboratoires de spermiologie.

Conditions de prise en charge de l’AMP par l’Assurance maladie

Modification des conditions de prise en charge en AMP

Les limitations imposées par la Sécurité sociale pour le remboursement des actes d’AMP peuvent être responsables de perte de chance pour les couples et incitent à l’hyperstimulation ovarienne, au transfert d’embryons multiples et à la prise en charge rapide des couples quelle que soit l’indication.

Des propositions de modification des conditions de prise en charge en AMP ont été faites par les experts, à l’attention des institutions concernées.

Préférence pour les grossesses uniques lors d’une FIV ou d’une ICSI

Le nombre limité de tentatives prises en charge incite les couples à avoir recours au transfert multiple d’embryons, plutôt qu’au transfert unique. Or le transfert multiple favorise l’occurrence de grossesses multiples, grossesses reconnues comme porteuses de risques. Par conséquent, une réflexion doit être menée sur la possibilité de laisser le choix au couple entre le transfert unique et le transfert multiple. Le nombre de tentatives remboursées devrait être adapté en fonction du type de transfert.

Informations aux couples relatives aux risques de l’AMP

L’information des couples concernant les risques selon l’état actuel de la science est indispensable. Étant très hétérogène selon les centres, une actualisation standardisée de l’information à apporter aux couples, en particulier en termes de risque et de suivi de l’enfant à naître, est nécessaire.

Autres études nécessaires

Études complémentaires

Compte tenu du faible niveau de preuve global des données d’efficacité et de coût-efficacité, les experts ont indiqué le besoin de réaliser des études complémentaires sur :

– l’impact de la congélation de l’embryon en AMP ;

– l’efficacité de l’AMP, en tenant compte de la congélation des embryons surnuméraires (taux cumulés par ponction incluant le transfert d’embryons congelés) ;

– l’impact de l’âge féminin et masculin sur l’efficacité de l’ICSI et de la FIV (par âge plutôt que par classe d’âge) ;

– l’efficacité de l’ICSI en cas d’infertilité immunologique ;

– le coût de l’ICSI par rapport à celui de la technique alternative, quand elle existe, par indication.

Des études épidémiologiques sur l’infertilité en France seraient également souhaitables.

Suivi des enfants conçus par AMP et études de sécurité

Ce rapport a mis en exergue la nécessité du suivi des enfants issus de l’AMP, et tout particulièrement de l’ICSI, en tenant compte des questions éthiques posées. Il est donc impératif aujourd’hui :

– de mettre en place un suivi des enfants issus d’AMP et de leur descendance (mission de l’Agence de la biomédecine) ;

– de réaliser des études à grandes échelles correctement structurées afin de confirmer ou d’infirmer les tendances observées depuis bientôt 15 ans, notamment en termes de risques de malformations congénitales et d’anomalies chromosomiques et épigénétiques ;

– de réaliser des études permettant d’évaluer les risques de l’utilisation de spermatozoïdes issus de prélèvements chirurgicaux.

Révision de l’arrêté relatif à l’AMP en contexte viral

Selon le projet de révision de l’arrêté du 10 mai 2001 proposé par l’Agence de la biomédecine (en voie d’adoption), les procédures de détection virologique devraient être allégées (pour l’infection à VIH) ou supprimées (pour l’infection à VHC). La détection de l’ARN VIH-1 dans le plasma séminal serait maintenue avec un seuil de prise en charge fixé à 100 000 copies/ml.

Les recommandations d’utilisation des différentes formes d’AMP seront retirées avec, pour conséquence, un recours à l’ICSI en AMP à risque viral VIH indépendamment de la charge virale.

Auteurs

Ce dossier a été réalisé par le Dr Linda Banaei et le Dr Cédric Carbonneil, docteur ès sciences, chefs de projet au service évaluation des actes professionnels, avec l’assistance du Dr Patricia Dargent et du Dr Marie-Agnès Dragon-Durey, chargées de projet, sous la direction du Dr Denis-Jean David, docteur ès sciences, adjoint au chef de service et du Dr Sun Hae Lee-Robin, chef du service évaluation des actes professionnels.

L’évaluation économique a été réalisée par Mme Cécile Fortanier, chargée de projet, sous la coordination de Mme Stéphanie Barré, chef de projet au service évaluation médico-économique et santé publique, sous la direction du Dr Catherine Rumeaux-Pichon.

La recherche documentaire a été effectuée par Mmes Emmanuelle Blondet, Gaëlle Fanelli et Mireille Cecchin, documentalistes, avec l’aide de Mlles Maud Lefèvre et Pauline David, assistantes-documentalistes, sous la direction du Dr Frédérique Pages, docteur ès sciences.

Le groupe de travail a été composé de :

– Dr Véronique Amice

– Pr Jean-Paul Auray

– Dr Jean-Philippe Ayel

– Dr Pierre Boyer

– Pr Jean-Luc Bresson

– Dr Nelly Frydman

– Pr Clément Jimenez

– Dr Lionel Larue

– Dr Jacqueline Mandelbaum

– Dr Françoise Merlet

– Pr Philippe Merviel

– Dr Jean-Marc Rigot

– Pr Nathalie Rives

– Pr Frédéric Staerman

– Dr Philippe Terriou

– Dr Patrick Thonneau

– Pr Michel Vekemans

– Pr Stéphane Viville

Le groupe de lecture a été composé de :

– Dr Clarisse Baumann

– Dr Joëlle Belaisch-Allart

– Dr Thomas Bourlet

– Pr Louis Bujan

– Dr Isabelle Denis

– Dr Aviva Devaux

– M. Gérard Duru

– Pr Alain Haertig

– Dr Jean Hermabessiere

– Dr Vincent Izard

– Dr Philippe Labrune

– Dr Rachel Levy

– Pr Stanislas Lyonnet

– Dr Aline Papaxanthos

– Pr Claude Sureau

– Dr Philippe Verbecq

L’organisation des réunions et le travail de secrétariat ont été réalisés par Mme Mireille Eklo.

Cette synthèse a été relue par le Dr Frank Stora, rédacteur médical à la HAS.

Remerciements

Nous remercions la Haute Autorité de santé de nous avoir autorisés à publier ce document. Haute Autorité de santé – Service communication – 2, avenue du Stade de France – 93218 Saint-Denis La Plaine Cedex. Ce document ainsi que le rapport complet sont téléchargeables gratuitement sur le site http://www.has-sante.fr, rubrique Publications. Il a été validé par le collège de la HAS en décembre 2006.

Vous pourrez également aimer

Contenu protégé