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CHIRURGIE DU CANCER DE LA PROSTATE : La prostatectomie totale : prise en charge des vésicules séminales

Auteurs : Vincent RAVERY Référence : Prog Urol, 2005, 1117 Mots clés : Cancer de prostate, Chirurgie

S’interroger sur la chirurgie des vésicules séminales (VS) en cours de prostatectomie radicale c’est chercher à répondre aux deux questions fondamentales suivantes :

• L’ablation des VS en cours de prostatectomie radicale repose-t-elle sur un rationnel carcinologique ou seulement anatomique ?

• Quels sont les implications techniques, les conséquences fonctionnelles et le risque carcinologique que leur préservation peut entraîner ?

L’ablation chirurgicale des vésicules séminales est l’un des temps des exérèses élargies de la prostate. Quelle que soit la voie d’abord (périnéale ou rétropubienne) de la prostatectomie et la technique (chirurgie ouverte ou laparoscopie), la dissection des VS peut être difficile, laborieuse, incomplète, ou délabrante et hémorragique, à cause de leurs variations anatomiques et de la complexité de leurs relations avec les organes de voisinage. De plus, un des risques de la vésiculectomie est l’atteinte du pédicule caverneux [3].

I. Anatomie chirurgicale

Chez l’adulte normal, chaque VS mesure 5 à 10 cm de long sur 3 à 5 cm de diamètre, pour un volume qui avoisine les 13 ml.

L’anatomie descriptive des VS, de leur loge et de leurs variations, rassemblées et décrites par Hovelacque en 1931 [2] n’a en définitive que peu d’intérêt pratique dans quelques rares indications de chirurgie isolée de ces glandes.

Le bord interne longe l’ampoule déférentielle, le bord externe est entouré par les veines du plexus séminal et vésiculo-prostatique. Le col, étroit, est enfoui avec la terminaison du canal déférent dans la base de la prostate. Le fond des VS, coiffé par le péritoine, répond en avant à la terminaison de l’uretère.

Les variations peuvent rendre la dissection laborieuse et hémorragique. Il peut s’agir de variations de forme, de volume, mais également de consistance, par exemple des VS très adhérentes à la suite d’un processus infectieux.

Les nerfs érecteurs d’Eckhardt partent des 3ème et 4ème racines sacrées, parfois de la 2ème, et rejoignent l’angle postéro-inférieur du plexus hypogastrique inférieur dont la face interne est en contact étroit avec la VS. Elle moule véritablement le pôle supérieur et la face externe des circonvolutions de la VS, mais il existe un plan de clivage chirurgical avec celle-ci.

Le rapport fondamental du plexus hypogastrique inférieur est donc la VS. Le plexus hypogastrique inférieur est au contact de la face postéro-externe de la VS : elle répond également au passage des nerfs caverneux.

Le moyen technique le plus sûr pour respecter la fonction sexuelle et l’intégrité du plexus hypogastrique inférieur est de procéder à une vésiculectomie réglée [9].

Trois repères anatomiques permettent cette chirurgie réglée :

• Le septum rectovésical appelé fascia prostato-péritonéal ou fascia de Denonvilliers constitue un repère constant.

• Ce fascia est bien individualisé dans ses deux feuillets qui enveloppent les VS en avant et en arrière. Le feuillet antérieur entre la vessie et les VS est très fin de façon constante. Le feuillet postérieur, beaucoup plus épais, séparé par le rectum par un plan de clivage.

• La dissection du feuillet antérieur du septum rectovésical permet de mettre en évidence l’uretère en avant de celui-ci. Sa situation fait qu’il constitue néanmoins un risque latéral lors des vésiculectomies.

• Le canal déférent passe au dessus et légèrement en avant des VS. La dissection du canal déférent permet d’exposer les faces interne et antéro-supérieure de la VS correspondante. A ce niveau, la dissection des VS est plus facile en suivant le canal déférent. En suivant le canal déférent à partir des ampoules déférentielles par voie rétrograde et en repérant les artères à destinée vésiculaire, le risque de pénétration capsulaire et de lésion des nerfs caverneux tend à devenir minime.

• Les artères à destinée vésiculaire sont constituées de l’artère vésiculo-déférentielle et d’une branche de l’artère vésicale inférieure.

• L’artère vésiculo-déférentielle se divise en deux branches, l’une pour l’ampoule déférentielle, l’autre pour les VS. L’artère vésiculaire aborde la VS 10 à 15 mm en dessous de son sommet, glissant sur son côté interne.

• La branche de l’artère vésicale inférieure aborde la VS à 1 cm environ au dessus de son collet avant de se diviser en deux branches, une antérieure et une postérieure.

• La ligature par clip de ces artères à destinée vésiculaire assure une exérèse non hémorragique tout en passant à distance des nerfs caverneux qui longent les VS.

II. Les enjeux de la conservation des VS

La prostatectomie étant un traitement à visée curative du cancer de la prostate, on considère à priori que les VS sont indemnes d’envahissement tumoral chez le patient bénéficiant d’une prostatectomie radicale pour un cancer localisé. Or les constatations anatomopathologiques font état d’un envahissement des VS de 9% à 19% pour les stades cliniques T1c, T2a et T2b et de 20% tous stades confondus. La signification pronostique de l’envahissement des VS étant péjorative, certains auteurs ont tenté de limiter ce risque en sélectionnant les patients sur des biopsies pré-opératoires des VS ou celles des bases de la prostate [1].

Le risque d’envahissement des VS peut être estimé par les nomogrammes de prédiction qui utilisent principalement des critères cliniques, biologiques et biopsiques [5].

Une invasion séminale significative peut également être mise en évidence par les données de l’IRM.

Evidemment la détermination clinique pré-opératoire de l’envahissement des VS est presque impossible en cas d’envahissement minime, car alors aucune technique biopsique, radiologique ou statistique n’est suffisante pour le prévoir.

Le pronostic des patients ayant un envahissement séminal significatif est tel (40% à 50% de survie sans progression à 5 ans), qu’il n’est pas recommandé de prendre le risque d’une préservation des VS que ce soit pour faciliter l’intervention ou améliorer les résultats fonctionnels, si les caractéristiques pré-opératoires de la tumeur ou les données radiologiques sont en sa faveur, a fortiori, quand la chirurgie s’adresse à une tumeur cliniquement localement avancée [6].

Lorsqu’il existe un envahissement des VS, il se fait par contiguïté à la partie médiane de la base prostatique, près des canaux éjaculateurs, dans 91% des cas. L’extrémité des VS étant très rarement envahie (< 1% des cas), certains auteurs ont alors proposé une exérèse incomplète des VS.

Mais si l’envahissement séminal se fait principalement, on l’a vu, au niveau de l’extrémité proximale, il y a un risque d’envahissement séminal dit « métastatique » [8] pour lequel une résection incomplète des VS laissant intact leur extrémité distale pourrait pénaliser le résultat carcinologique.

Dans tous les autres cas de tumeurs cliniquement localisées, à faible risque d’envahissement extra-capsulaire et de progression post-opératoire [10], la préservation de l’extrémité des VS par leur trans-section à environ 1 cm de la base de la prostate ne mène à aucune conséquence clinique et peut permettre d’optimiser les résultats fonctionnels en terme de puissance [7] et peut être d’incontinence encore que la chirurgie réglée des VS peut, grâce à une bonne connaissance de leurs rapports anatomiques, mener à une dissection atraumatique des structures en rapport avec elles.

Sur le plan de la continence, certains auteurs [4] ont rapporté une meilleure continence en cas de préservation de l’extrémité des VS, probablement du fait de la préservation de filets nerveux se dirigeant vers le col vésical et participant ainsi aux mécanismes de continence. Cette amélioration de la retenue des urines se traduirait par une reprise accélérée de la continence plus que par une amélioration globale du taux des patients continents.

Les lésions urétérales au cours des prostatectomies radicales représentent un risque de 1%. Néanmoins, les lésions attribuées à la vésiculectomie sont exceptionnelles.

III. Conclusion

La bonne connaissance des rapports anatomiques des VS permet une chirurgie réglée pour l’ablation de ces structures.

Cette chirurgie permet de préserver au mieux les structures neurologiques participant à la puissance et à la continence et permet également de réduire le risque de lésion urétérale.

L’exérèse des VS est absolument indispensable en cas de chirurgie radicale pour une tumeur localement avancée ou pour une tumeur localisée mais à haut risque d’effraction capsulaire.

En cas de tumeur cliniquement localisée, de faible risque, on peut épargner l’extrémité distale des VS sans risque pour le résultat carcinologique, ni de conséquence quant à l’interprétation du résultat biologique puisque les vésicules séminales ne participent en rien à la sécrétion du PSA.

Références

1. GUILLONNEAU B, DEBRAS B, VEILLON B, BOUGARAN J, CHAMBON E, VALLANCIEN G : Indications for preoperative seminal vesicle biopsies in staging of clinically localized prostatic cancer. Eur Urol, 1997, 32 :160-165.

2. HOVELACQUE A : Les vésicules séminales et leur loge. Arch. des Maladies du Rein, 1931 ;6 :28-51.

3. JEPSEN J, BRUSKEWITZ R : Should the seminal vesicles be resected during radical prostatectomy ? Urology, 1998 ; 51 :12-18.

4. JOHN H, HAURI D : Seminal vesicle-sparing radical prostatectomy : a novel concept to restore early urinary continence. Urology, 2000 ;55 :820-824.

5. KOH H, KATTAN M, SCARDINO PT, SUYAMA K, MARU N, SLAWIN K, et al : A nomogram to predict seminal vesicle invasion by the extent and location of cancer in systematic biopsy results. J Urol, 2003 ;170 :1203-1208.

6. KORMAN H, WATSON R, CIVANTOS F, BLOCK N, SOLOWAY M : Radical prostatectomy : is incomplete resection of the seminal vesicles really necessary ? J Urol, 1996 ;156 :1081-1083.

7. SANDA MG, DUNN R, WEI J : Seminal vesicle sparing technique is associated with improved sexual HRQOL outcome after radical prostatectomy. J Urol, 2002 ;167 :151 (A606).

8. VILLERS A, MCNEAL J, REDWINE E, FEIHA F, STAMEY T : Pathogenesis and biological significance of seminal vesicle invasion in prostatic adenocarcinoma. J Urol, 1990 ;143 :1183-1187.

9. VORDOS D, DELMAS V, HERMIEU JF, RAVERY V, LASSAU JP, BOCCON-GIBOD L : Peut-on faire une vésiculectomie réglée au cours de la prostatectomie radicale ? Prog Urol, 2001 ;11 :1259-1263.

10. ZLOTTA AR, ROUMEGUERE T, RAVERY V, HOFFMANN P, MONTORSI F, TÜRKERI L, DOBROVITS M, SCATTONI V, EKANE S, BOLLENS R, VANDEN BOSSCHE M, DJAVAN B, BOCCON-GIBOD L, SCHULMAN CC : Is seminal vesicle ablation mandatory for all patients undergoing radical prostatectomy ? A multivariate analysis on 1283 patients. Eur Urol, 2004 ;46 :42-49.

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